CHAP 27
Affamés, nous dévorions nos assiettes de bon appétit. La salle était disposée comme lors de la dernière fête sauf que ma chaise collait celle de Gino. Kimy et Daven étaient installés en face de nous. Fati, Younes, Amin et les cousins nous entouraient ainsi que les sœurs de Gino qui s'étaient jointes à notre petite bande. Ce fut dans les chamailleries, les crises de rire et les délires que nous avions partagé le repas.
Mais ce repas fut aussi l'occasion pour moi de m'entraîner à supporter le bruit amplifié par les gens qui m'entouraient.
Je m'efforçais de faire abstraction des conversations qui m'encerclaient pour ne me concentrer que sur la nôtre. Et si cela s'avéra difficilement supportable dans les premiers temps, à mesure que le repas avançait, je peinais toutefois moins.
Avant le dessert, je sortis m'aérer pour faire un peu le vide dans ma tête. Bien que le froid me fit frissonner, je m'attardai derrière le garage, assise sur un rondin de bois, la tête en appui sur le mur. Le calme me fit du bien, je l'appréciai vraiment.
Gino me rejoignit, il avait à me parler. Après les douze coups de minuit, il devrait s'absenter pour régler une affaire. Le ton monta alors entre nous deux car je n'étais pas décidée à le laisser partir pour quelque raison que ce fut.
— Ce sera pas long, me dit-il. Je reviens dès que c'est fini.
— Je te préviens, si tu pars, je ne serai pas là quand tu reviendras ! le menaçai-je.
— Si tu n'es pas là quand je reviens, reprit-il sur le même ton, je n'irai pas te chercher !
— Fais ce que tu veux, tu sais à quoi t'attendre, t'es prévenu !
L'interroger sur ce qu'il devait faire ne m'était même pas venu à l'esprit. Je rageais trop intérieurement et je retournai à l'intérieur bien décidée à lui gâcher sa soirée. Mais pour ce faire, j'avais besoin de Kimy et de son envie de vengeance qui, malgré les apparences, ne s'était pas estompée ; elle attendait juste le bon moment pour agir. Je la trouvai assise à côté de Daven. Je dus donc attendre qu'il s'éloigne d'elle pour lui révéler ce que les garçons avaient prévu et mettre au point un plan d'attaque.
— On ne fera rien, me dit-elle tranquillement.
— C'est difficile de te suivre ! lui reprochai-je, surprise de son absence de réaction.
— On ne fait rien tant qu'ils sont là, continua-t-elle en souriant comme si nous discutions de la pluie et du beau temps. On agira après, et je sais comment !
— Explique !
— Patience. Je te le dirai après. En attendant, on fait comme si de rien n'était, genre, tout va bien. On va profiter de la soirée avec eux, jusqu'à ce qu'ils s'en aillent. On va aider à installer la salle ensuite on va danser et s'éclater. Et s'ils viennent nous voir pour nous parler, alors on leurs répond le plus naturellement possible. Tu te sens capable de faire semblant ?
— Oh que oui !
Fati aussi fut mise dans la confidence et toutes les trois, nous nous lancions dans un jeu qui nous amusa beaucoup.
...
La fête battait son plein. Les hommes, les femmes, les enfants dansaient, riaient et criaient. Et tous, jeunes et moins jeunes, se défoulaient sur la piste.
Nous également, grâce à Nellita. Avec elle, nous asseoir était chose inenvisageable car dès qu'elle nous voyait nous approcher des chaises, trop rarement libres, elle nous attrapait par le bras et nous traînait jusqu'au milieu de la piste de danse, nous obligeant à puiser nos forces dans le peu de réserve que nous avions encore à l'intérieur de nous-mêmes.
Gino, Daven, Younes, Amin et tous les garçons qui formaient une petite bande, se délectaient du spectacle que nous leurs offrions, nous encourageant en sifflant, hurlant et frappant dans leurs mains.
J'étais heureuse, car enfin je participais à une fête normalement, et minuit n'avait pas encore sonné.
Kimy vint vers moi et cria dans mon oreille pour couvrir le bruit alentour. Cela n'était pourtant pas nécessaire, mais elle ne le savait pas.
— Prête pour leur faire notre danse endiablée ? me dit-elle, en agitant une clé USB devant mes yeux.
— Maintenant ?
— Ouais ! On va leur faire regretter de nous laisser seules le soir du nouvel an !
— Ok !
La "danse" à laquelle elle faisait allusion, était à l'origine une distraction qui nous occupait lorsque toutes les deux, nous nous ennuyions lors de week-ends ou de vacances interminables.
Nous avions pris l'habitude de mettre de la musique, peu importe l'endroit, sa chambre ou la mienne, et nous nous dépensions sans compter. Nous inventions des pas, des enchaînements. Nous faisions les folles, et nous aimions cela.
Lorsque nous avions participé à notre première fête chez les Dhoms, nous l'avions faite, et depuis, Daven nous taquinait souvent en nous imitant. Mais même s'il se moquait, il avait aimé et plus d'une fois, il nous avait suppliées de la lui refaire, nous prenions alors un malin plaisir à ne pas accéder à sa requête.
Kimy appela Donnie et lui glissa dans la main l'objet du début de notre petite vengeance, puis elle lui donna quelques indications et la poussa gentiment en direction de la sono.
Daven avait repéré notre petit manège et il agrippa Gino qui passait devant lui.
— Eh cousin ! Tu vas où là ?
— Dehors !
— T'iras après !
— Après quoi ?
— Assieds-toi et profite du spectacle, parce que si c'est ce que je pense, tu vas, comment te dire ça... apprécier !
Intrigué, Gino s'installa près de son cousin et lui demanda :
— Et qu'est-ce qui va se passer au juste ?
— Tu vas voir...
Je n'avais rien raté de leur discussion et malgré une petite angoisse qui, je l'espérais, ne serait que passagère, je riais intérieurement en imaginant la tête des deux cousins quand nous danserions devant eux.
Kimy se plaça face à moi et au moment précis où la musique, tonique, commença, nous nous élançâmes dans une battle sans pitié.
C'était à celle qui ferait les plus beaux enchaînements, à celle qui aurait le plus beau déhanché, à celle qui attirerait le plus les regards sur elle...
Daven avait enfin son combat de filles. Manquait juste les maillots de bain et la boue.
Nellita, Fati et Donnie tenaient à distance tous ceux qui voulaient se joindre à nous car c'était notre moment à nous et rien qu'à nous.
Notre folie était devenue contagieuse. Les cris, les sifflements nous gonflaient d'énergie, nous rendant très imaginatives dans notre prestation. Puis brutalement, la musique stoppa et alors que Kimy, ravie de notre exploit, se jetait dans mes bras, des applaudissements accompagnés de compliments, retentirent dans la maison des Dhoms.
Complètement surchauffée, je m'extirpai tant bien que mal de la foule qui s'était formée autour de nous, afin de prendre un grand bol d'air, laissant lâchement Kimy agoniser toute seule. Je me dirigeai vers la table où étaient disposées les boissons et bus un grand verre d'eau fraîche. En reposant celui-ci, je vis que Gino me regardait. Il s'approcha de moi et me prit par la main, me ramenant sur la piste. Je m'aperçus seulement que l'effervescence que notre danse avait créée était retombée. Des couples s'étaient formés autour de nous et se mouvaient langoureusement au son d'une musique lente.
Kimy, dans les bras de son chéri, me fit un petit signe de la main et discrètement leva son pouce en l'air, pour m'indiquer que son plan marchait à merveille. Je lui répondis par un bref hochement de tête puis enfouis mon visage sur le torse de Gino. Je sentis ses bras qui se refermaient autour de ma taille. C'était notre premier slow et comme pour toutes mes premières fois avec lui, mon cœur se manifesta, me rappelant combien celui qui me tenait avec douceur mais fermeté, m'était devenu précieux.
Il me releva la tête de son index puis me demanda :
— Alors, tu fais plus ta mauvaise tête ?
— Seulement si tu me dis où tu vas avec Daven et les autres !
— Je marche pas au chantage !
— Très bien. Alors peut-être que je ne serai plus là quand tu reviendras...
— Je prends le risque.
Son attitude tranquille et son sourire moqueur m'agacèrent brusquement. Il savait que je ne partirai pas, alors je me payai le luxe d'un mensonge :
— Je ne serai peut-être pas là parce qu'avec les filles, on va chez Fati souhaiter la bonne année à ses parents. Je sais pas combien de temps ça va nous prendre...
— Même pas en rêve, me dit-il avec son sourire qui ne le quittait pas.
— Et pourquoi toi, tu peux sortir et moi non ?
— Tu peux sortir, mais pas ce soir et pas chez elle !
— Mais Amin va avec vous, alors je vois pas pourquoi tu ne veux pas que j'aille chez Fati !
— Je te veux ici quand je reviendrai. Fin de la discussion !
Il resserra son étreinte en m'enjoignant de me taire, ce que je fis en me lovant contre lui et en m'enivrant de son odeur et de sa chaleur.
Le décompte qui précédait l'arrivée de minuit vint trop vite et cela nous obligea à nous séparer. Tout le monde y participait et tous les deux, nous mêlâmes nos voix aux autres.
Daven et Kimy nous avaient rejoints et ce fut bras dessus, bras dessous, que nous nous souhaitâmes la bonne année.
La série d'embrassades qui suivit fut interminable. Tout le monde se mélangeait, chacun cherchant celui ou celle qu'il n'avait pas encore embrassé ou serré dans ses bras et chacun y allait de son petit commentaire...
Ce soir-là, Zéline me troubla. Elle me prit dans ses bras et les mots qu'elle prononça me touchèrent.
— Bonne année, ma fille, qu'elle te soit heureuse autant que pour Gino.
Elle m'avait finalement acceptée en tant que petite amie de son fils. Ce fut pour moi un moment véritablement émouvant.
Sûrement que ce soir-là aussi, des gens à embrasser, j'en avais oubliés. Comme tout aussi sûrement, j'avais dû souhaiter la bonne année plusieurs fois à la même personne. Mais ce n'était pas grave, car à ce moment précis, rien n'avait plus vraiment d'importance. Les soucis et autres tracas quotidiens étaient remisés au fond d'un placard, fermé à double tour. Ils ne ressortiraient pas avant le lendemain....
Multimédia : La danse du "diable" de Lili et Kimy
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