CHAP 13
La soirée "brûlage de pneus" fut interrompue, comme pratiquement à chaque fois, par l'arrivée chevaleresque de la police et ce fut tout naturellement que Gino me fit descendre de la voiture et m'entraîna avec lui dans une course effrénée, à la recherche d'un endroit où nous pourrions nous cacher. Tout le monde autour de nous s'était éparpillé, et très vite je perdis de vue mes deux amies.
À bout de force et complètement essoufflés, nous attendîmes, aussi silencieusement que notre respiration nous le permettait, une accalmie durant laquelle il nous serait possible de regagner la voiture.
Gino craignait qu'on ne la lui confisque et ce fut en faisant le tour de l'entrepôt le plus proche de celle-ci que nous pûmes la surveiller.
Il ne m'avait pas lâché la main pendant tout le temps où nous avions couru, même lorsqu'il jugea que nous pouvions quitter notre cachette sans crainte. Ce ne fut que lorsque je m'introduisis à l'intérieur de la voiture qu'il la lâcha, à mon grand regret...
Pendant que nous roulions, Gino me dit :
— On va les attendre au Donuts, ça m'a ouvert l'appétit de courir !
— Oui, si tu veux ! lui répondis-je dans un demi-sourire, heureuse de prolonger un tant soit peu ce tête à tête.
La scène qui suivit me rappela étrangement notre première fois au fast-food, à la différence près que beaucoup de choses avaient changé depuis...
Gino me demanda ce que je voulais et passa la commande. Sans me soucier un seul instant de le laisser seul à la caisse je nous cherchai une table dans un petit coin tranquille. Quand il me rejoignit, ce fut avec son sourire à fossettes qu'il me dit :
— T'as bien retenu la leçon !
Je lui rendis son sourire, et me servis sans relever.
Gino envoya un texto à Daven pour lui dire où nous retrouver et je fis de même à mes deux amies. En les attendant, je lui demandai :
— T'en avais déjà vu des runs ?
— Tu me prends pour un arriéré ? me dit-il en riant.
— Non, pas du tout.
— Oui, j'en ai déjà vu, mais c'est pas pour ça que je suis venu.
— Pourquoi alors ?
— T'as pas une petite idée ?
Mon visage s'empourpra et je tentai de le cacher en baissant la tête. Pour changer de conversation, je lui demandai :
— Alors de quoi t'as parlé avec Amin ?
— En quoi ça t'intéresse ? me répondit-il soupçonneux.
— Je suis curieuse !
— Il m'a demandé si nous étions ensemble !
Surprise, je dis :
— Je vois pas en quoi ça le regarde !
— C'est ce que je me suis dit aussi !
— Et qu'est-ce que t'as répondu ? ne pus-je m'empêcher d'ajouter, en espérant ne pas le contrarier.
— Oui !
Je n'en revenais pas !
— Pourquoi t'as dis ça ?
— Pour être sûr qu'il ne tente rien avec toi !
— Et pourquoi est-ce que tu voudrais qu'il tente quelque chose ?
— J'ai vu comment il te regarde !
Je me mordis la lèvre. Il était très observateur ; il voyait tout. Il reprit :
— Et je voulais te rendre ça aussi.
De sa poche, il sortit mon téléphone spécial musique qu'il me tendit en me faisant son plus magnifique sourire à fossettes. Heureuse de le retrouver, je le pris en le remerciant quand la raison pour laquelle je l'avais cherché me revint en mémoire.
— Où tu l'as trouvé ? lui demandai-je en étant subitement beaucoup moins sûre de moi.
— Derrière le garage, la dernière fois qu'on s'est parlé.
Je devais l'avoir mis dans la poche de ma veste et il avait très certainement dû en tomber...
Je lui posai la question qui me brûlait les lèvres :
—T'as regardé dedans ?
— Moi aussi je suis curieux de nature !
— Ça veut dire oui je suppose, en déduisis-je bien embêtée.
Il confirma par signe, mais j'insistai. Je voulais en avoir le cœur net :
— T'as TOUT regardé ?
— Oui Princesse !
Bon, là j'étais fixée, le doute n'était plus permis. Les photos, il les avait vues !
Devant son silence et son regard scrutateur et insistant, je perdis patience :
— Quoi ? Si t'as quelque chose à dire, dis-le mais arrête de me regarder comme ça, c'est agaçant !
— Et pourquoi t'es agacée ?
Son air moqueur et son attitude emplie de suffisance étaient franchement horripilants. Il s'amusait de la situation sans s'en cacher.
— Gino arrête, je crois que tu sais très bien pourquoi. C'est quoi ton problème, tu m'en veux, c'est ça ?
— Pas du tout. Je trouve ça même plutôt flatteur et aussi assez révélateur sur ta personnalité.
— C'est-à-dire ?
— Cette manie que tu as de cacher ce que tu ressens, je la comprends pas.
Je le coupai net.
— Je t'ai dis ce que je ressentais, le jour où tu m'as dit que tu partais !
— À demi-mot ; pas vraiment franchement...
— Parce que tu as été franc envers moi ?
— D'accord. On peut dire qu'on est à égalité alors ?
Il n'imaginait pas en disant cela qu'on ne serait jamais à égalité. J'aurai toujours une longueur d'avance...
— Tu aurais dû me le dire dès le premier soir, insistai-je.
— Je sais. Mais honnêtement, si je te l'avais dit, est-ce qu'on en serait là où on en est ? Est-ce que seulement t'aurais levé les yeux sur moi en sachant la vérité ?
"Oui, sans aucun doute !" pensai-je, tout en me retenant bien de le lui dire. Surtout qu'il avait raison, jamais je ne me serais rapprochée de lui si j'avais su.
— Je te voulais, c'est tout.
— Gino, tu ne peux pas tout avoir...
— Je ne veux pas tout, m'interrompit-il. En fait, y'a qu'une seule chose que je veux et ça, je l'ai su dès que je t'ai vue !
Il me transperçait de son regard qui me troublait tant et me mettait si mal à l'aise.
— C'est pas bien ce que tu fais là, lui dis-je sérieusement.
— Quoi ?
— Me mettre la pression !
— Désolé, mais la balle est dans ton camp !
Son portable sonna, c'était Daven. Ils étaient en route pour le fast-food.
— Kimy est avec toi ? Ok, on vous attend !
Il rangea son portable et me dit :
— Ils vont arriver ! Il y a encore une chose que je voudrais te dire...
— Vas-y, j't'écoute !
— Comment ça se fait que tu te bats ?
— Je sais pas. C'est comme ça, c'est tout !
— J'aime pas ça, c'est pas très féminin.
— Alors là, tu m'étonnes ! Daven paierait cher pour voir un combat de filles en petite tenue dans un bain de boue et toi tu me dis que c'est pas féminin !
— Attends, me compare pas avec Daven, s'il te plaît. On est peut être cousins, mais ça veut pas dire qu'on est pareils !
— Pardon...
— Sérieusement, ne le fais plus !
— Dis donc, t'es pas mon mec pour me dire ce que je dois faire ou non !
— Arrête ça Lili, je rigole pas là !
— Mais moi non plus, figure-toi !
J'étais consciente que je pouvais gâcher notre moment, mais si je le provoquais, c'était pour qu'il se remette en question et qu'il réfléchisse aux conséquences de ses actes. Il ne me semblait cependant pas décidé à faire cet effort. J'insistai :
— On n'est pas ensemble Gino ! Pour moi un couple, c'est deux personnes libres de tout engagement, d'un côté, comme de l'autre, et qui dès le début de leur histoire, ne se cachent rien. On en est loin, tu crois pas ?
Je n'étais plus à un mensonge près. Mais était-ce vraiment lui mentir que de faire abstraction d'une vérité qu'il ne connaîtrait jamais ?
Les paroles de Raoul me revinrent en mémoire, je ne devais plus le voir, jusqu'à la transformation. Je venais de passer une soirée avec lui et cela ne m'avait pas franchement réussi. Je devais être raisonnable, même s'il m'en coûtait.
— Pour l'instant, j'ai surtout besoin de prendre du recul. Je te demande quinze jours, voir trois semaines. Est-ce que tu peux me les accorder ?
— Non.
J'avalai ma salive.
— Pourquoi ?
— Parce que la patience, c'est pas mon truc et ça, je te l'ai pas caché !
— Exact, mais il aurait été plus logique que ce soit ton mariage que tu ne me caches pas ! lui lançai-je avec amertume. Pas grave, je les prends quand même mes trois semaines de temps de réflexion, parce que j'ai pas d'ordre à recevoir de toi, d'autant plus que tu as un avantage, tu as une roue de secours, moi non !
Ma remarque lui déplut fortement, il n'apprécia pas du tout mais il n'eut pas le temps de répondre car ce fut précisément ce moment que Daven choisit pour faire son entrée dans le fast-food. Gino me regarda avec sévérité pour me dire :
— On en reparlera, on n'a pas fini tous les deux !
Puis il ajouta mystérieusement :
— Et reste sage, ok ?
Daven s'empressa de s'asseoir près de son cousin pour lui raconter ce que nous avions raté.
Kimy arriva, suivie de Fati et d'Amin. Je compris soudain le sous-entendu de Gino et lorsque je me tournai vers lui, son regard me transperça à nouveau. J'y perçus un mélange de crainte, en rapport avec Amin et de souffrance parce que je ne lui facilitais pas la tâche. En d'autres termes, il était jaloux ! Cela emplit mon cœur de joie d'un seul coup !
Ce n'était pas bien, je le savais. Mais que pouvais-je y faire ! Je l'aimais, et même si je ne voulais pas le lui montrer, je commençais à avoir de plus en plus de mal à lui résister.
Il était mon fruit défendu. Mon seul tort était d'y avoir déjà goûté, et, gourmande je le devenais, doucement mais sûrement...
Kimy me tira de ma chaise et m'emmena de force vers la table où s'était installée Fati.
— Viens avec nous, on laisse les gars entre eux !
Elles me racontèrent alors leurs péripéties respectives. Kimy s'était enfuie avec Daven, et Fati avec Amin. Ils s'étaient joués des flics avec plaisir, et elles en riaient encore.
— Le seul regret qu'a eu Daven, me dit Kimy, c'est de ne pas avoir eu le temps de fouiller l'auto sur laquelle on était ! Il voulait le faire après la course, mais on a été pris de court à cause de ces maudits Nuggets. Mais bon, il a le poste, c'est déjà ça...
Les Nuggets, pour nous, c'était une variante des poulets, autrement dit la police ; la boîte, dans laquelle ils nous étaient servis tout chauds au Donuts, représentait, toujours pour nous, leur voiture de patrouille... Par chez nous, il était courant de voir une boîte montée sur des roues, avec des Nuggets à l'intérieur, surveiller nos rues...
Kimy et Fati étaient reparties dans leur fou rire. À côté de nous, les gars se tordaient de rire aussi sauf Gino qui se contentait de participer en souriant. Ses pensées étaient ailleurs, tout comme les miennes...
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