17 : Les mêmes vacances de Pâques, du point de vue de Gabin.
Agathe pensait que je n'avais pas entendu ce qu'elle avait dit à sa mère pour la convaincre de nous laisser aller à la soirée du mec du musée. Elle se trompait. Mes oreilles captaient les moindres conversation, surtout celles qui me concernaient. Alors vous imaginez bien que son « maman, Gabin a besoin de se changer les idées, de faire des nouvelles rencontres, s'il te plaît », je l'ai bien saisi. Et je ne sais pas ce qui m'a vexé le plus : le fait qu'Agathe utilise ma situation comme une excuse, ou que sa mère juge qu'elle avait raison, nous laissant passer ce premier soir de vacances chez des presques inconnus. Elle a même proposé de nous emmener, sachant qu'on se serait sûrement perdu avec les instructions très aproximatives qu'on avait reçues.
Ainsi, elle nous a déposés devant une propriété sans grande étincelle, avec des tuiles – donc pas comme en Bretagne. Agathe et moi sommes descendus. Nous ne nous étions pas changés, et nous avions mangé un peu avant, ce qui était le minimum vital quand on se rendait à une soirée où l'on n'était pas sûrs de dîner. Je n'avais pas dans l'optique de faire la fête comme un dingue, je voulais juste passer un bon moment, voir du monde, découvrir les jeunes du Sud de la France et savoir s'ils picolaient plus que les Bretons – j'avais quelques réserves sur le sujet. Plus sérieusement, je pense que c'était la bonne chose à faire, plutôt que de rester avec la famille d'Agathe et retourner en boucle les événements qui m'avaient mené à vivre avec eux. Une bouffée d'air frais, voilà ce dont j'avais désespérément besoin, et si cela signifiat passer une soirée avec des gens que je ne connaissais pas et qui ne savaient rien de moi, eh bien soit, faisons ça.
On a sonné, pendant que derrière nous, la mère d'Agathe n'a pas voulu partir tant qu'elle ne nous avait pas vu être accueillis. Le verrou de la serrure a cliqueté, et la fille du musée nous a ouverts. Depuis ce moment dans le hall de réception, on avait pris son numéro et celui du surveillant. On avait appris son prénom : Emme. Pas Emma. Emme, parce qu'apparemment, il y avait eu un problème administratif à sa naissance et que personne n'avait eu le courage ou l'envie de le faire modifier. Le garçon, comme indiqué sur son badge, s'appelait Théo, et s'il ne causait pas beaucoup, il m'avait l'air d'être un chouette type.
─ Siegmund ! a crié Emme. Ils sont là ! Ils sont arrivés avant nos potes, tu me dois dix euros.
J'ai regardé Agathe, qui a plissé le front aussi surprise que moi. J'avais fini par m'y faire, aux prénoms bizarres, avec tous ceux que j'avais rencontré ces derniers temps, mais celui-là gagnait de loin la Palme d'Or. Emme s'est à nouveau tournée vers nous, déclarant, dans un sourire :
─ Entrez dans mon humble demeure. Mais enlevez vos chaussures parce que sinon la propriétaire de la humble demeure, c'est-à-dire ma mère, risque de fortement engueuler l'usufruitière de la humble demeure, c'est-à-dire moi.
À la fin de sa phrase, Agathe à mes côtés a souri, et je n'ai pas compris pourquoi. J'ai froncé les sourcils.
─ Quoi ? Pourquoi tu ris ? ai-je demandé pendant qu'on retirait nos baskets, Emme venait de disparaître.
─ Rien, a-t-elle dit d'un air mystérieux.
─ Bah si ! Qu'est-ce qu'il y a ?
─ C'est juste... Elle est comme toi, c'est marrant.
J'ai haussé les épaules, un rictus léger aux lèvres. C'était peut-être marrant, mais ça pouvait rapidement devenir dangereux ? Vous imaginez, vous ? Deux Gabins réunis ? Le chaos !
Une fois pieds-nus, on a passé l'entrée, pour déboucher sur une large cuisine américaine, de laquelle émanait une odeur à nous faire regretter d'avoir dîner avant. Une bouteille de rhum était ouverte sur le plan de travail, déjà entamée au quart, et pourtant ils n'étaient que deux dans la pièce à vivre. J'ai été d'autant plus confus que j'ai découvert Théo derrière le plan de travail. Pas de Siegmund inconnu au bataillon. Dommage, j'aurais bien aimé voir la tête d'un mec avec un tel nom. Je me suis dit qu'il devait être allé aux toilettes, ou autre.
Voyant qu'on était un peu déstabilisé face au vide intersidéral de la pièce, Théo a tenté de nous rassurer.
─ D'autres personnes vont arriver. Vous inquiétez pas. On n'est pas si nuls que vous pouvez le penser.
─ En réalité, on l'est, a soufflé Emme. Surtout lui. Déjà, parce qu'il traîne encore avec des lycéens alors qu'il est à la fac, et en plus, c'est le seul hétéro de ce groupe.
─ Jules est hétéro, s'est défendu le cuisinier.
─ Jules n'est pas hétéro, Jules est un fuckboy, c'est une sexualité à part entière dans son cas.
Agathe et moi avons échangé un regard, pas à l'aise dans la conversation. C'était peut-être le fait qu'on ne savait pas de qui ils parlaient, ou alors, ça pouvait se jouer à leur accent chantant, qui nous dépaysait largement.
─ Bon, arrête, tu les mets mal à l'aise. Sers leur à boire.
─ À vos ordres, sergent Nikolaus. Vous buvez quoi ?
─ Trois secondes, les a interrompus Agathe en s'adressant au garçon. Tu t'appelles pas Théo ?
─ Théo, a-t-il répliqué. Enfin, Théobald en entier. Ça fait plus d'un an qu'elle m'appelle à chaque fois par un prénom allemand différent. Elle se croit drôle.
─ Eh, écoute, s'est défendue Emme, je ne veux pas d'enfants, alors il faut bien que je trouve une utilité à Magicmaman.
Sa réplique a arraché un sourire à Agathe, et je me suis autorisé à me détendre. Si même Agathe était à l'aise avec ses personnes, alors moi, avec mon caractère super sociable, je ne devrais pas avoir trop de mal. Pourtant j'ai eu du mal à relâcher la petite pression qui animait mon corps. Oui, ils avaient l'air super sympas, oui, ils étaient au moins aussi drôle que moi. Mais c'était aussi la première fête à laquelle j'allais depuis l'accident. Une partie de moi se sentait coupable de m'amuser, n'était-ce pas un peu prématuré ? N'était-il pas mieux de faire durer la période de deuil encore un peu, au moins pour respecter mon père ? J'ai soupiré mentalement, même quand je ne voulais pas y penser, les pensées négatives refaisaient surface, presque comme si elles attendaient constamment, tapies dans un coin de mon esprit, que je baisse ma garde pour resurgir et me faire à nouveau mal.
Perdu dans mes pensées, je ne suis revenu à la réalité que lorsqu'Emme a voulu nous servir un verre d'alcool, et que j'ai refusé, sous le regard confus d'Agathe. Tout notre échange s'est passé silencieusement, j'ai haussé les épaules, j'ai secoué la tête, elle a hoché la tête, me signifiant qu'elle avait compris : depuis mon père, j'avais un peu de mal avec tout ce qui touchait à l'alcool. Les hôtes ont respecté mon choix, à mon plus grand soulagement. Si j'avais été face à un de mes amis, ils auraient rigolé, puis m'auraient servi en me disant que j'étais un petit joueur.
J'ai réalisé que la soirée allait peut-être être plus éprouvante que je ne l'avais envisagée.
Trois autres garçons sont arrivés un peu plus tard, et encore après, quelques personnes sont venues remplir les trous. Au début, je suis resté auprès d'Agathe, un peu surmené d'être parmi tous ces inconnus. Et au bout d'un moment, j'en ai eu marre de faire mon petit garçon apeuré, alors que j'étais censé être le plus à l'aise dans ce genre de situation. J'ai mis de côté ma fausse timidité, pour m'installer avec un groupe de mecs, pendant qu'Agathe semblait s'amuser avec Emme. Je les ai quand même un peu surveillés du coin de l'œil, ça m'aurait fait mal qu'on cherche à séduire ma copine – même si je comprends parfaitement les raisons qui pourraient pousser quelqu'un à le faire !
Pendant une bonne heure, une fois lancé dans les conversations autour de moi, j'ai eu à nouveau l'espoir de passer une bon moment, loin de tous les problèmes. J'étais même en train de me dire que pour des non-bretons, ces gens étaient drôles. Ils connaissaient de bien meilleurs jeux de cartes pour se soûler très vite, avec des règles largement plus simples. Tu annonçais une carte, par exemple, un as, et si c'était un as, tu buvais pour te féliciter, et si ce n'était pas un as, tu buvais parce que tu étais nul. Au moins, on était fixés sur la finalité. J'ai même réalisé que c'était beaucoup plus amusant de ne pas participer, et de regarder les autres, et j'ai décidé qu'il était temps que, dans ma vie de tous les jours, je passe du côté sobre de la force.
Parce que j'aurais pu, vous savez, me réfugier dans l'alcool après tout ce qui était arrivé. Ce n'est pas un problème de vieux bonhomme divorcé, j'en connaissais, des très jeunes qui étaient rongés par l'alcoolisme. Des amis de mon frère, des vieux potes perdus de vue. Il fallait faire gaffe avec ce genre de comportement. Faire la fête, génial. Se détruire la santé et la vie parce qu'on était pas capable de s'amuser d'une autre manière, non.
Merci d'être venus à mon TedTalk.
La nuit est tombée, et peu à peu, tout le monde est rentré pour ne pas se les geler. Alors que le groupe de garçons qui m'avait accueilli parmi les leurs s'éclipsait, je suis juste parti me vider la vessie dans un coin du jardin, parce que ne boire que du soda, ça donnait envie. À mon retour, Théo m'attendait devant la baie vitrée. Il s'est avancé vers moi, une bière à la main, et une fois à ma hauteur, il a passé un bras autour de mes épaules.
─ Gabin, m'a-t-il appelé. Mon pote. Viens, on va parler un peu.
J'ai froncé les sourcils, surpris d'être son « pote », sachant qu'on ne s'était pas parlés tant que ça, et me demandant de quoi il voulait bien me parler. Il m'a guidé jusqu'à un recoin dans le jardin, aménagé à la japonaise. On s'est placés sur un pont, accoudés à la rambarde. Mes yeux se sont perdus dans les ombres du bassin, où des gros poissons ondulaient, des carpes sûrement, mais j'y connaissais rien en poisson.
─ De quoi tu voulais me parler ? ai-je engagé.
─ De moi, a-t-il déclaré.
J'ai haussé les sourcils, c'était peu commun, mais rassurant dans un sens. C'était toujours mieux de supporter un élan de narcissisme d'un inconnu que de parler de mes problèmes.
─ OK, ai-je dit. Parlons de toi.
─ Cool, il t'est arrivé quoi il y a deux ans ?
─ Je croyais qu'on parlait de toi.
─ Réponds, m'a-t-il encouragé, c'est pour la mise en situation.
J'ai haussé les sourcils, tentant de rassembler des souvenirs d'une vie absolument pas trépidante. Une vie sans Agathe.
─ Pas grand-chose, j'ai gagné une compétition de voile, je crois.
─ D'accord. Il y a deux ans, ma petite amie m'a quitté, mon père a enfin fait son deuil de ma sœur morte il y a onze ans, moi aussi, d'ailleurs, ma mère a tenté de mettre fin à ses jours, et la fille dont j'étais amoureux est décédée sur un lit d'hôpital, après m'avoir espionné pendant six mois.
J'ai manqué de m'étouffer. Le mec venait de prononcer le combo le plus abominable, sans bégayer, sans un tremblement dans la voix. J'ai même eu un doute, me demandant s'il ne sortait pas cette histoire d'une série télé pour ados tire-larmes. Le gars mentait forcément, déjà, parce qu'on ne pouvait pas avoir une vie aussi merdique, et ensuite, parce qu'on ne pouvait pas étaler ça avec autant d'indifférence.
─ Tu déconnes, ai-je affirmé, sûr de moi.
─ Non, absolument pas, a-t-il déclaré en portant sa bière à sa bouche.
─ C'est impossible. comment tu fais pour encore sourire ? Pour rigoler avec tes potes ? Tu te lèves tous les jours, et tu mets en place ton masque de joie ? C'est pas fatiguant ?
─ J'ai pas de masque. C'est vraiment moi. Quand je souris, c'est que je suis content. Quand je ris, c'est pas pour faire croire que je suis comme tout le monde, c'est que je suis d'humeur à rire.
─ Tu mens, l'ai-je contredit en secouant la tête. Ou ça ne t'ait jamais arrivé, ou tu n'es pas vraiment heureux. Je veux bien croire qu'on puisse se remettre de tragédies, mais pas autant en si peu de temps. Déjà une, c'est difficile. Moi, je m'imagine pas être heureux avant des années.
Il m'a fixé, les lèvres pincées.
─ C'est bon, on y est.
J'ai froncé les sourcils, avant de comprendre sa réplique. Bien sûr. Je me disais que c'était trop bizarre qu'il me prenne de la sorte, m'écarte de la soirée pour discuter de sa vie digne d'une pièce de Shakespeare. On était pas là pour parler de Théo, on était là pour parler de moi. Il ne m'a fallu qu'une seconde pour comprendre qui se cachait derrière cette manigance.
─ C'est Agathe qui t'envoie, ai-je deviné. Agathe t'a parlé.
Il a vu que j'allais craquer, et quitter cette conversation, alors il a essayé de me faire rester en déblatérant ses conseils décongelés, prêts à être consommés.
─ Gabin, écoute, tous les êtres humains perdent quelqu'un, à un moment de leur vie. C'est évident, ça s'appelle la vie. Et ce qui vit meurt. Tu peux cracher dessus, te plaindre, frapper autant de murs que tu veux, tu n'y échapperas pas. C'est ça qui est impossible. Pas de sourire et rire quand t'as perdu quelqu'un. Pas de trouver du bonheur dans les moments de malheurs. Ce qui est impossible, c'est d'être intouchable. Donc maintenant, t'as deux choix. Soit tu continues de te penser invincible, et tu laisses chaque nouvelle épreuve te briser. Soit tu acceptes que c'est comme ça que le monde tourne, et tu avances sans te réfugier dans le passé.
─ C'est facile à dire ça, ai-je cinglé.
─ Peut-être. Même sûrement, venant de quelqu'un qui n'y connaît rien. Mais je sais de quoi je parle. Et si j'ai réussi, alors pourquoi pas toi ?
─ Alors quoi ? me suis-je énervé. Je suis censé arrêter de penser à mon père ? Tout oublier ? C'est ça ton conseil ?
─ Non, t'as pas compris. N'oublie pas, parce qu'à chaque fois qu'on arrête de parler d'un mort, il meurt une seconde fois. Ton père, ça restera toujours ton père, c'est quelque chose que tu ne pourras jamais remplacer. Maintenant, ton but, c'est de te servir de tout ce qu'il t'a laissé : les valeurs, les savoirs-faire, les idées, pour te construire en tant que personne.
─ Jusqu'à ce que je meurs à mon tour ?
─ Je sais que t'as pas envie de m'écouter, Gabin, a-t-il deviné. La vérité, c'est que, dans ta tête, t'es pas prêt à aller de l'avant, et pour le coup, je peux rien pour toi, ça tient qu'à toi. Mais oui, jusqu'à ce que tu meures à ton tour, t'as raison. On vit pour mourir. C'est ça le sens de l'existence, on finit tous par le comprendre un jour, et ça fait toujours mal. Mais c'est pas parce qu'on meurt à la fin, que la vie ne mérite pas qu'on se donne à elle. Il y a des gens qui vivent pour mourir, il y a des gens qui vivent pour avoir vécu. Demande-toi dans quel cas ton père se situait.
Sur ces simples mots, il est parti, comme un grand sage qui disparaîtrait après avoir livré le secret de sa longévité. Je suis resté avec les poissons, à la fois déboussolé et impressionné par le discours qu'il venait de me livrer. J'y ai repensé, j'ai essayé de tout décortiquer. J'avais demandé au ciel des conseils d'une personne qualifiée. Il me les avait offerts sur un plateau, et j'avais encore du mal à les saisir. Théo avait raison, je n'étais pas prêt. Je ne faisais que repousser les mains tendues, trouvant des faux prétextes et des excuses minables.
Une première larme est tombée dans l'eau des poissons, et sans que j'ai le temps de le réaliser, j'ai éclaté en sanglots. Je n'avais pas pleuré depuis ce soir où Agathe avait passé une heure à me parler d'une voix douce pour me calmer. Ce soir-là, tout ressortait : la haine, le chagrin, la peur d'être seul à jamais, sans jamais personne sur qui m'appuyer. J'avais pensé qu'à refouler mes émotions, j'allais tout mieux encaisser, quand en vérité, il fallait que je les sorte des tréfonds de ma personne.
J'ai fini par m'écrouler contre la rambarde, jusqu'à m'asseoir sur le ponton. À cet instant, j'ai un peu perdu la notion du temps. Je ne percevais plus que des formes floues dans l'obscurité. Ma tête a commencé à me faire souffrir, et la douleur a certainement dû faire paraître le temps beaucoup plus long qu'il ne l'avait réellement été.
Une silhouette s'est glissée sur le ponton, pour s'asseoir en face de moi. Je reconnaissais toujours Agathe entre mille : son parfum, sa démarche, sa respiration. Tout chez elle m'était familier. Elle ne m'a pas pris dans ces bras, et c'est ce qui m'a le plus inquiété dans l'histoire. J'ai essuyé mes joues, pour lever les yeux sur elle.
─ T'es fâché contre moi ? a-t-elle demandé d'une voix blanche. Pour avoir tout raconté à Théo ? J'ai rien dit à personne d'autre, je te promets. C'est juste qu'Emme m'a parlé du fait qu'il avait perdu son ancienne petite amie et sa petite sœur, alors je me suis dit qu'il pouvait t'aider.
J'ai souri.
─ C'est pour ça que tu t'es assis aussi loin de moi ? Tu pensais que j'étais fâché ?
Agathe a acquiescé.
─ C'est très stupide, lui ai-je reproché. Viens dans mes bras.
Elle ne s'est pas faite prier, et s'est levé pour se caler à côté de moi. J'ai passé un bras autour de ses épaules, pour qu'elle se blottisse contre mon torse. À cet instant, il n'y avait rien de mieux que la chaleur de son corps pour me réconforter.
─ J'étais énervé contre toi, par contre, lui ai-je avoué. Mais je pourrais jamais t'en vouloir. Je sais que tu cherches à m'aider à aller mieux.
─ Je veux juste que tu sois heureux, a-t-elle expliqué.
─ Alors reste avec moi. Je suis heureux quand t'es là.
Elle a déposé un baiser sur ma joue, avant de lover sa tête dans mon cou. Ça me rappelait cette soirée, chez Gaston, où on avait regardé les étoiles, et où je lui avais fait la promesse de ne pas la quitter. Ça remontait à deux mois. Deux mois, c'était vraiment rien pour un couple. On était des bébés, on ne connaissait rien à l'amour. Et pourtant, j'avais le sentiment qu'on était plus soudés que jamais. Ce n'était même pas une histoire de premiers émois, ce n'était pas le genre d'amour mignon qui animait les premiers temps d'une relation, où tout semblait beau et l'autre avait l'air parfait.
Agathe et moi nous étions vus sous nos pires jours, dans les instants de rages, de chagrin, de faiblesse, et on acceptait toujours de s'aimer après ça. Alors, maintenant, il fallait être bien bête pour penser qu'on allait laisser n'importe quel autre coup du destin nous séparer. La promesse était scellée, et j'en faisais une nouvelle. Je promettais de la tenir aussi loin que la vie me le permettrait.
Nous sommes restés peut-être vingt bonnes minutes sur ce ponton, jusqu'à ce qu'Emme vienne nous chercher pour faire un karaoké. Et si vous pensiez que j'allais refuser de gueuler La jument de Michao, en pleine nuit, entourés de sudistes, alors vous vous trompez largement. La soirée a battu son plein, et le lendemain, Théo nous a ramenés, rencontrant par la même occasion la mère d'Agathe, qui l'a adorée. En même temps, qui n'aimait pas Théo ?
La semaine de vacances s'est divisée entre visites officielles avec les parents d'Agathe, officieuses avec notre nouveau groupe d'amis de vacances, et test des filtres Snapchat, parce qu'entre tout ça, on s'ennuyait quand même un peu. Lorsqu'il a fallu rentrer, je n'avais pas bronzé, à cause de mon teint naturel de breton, par contre, j'avais de beaux coups de soleil sur les joues.
─ Alors, cette expérience du sud ? m'a demandé Véronique pendant que je l'aidais à charger.
─ Enrichissante, ai-je affirmé. Mais je suis heureux de retourner en Bretagne. Il y a beaucoup trop de tuiles sur les toits des maisons par ici.
Elle a souri.
Une fois le moteur de la voiture démarré, j'ai attrapé la main d'Agathe, et ai regardé le lotissement de la résidence secondaire disparaître par la fenêtre. Finalement, c'était pas une histoire de soleil ou de sud. C'était même pas une histoire de région.
Ce qu'il fallait retenir de cette semaine de vacances, c'était que mon père avait vécu pour avoir vécu, et qu'à partir de maintenant, je devais suivre sa voie. Le deuil n'était pas fait, oh que non, c'était bien trop tôt. Je n'allais pas miraculeusement rentrer chez moi, et accepter sa perte. Mais, au moins, le surplus d'émotions négatives avait été crevé.
Je n'étais peut-être pas guéri, en revanche, j'étais largement apaisé.
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