Chapitre 14 : Tracy
Je le dévisage un petit moment. Des gardiens, vraiment ?
- Et à quoi ils servent eux ? Demande Wally, tout aussi troublé que moi. Driss aussi tend une oreille attentive à la conversation, même si il jette parfois des coups d'œil anxieux vers les gardes et la barrière qui entoure la ville.
- Eux, comme tu dis, servent à préserver la paix et à protéger les hommes, répond Sten avec amusement. Nous étions tous des Gardiens à l'origine, notre principal but était de surveiller les hommes et de les empêcher de s'auto-détruire. Malheureusement, celui qui nous a créé nous a attribué trop de défauts humains, et avec le temps, des camps et des guerres se sont vites déclarées, nous détournant de notre mission. Et maintenant, certains vont même jusqu'à vouloir anéantir les hommes. Vous comprenez l'importance de notre combat... C'est pour ça que, même si vous n'en possédez peut-être pas les aptitudes, vous êtes déjà la nouvelle génération de gardiens. Il semble s'enfoncer plus loin dans ses songes et je peux ressentir le poid des responsabilités qu'incombe mon titre tomber sur mes épaules. Pourquoi moi, je ne peux encore une fois éviter de me demander. Je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas prête à sauver l'humanité, j'ai pas signé pour ça quand je suis venue au monde...
Notre sentinelle se ressaisit vite, semblant se rendre compte qu'il a autre chose à faire que de nous apprendre tout ça ici.
- Bon, trêve de bavardages. Vous apprendrez bien assez tôt toute notre histoire. Aujourd'hui, concentrons-nous sur le passage...
Je reviens rapidement à des préoccupations plus terre à terre, et le stresse me ré-envahit. Je m'arrache fébrilement des petits bout de peau cramés de mes mains tout en essayant de me rassurer. Bon, c'est pas la première fois que j'oublis quelque chose et je m'en suis toujours sortie... Sauf que je risquais pas la prison à ces moments.
C'est pourtant d'un pas assuré que je m'avance à la suite de Sten, tout droit vers le barrage. Si il y a bien une chose qu'il faut que j'ai l'air, c'est sûre de moi. Wally m'attrape encore une fois le bras et Driss soupir. Je ne cherche pas à me dégager. A vrai dire, je préfère sentir le contacte de mon ami que le savoir loin de moi. Je sais qu'il ne m'abandonnera pas si j'ai un problème, et ça me rassure plus que tout ce que je me suis dit jusque là.
- Allez les jeunes, dit notre sentinelle en se tournant vers nous, veillant à garder un volume élevé pour se faire entendre des gardes. Sortez vos papiers.
Driss et Wally farfouillent dans leurs poches avant de sortir sagement leurs fausses cartes. Le premier s'avance et, sous le regard protecteur de Sten, la présente au garde. Celui-ci lui prend, la regarde quelques secondes et la lui rend. L'hydrokinésiste passe la barrière et se retourne vers nous, une étincelle d'inquiétude dans le regard.
Quand vient son tour, Wally me lance un dernier regard et me lâche avec réticence. Il présente lui aussi ses papiers au garde qui le fait passer aussi vite qu'il a fait passé Driss. Je me sens rassurée pour lui et je commence à jouer mon numéro.
Je plonge les main dans mes poches et fait semblant de chercher ma carte. Je les ressorts vite et lance un regard inquiet au garde qui s'était retourné vers moi. Je les replonge avec empressement et fronce les sourcils.
- Euh... Tonton ? Je gémit faiblement à l'adresse de Sten après avoir farfouillé une troisième fois dans mes poches.
Je dois admettre que notre sentinelle aussi sait bien jouer la comédie. Il me regarde dans les yeux et des rides apparaissent sur son front.
- Tu n'as pas encore oublié ta carte Nivah ! Me demande-t-il, plus sur le ton de la colère que de l'interrogation.
- Non mais je... Je ne la trouve pas... Elle doit... Je bredouille, telle une petite fille de six ans prise sur le fait. Mon cœur bat de plus en plus fort et je sens mes joues rougir. Je croise les doigts pour que le garde qui me regarde avec plus d'insistance prenne ça pour de l'embarras.
- Tu vas pas me refaire le coup ! S'exclame Sten. C'est plus possible, tu as quel âge voyons ?
Je baisse la tête, honteuse, tout en me disant que je n'aimerais pas avoir vraiment oublié ma carte.
- Désolée... Je marmonne, à deux doigts de laisser couler mes larmes. Les garçons nous regardent, inquiets, et je me rends compte que leur expression doit encore rendre la scène plus crédible.
La sentinelle me lance un regard noir avant de se retourner vers le garde, la mine soucieuse.
- Excusez nous, mais ma nièce a oublié sa carte...
Il se frotte le front et je ne décroche pas mon regard du sol. Je joue la peite fille honteuse, mais en réalité, je cherche plutôt à masquer la panique qui doit briller dans mes yeux. Et si il ne me laisse pas entrer, on fait quoi ?
Je sens le regard du garde sur moi. Il hésite un petit moment pendant lequel mon cœur s'affole. Puis, il se retourne vers Sten et déclare :
- Bon, ça va aller pour cette fois... Il faudra juste que vous en informiez les gardes lors de votre départ. Mais dîtes tout de même à Nivah de ne plus oublier ses papiers à l'avenir, tous les agents ne sont pas si indulgents que moi...
- Merci beaucoup monsieur, s'esclame Sten, visiblement soulagé. Il lui tend sa carte et me prend l'épaule.
- Tu as entendu ? Fais attention jeune fille. On ne plaisante pas avec la sécurité. Je baisse encore les yeux et bredouille un "merci" au garde, étouffant le plus possible ma voix pour ne pas y laisser apparaître mon soulagement.
Nous rejoignons les garçons et Wally m'attrape encore une fois le bras, le regard encore soucieux. Ça risque de devenir une habitude, mais son contacte ne me déplaît pas. Driss lève les yeux au ciel, mais il me paraît tout de même soulagé. Il nous devance et retourne à côté de la sentinelle. Les deux semblent bien s'entendre. Il commence à le questionner sur son histoire, mais Sten hoche vigoureusement la tête dès sa première question.
- Non Tenik, ce n'est ni le lieu, ni le moment de parler de tout ça, fait-il gentiment.
Driss soupir mais reste à sa hauteur, visiblement fatigué des éclats de joie de mon compagnon. Wally est en effet beaucoup plus virulant depuis que nous avons passé le barrage sans encombre. Il s'exclame avec admiration dès qu'il voit un de ses homologues voler, et il bave presque d'admiration devant chaque grande tour qu'il trouve à son goût. Mais ses gestes restes crispés, et je sais qu'il fait tout ça pour évacuer son stresse, et peut être aussi pour m'amuser.
Son comportement ne me déplaît pas plus que ça, il me rassure même. À le voir écarter en grand les bras et parler avec passion, je sens la pression qui me serrait le cœur et crispait mes épaules diminuer. Je me répète que tout s'est bien passé. Nous allons bientôt rencontrer leur chef, qui a au passage gâché notre vie, et nous ferons enfin ce pourquoi ils nous ont exilé. Je ne compte pas céder facilement, mais je finirai par m'y faire.
Je serre légèrement les poings, faisant très attention à ne pas trop appuyer sur mes brûlures, et ça me donne du courage. Ma vie se finira dans ce monde, c'est sûr. Je ne sais pas encore avec qui, ni où d'ailleurs, mais je m'adapterai. Mon enfance n'était qu'une vaste parenthèse, et maintenant qu'elle s'est fermée, je vais enfin pouvoir commencer ma vrai vie.
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