Chapitre 31 : Wally
Je me glisse dans mon lit après une bonne douche chaude et ferme les yeux. Ils ne me laissent pas beaucoup de temps pour dormir, et je dois être au maximum de ma forme pour assurer le trajet. Mais une pléiade de pensées viennent alors parasiter mon esprit. Et même si je cherche à les repousser, j'ai du mal à lutter.
Je repense à l'expression déçue de Tracy quand elle a comprit que je pars à sa place. Elle qui veut toujours faire quelque chose, la voilà coincée au camps pendant que je cours seul à l'aventure. Je suis triste pour elle, mais il n'y a pas d'autre solution. Je vole, je suis donc le plus rapide, c'est comme ça.
Après le rapide speech de Magma dans lequel il m'expliquait les grandes lignes de ma mission, je suis allé trouver mon amie. Elle n'était pas dans le meilleur des états, et je me devais de la réconforter. Je lui ai dit qu'elle devrait s'entraîner, qu'elle devrait devenir une pyromane si puissante qu'ils ne lui refuseront plus aucun combat. Qu'elle devrait travailler son pouvoir, chose que je ne pourrai pas faire. Mais surtout, qu'il fallait que la plus forte d'entre nous reste à portée du portail pour l'Ermitage. Ainsi si la situation dégénère, elle pourra intervenir. Je ne sais pas si cette excuse l'a convaincue, mais quand je l'ai quitté, elle était déjà moins aigre.
De toute façon je la laisse entre de bonnes mains. Magma, Nuage, Brise et Driss seront là pour veiller sur elle. C'est plutôt pour moi qu'il faut que je m'inquiète. Souffle m'accompagnera jusqu'au portail, mais lui non plus ne peut pas le passer. Une fois de l'autre coté, je serais seul. Et d'après ce qu'ont planifié Magma et Nuage, je risque de me retrouver face à des Oplan.
Ma mission est claire : ne me mêler de rien, juste observer. Je ne sais de toute façon pas me débrouiller avec mes pouvoir, et je ne vois pas comment je pourrais affronter une armée d'adversaires surentraînés. Et puis je ne dois pas rester longtemps sur Antela. Mais je sais bien que si j'arrive à mettre quelque Oplan hors d'état de nuire, c'est toujours ça de gagné.
Eh attends stop ! Je suis censé ne rien trouver de toute façon ! Et il vaudrait mieux que je ne trouve rien...
Le sommeil s'empare lentement de mon corps. Je ne cherche pas à compter le peu de minutes qu'il me reste à dormir et m'y abandonne allègrement, choyant ce peu de repos comme une pause précieuse. Morphée, je viens à toi.
* * * *
C'est Driss qui me réveille cette fois. Un coup d'œil à la fenêtre m'apprend que c'est la fin de journée. Le soleil raye le ciel d'orange, et les nuages sont rosis.
- Debout Wally, me glisse l'hydrokinésiste en me secouant l'épaule.
Je m'exécute tout de suite, le remerciant, et enfile une tunique propre avant de courir dehors. Mais je me retiens au dernier moment, la main figée la poignée de la porte, et lui demande en me retournant :
- S'il te plaît, veille sur Tracy.
- Compte sur moi, me rassure-t-il avec gravité. Bonne chance.
L'esprit en paix, je tire la porte et sors. Je cours alors vers le grand bâtiment, l'entrée du camps, où je retrouve Souffle, Nuage et Magma. Ils sont déjà dehors.
- Prêt ? demande le rafaleur avec un sourire.
J'acquiesce d'un hochement de tête.
- N'oublies pas Poussière, fait Nuage d'un ton inquiet que je ne lui ai pas encore entendu. Si il y a quoique ce soit de dangereux de l'autre coté, reviens tout de suite. Ne prends pas de risque, tu es plus important que les pierres.
- Il n'y a pas de quoi s'inquiéter de toute façon, je renchéris avec simplicité.
Le chef lit dans mes yeux que j'ai intégré son avertissement et se détend.
- Non, bien entendu, m'accorde-t-il dans un haussement d'épaule.
- Volez bien, conclut Magma.
Souffle croise mon regard et commence à battre des ailes. Le vent qu'il soulève souffle l'herbe, les feuilles jonchant la terre et mes cheveux mi-long, tandis qu'il se propulse à quelque mètres du sol. C'est maintenant mon tour de m'envoler.
Je rive mes yeux sur un point lointain, focalisant mon attention sur les muscles que je sens dans mon dos. Je force pour les stimuler et ils répondent lentement à mes appels. Alors je les sens se chauffer, se contracter, et un sifflement m'informe que mes ailes commencent à battre. Je donne à mes mouvement plus d'amplitude, plus de force, et je m'élève de nombreux centimètres. Je relève les yeux vers mon mentor, déterminer à l'atteindre. Mes réflexes innés obéissent à ma volonté et je le rejoins en quelques battement d'ailes.
- C'est bien Poussière, me complimente-t-il, haussant le ton pour se faire entendre malgré le vent.
Je souris, reconnaissant, et m'élève encore. Un regard vers mes pieds et je prends conscience de ce que je viens d'accomplir. Décoller ! Oui, je viens de quitter le sol ! Et finalement, voler n'est pas plus difficile que de marcher. C'est comme tout : il suffit juste de s'en sentir capable.
Souffle regagne ma hauteur, fait un dernier signe de la main aux deux hommes au sol et file au dessus de la forêt. Je tire encore sur mes muscles, forçant pour avancer, et ils obéissent. Je bats aussi ardemment que possible, suivant mon mentor du mieux que je peux. La vue est à couper le souffle. Les rayons oranges du soleil caressant la cime de la pinède offre un spectacle ravissant. Mais l'air est plus froid en altitude, et la disparition progressive du soleil me glace peu à peu.
Le paysage défile lentement sous mes yeux, et mes forces s'amenuisent. Je ne distingue plus mon avancée avec tous ces arbres identiques. Nous sommes partis en plein dans la forêt, laissant derrière nous les montagnes et les champs. Il n'y a plus que du vert sombre à perte de vue, je n'en vois pas le bout.
Rapidement mes muscles commencent à me tirer. Je les sens perdre peu à peu de leur force. Je serre les dents et me concentre pour les stimuler, mais ils ne m'obéissent plus qu'avec difficulté. C'est comme à la natation au collège. En fin de séance, quand les bras sont si fatigués qu'on a beau forcer, on ne peut pas avancer plus vite. Et je sens que dans peu de temps, je vais même être obligé de ralentir.
Souffle me voit peiner. Il s'arrête un instant, attend que je le rejoigne, puis m'annonce qu'il va essayer quelque chose. Il s'élève alors encore plus haut, sonde le ciel, puis m'appelle. Je le rejoins difficilement, m'éloignant encore du sol, et sens ce qu'il a trouvé : un courant d'air. Je me cale sur le vent, oriente mes ailes et cesse de les battre. Je tombe ainsi de quelques centimètres, la tête en avant, et saisis la bonne position.
L'air siffle contre mes ailes alors que je me laisse entraîner par le courant froid. Je tends les pieds, les bras raidis contre mon corps, et fige mes ailes, cherchant à prendre toujours plus de vitesse. Et ça marche. Je suis bientôt obligé de fermer les yeux, éblouis par le souffle du vent. Mes oreilles sifflent de plus en plus fort, et les poils de mes bras et mes jambes se hérissent, fouettés par le vents. Je gémis, savourant la vitesse. Mon cœur bondit dans ma poitrine et mon sang se glace. Je vais vite, toujours plus vite. Et le froid ne manque pas de ronger mes membres.
Mais Souffle me tire soudainement le bras droit, coupant net ma glissage. J'émet un court cris en me faisant emporter par l'élan qu'ont accumulé mes membres et glisse vers l'avant, battant rapidement des ailes pour m'arrêter. Le regard amusé de Souffle qui accueil ma stabilisation m'énerve, mais ses paroles me coupent dans ma révolte.
- On est bientôt arrivés, m'informe-t-il calmement.
Étonné, je regarde autour de moi. La forêt est toujours aussi dense, ce n'est pas une surprise, mais je n'aperçois plus les collines d'où nous venons. Il me semble pourtant ne pas avoir voler trop longtemps... et en même temps, mes muscles fatigués soutiennent le contraire. La disparition du soleil fini de me convaincre. Le vol a sans doute été plus long que ce je m'imagine.
Je repense à la rapidité des avions. Les distances en l'air sont plus courtes que sur terre. Et sans obstacle pour nous arrêter, nous allons très vite. De plus, je ne sais pas exactement à quel vitesse nous font voler nos ailes. Vu leur taille, c'est possible que ce soit à des dizaines de kilomètre heures. Nous avons donc sans doute parcouru une grande distance.
Souffle perd de l'altitude tout en douceur. Il regagne la cime des arbres avec précaution, et disparaît dans le verdure. Je cherche à le rejoindre, imaginant comment descendre en épargnant au maximum mes muscles épuisés. Je décide alors de rétracter mes ailes, prêt à les ré ouvrir au bon moment. Mais je n'aurai pas dû sous-estimer la force de l'air sur un corps en chute libre.
Je bascule en avant, la tête vers le sol. Les arbres se rapprochent rapidement, très rapidement, et j'arrive à trouver le bon moment pour commencer à amortir ma chute. Sauf que je n'arrive plus à ouvrir mes ailes. Je tire de toute mes forces sur mes muscles, mais mes membres sont bien trop grands pour que j'arrive à les écarter. J'entends mes plumes frémir, mes ailes tremblants sous l'effort. Mais elles ne bougent pas d'un centimètre. Et les arbres sont bien trop proche maintenant pour qu'elles aient le temps de freiner ma chute sans s'abîmer de toute façon.
Je cherche à me retourner comme je peux, espérant au moins ne pas atterrir sur la tête. J'ouvre les bras, écarte les jambes, et cherche à m'orienter à l'horizontale. Mais j'ai à peine le temps de tourner de quelques centimètres avant de percuter violemment la cime des arbres dans des craquements d'écorce. Heureusement pour moi, je ne suis pas tombé sur des sapins. Seulement des feuillus dont les petites branches ne font que me griffer. Mes bras, mes jambes et mon visage se zèbrent de blessures, mon sang éclabousse le bois et je perde des plumes. Mais c'est toujours mieux que de m'empaler sur un tronc.
Les branches ralentissent ma chute. Je ne tombe finalement plus que de quelques mètres sur un tapis de feuilles ramollies. Je m'écrase au sol sur le dos et me fait submerger pas le tapis orange et rouge qui étouffe mes gémissements. J'ai mal, mes plaies sont à vif. Je sens mes ailes craquer pitoyablement contre la terre, tordues et déplumées. Mes muscles tirent de fatigues, mes épaules me lancent et mon souffle est haché. Je ferme alors lentement les yeux sur le spectacle que m'offre la voûte céleste parsemée des premières étoiles que j'aperçois entre les branches cassées par ma chute. Des sifflements d'oiseaux effrayés emplissent mes oreilles et me bercent. La terre est molle, les sous-bois sont encore mouillés de la dernière pluie. Je laisse peu à peu place à l'inconscience, mais c'est sans compter l'intervention de Souffle qui me redresse brusquement.
- Poussière ? s'inquiète-t-il.
Je gémis et il me rallonge doucement au sol, comprenant que j'ai moins mal comme ça.
- Mais qu'est-ce que tu nous a fait... grommelle-t-il en évaluant l'ampleur de mes blessures.
Il passe la main sur mon bras et m'arrache un petit cris. Alertée, une autre personne nous rejoint et s'agenouille à coté de moi. Il sent les sous-bois, et il dégage un calme apaisant.
Mes yeux papillonnent, je n'ai pas la force de les laisser ouverts. Ma tête s'allège, je ne sens plus le poids de mes bras tirant sur mes épaule. On me prend la tête avec douceur et je me laisse aller. Je referme lentement les yeux, dominé par l'inconscience. Et plus aucune pensée ne vient désormais retarder mon sommeil.
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