Chapitre 21 : Wally/Anna
Je suis mon mentor fraîchement nommé sur le petit sentier. La légère brise qui souffle caresse mes ailes et je savoure cette toute nouvelle sensation. Mes plumes bruissent doucement, enfin à l'air libre, et l'envie de voler me tiraille.
Mon guide n'est pas très bavard, et je lui rend bien. Je suis pas d'humeur à parler de toute façon...
Ça fait deux jours qu'Anna a disparue, deux jours que mes rêves ont pris cette teinte grise inquiète et cette insipidité étreingnante. La fatigue se sert comme un étaux sur mon esprit et alourdit mes paupières.
Je prends le bout de pain que j'ai glissé dans une poche de ma tunique il y a quelques minutes. Je le porte à ma bouche, respire son bon parfum et le mâche lentement.
Il n'y a pas à dire ; ce sont vraiment d'excellents boulangers ici. J'espère que ce maigre repas me permettra de réussir leurs épreuves malgré mon manque de fatigue.
Je ne veux plus perde de temps maintenant. Loin des heures à nous balader en pleine ville en admirant de grandes tours, et loin des longs moments passés dans des transports sombres, je prends désormais conscience que chaque seconde m'éloigne d'Anna.
Deux nuits sans nouvelles d'elle et aucun espoir de dormir calmement d'ici encore plusieurs jours. Qui sait ce qu'il lui est déjà arrivé ?
* * * *
J'entends la clée tourner dans la vielle serrure. Quelques secondes après, la porte tremble sous deux coups forts. Après avoir jeté un court regard à mon horloge, m'indiquant 8h passé, je me jette hors du lit. Mes jambes tremblent sous mon poids, mais j'arrive à tenir debout. Encore quelques efforts et je me retrouve devant la lourde porte.
- Bonjour Cauchemar, me dit Éden quand je lui ouvre. Bien dormis ?
Son attitude détendue et le léger sourire qui suit sa remarque ironique ne laisse paraître aucune émotion vis à vis d'hier soir. Seule une faible étincelle allumée dans ses yeux dorés dévoile son inquiétude, encore présente.
- J'ai connu mieux, je lui réponds en souriant, décidant d'entrer dans son jeu.
Ce matin encore, il m'a apporté mon petit déjeuné. Il me tends le plateau débordant de nourriture et, en tendant les mains pour l'attraper, je frôle rapidement les siennes.
Ce court contacte me donne la chaire de poule, mais d'autres sentiments viennent rapidement m'envahir. Ma vision se brouille et un vent froid siffle à mes oreilles.
Je commence à paniquer quand je reconnais la marque caractéristique des ombres s'insinuer dand ma tête. Des filets noirs se rassemblent devant mes yeux fermés pour former une boule de grosse taille. Des volutes tournent avec vitesse autour d'elle et mes poils se hérissent de frissons.
Mais les ombres se retirent de mon esprit aussi rapidement qu'elles s'y étaient glissées. Ma vision redevient aussitôt normal et je regarde Éden s'éloigner de moi, comme si de rien était.
J'essuie une larme qui glissait de mon œil, éblouie par ce flash. Éden s'assoie sur une chaise devant mon lit me regarde, interloqué :
- Ça va ? Me demande-t-il d'une voix suintante d'inquiétude.
- Oui oui, je lui réponds rapidement.
Je ne suis pas prête à lui confier ce qu'il vient de se passer, pas avant que je fasse moi même le trie dans mes pensées.
Je vois qu'il ne me croit pas, mais il n'insiste pas. Je vais m'asseoir fébrilement sur le lit, juste devant lui, et je commence à manger.
Il me regarde mais, pour la première fois, je fuis ses yeux. Cette courte vision m'inquiète, et des doutes apparaissent inconsciemment dans mon esprit.
Ce n'était pas des ombres, j'en suis maintenant sûre. Elles ne m'auraient pas quitté aussi rapidement si c'était le cas. Non, ce n'en était qu'un pâle reflet, une empreinte passive.
Elles n'avaient pas cherché à me contrôler cette fois-ci. J'ai même la désagréable impression que ce flash était en réalité un avertissement.
* * * *
- Tu vas commencer par me montrer ce que tu sais faire avec tes ailes, m'annonce Souffle. Élève-toi, de quelques centimètres pour commencer.
Je fronce les sourcils, embêté. Il comprend directement à mon expression que quelque chose cloche. Après un court temps, et une analyse rapide de ses yeux sombres, il soupire.
- Tu ne sais pas voler c'est ça ?
J'hoche lentement la tête, mais ma honte est vite remplacée par de la dignité.
J'ai vécu toute ma vie dans un monde d'Hommes, à cacher mes ailes surnaturelles et mes pouvoirs. Je suis un ange qui ne sait pas voler, et tout ça à cause d'eux, ces stupides Antela. Ils ont intérêt à me faire rattraper tout ce temps perdu.
- Le ciel d'Antro est réservé aux oiseaux vous savez, je lui réponds avec un brin d'ironie.
Il semble saisir mon sarcasme mais ne relève pas, me fixant toujours aussi froidement.
- Bon, je vais tester ton endurance alors... M'annonce-t-il sans se déstabiliser. Tu vas suivre ce sentier en courant. Je vais voler en haut et te chronométrer. Tu graviras cette montagne le plus rapidement possible, sans pause autorisée.
Je regarde le chemin qu'il m'a indiqué, puis le sommet de la montagne. La pente m'a l'air très raide, je me demande même si je ne vais pas devoir escalader certaines parties.
Mais j'ai confiance en mes capacités physiques. Antro m'a appris à courir au lieu de voler, et je sais que je peux aller vite.
- Compris, j'acquiesce sans quitter du regard l'étroit sentier.
Je sors un deuxième bout de pain que je mâchouille pour me donner de la force. Je me remémore le visage souriant d'Anna, décidé à courir comme si elle m'attendait au sommet.
- Trois, deux, un... Je me chuchote avant de partir à un bon rythme.
J'entends un fort bruissement d'air à côté de moi, signalant sans doute l'envole de mon mentor. Je n'y fais pas attention et m'enfonce rapidement entre les sapins, plus soucieux que de faire le meilleur temps possible.
Le vent souffle mes cheveux et je retrouve la sensation agréable de courir. C'est mon domaine, j'aime sentir mes jambes battre le sol et voir la terre filer sous mes pieds. Mais aujourd'hui, je ne cours plus pour le plaisir.
Je prends un pas rapide, sans chercher à économiser mes forces. Je commence à fond, résolu à ne pas décélérer avant d'arriver.
* * * *
- Bonjour Cauchemar, dit gentiment Dark en me regardant entrer.
Éden me lance un regard d'avertissement et je lui souris, me sentant désormais plus en sécurité avec mon mentor qu'avec lui.
La pièce a repris le même aspect qu'hier avant me venue, et je sens les ombres commencer à glisser vers moi.
Mais je n'ai plus si peur. Elle m'entourent, comme une sombre armure. Je me laisse engloutir dans ce doux cocon et la porte se ferme, emportant le regard lumineux de ce garçon plus si réconfortant.
- Nous allons parler aujourd'hui, viens donc t'asseoir, m'annonce Dark en tendant sa main vers le deuxième coussin.
Je m'y installe rapidement, bien moins inquiète qu'hier.
- Soleil m'a avertit pour cette nuit, commence Dark avec un léger pincement des lèvres. Ton pouvoir est plus fort que je ne pensais ; ta connexion avec les ombres est exceptionnelle. J'ai commis une erreur en te confrontant tout suite à elles sans autre protection que toi même. Ton pouvoir est tel qu'il t'a engloutie...
Ses yeux noirs me fixent de toute leur intensité.
- Tu es loin d'avoir eu une bonne première impression du pouvoir des ombres. Je sais qu'elles t'apparaissent désormais comme dangereuse. C'est d'ailleurs vrai, notre pouvoir est puissant et elles sont sans pitié. Mais imagine-toi arriver à les contrôler. Imagine-toi diriger ce flux puissant qui t'envahit quand tu le laisse faire, imagine les ombres t'obéir. Elles ont une grande force, et votre intense connexion te permettra d'accomplir de nombreuses prouesses. Il te suffit juste de domestiquer les ténèbres et leur puissance sera tienne. À partir de ce moment, tu n'auras plus à craindre grand chose. Tentant n'est-ce pas ?
Une étincelle allume son regard. Son ambition m'atteind, elle s'insinue peu à peu dans ma tête. Ces ombres qui glissent tout autour de moi, puis-je vraiment les contrôler ? Leur puissance est immense. Avec elles je deviendrais... Invincible.
- Tu ne peux plus faire marche arrière Cauchemar. Tu as débloqué ton pouvoir, les ombres ne te lâcheront plus. Votre connexion est trop intense pour qu'elles te laisse tranquille. Maintenant, soi tu accepte de suivre mon enseignement et je t'apprendrait à les brider, soi elles te dévoreront. Ce qui serait un énorme gâchis si tu veux mon avis.
Je le fixe dans les yeux. Présenté comme ça, je n'ai pas vraiment le choix. Mais il m'a convaincu, je ne veux plus laisser les ombres me tourmenter. Je veux les contrôler. Je veux utiliser ce pouvoir, aussi destructeur soit-il.
- La décision ne m'appartient plus... Mais je suis prête à les affronter.
* * * *
J'aperçois enfin mon mentor, perché sur le pic. Je souffle un grand coup et termine mon escalade. Les muscles de mes jambes me tirent, mais j'ignore la douleur sans peine. Je suis enfin arrivé !
J'avale les quelques mètres qui me séparent de Souffle et m'arrête juste devant lui. J'halète, fatigué. Je m'effondre sur les genoux. Ma respiration se calme peu à peu, bien que ma poitrine se secoue encore violemment par accoues. Je relève alors la tête, fière, ravalant rapidement ma salive.
Mon mentor s'approche de moi. Il me tend une bouteille d'eau en se penchant, puis m'annonce en regardant le chrono :
- 8 minutes 42. Bien joué Poussière, peu peuvent se vanter d'avoir escaladé ce pic en moins de 10 minutes, commente-t-il, visiblement impressionné.
Je le remercie dans un souffle en me relevant. Il me dévisage et son expression redevient neutre.
- Tu vas bien voler, affirme-t-il après un court temps. Mais nous ne sommes pas montés jusqu'ici que pour mettre à l'épreuve ton endurance. Voyons désormais comment tu te débrouille avec ton pouvoir.
Je remarque que le vent souffle tout autour de moi. Il fait voler cheveux blonds dans mes yeux et ils me fouettent le visage. Ma tunique se gonfle sous son souffle, les plumes de mes ailes bruissent et il balaye la fine couche d'herbe au sol dans tous les sens. Aucun doute, si il y a bien un endroit propice à l'entraînement de mes pouvoirs, c'est celui là.
Je me laisserai presque bercer par le doux souffle de ce vent sur mes bras, m'attardant à la contemplation du panorama qui se déploie sous mes yeux. Mais mon mentor en décide autrement.
Sans prévenir, il m'envoie une forte bourrasque qui me déstabilise. Je sens chaque particules d'air qui me percutent courir entre les poils de mes bras et les plis de la tunique pour pénétrer ma peau.
L'intense souffle me fait légèrement reculer, mais mon corps qui absorbe l'élément amortit le choc.
Aussitôt, un sensation de légèreté et de lucidité me traverse. Mes jambes engourdies ne pèsent soudainement plus rien, ma tête lourde est traversée par une vague d'énergie et sort brusquement de son ensommeillement.
Je me sens incroyablement alerte. Mes pieds ne touchent plus le sol, mes ailes battent l'air à une vitesse effrénée et une vague de puissance me traverse. Mes mains disparaissent dans de courts flashs. Mon corps, aussi léger qu'une plume, ne fait plus obstacle au vent ; il l'absorbe.
Les yeux toujours si inexpressifs de Souffle se teintent d'étonnement. C'est lui qui vient de m'attaquer, et mon esprit suractif l'identifie comme un danger. Le Rafaleur ouvre la bouche mais n'a pas le temps de dire un mot que mon corps se contracte.
Mon dos se cabre violemment. La sensation d'apesanteur qui m'habitait me quitte et je sens chaque partie de mon être expulser la bourrasque que je viens de recevoir.
Souffle a juste le temps de lever ses mains en bouclier qu'elle le percute à une intensité folle. Il ne parvient pas à contenir sa force et est expulsé loin du pic. Ses ailes se mettent rapidement à battre pour retrouver la terre ferme et il revient vers moi, secoué.
La fatigue qui m'avait quitté me retombe sur les épaules et je m'effondre avant d'être sûr que mon mentor ait bien atterrit. Les mains sur le sol, je rejoue la scène dans ma tête sans réussir à regrouper tous les éléments. Que vient-t-il exactement de se passer ?
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