Chapitre 24 : Wally

- Poussière ? Demande Souffle en s'approchant.

Il pose une main sur mon épaule et je lève les yeux vers lui. Ce court combat l'a fatigué, sa respiration est courte et son visagen crispé. Moi aussi je ne suis pas en bonne forme, mais mon état d'hébétitude m'empêche de m'en rendre compte. Je me relève lentement, les poins serrés. 

Soulagé de me voir debout, Souffle reprend son air strict et me questionne :

- Tu n'as jamais utilisé ton pouvoir avant ? 

Sa voix est plus sévère. Je hoche la tête et il pince les lèvres, visiblement sceptique. Je frissonne en comprenant que ma réaction n'était peut-être pas si normale.

- Bon, je pense pouvoir cocher pas mal d'aspects, fait-il après un petit temps. Mais je dois en être sûr. Tout d'abord, contrôle moi ça.

Un petit tourbillon se forme dans la paume de sa main et je m'approche, de plus en plus hésitant. Je tends mon bras en direction des vents et me concentre, sans savoir quoi demander.

J'ai beau appeler le même pouvoir qui m'a pris tout à l'heure, je ne sens plus rien. Je ne sais pas à quoi m'accrocher dans cet élément trop fluide. C'est comme essayer d'attraper sa respiration, il n'y a rien à saisir. 

Je me décourage rapidement. Je laisse retomber ma main, le regard baissé, vidé de mes forces. Et puis à quoi me sert de contrôler une petite masse d'air quand Anna a besoin de moi ? Je ne devrais pas avoir à me concentrer sur si peu. 

Constatant mon échec avec étonnement, Souffle hausse les sourcils et relâche le vent.

- Eh bien, tu abandonne ?

- Oui... Je reconnais en grognant. Comment me faire obéir d'une simple poignée d'air après tout ?

Le Rafaleur esquisse un sourire avant de me répondre : 

- On dirai un jeune Panos qui n'arrive pas à comprendre son pouvoir. Cela peut paraître compliqué, mais c'est dans ta nature de le faire. Tu ne te souviens déjà plus de ce que tu as fait tout à l'heure ?

J'hoche lentement la tête. Il vient vraiment de me comparer à un enfant ? Et à un incapable ! Son air hautain me frustre. Je ne devrais pas être là à discuter avec lui. Je n'ai jamais eu affaire à mon pouvoir de ma vie, il ne l'a pas compris ? Mais qu'il vienne se mesurer à moi à la course, il verra bien ce que je sais faire...

Une faible bourrasque interrompt mes pensées haineuses. Souffle vient encore de m'envoyer ses vents. Sans comprendre ce qu'il se passe, mon corps absorbe le courant d'air, m'en nourris, puis le recrache à travers mes mains tendues en multipliant sa force. Préparé, mon mentor l'absorbe et met fin à l'échange. Son sourire s'agrandit encore alors qu'il constate :

- Il faut te forcer toi ! Regarde le jeune Rafaleur incapable de contrôler une petite brise me renvoyer une puissante bourrasque ! Caos donc, et bien enchanté. Je pense que je vais te laisser tranquille pour l'instant, on verra cette après-midi pour les autres tests.

Je frissonne, insensible à sa bonne humeur. La seule chose positive que je retiens c'est qu'il va me laisser. Mais pour faire quoi ?

- Allez viens, on rentre, dit-il en déployant ses ailes.

Il envisage donc de voler. Ça ne le dérangerai de me dire comment faire ? Livré à moi-même, je demande à mes ailes de s'étendre et étrangement, elles le font. Mais de là à battre, c'est une autre histoire. Je m'approche au bord du la falaise et regarde en bas. Le sol est loin, très loin. Une chute sera mortelle, je ne peux pas m'élancer sans savoir voler.

- Regarde au loin, m'ordonne Souffle d'une voix rassurante.

Je décide de lui obéir et relève les yeux. La vue est imprenable, y a pas à dire. J'arrive à repérer le camps établit entre les collines et des montagnes, perdu au milieu de cette grande campagne. Une rivière brillante serpente non loin, s'enfonçant dans une forêt proche, et j'arrive à voir la route par laquelle nous sommes arrivés hier soir. Une impression de puissance me saisi. Tout est à ma portée, vivement que je sache voler...

Mon mentor ne me laisse pas longtemps regarder le paysage, il a d'autre projets pour moi. Je sens soudainement deux mains se poser sur mon dos et me pousser en avant.

Ma première réaction est de trouver à quoi m'accrocher, ma seconde est de crier. Il n'y a rien pour me retenir, je tombe en chute libre. J'hurle à ne plus avoir de voix, tourné vers le sol, et je vois la terre s'approcher bien trop rapidement. Avec la panique, je me mets à pleurer. Quelle sottise d'avoir des ailes et de mourir écraser ! 

Mais la chute libre me fait surtout absorber beaucoup d'air. Mes membres s'en remplissent, et impossible de le recracher. Mes ailes finissent par se déployer et prennent un courant d'air. Je m'arrête violemment de tomber pour être entraîner le long de ce flux.

Le sol défile alors très rapidement sous mes yeux et je me laisse ballotter par l'air. Mes mains disparaissent puis reparaissant quand mon esprit s'emplit de vide. Proche de l'inconscience, je ne reconnais plus rien. L'air qui siffle à mes oreilles m'a déjà rendu sourd depuis longtemps, mes cheveux fouettent avec force le ciel, mes vêtements se gonflent et mes membres sont raidis par la force du vent. Un trou d'air interrompt soudain ma glissade effrénée et je tombe comme un poids avant de prendre un autre courant. 

Je me tourne légèrement de sorte que mes ailes se remplissent d'air, en arrachant quelques plumes. Les sentir se gonfler me déchire le dos mais je tiens bon. Elles interrompent tout de suite mon vol incontrôlé pour freiner ma chute. Enfin calmé et fort d'un certain contrôle, je lève la tête en l'air et vois Souffle voler des dizaines de mètres plus haut.

À peine la pensée de le rejoindre m'effleure que l'air que j'ai absorbé me propulse à sa hauteur. Mes ailes se mettent alors à battre calmement et j'en prends le contrôle. Aussi simplement qu'un enfant apprend à s'aider ses bras pour nager, j'apprends à les utiliser pour voler. L'air me traverse encore, je sens mes membres gonflés par sa force et sa légèreté. Oui, je sens sa présence.

Je décide alors de vider mon esprit des vents qui l'avaient empli, les fais circuler le long de mes bras puis les relâche. Mes pensées reprennent de la profondeur et ma colère perce le brouillard de légèreté qui m'avait emporté.

- Vous voulez me tuer ! Je cris vers Souffle, le visage brûlant.

Celui-ci s'était rapproché, une expression surprise remplaçant son sourire. Ignorant superbement ma remarque, il constate en hochant les épaules :

- Avec toi, je pense que je dois m'habituer à être surpris.

Je grimace et il commente, sans s'en soucier :

- Je n'avais encore jamais vu d'Aios en pleine action. Eh bien c'est chose faite Caios ! Le dernier aspect n'est pas le plus courant rassure-toi, mais vu ta puissance, ça ne m'étonnerai pas que tu l'ai aussi. Je ne voulais pas croire Sentinelle Val, mais je suis obligé de constater qu'il a raison. Vous êtes bien des Gardiens ! Nuage sera fier, leur plan marche à merveille.

Je le laisse à ses divagations, énervé de ne rien comprendre. Mais hors de question d'admettre encore une faiblesse devant lui. Ma fierté en a assez pris pour aujourd'hui. Je me contente de soupirer, les ailes battant plus rapidement :

- Cool ! Bon on rentre ?

Mon impatience le fait rire. Quoi de plus pour encore m'enfoncer ? Mon visage me brûle, de honte et de colère. Il décide cependant d'accepter ma demande en s'orientant vers le village, et il me fait aussi le plaisir de ne pas m'attendre. Voler est bien plus instinctif que prévus, et mon corps entraîné à la course prend rapidement ses marques dans ce nouvel élément. Au moins à ce niveau, je ne paraîs pas trop nul...

Quand nous nous posons à quelques mètres du village, je comprends tout de suite que quelque chose ne va pas. Il y a plus de monde sur les petits chemins, et il règne une agitation pas très rassurante. 

L'attitude crispée de mon mentor me conforte dans mon idée, et quand il part en courant, je n'ai aucun mal à le poursuivre. Il va à la même salle qu'hier soir. Il ouvre rapidement la porte, mais ne semble pas trouver ce qu'il cherche.

- Veille, où est Magma ? Demande-t-il au premier jeune homme qu'il trouve.

- A l'infirmerie, répond-t-il rapidement.

Mon cœur bat plus vite. La fatigue n'arrive décidément pas à m'atteindre, la curiosité lui oppose à son tour une forte résistance.

Sans chercher à plus en savoir, je repars derrière mon mentor qui accélère le pas. Il serpente entre les petites maisons calées contre les collines sans jamais hésiter. Il s'arrête enfin devant une grande cabane construite à semi à l'extérieur. Quelques personnes y étaient agglutinées, mais l'endroit restait relativement calme. Ce devait être le seul endroit où personne ne s'énervait. 

Tracy était assise par terre, le regard perdu dans le loin. Je lâche mon mentor pour courir vers elle. Je m'agenouille à coté d'elle et son visage s'éclaire quand elle me reconnaît.

- Wally, souffle-t-elle.

Je jette un coup d'œil stressé autour de nous pour m'assurer que personne ne l'a entendu. Je me retourne ensuite vers elle avec une esquisse de sourire.

- Poussière ma belle, je rectifie gentiment.

Tracy frémis et son sourire disparaît.

- J'avais oublié désolée, marmonne-t-elle en baissant les yeux.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je demande alors, décidé à changer de sujet.

Mon amie se redresse, les yeux voilés d'inquiétude.

- C'est Dr... Orage, répond-t-elle en accentuant le surnom. Il s'est noyé... et empoisonné d'après ce que j'ai entendue. Mais je n'ai pas eu le temps d'en entendre plus. Magma était fou, il m'a chassée.

Ses bras retombent mollement. De déception sans doute, mais je n'y fais pas attention. Je me précipite dans la cabane, ne voulant plus que voir l'état de Driss.

À l'intérieur, l'ambiance est chargée. L'infirmerie est remplie de lits, vides pour la plupart, alignés contre les murs neutres. Au fond de la pièce est dressé un rideau blanc, cachant une autre couchette. Beaucoup de personnes y sont agglutinées. Je reconnais Larme, la mentor de Driss, ainsi que Souffle qui discute avec un homme ailé et d'un Magma rouge de colère. Les ombres qui dansent derrière le rideau m'informent de la présence d'une autre personne.

Alors que mon mentor cherche à comprendre la situation grâce à son informateur, Magma tourne en rond en rongeant son frein.

- Il faut qu'il s'en sorte Nurse. Tu ne comprends pas, Nuage arrive bientôt. On ne peut pas le perdre maintenant, marmonne-t-il en soupirant.

Je m'approche du lit en tremblant. Je ne pourrais pas dire que Driss est devenu mon ami en si peu de temps, mais ce qui est sûr, c'est que je me fais vraiment du soucis pour lui. En me voyant, Magma vient m'attraper les épaules pour me pousser vers la sortie.

- Aucune visite, sors, m'ordonne-t-il froidement. 

Souffle lève les yeux et accroche les miens. Il hoche lentement la tête de droite à gauche avec un air désolé. Je lui lance un regard furieux, comprenant que je n'ai décidément rien à attendre de lui, puis je leur tourne rageusement le dos.

- C'est pas vous qui risquez de l'aider vous savez, je prends le risque de clamer à l'intention du chef colérique avant de fuir.

Je ne me retourne même pas pour attester de sa réaction. Je veux voir Driss, il ne peut pas le comprendre ? Je claque la porte avec force, maudissant cet homme qui se croit posséder tous les droits, maudissant mon mentor de ne pas plus me soutenir et me maudissant moi-même pour m'être enfoncé dans tout ça. La pensée que mes états d'âme puissent troubler la guérison de Driss ne me vient même pas à l'esprit. Je ne suis vraiment qu'un gamin.

Je retrouve Tracy recroquevillée sur elle-même, et je me rappelle brusquement que l'hydrokinésiste n'est pas la seule personne à qui je tiens ici. Le soutient de mon amie tout au long du trajet me revient en mémoire. Sa main chaude dans la mienne qui a éclairé ces moments d'errance, et ses sourires à tout épreuve. Elle a toujours été là pour moi, et je me retrouve à l'abandonner à la première occasion.

Prenant conscience de ma bêtise, je m'approche d'elle pour m'asseoir juste à coté. Je passe mes bras autour de ses épaule et l'enlace en lui chuchotant :

- Désolé Tracy... 

Je sens un sourire tirer la peau de son visage et je souris à mon tour. Non, décidément, je suis loin d'être seul. Alors ça ne sert à rien de râler.

Dans ses bras, les humiliations de la journée passent. Je les oublie en pensant à ce qui va se passer. Je vais apprendre à contrôler ce satané pouvoir, et quand Driss sera rétablit, nous partirons tous les trois sauver Anna.

Mais des pas accélérés mettent bientôt fin à ma rêverie. Le jeune homme de tout à l'heure déboule devant nous, le souffle court. Il cogne fortement contre la porte de l'infirmerie qui s'ouvre rapidement sur Souffle.

- Les Oplan chef, se justifie-t-il rapidement. Il ont détruits la base de Vilnius.

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