CHAP 26


Les courses nous prirent toute la matinée, sans que nous nous en apercevions. Entre les crises d'hystérie de Nellita, et ses commentaires sarcastiques qui provoquaient nos fous rires explosifs, le temps avait filé tout seul.

Puis, alors que nous étions seules Kimy et moi dans le rayon des sodas et des bouteilles d'eau minérale, je lui posai une question qui me taraudait depuis la transformation.

— C'était comment ta première fois ?

Kimy ouvrit grand les yeux, sidérée par ce qu'elle venait d'entendre.

— Parce que, toi et Gino, vous...

— Ah, non, non, mais je me demandais comment vous avez su, toi et Daven, que c'était le moment pour... enfin tu comprends ce que je veux dire.

— Oui, oui, très bien, me dit-elle en souriant. On n'a rien planifié, en fait. Ça s'est fait comme ça !

— Ah !

Sa réponse ne m'aidait pas vraiment.

— Tu peux être plus précise ?

Elle acquiesça, compréhensive.

— C'était dans la caravane de Daven, on regardait un film et il y a eu une scène un peu hot. Là, il m'a regardée avec un sourire qui ne cachait pas ce qu'il avait en tête. Il m'a dit qu'il faudrait peut-être qu'on pense à mettre la caravane au cul de l'auto.

Elle s'arrêta pour mettre un pack d'eau dans le chariot.

— Il t'a pas dit ça comme ça ? dis-je ahurie par le manque de délicatesse de Daven.

— Tu le connais, tu sais bien que mettre des gants, il sait pas faire !

— Et ? la pressai-je, curieuse.

— On a mis la caravane au cul de l'auto ! lâcha-t-elle comme si elle me parlait d'un acte on ne peut plus banal.

Je restais sur ma faim. À l'entendre, ils étaient passés à l'étape suivante, comme ça, aussi simplement qu'on achète une baguette de pain. Qu'en était-il du romantisme, des mots doux, de la magie de la première fois ?

— Et t'as pas eu peur ?

— Peur ? Non, pas exactement. J'étais plutôt inquiète de le décevoir, de ne pas être à la hauteur, vu que je n'étais pas SA première...

— Oui, comme moi, murmurai-je.

Alors qu'elle empilait un deuxième pack d'eau, elle comprit soudain ce qui me tracassait.

— C'est de ça que tu as peur, de la comparaison ?

— Un peu, reconnus-je.

— Ne t'en fais pas. Tu n'y penseras même pas, crois moi. Tu penseras pas à grand-chose d'ailleurs...

— Ah bon ?

— Lili, arrête de t'inquiéter ! Je peux te promettre que tout se passera bien, d'accord ?

J'acquiesçai alors que j'étais loin d'être rassurée. Les yeux de mon amie s'illuminèrent d'un coup quand elle lança :

— Je sais pourquoi t'es inquiète. Tu penses que c'est ce soir que tu vas passer à la casserole !

Elle avait parlé si fort que j'en étais devenue rouge de honte.

— Crie le tant que tu y es, la sermonnai-je. Comme ça Nelli et Zéline pourront en profiter, et tout le magasin aussi !!!

Kimy étouffa un gloussement pendant que je jetais un coup d'œil dans le rayon d'en face où se trouvaient Nellita et Zéline. Rassurée, je constatai qu'elles n'avaient rien entendu. Elles paraissaient même très absorbées par ce qu'elles faisaient et je fus choquée quand j'entendis le sujet de leur conversation.

— T'as vu, dis Zéline, y'en a même des phosphorescents !

— C'est pas vrai ! répondit Nellita sidérée.

Puis, prenant la boîte de préservatifs dans la main, elle lut à voix haute le descriptif :

Les préservatifs sont en latex de qualité supérieure et testés électroniquement pour en garantir l'intégrité... Testés électroniquement ? Qu'est-ce qu'ils veulent dire par là ?

Elle leva des yeux interrogateurs vers Zéline qui haussa les épaules, puis reprit :

... Pour briller dans le noir, les préservatifs doivent être exposés à la lumière pendant une trentaine de secondes...

— Très pratique quand c'est pour une urgence, pouffa Zéline.

Nellita éclata de rire en approuvant :

— C'est clair, c'est long trente secondes quand t'attends. Je m'en suis rendu compte avec le micro-ondes, quand tu regardes défiler les secondes jusqu'à ce qu'il sonne !

Elle poursuivit :

— ... Vous pouvez vous y prendre de trois manières : Quand le préservatif est toujours dans son emballage, lorsque vous l'enfilez ou lorsque vous le portez déjà. Le préservatif brillera intensément pendant 15 minutes et continuera à émettre une lueur plus faible pendant plusieurs heures !

Elle remit la boîte en rayon, un sourire aux lèvres.

— J'imagine trop la scène : être dans le feu de l'action puis être coupée dans ton élan pour attendre que "la chose" brille enfin... Je te jure que mon fils a de la chance que je déteste pas ma bru, parce que je lui aurais bien fait le coup en les lui prenant !!!

— Remarque, ça permet d'innover un peu si t'as de l'imagination, le gars il s'enfile la capote bien brillante et il dit à sa nana : "Devine ce que j'imite ???" Et elle, il lui reste plus qu'à trouver !

— Mais qu'est-ce qu'il peut imiter ?

— Aucune idée, dit Zéline tout en réfléchissant. Ah si, je sais, l'hélicoptère !!!

— L'hélicoptère, répéta bêtement Nellita, comment tu fais l'hélicoptère toi ?

— Moi non, je suis pas équipée pour, mais fais marcher ta cervelle, qu'est-ce qui pourrait faire office d'hélice chez un mâle ?

— Aaaah, l'hé.li.co.pt.ère !!! J'ai compris ! affirma-t-elle en appuyant exagérément sur chaque syllabe.

Toutes les deux étaient parties dans un franc fou rire que Kimy entendit et elle s'interrogea :

— J'aimerais bien savoir ce qu'elles se racontent, ça a l'air tordant !

N'étant pas certaine qu'elle trouverait la situation aussi drôle que Nellita et Zéline, mais surtout, n'étant pas sensée avoir entendu le sujet de leur discussion car nous étions trop loin pour l'ouïe d'un être humain, je m'abstins de tout commentaire.

— J'en sais rien, me contentai-je de répondre. Y'a quoi d'autre de marqué sur la liste de courses ? lui demandai-je afin de détourner son attention.

Elle recompta les packs d'eau déjà mis dans le chariot et les déduisit du nombre inscrit sur la liste.

— Il en manque encore trois ! conclut-elle.

J'empoignai un pack tout en écoutant les commentaires très instructifs sur les recherches des deux belles-soeurs :

— Qu'est-ce que tu vas lui prendre du coup, parce que y'a de quoi se perdre là-dedans !

— J'en sais rien du tout, répondit Nellita.

— Ah, j'avais pas vu, mais y'a aussi des tailles ! ajouta Zéline.

— C'est pas vrai ! lança Nellita. Bon, décida-t-elle, je vais l'appeler parce qu'on va pas y passer la journée !

— Mais tu vas l'achever si tu fais ça ? lança Zéline en riant.

— Il m'a dit que c'était pour Lindo, et bien je vais lui demander ce que veut Lindo exactement !!!

Elle sortit son portable, puis attendit que l'intéressé lui réponde. Pendant ce temps, j'éloignai mon amie qui paraissait de plus en plus captivée par ce qui se tramait à quelques mètres de nous. Nous poursuivîmes les courses jusqu'à ce que le chariot déborde de victuailles et de boissons, puis nous partîmes à la recherche des deux belles-sœurs. Mais la catastrophe, sortie tout droit du rayon confiserie, fut sur nous sans que je puisse l'éviter.

— Tu diras à Daven que la prochaine fois il trouve un autre moyen pour s'en procurer, lança Lindo à Kimy sur un ton peu amène tout en lui fourrant une boîte dans les mains. J'aime pas servir d'intermédiaire pour ce genre de truc là !

Il partit, la laissant complètement interdite, jusqu'à ce qu'elle regarde ce qu'elle avait entre les mains. Son visage passa subitement au blanc, dû au choc de la découverte, au rouge de la honte, puis à celui de la colère. Ses yeux, rendus étincelants par les éclairs qui en sortaient, me fixèrent intensément et ce fut d'une voix froide mais résolue qu'elle lâcha :

— Je vais l'étouffer avec ses capotes !

Je trouvai la réaction de Kimy un peu exagérée et je voulus tempérer le geste de Daven. Pour être tout à fait honnête, je ne voulais surtout pas que la soirée, que j'attendais depuis longtemps, ne fût gâchée par une Kimy fâchée.

— C'est bon, t'énerve pas comme ça, y'a pas mort d'homme quand même...

— De quoi ??? me coupa-t-elle folle de rage, tu te rends compte qu'il est même pas foutu de s'en occuper lui-même. Mais merde, c'est intime ces trucs-là, ça regarde personne !!!

Elle avait aligné les mots si vite les uns derrières les autres que j'eus peine à la comprendre.

Regardant encore une fois la boîte, elle émit un cri d'étonnement :

— OH LE MYTHO !!! lâcha-t-elle sidérée, en mettant le doigt sur la boîte pour me montrer. C'est du XL !

— Et ? hasardai-je.

— Il fait du L, je l'ai vu sur la boîte qu'il y a dans sa caravane. En plus, il veut faire croire qu'il a un bazooka !!! Je vais lui rendre la monnaie de sa pièce avec ÇA, dit-elle en brandissant la boîte fermement, et pas plus tard que ce soir, parce qu'il y aura plein de monde pour se foutre de lui, ça va être jouissif !

— Oui, mais pour ça il va falloir que tu passes à la caisse, lui dis-je bien décidée à lui faire perdre l'envie d'une vengeance qui, à coup sûr, nous gâcherait la fête.

Résultat, Kimy avala sa salive, toussa, jura après Daven en le maudissant. Elle posa la boîte dans le premier rayon qu'elle trouva sur notre chemin tout en se promettant de trouver le moyen de lui faire payer la honte qu'il venait de lui faire subir !

— Pense à ce soir, lui conseillai-je. À minuit, on changera d'année, on va s'amuser, c'est la fête !

Elle me répondit d'un ton très déterminé.

— La fête, je sais pas, mais SA fête à lui, c'est certain !


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