Chapitre 19 : Wally
Tracy retire sa tête de mon épaule et, privé de mon oreiller chevelu, je sors difficilement de mes songes. Le chemin cahoteux secoue la voiture, et les remous finissent de me réveiller.
Driss a posé sa tête contre la portière et fixe la nuit d'un œil éteint. Il ne semble pas endormit, juste songeur.
Une violente secousse le propulse soudainement contre la porte et il s'en décale en jurant.
Je ne peux m'empêcher de rire silencieusement. Quand il s'en aperçois, il fronce les sourcils puis sourit, amusé lui aussi. Son autodérision me réchauffe le cœur. Il y a quelques heures, jamais il ne m'aurait laisser ricaner de sa mésaventure.
Le chemin de devant, éclairé par les phares de la voiture, n'est en réalité qu'un petit sentier de terre, mangé à moitié par une végétation dense venant des bas cotés. Il me semble être dans une forêt, et le cadre sombre me fait peur.
La pénombre qui nous entourait s'éclaircit, et la courbe de grandes colines apparaît sous la douce lumière de la lune. Nous attendons encore de nombreuses minutes à rouler sur le chemin de terre, zigzagant entre les reliefs.
C'est à 00 : 28 que la voiture commence à ralentir. Nous entendons le crissement des pneux sur des cailloux alors que notre conductrice frène. Les adultes à l'avant commencent à discuter, puis Sten ouvre sa portière et sort de la voiture. Brise coupe le moteur et les phares s'éteignent, nous laissant seulement la douce lumière bleu qui luit autour des vitres pour nous éclairer.
- Allez les jeunes, on est arrivés, nous annonce notre sentinelle en ouvrant la portière.
Driss sort le premier, puis je le suis. Tracy ferme la marche et attrape encore mon bras une fois dehors. Son contact me rassure, et le décors illuminé par la lune donne à l'atmosphère une profondeur presque magique.
Un vent frais agite nos cheveux. Je sens sa douce caresse frôler ma joue, et faire voler ma longue cape.
Brise sort de son côté, allume sa lampe de poche et pointe le chemin.
- On va continuer à pied, restez bien derrière moi, nous annonce-t-elle.
Driss s'engage à la suite de la belle Rafaleuse et, comme Sten reste de marbre, j'entraîne Tracy en avant. Celle-ci ne me lâche toujours pas d'une semelle. C'est étrange cette soudaine attachement, mais bizarrement, ça ne me perturbe pas. J'y trouve même un certain réconfort...
Brise nous fait encore marcher durant quelques minutes sur le sentier avant de nous entraîner à travers champs. Nous nous retrouvons à déambuler entre les hautes herbes à 1 heure du matin, surveillant nos pas à la faible lumière de la lampe de notre sentinelle pour ne pas trébucher sur une pierre égarée... Ou sur autre chose de moins agréable, on ne sait pas sur quoi on peut tomber dans ce monde.
Enfin, nous gagnons un terrain plat, et Brise ralentit l'allure. Le rayon d'une autre lampe torche nous éblouit et des bruits de pas s'approchent.
- Brise ? C'est toi ? Demande une voix grave alors qu'une silhouette commence à se dessiner.
La rafaleuse tourne la rayon de sa lampe sur l'homme qui vient à notre rencontre, et nous pouvons le voir distinctement. Plutôt grand et athlétique, l'adulte qui nous fait face a la peau noire. Ses cheveux bruns et tressés sont attachés en une petite queue de cheval qui lui tombe sur la nuque, et ses yeux oranges sombres nous inspectent un par un. Son expression concentrée m'inspire tout de suite de la crainte. Il me rappelle tout à fait une panthère, prête à bondir sur sa proie.
- Voici donc nos fameux gardiens... Dit-il après nous avoir longuement analyser. Sentinelle Val, merci de les avoir amené. Vague vous attendait, vous rentrerez ensemble. Et vous trois, suivez moi, déclare-t-il d'une voix ferme.
Il se retourne et avance lentement dans la nuit. Brise nous attend, sûrement pour fermer la marche. Je commence à m'avancer mais je m'arrête vite, interloqué par l'immobilité de Driss. Celui-ci dévisageait Sten avec un regard noir.
- Alors comme ça, vous partez ? Dit-il posément, d'une voix pourtant pleine de colère.
La réalité me frappe. Notre sentinelle nous laisse ici. Il va repartir sans nous ! Tracy qui vient elle aussi de comprendre s'insurge :
- Non Sten ! Vous restez avec nous ?
Brise et Mr panthère frémissent, mais nous n'y faisons pas attention. Nous attendons tous les trois impatiemment la réponse de notre sentinelle qui nous regarde avec regret, ne semblant pas envisager de prendre la parole.
- Il a effectué sa mission les enfants. Maintenant, il doit partir, nous rappelle à l'ordre Mr panthère.
Sa voix lasse m'énerve, tout comme sa condescendance. Nous ? Des enfants ! Et lui c'est quoi dans ce cas ? Sten baisse la tête et approuve ses paroles :
- Ce n'est plus à moi de m'occuper de vous...
- Ah oui, vous avez fini votre mission, c'est bon pour vous ! S'exclame Driss. Vous pouvez retourner à votre vie de petite sentinelle bien rangée maintenant que vous avez amené vos paquets à bon port...
- Vous n'êtes pas des paquets, soupire Sten. Mais je n'ai pas de justification à t'apporter. Je doit vous laisser ici, avec des gens qui sauront bien plus que moi vous aider à combattre les Oplan pour retrouver votre amie. Oui, comme tu dis, je vais repartir garder mon portail dans mon coin. Le reste n'est plus de ma compétence. Mais j'espère que vous réussirez...
Tracy commence à sangloter sur mon épaule et Driss tourne rageusement le dos à Sten, pestant dans sa barbe de nombreuses insultes à son adresse. Mais il me semble quand même voir ses yeux devenirs plus humides...
Moi, je ne peux que regarder notre sentinelle. Il nous a fait traversé tout son monde et appris tant de choses sur notre vie pour nous abandonner comme ça ? Une partie en moi, attisée par la haine silencieuse de Driss, a envie de lui cracher toute la colère que j'éprouve face à sa trahison. Mais une plus grande pleure son abandon, et je ne sais pas comment réagir.
- Merci... Et... A bientôt ? Ne puis-je que laisser échapper.
Sten me regarde dans les yeux et sourit faiblement.
- A bientôt, approuve-t-il avant de reculer dans la nuit.
Trop de sentiments m'assayent pour que je puisse totalement prendre conscience de la situation. Je ne connaissais pas Sten ce matin, mais en une journée, il est devenue un roc dans l'ouragans de révélations qui m'avaient bouleversé. Il ne pouvait pas disparaître comme ça.
- La journée a dû être éprouvante... Compatit Brise d'une voix douce en s'avançant vers Driss.
Le femme dégage une aura maternelle qui semble l'apaiser. Driss soupir, légèrement calmé, et avance vers Mr panthère.
Celui-ci, énervé par notre cinéma, reprend plus rapidement sa marche sans s'assurer que nous sommes derrière. Je me résigne à le suivre, accompagné de Tracy qui me détruit littéralement le bras en retenant ses larmes.
Notre guide nous amène dans une sorte de petite maison incrustée dans une colline ronde. Nous passons sa porte en bois un à un et arrivons dans une grande pièce éclairée par un beau lustre. Juste sous l'applique, et au centre de la salle, se trouve une grosse table en bois foncé, entourée de chaises aux coussins rouges.
Mr panthère s'est arrêté sur le coté et, quand nous sommes tous rentrés, va fermer la porte en déclarant :
- Bienvenue à la principale base des Antela, en territoire de l'ombres. Nuage m'a dit que vous cherchiez votre amie, eh bien elle se trouve sur ce territoire.
Mon cœur bondit en entendant ces mots. Anna est ici !
- Nous ne savons pas exactement où, mais nous savons qu'ils entraînent leurs prisonniers à leur base principale, soit sur ce territoire. Et vous allez nous aider à la chercher... Mais avant, il va falloir vous former. Nous nous y mettrons dès demain matin. Ah et, avant de vous conduire à vos chambres, j'ai oublié de me présenter... Je suis Magma, chef de cette base. Je sais que la Sentinelle Val n'est pas très à cheval sur les surnoms, mais il va falloir vous en trouver. C'est comme ça qu'on fonctionne ici, ne lui en déplaise.
Le ton de défi qu'il emploie pour parler de Sten m'indique qu'ils ne l'aime pas vraiment, ce qui éveille mon hostilité. Mais pour l'heure, je décide de réfléchir à sa question. Son surnom lui va comme un gant, quel mot pourrait m'aller à moi ?
- Ce sera Orage pour moi, déclare Driss d'une voix assurée comme si il y avait déjà longuement réfléchi.
- Et moi, Lueur, enchaîne Tracy après un court temps de réflexion.
Tous se tournent maintenant vers moi, et les battements de mon cœur s'accélèrent. Je ne sais pas quoi leur dire ! Je réfléchis. L'air, ça peut faire penser à quoi ? Tempête ? Non, trop violent pour moi... Ciel ? Trop prétentieux... Leurs regards insistants m'écrasent. Je veux disparaître, je veux être insignifiant à leurs yeux. Être loin de cette pression qui m'écrase pour réfléchir en paix. Alors je déclare, incertain :
- Poussière... Je serai Poussière.
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