Chapitre 3 :

Trois jours se sont écoulés depuis ma première mission avec les ainés. J'ai pu rentrer saine et sauve. Noor et Yoshiko m'attendaient devant la porte d'entrée. Elles m'ont soigné avec l'aide de Lise. On m'a recousu avec du fil et une aiguille. Mais j'ai demandé à Noor de me faire perdre connaissance, avant même que l'on ose me toucher la peau. Je n'ai pas voulu mettre au courant Lisandro, qui est parti à la cour pour une affaire importante, durant notre absence. Il n'a pas besoin de savoir que le prince Syan m'a vu, et étonnamment de lui, et m'a proposé son aide. Quand je l'ai annoncé aux filles, elles m'ont regardé estomaqué par son attitude. Noor a même pensé qu'au fond il avait bon cœur. Je lui ai répondu surtout qu'il était ivre, et ne comprenait pas ce qui se passait sous ses yeux. Pour justifier mon absence en cours, Yoshiko a prétendu que j'étais malade. J'ai dû la laisser seule pendant les entrainements. Je m'en veux de ne pas avoir été là. Elle ne m'a pas raconté si le prince lui a fait des mauvais tours de passe, passe.

Aujourd'hui rentre Lisandro. La lettre, je la lui ai remise à son messager. Il va être fière de nous. Je chope le panier repas, en emboitant le pas à Yoshiko. Une main vient se poser sur mon épaule. Père est vêtu de son manteau long, un peu froissé. Il a rasé sa barbe. Plaqué ses cheveux en arrière. Il va forcément à une réunion avec le conseil.

- Liv, apparemment c'est toi qui as réussi la mission, seule...

Il tient la lettre dans sa main. J'ai fait en sorte de ne pas la tâcher de mon sang, pour qu'il ne me soupçonne pas. J'acquiesce de la tête.

- J'aimerais que tu viennes dans mon bureau après les cours. N'en parle pas à tes sœurs.

Il le dit d'un ton impassible. Je ne sais pas si je dois m'inquiéter ou non. Surtout que même si je lui ai caché pour ma blessure, je ne lui ai pas dit avoir des doutes sur nos activités. On a intercepté une lettre royale. Je ne sais pas ce qu'elle a de si importante à ses yeux, mais elle peut nous rapporter des problèmes si on découvre que le sénéchale l'a volé. Surtout si c'est Syan qui avoue m'avoir vu. J'aurais de très gros ennuis.

Je déglutine avant d'accélérer l'allure pour rattraper Yoshiko.

- Que te voulait-il ? questionne-t-elle, par curiosité.

- Me remercier pour avoir récupérer la lettre, au lieu de fuir comme vous l'avez fait, répondis-je.

Je mens. Je mens à ma sœur la plus proche. C'est comme lui planter un couteau dans le dos. Cette sensation m'horripile.

- Tu n'as pas été prudente... Tu aurais pu te blesser encore plus Liv, voir même mourir.

Je n'ai pas de réponse appropriée à lui donner. C'est la vérité. Mais abandonner n'est pas réellement dans mon vocabulaire. Comme à dit Syan, je suis plutôt téméraire.

- Désolée...

C'est la seule chose que j'ai réussi à lui dire, et les seules paroles que nous avons échangées durant le trajet. Je sens qu'elle m'en veut de mettre mise en danger. Mais au moins, je vais pouvoir parler avec Lisandro seule à seul. Il ne peut pas me mentir. Lui soutirer des informations devrait être du gâteau. Je vais enfin savoir, pourquoi j'ai assommé une messagère du palais. Sans avoir à le mettre en colère. Le concours de chevalier se rapproche, et je veux y participer. Je ne l'ai pas avoué aux filles non plus cette information, mise à part Noor. Elle est trop curieuse pour que je ne lui cache quoi que ce soit. Je me reproche de ne pas l'avoir fait parfois.

Nous arrivons au cours de monsieur Taym. Professeur de l'histoire de Fourthia. Yoshiko et moi nous installons près d'un arbre, à l'ombre du soleil tapant. Syan et compagnies sont installés de l'autre côté du parc royal, allongés au soleil, surement en train de récupérer le sommeil de leur nuit dernière. Une idée se faufile dans mon cerveau en apercevant une araignée posée sur l'arbre. Je la prends avec délicatesse, dans un mouchoir, pour aller la déposer dans le panier repas de Syan. Je touche son abdomen point sensible et jouissif de l'araignée à Niopheria. Elle se multiplie au touché de mon doigt. C'est comme cela que les femelles se reproduisent ici. Cela marche pour les Niopherianes aussi. Il suffit que l'homme touche l'abdomen de la femme, et neuf mois après vient un enfant. Ils n'ont donc pas besoin de passer par les mêmes moyens que nous. Mais cela ne marche que s'ils ont un désir l'un envers l'autre.

Syan dort, et ne sait donc pas rendu compte de ma manigance. Quand je pense qu'il a voulu m'aider l'autre jour. J'en suis écœurée. Je remarque une quatrième personne avec eux. Un garçon qui n'était pas là avant. Je reviens auprès de Yoshiko, perplexe. Elle n'a pas vu ce que je venais de faire.

- C'est qui le nouveau garçon, je lui demande intriguer, il n'était pas là il y a trois jours.

- Il s'appelle Bayu, m'indique-t-elle, il a l'âge de Belle. C'est le prince de l'empire du vent. Il nous a rejoint parce qu'il commence l'école plus tard que nous.

S'il est aussi grand que Belle, espérons qu'il sera aussi mature qu'elle. Un autre prince à gérer en plus des deux autres, se serait énervant.

Le professeur fait son apparition. Avec entre les mains, une baie magique. Il demande :

- Chers élèves, quelle est la nature de cette baie ?

Syan, Ronnie et le reste se relèvent. Ils protestent à l'arrivé de ce dernier.

- C'est une baie ensorcelante, je réponds au professeur, elle permet de prendre n'importe qui sous son contrôle.

Etant fière de ma réponse validée par le professeur, je tire la langue en direction de Syan. Celui-ci me toise du regard. Lui et moi sommes en compétition sur les cours. Le professeur continue :

- Très bien Liv, et où peut-on la trouver ?

- Sur le marché noir, me devance Syan m'empêchant de parler, elle est produite à Niopheria, mais est interdite sur les marchés locaux depuis cent ans.

- C'est très bien, renchérit le professeur.

Cette fois-ci c'est moi qui lui lance des yeux remplis de haine. Yoshiko me tape sur la jambe pour me dire d'arrêter. Elle a détourné mon attention pendant l'instant le plus drôle. Ronnie se met à crier quand elle voit l'amas d'araignée sortir du panier de Syan. Il s'apprêtait à prendre un morceau de pain. Effrayé, il l'a balancé avec les bébés araignées. Je glousse de rire au vu de la tête de ces trois princes et de la princesse.

- Mais qu'est-ce que t'as fait ? S'écrie Yoshiko en m'attrapant le bras.

- Ils avaient qu'à ne pas gâcher le repas de Lise, la dernière fois, je renchéris avec fierté.

- Pourquoi il faut toujours que tu augmentes la haine qu'ils ont envers nous, Liv !

Elle part, contrariée et enragée de la situation, ainsi que de mon comportement. Pour se placer loin de moi. Sur le coup je ne me suis pas posé de question. Syan a remarqué la querelle. Il sert les poings quand il comprend que c'est moi qui l'ai berné. Je sors mon majeur, pour le saluer le moins poliment possible :

- Ça veut dire, va te faire voir, dans le monde de tes pires ennemis, je crie, assez fort pour qu'il entende.

Amusée, je me cale contre l'arbre en mangeant ma pomme et regardant Syan me haïr encore plus qu'avant.

De la matinée, Yoshiko ne m'a pas adressé un regard. Elle m'a évitée le midi. Sur le chemin du retour c'est encore pire. Elle marche à côté de moi, sans un mot. Je me sens mal de l'avoir mise dans ces circonstances-là. Mais l'excitation que j'ai eu à l'idée de pouvoir me venger, a pris le dessus. Je ne revois pas le Syan soule, de cette soirée-là. Je retrouve enfin celui qui me hait. Il ne me perturbe plus.

- Ils nous suivent, lâche d'un coup Yoshiko, j'espère que tu es fière de toi.

C'est vrai que je les entends nous appeler depuis tout à l'heure. Mais je n'y prête pas attention. En pleine ville, ils ne feront rien.

- Eh humaine ! Hurle Bayu, le nouveau. Tu vas payer pour avoir humilié le prince Syan.

Nous arrivons devant le lac rosé. Yoshiko avait pris de l'avance. Je m'apprête à me retourner, pour aller régler leur compte une bonne fois pour toute, avant d'entrer dans le domaine de Lisandro. Quand d'un coup, je vois Ronnie courir, et bousculer Yoshiko dans l'eau. Celle-ci se débat. Je n'étais pas certaine au début, mais j'en suis convaincue maintenant. Elle ne sait pas nager.

- A l'aide ! Hurle-t-elle de plein poumon en buvant la tasse.

- Yo !

Je me pare à plonger la récupérer. Mais une liane s'enroule autour de mon corps m'immobilisant. D'habitude des couteaux trainent dans mes chaussures. Mais avec la mission d'espionnage qui m'a obligée à les prendre avec moi, je les avais enlevés. Ce matin j'ai oublié de les remettre. J'aurais dû y penser.

- Lâchez-moi ! je peste à Syan en me débattant. Yo se noie !

Ronnie fait apparaitre une bulle d'eau qui fait remonter Yoshiko en dehors du lac pour l'amener en l'air. Cette dernière peut reprendre son souffle. Je me prends une gifle de la part de Bayu. Il est plus costaud que les deux autres. Me laissant une marque rouge sur la joue. Il me crache :

- C'est pour l'avoir humilié, mortelle, respecte ton prince.

Syan s'approche de moi, avec la baie magique à la main.

- Où tu l'as trouvé ? Je demande sèchement.

- Ça ne te regarde pas, tu as juste à la manger proprement.

Il m'oblige à avaler la petite baie rose. Je ne peux rien faire, je suis toujours impuissante. Je me hais. J'ai l'impression d'être engouffré dans un trou, pour ne plus y ressortir. J'aurais aimé être Noor actuellement. Pour avoir la possibilité de me battre également. Les lianes de Syan se desserre pour me libérer. Ronnie augmente la bulle d'eau pour englober entièrement ma sœur. Je voudrais hurler mais Syan me l'interdis :

- Ne parle pas et met toi à genou.

Mon corps s'exécute. Le garçon qui avait voulu m'aider n'existe plus dans mon esprit. Elle est remplacée par cette scène. Il se rapproche de moi. Ma sœur tapant dans la bulle, en suffoquant.

- Ronnie, arrête, dit Elio, elle va mourir asphyxiée.

Mais celle-ci ne l'écoute pas. Elle ne fait attention qu'à son désir de voir l'autre lui implorer son pardon. Syan est à cinq centimètres de mon visage. Je sens son souffle comme la dernière fois. Son sourire vivant, amplifier par son incommodité.

- J'ai toujours rêvé de voir un corps humain, murmure-t-il à mon oreille en remettant une mèche de mes cheveux. Déshabille-toi.

Une larme coule sur ma joue. Je savais que son amour pour les corps féminins du haut de ses dix-huit ans était fort. Mais je ne pensais pas qu'il voulait tant voir un corps humain féminin. Un Niopherians ne peut pas mentir. Je suis dégoutée de la scène qui se passe sous mes yeux. Me mettre nue devant lui, devant les autres me désenchante. Ma sœur y assiste. Horrifiée. Elle a pu tenir si longtemps sa respiration, grâce à l'entrainement subit de Lisandro. Cinq minutes est son record. On n'en est pas loin...

Je commence à déboutonner mon chemisier. Syan se lève pour en rigoler avec Bayu. Le seul qui ne rit pas, c'est Elio. On pourrait même croire qu'il est en colère.

- Assez ! Je pense qu'elles ont compris... Imaginez qu'elles en parlent au sénéchal. Réfléchissez... vos parents pourrait vous punir pour cela !

Elio l'a dit en attrapant Ronnie qui perd l'équilibre et chute. La bulle éclate. Yoshiko atterrit sur l'herbe en crachant l'eau de sa bouche. Syan lève les yeux au ciel. Je n'ai eu le temps de déboutonner que mon chemisier. Mon bandage, je ne l'ai pas défait. Elio me dit d'arrêter, et me donne l'antidote qui fait son effet directement. Je me précipite vers Yoshiko, les larmes aux yeux, en portant ma chemise sur mes épaules. Les autres sont partis, ricanant de leur vengeance. Je croise le regard de Elio en le remerciant. Il affiche un petit sourire assez séduisant. Je ne comprends pas son action, mais ma sœur est ma préoccupation première actuellement.

- Ça va Yo ? Tu peux respirer ? Je suis vraiment désolée je t'assure qu'ils le regretteront...

- Arrête Liv ! C'est ta faute tout ça ! Tempête-t-elle tremblante. On en est ici à cause de toi ! Parce que tu réagis toujours à leur connerie !

Cette affirmation me touche en plein cœur. Comme une flèche empoisonnée venant me dire la vérité. C'est ma faute. Ma sœur subit les conséquences de mes actes.

Réfléchis avant d'agir...

Aujourd'hui je n'ai fait tout sauf réfléchir. Mon envie de revanche a pris le dessus. Même si j'ai savouré avoir enfin le pouvoir sur le prince. Pouvoir enfin le regarder de haut ne serait-ce qu'un instant. Et que ce moment était assez jouissif. Je n'ai pas réfléchi. Yoshiko en a payé le prix avec moi. Elle claque des dents. Cela me rappelle le moment où l'on a commencé à suivre les cours. Noor et Belle était encore là. Elles nous défendaient. Nous serrant dans leur bras quand on tombait. Je fais de même. Je la sers en m'excusant avec insistance.

- Ignore-les, la prochaine fois. S'il te plait.

Elle me regarde les yeux rouges, irritée par l'eau. Je mens :

- Oui, Yo.

Ignorer n'arrangera rien. Je l'ai appris. Elle s'apprête à renchérir, mais ne murmure qu'une phrase qui me mis en alerte :

- Si tu avais été là durant ces trois jours, j'aurais réagi différemment...

Puis parti marcher devant, me laissant dans le flou, m'imaginant le pire scénario.

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