Chapitre 101
« Jungkook ? Jungkook tu vas bien ? Ça va, tu m'entends ? »
Jungkook ouvrit les paupières dans un soupir. Il reconnut avec un temps de retard qu'il se trouvait dans le salon de Taehyung, étendu sur le canapé que ce dernier avait déplié et qui formait un lit moelleux. L'écrivain, agenouillé auprès de lui, lui tenait la main droite en le regardant avec un air si sérieux que ça surprit son cadet.
« Oui, ça va, lâcha-t-il.
— Est-ce que tu sais ce qui vient de se passer ?
— Tu m'as demandé si ça allait ?
— Jungkook, tu viens de faire un malaise. Tu t'es levé de ta chaise et t'es devenu pâle comme un fantôme avant de t'effondrer. Heureusement que j'étais à côté, je t'ai rattrapé et ton bras n'a rien. Ensuite... tu tremblais de tous tes membres, et t'avais les yeux à moitié ouverts. Comme la cuisine donne sur le salon, j'ai pu t'amener ici et t'allonger, et... ça fait bien deux minutes que tu trembles et que tu regardes le plafond. Tu me répondais pas. Je te demandais de serrer ma main si tu m'entendais, mais... j'étais sur le point d'appeler les urgences quand t'es revenu à toi. T'étais inconscient ou tu m'entendais ?
— N-Non, je... je t'entendais pas... J'ai fait un malaise ?
— Autant te dire que j'ai eu une peur bleue, souffla Taehyung d'une voix tout à coup remplie de douleur. T'as lâché ton portable et t'es tombé d'un coup, heureusement que j'ai eu le bon réflexe.
— J'ai lâché mon portable ? »
Le bruit qu'il avait entendu juste avant de perdre connaissance.
Jungkook sentit son cœur s'emballer, une panique viscérale s'empara de lui.
« Hyung, il est pas cassé mon portable, hein ? Il est pas abîmé ? Tu peux me le passer ? Je veux le voir, enchaîna-t-il en se redressant dans le but de s'asseoir.
— Non, surtout pas, reste allongé, ordonna Taehyung en posant la main sur son front pour l'empêcher de bouger.
— Je veux voir mon téléphone, s'il te plaît, Tae, est-ce qu'il fonctionne encore ? demanda le libraire alors que des larmes d'angoisse lui échappaient.
— Oui, oui, il fonctionne, t'en fais pas.
— Alors donne-le-moi, je veux le voir. »
Les sanglots dont fut pris Jungkook surprirent Taehyung autant qu'ils l'inquiétèrent.
« D'accord, je vais le chercher, céda-t-il, mais toi, tu bouges pas, compris ?
— Oui, ok, ok. »
Taehyung le relâcha et se hâta de quitter son canapé-lit auquel il revint peu après, le smartphone de Jungkook entre les mains. Il appuya sur le bouton, sur le côté, qui alluma l'écran. Pas même une fissure. Jungkook, tremblant de peur et les larmes aux yeux, poussa un soupir de soulagement et remercia son aîné quand il lui donna son appareil. Il composa son code. Tout fonctionnait, la protection de son téléphone l'avait sauvé.
« Il est pas abîmé, souffla-t-il, merci, Tae. »
Ses sanglots se calmèrent aussitôt, il esquissa même un sourire.
« Comment j'ai flippé, j'ai vraiment cru que j'allais le retrouver foutu...
— Tu viens de faire un malaise, j'ai dû te porter ici pendant que tu tremblais, les yeux à moitié ouverts, le regard vide, et toi tu t'inquiètes juste pour ton portable.
— Ça coûte cher, un portable, je te signale. Mes parents m'ont offert le mien à mes vingt ans. Avant, j'avais un pauvre truc à clapet qui valait que dalle. J'aurais mal vécu de devoir repasser à ça...
— J'étais sur le point d'appeler les urgences, Jungkook. »
Sa voix s'éteignit à ces mots, et Jungkook leva les yeux sur lui pour découvrir ses prunelles humides, les traits déformés par une crainte mêlée de peine. Il reposa son smartphone.
« Je suis désolé, hyung...
— T'excuse pas, t'y peux rien. »
Taehyung passa sa manche sur son visage. Lorsque Jungkook s'était écroulé, un réflexe salvateur lui avait permis de le rattraper sans toucher son bras blessé. Une fois son cadet allongé sur le canapé, pendant d'interminables secondes il lui avait parlé, la main dans la sienne, dans l'espoir d'une réaction. Or Jungkook, tremblant, fixait le plafond. Il avait agi avec un sérieux imperturbable, conscient qu'il ne devait surtout pas paniquer, et il s'apprêtait à lui lâcher la main pour contacter les urgences quand Jungkook avait resserré ses doigts sur les siens et que, clignant des paupières, il avait reporté son regard surpris sur lui.
Taehyung l'avait imaginé ne plus rouvrir les yeux, cesser de trembler, et cesser de bouger. Quelques dizaines de secondes et tous les pires scénarios lui étaient venus à l'esprit.
Jungkook lui prit la main dans un geste tendre et la pressa avec douceur en lui en caressant le dos.
« Je me sens bien, Tae, tout va bien.
— Qu'est-ce que t'en sais ? Y a forcément un problème.
— J'étais fatigué, je le sentais chaque fois que je me levais, une bouffée de chaleur, un vertige, et cette fois... je sais pas, c'était la fois de trop. Je ferai attention à pas me relever trop vite, la prochaine fois.
— T'es sûr ? Tu t'es juste levé trop vite ?
— Je sais pas, mais je le sentais quand je me levais. Je ferai attention et je te dirai, la prochaine fois, si ça va pas.
— D'accord. Je vais quand même appeler ton médecin, je veux son avis.
— Hyung, s'il te plaît, c'est juste la fièvre, il avait dit que ça irait mieux bientôt, se plaignit aussitôt Jungkook qui refusait que son aîné appelle la clinique.
— Tu viens de me faire la peur de ma vie, Kookie, je veux savoir ce qu'il en pense, décida l'aîné qui s'éloignait déjà pour quitter le canapé-lit.
— Non, hyung, attends, tu...
— Te lève pas, lui reprocha de nouveau Taehyung en lui appuyant sur le buste pour l'inciter à se recoucher. Je reviens dans deux minutes.
— Non, s'il te plaît... »
L'écrivain quitta la pièce, et Jungkook grommela en s'étendant sur le ventre pour plonger son visage dans l'oreiller.
D'ailleurs, pourquoi le canapé était-il ouvert ? De ce que Jungkook avait compris, Taehyung l'avait allongé ici dès qu'il lui était tombé dans les bras, ce qui signifiait qu'il y avait dormi cette nuit, n'est-ce pas ? Ou peut-être Jimin, et Taehyung n'aurait ensuite pas pris la peine de refermer le clic-clac par pure fainéantise, songeant qu'il s'en chargerait plus tard.
Jungkook entendait son aîné parler. La conversation demeura brève, et le jeune homme regagna le salon avec un air plus serein.
« Alors ? s'enquit le plus jeune d'un ton méfiant.
— Il a dit que c'était sûrement une chute de tension, rien de grave si t'as pas trop de fièvre et que t'as bien pris tes médicaments jusque-là. Il te conseille de rester assis quelques instants avant de te lever quand t'es allongé, et de bien t'hydrater. Et si malgré tout tu ressens encore des bouffées de chaleur ou des vertiges, faudra tout de suite que t'ailles passer des examens. Pareil si ta fièvre a pas diminué ce weekend. Au moindre souci, je dois téléphoner. »
Jungkook poussa un soupir de soulagement.
« Je ferai attention en me relevant, acquiesça-t-il, et je m'hydraterai correctement.
— Tiens, attends. »
Taehyung retourna à la cuisine, il n'y resta qu'un court instant. En revenant, il lui tendit une bouteille en verre.
« Tu pourras la garder vers toi, et j'irai la remplir régulièrement.
— Merci beaucoup. On va déjeuner ? Je commence vraiment à avoir faim, et je crois me souvenir que nos plats nous attendaient à la cuisine.
— Oui, je vais aller chercher ça, bouge surtout pas. »
Jungkook opina, de nouveau étendu sur le dos. Il contempla l'élégant salon de son ami qui s'activait en cuisine : le repas de Jungkook avait refroidi entre temps, si bien qu'il le repassa au micro-ondes, et le sien suivit. Quand il regagna l'autre pièce, Taehyung observa son cadet d'un œil inquiet.
« Tu te sens assez en forme pour retourner à la cuisine ?
— Oui, je...
— Non, oublie, te lève pas. Assieds-toi doucement, je vais décaler la table basse. Si tu sens que...
— Hyung, je vais bien, l'interrompit à son tour Jungkook. Du calme, ça va, je t'assure. »
Désormais allongé sur son flanc droit, son bras sous l'oreiller et le second toujours maintenu par l'écharpe qu'il portait autour du cou, le libraire jeta un regard amusé à son aîné qui prenait la situation bien trop au sérieux à son goût.
« Hum, bon, mais on va y aller en douceur. »
Taehyung posa les assiettes sur la table basse et monta sur le canapé-lit. Agenouillé auprès de son cadet qui se redressait déjà en position assise, il le couvait d'un regard soucieux. Jungkook prit son temps, et en de lents mouvements il se plaça en tailleur.
« Même pas un vertige, affirma-t-il avec un sourire innocent.
— T'es sûr ?
— Non, j'ai encore des doutes, attendons deux heures pour être sûrs, ironisa-t-il.
— Te moque pas, Kookie, je m'inquiète vraiment pour toi !
— Oh c'est bon, je t'ai dit que je me sentais déjà mieux, je suis pas un enfant, je sais quand ça va ou non.
— Effectivement, j'ai eu droit à une place au premier rang pour ton malaise, du coup, râla Taehyung.
— Eh ouais, un vrai VIP.
— Jungkook, si t'es pas capable de faire des efforts pour pas retomber comme une merde par terre, je te jure que j'appelle la clinique.
— Non, non, fais pas ça, répliqua aussitôt Jungkook.
— Ça te fait vraiment si peur ? demanda son ami qui avait pris une moue sérieuse.
— Hyung... j'y ai perdu mes doigts, ma mère sa jambe, et on a dû payer pour ça. J'ai vu ma maman pleurer, j'ai eu peur pour elle, et quand elle était dans le coma, j'ai cru que l'hôpital serait aussi l'endroit où elle expirerait. Je déteste les hôpitaux.
— C'est aussi là que vous avez tous été sauvés, Jungkook, affirma Taehyung en se rapprochant pour enrouler un bras rassurant autour de ses épaules. Trois phalanges, c'est quoi, comparées à une vie ?
— Je veux pas y aller. »
Jungkook, que le flot de ses souvenirs rendait plus anxieux encore qu'à son réveil quelques minutes plus tôt, plongea la tête dans le cou de son aîné, agenouillé en face de lui. Comprenant qu'il valait mieux ne plus le menacer d'appeler son médecin pour obtenir de son cadet un peu d'obéissance, Taehyung l'étreignit en lui caressant le dos.
« Fais attention à toi, Jungkook, moi non plus j'ai pas envie que tu sois obligé de t'en aller d'ici.
— Je veux rester avec toi, hyung... »
Sur ces mots, Jungkook s'écarta de son ami dans le regard de qui il planta le sien. Les deux garçons se dévisagèrent, et il trouva tout à coup Taehyung plus attirant que jamais. Ses prunelles aussi profondes que l'univers semblaient lui promettre bien plus que la lune, et il jurerait y voir briller non une étincelle d'amour, mais une véritable étoile. Trop près l'un de l'autre pour que leur proximité témoigne d'une banale amitié, Jungkook déglutit.
Que désirait-il vraiment ?
« Je te jure que je vais bien, promit-il une fois de plus – mais dans un simple murmure.
— Tu m'empêcheras pas de m'inquiéter pour toi, Jeon Jungkook.
— Si tu restes, il m'arrivera rien. »
Dans un geste affectueux qu'il ne contrôla pas, Jungkook posa la main sur la joue de l'écrivain, qui s'y appuya en douceur sans le quitter du regard. Du pouce, il lui caressa la pommette sans même s'apercevoir qu'il s'avançait petit à petit. Taehyung, envoûté par ce qui se déroulait, déglutit malgré tout en comprenant ce qui risquait de se passer.
« Kookie... t'es... enfin, t-tu fais quoi ?
— Je sais pas...
— On devrait pas, tu vas regretter, et je vais m'en vouloir.
— Je regretterai pas. Mais toi, est-ce que t'en as envie ? »
Taehyung se mordit la lèvre inférieure. Bien sûr qu'il en avait envie, quelle question ! Mais... et si Jungkook refusait ensuite de lui adresser la parole, honteux de ce qu'ils venaient de partager ? Impossible d'oublier la violente réaction du libraire à leur premier baiser... et pourtant, qu'est-ce qu'il désirait se laisser porter par les battements fous de son cœur !
« T'es sûr de toi ?
— Plus que jamais, affirma Jungkook. T'en as envie ?
— Bien sûr, mais j'ai peur que tu... »
Taehyung ne termina pas sa phrase. À peine son consentement obtenu, Jungkook avait coupé court aux derniers centimètres qui les séparaient.
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