Chapitre 10
Milo
La journée avait été longue et n'était pas terminée. Il était trop tard pour le café aussi c'est avec un coca à la main que je posai avec soulagement mes fesses dans un fauteuil élimé de notre salle de réunion. Pierrick se laissa tomber à mes côtés avec un gémissement douloureux et théâtral et je me tatai à succomber à l'envie de le taquiner sur sa décrépitude avancée. Marine leva un sourcil moqueur et nous échangions un regard entendu, chacun se demandant qui serait le premier à dégainer, lorsque l'entrée de Nacer cintré dans un costume cravate impeccable nous dissuada de nous lancer. Pierrick se trémoussa pour se redresser, bailla largement et une fois le jeune inspecteur installé, il lança le débriefing.
- Alors? Où en sommes nous?
Les deux lieutenants juniors se consultèrent du regard et Marine se lança la première, avec son enthousiasme habituel et un débit impressionnant.
- J'ai que dalle à vous présenter alors je vais commencer, ça ira plus vite.
Elle désigna la liasse de papiers qu'elle venait d'imprimer et avait posé sur la table et précisa :
- J'ai déjà tapé mon rapport mais autant vous le résumer, c'est vide. Je me suis déplacé là où bossait Delphine et tout le monde m'a dit la même chose, ou presque. Elle était sympa, efficace, et appréciée. Elle était assez discrète sur sa vie privée en général mais discutait parfois avec sa collègue de bureau et cette dernière m'a confirmé qu'à sa connaissance, son couple se portait bien.
Pierrick joignit les mains devant lui et se pencha, attentif.
- Pas de sautes d'humeur? Des signes de dépression ou de problèmes mentaux ? Médicaments?
La jeune inspectrice secoua ses cheveux bruns.
- Nada. Elle était plutôt d'humeur égale, avec une énorme capacité à prendre sur elle et à résister au stress. Elle gérait les dead line de main de maître et ne se laissait jamais déborder. Elle était surnommée Wonder Woman par sa chef pour sa capacité à gérer son taf, ses gosses et tout le bordel sans jamais se plaindre.
- Wonder Woman a donc pété les plombs sans raison, conclut Pierrick.
- Selon moi, le simple fait de devoir être Wonder Woman est une bonne raison de péter les plombs, ironisa Marine, mais si la charge mentale transformait les femmes en tueuse, cela ferait longtemps que les rues seraient pleines de cadavres. Bref. Rien de concret sur le mari non plus. J'ai eu ses collègues au téléphone, ainsi que son frère et plusieurs amis. Le couple était également proche de plusieurs autres parents d'élèves de l'école de leurs enfants et j'ai passé du temps à contacter ceux qui paraissaient les connaître le mieux et personne n'a eu vent de la moindre rumeur de liaison.
Elle baissa ses yeux sur ses notes.
- Son petit frère est effondré, on le comprend, mais il m'a paru sincère. D'après lui, Sylvain Piacet avait récemment pris conscience d'à quel point sa femme portait leur vie de couple et de famille sur ses épaules et il cherchait sincèrement à rectifier le tir, comme il vous l'a indiqué. Il m'a dit que son frère était toujours très amoureux d'elle. Vous avez parlé aux parents de Delphine?
Je hochai la tête.
- Seulement par téléphone mais nous avons pris rendez-vous pour demain. Même chose pour ses deux sœurs. Mais pour être franc, je n'en attends aucun miracle. La piste d'une liaison et d'une victime choisie à dessein me paraît de plus en plus éloignée.
Nous hochâmes tous la tête de concert, sur la même longueur d'onde. Dans les polars ou les séries, l'instinct de l'enquêteur est souvent mis en avant comme moteur déterminant d'intuitions fulgurantes le menant à la vérité. La réalité était souvent plus prosaïque et la rationalité et la logique des valeurs plutôt sûres lorsqu'on cherchait à résoudre des crimes. Mais même si je me fiais plus aux preuves et aux témoignages qu'à mes tripes, je ne les négligeais pas pour autant. Et lorsqu'elles étaient en adéquation avec celles de mes collègues, novices comme expérimentés, elles étaient d'autant plus fiables et dignes d'être écoutées.
Nacer s'avança sur sa chaise, raide comme un piquet dans une posture que n'importe quel adjudant aurait approuvé et nous distribua des copies de photos grisées. Je levai un sourcil en reconnaissant la silhouette qui s'y dessinait et mon cœur s'accéléra.
- De mon côté, je pense avoir trouvé certains éléments qui méritent d'être approfondis.
Son phrasé était aussi lent et guindé que les gestes mesurés avec lesquels il nous désigna l'horodateur en haut à gauche.
- Notre témoin vedette, M. Léonard Martin, filmé à peine sept minutes avant l'attaque.
Pierrick leva la photo un peu floue pour la rapprocher de son nez et plissa les yeux. Il résistait avec fureur à l'idée de porter des lunettes mais je le soupçonnais d'être sur la pente glissante de l'astigmatisme, malgré son déni.
- Ce sont les caméras du métro?
- De la ligne 12, oui. On est juste sur le couloir de l'arrêt Saint-Lazare, avant le grand hall des escalators. Pour le coup, le trajet qu'il a suivi et qu'on retrouve sur les images correspond bien à ce qu'il nous a indiqué, pas de surprise. Mais en revanche, ce qui est intéressant c'est ça.
Il tapota du bout du doigt une forme indistincte également présente sur la photo, à l'angle de la caméra.
- Merde. Il s'agit de Delphine Piacet?
Nacer hocha la tête avec satisfaction, un sourire pâle dessiné sur ses lèvres fines.
- J'ai une identification positive, oui. On peut distinguer sur les autres images ses chaussures, son sac et son manteau. C'est elle de manière certaine.
- Et notre jeune Martin est juste derrière elle. A deux mètres, à peine.
- Oui et il ne s'arrête pas là.
Nacer sortit une série d'autres extraits de films.
- Léonard Martin est derrière Delphine sur l'ensemble du trajet.
Il déposa chaque cliché devant nos yeux attentifs, retraçant leur trajet.
- Dans le hall du métro. Dans la cour de Rome. Devant le Starbuck. Il ne la lâche pas et reste toujours à trois ou quatre mètres derrière elle grand maximum.
- Ça pourrait être le hasard, réfléchit Marine.
- Il change de trottoir en même temps qu'elle, ralentit quand elle s'arrête au feu et garde toujours une distance de sécurité mais sans la perdre des yeux, rétorqua le jeune enquêteur. Aucun hasard là-dedans, il la suivait.
- Ce qui explique comment il a pu intervenir aussi vite en la voyant craquer, conclut Pierrick. Il était focalisé sur elle. Beau boulot Nacer, merci.
La lèvre de notre collègue se retroussa à peine à nouveau mais je distinguai une lueur de plaisir derrière les lunettes de professeur qu'il arborait. Il hocha la tête avec sobriété.
- Je pense que c'est la conclusion qui s'impose, oui.
- Est-ce que tu as pu creuser sur le pourquoi? demandai-je en feuilletant les images accablantes.
Il fit la moue.
- J'ai creusé, en effet, mais pour le moment je sèche.
Nacer ouvrit soigneusement son carnet moleskine pour y retrouver la fiche manuscrite qu'il y avait consigné et entreprit de nous la résumer.
- Léonard Martin, vingt-quatre ans, né à Marseille et résident à Paris depuis ses dix-huit ans. Pas de casier, complètement inconnu de nos services. Bénéficie depuis l'an dernier d'un contrat doctoral avec l'EHESS pour des travaux d'anthropologie des religions.
Nous savions déjà tout cela et j'attendais la suite avec impatience.
- Pas de famille connue. Né de père inconnu et mère décédée d'un cancer du sein lors de sa dernière année de lycée. Le jeune Léonard a alors vendu leur maison, ce qui lui a permis en grande partie de financer ses études, et est monté vivre et étudier à Paris. Sa situation financière est stable. D'après ses déclarations de revenus, il continue de bénéficier d'une petite rente issus de la maison de sa mère, dont il placé le produit, à laquelle s'est désormais ajouté son salaire de chercheur.
Nacer releva la tête de sa feuille.
- J'ai interrogé son directeur de thèse, un certain professeur Lewis dont je peux vous dire qu'il est un sacré personnage. D'après lui, notre suspect est brillant. Une tête bien faite et un gentil garçon.
- Rien de plus sur sa vie personnelle?
- J'ai un peu surfé sur les réseaux sociaux. Il n'y est pas très présent et a seulement un compte facebook, ce qui est étonnant au vu de son âge. Il n'y poste jamais rien, sauf de temps en temps un article pro LGBT ou un post politique. De gauche, la politique, tendance écolo. Il pourrait y avoir un lien avec Rémi Maurene mais à ce stade, c'est plus que ténu. D'autant que j'ignore où ils auraient pu se rencontrer. Léonard Martin se définit comme gay, d'après son statut en ligne, mais je n'ai pas trouvé de trace de petit-ami et à ce stade, et pour éviter de l'alerter, je n'ai pas poussé plus avant mon enquête auprès de ses proches. J'ai quand même appelé son amie... (il consulta ses notes) Lucie, qu'il avait mentionné durant son interrogatoire. Elle m'a confirmé sans hésitation qu'elle l'avait bien convié à fêter son anniversaire et qu'il est le genre de gars à faire des cadeaux sympas. Elle semblait très inquiète en apprenant qu'il avait été mêlé à une agression et s'est surtout préoccupée de sa santé. Elle était très bavarde alors j'en ai profité pour en savoir un peu plus et d'après elle, Léonard Martin est un jeune homme sérieux et attentionné, plutôt discret et gentil mais très déterminé.
Il reposa son carnet et nous contempla par dessus ses lunettes, dans un geste qui me fit sourire tellement il contrastait avec la jeunesse de son auteur.
- Je n'ai rien de plus à ce stade. Mais je pense que cela vaut le coup de creuser.
- Tout à fait, renchérit Pierrick. Pour le moment M. Martin n'est pas un suspect mais nous devons partir du principe qu'il en sait plus qu'il ne nous l'a laissé entendre. Continue de fouiller, Nacer, traîne un peu dans son entourage pour en savoir plus. Je ne crois pas une seconde au hasard et s'il est homo, il ne l'aura pas stalké pour ses jolies jambes. C'est peut-être une simple connerie, il aimait son sac à main ou autre truc de gay (il me dédia un clin d'œil taquin que j'ignorai avec le mépris qu'il méritait) mais si ce n'est pas le cas, il s'agit de notre première piste.
Il évalua notre jeune collègue avec amusement.
- En plus, avec ta tête de bon élève, tu devrais te fondre dans la masse sur le campus Condorcet, contrairement à Milo et moi qui avons largement dépassé la date de péremption étudiante.
Nacer hocha la tête et se renfonça dans son fauteuil en notant soigneusement la consigne de son écriture régulière. Ce garçon était bien trop sérieux pour son bien mais j'étais assez confiant que tôt ou tard, le travail de terrain lui délogerait le balais qu'il se trimballait dans le derche, et ce sans aucune pitié.
C'était notre tour d'informer nos petits, comme les nommait Pierrick, de notre état d'avancement. Nous n'avions pas chômé mais hélas, la majorité de nos démarches n'avaient donné que du vent. Perrick relata aux deux jeunes enquêteurs attentifs notre entretien avec Maria Serban et je leur précisai que tous les échantillons de nourriture que nous avions ramassé, ainsi que les compléments alimentaires, avaient été déposé au labo de la police scientifique.
- Nous n'aurons pas de retours avant des jours, en revanche, déplora mon collègue. Notre affaire est ultra sensible et prioritaire, signala-t-il avec force guillemets du bout des doigts, mais d'après le gars qui a récupéré le bordel, c'est le genre d'analyse qui prend vachement de temps.
- Et l'autopsie? demanda Marine.
- J'ai eu Renaud au tél, elle en est à la rédaction de son rapport mais entre nous, elle n'a que dalle. Delphine s'est égorgée, point barre. Il s'agit d'un geste qui nécessite de la détermination et la force mais que n'importe qui est capable d'accomplir. Aucune autre blessure n'a été relevée, pas de traces de piqûres, pas de cloison nasale attaquée, cerveau nickel chrome.
Je haussai les épaules, écoeuré.
- Elle était partie pour vivre cinquante ans de plus.
- Peut-être que les analyses de sang révèleront une drogue quelconque, tempéra Pierrick avec plus d'optimisme que moi, mais pour le moment nous n'avons rien d'autre.
- Qu'ont donné les autres familles? interrogea Nacer, stylo levé à nouveau.
Nous avions passé la journée à interroger les proches des agresseurs dont j'étais sûr et certain qu'ils étaient la clé, mais rien de crucial n'en était ressorti. Les meurtriers avaient des profils variés mais aucun point d'accroche saillant et notre frustration, à Pierrick et moi, était audible alors que nous relations nos démarches, rencontres et autres coups de fil. Même le colocataire de Rémi, sur qui j'avais fondé beaucoup d'espoir, n'avait rien eu de plus à nous raconter. Il avait tristement défendu la mémoire de son ami, qu'il décrivait comme un garçon très investi dans ses études et fêtard sans excès. Le jeune homme avait reconnu une consommation irrégulière de joints mais rien de plus fort, à sa connaissance. Il s'était montré effondré par la perte de son pote et incrédule à l'évocation des faits de violence qu'il avait commis et je conclus ma relation là-dessus :
- Rémi détestait la violence. D'après son colocataire, il avait subi du harcèlement au collège et au début du lycée et ne s'était jamais rebellé, physiquement du moins. Il s'épanouissait dans la vie étudiante, avait des vues sur une demoiselle, et rien ne pouvait permettre d'imaginer un comportement pareil.
Je contemplai l'équipe, attentive mais fatiguée.
- En résumé, nous tournons encore en rond. Mais nous allons finir par percer, ce n'est qu'une question de temps et de détermination.
- Je vais creuser un peu plus la vie et l'œuvre de Léonard Martin, acquiesça Nacer en se levant.
- Et moi je vais reprendre l'ensemble des dossiers, proposa Marine, ça ne peut pas faire de mal.
Pierrick hocha la tête et conclut la réunion.
- J'ai fait des demandes concernant les finances de toutes nos victimes et tous nos agresseurs. Et nous avons rendez-vous demain avec un toxicologue pour la piste des drogues. Si une saloperie peut conduire à ce genre de folies, nous devons l'identifier. Peut-être que les analystes du labo finiront par nous donner quelque chose!
Et sur cette conclusion optimiste, nous nous séparâmes pour regagner nos pénates respectives.
Pierrick m'avait proposé de diner chez lui mais j'avais décliné sans regret. J'appréciais mon coéquipier et j'adorais sa femme et ses filles mais après une journée à côtoyer des gens en deuil, mon tempérament introverti reprenait le dessus et je ne rêvais que du silence de mon appartement. C'est avec soulagement que je poussai la porte de mon repaire du 10ème arrondissement et pénétrai dans la pièce minimaliste aux murs blancs et aux meubles sobres dont j'avais fait mon foyer. Ma mère poussait toujours de hauts cris lorsqu'elle passait à l'improviste et mes frangines étaient tous aussi horrifiés qu'elle de mon dénuement apparent. Les unes comme les autres ne cessaient de m'offrir des plaids bariolés, des peintures joyeuses ou des bibelots fait mains mais invariablement, je les remerciai avec effusion et rangeai leurs tentatives de me convertir à leur vision du confort dans le placard d'entrée. J'adorais ma famille et je reconnaissais leurs tentatives d'égayer ma vie comme les signes de leur amour indéfectible à mon égard. Mais chez moi, j'avais surtout besoin de calme et de sobriété.
Les multiples maisons, appartements, cabanes et même yourtes, une fois, de la dizaine de pays où nous avions grandi avaient toujours reflété la personnalité fantasque de ma mère. J'avais été élevé au milieu de tentures de couleurs vives, de coussins à pampilles, de vases artisanaux et surtout, des dizaines de toiles avant-gardistes et sensuelles qui avaient fait la renommée de ma mère dans le petit milieu de l'art contemporain. J'étais issu d'une famille d'artistes libres penseurs, dirigée d'une main aimante par une matriarche aussi exubérante qu'invasive. Ma mère était elle même le fruit de l'union d'un musicien et d'une illustratrice, mes oncles et tantes étaient écrivains, vitraillistes, professeur d'histoire - le mouton noir, avant que je n'occupe le poste - et mes trois sœurs avaient pris à bras le corps cette fibre créatrice et mondialiste en devenant chef à New-York, couturière de mode sur les routes au gré des fashion week, et céramiste dans les Alpes de Haute Provence. Seul garçon de la fratrie, j'avais régulièrement suscité l'étonnement, voir l'inquiétude de ma génitrice en conservant mes chambres rangées au cordeau, en réclamant des horaires de repas fixes et des couchers ritualisés là où mes sœurs s'épanouissaient dans le chaos ambiant qui nous entourait. Elles étaient les portraits crachés de notre mère là où j'avais plutôt pris de mon père, personnage réservé, voir effacé, qui parvenait à se faire rémunérer en tant que verbicruciste et tolérait avec une patience et une sérénité à toute épreuve les extravagances, folies furieuses et drames en tous genres qu'appréciaient sa femme et trois de ses quatre rejetons. Sans sa présence calme et rassurante, son soutien muet et ses efforts de tempérance des lubies maternelles, j'aurais sans doute fugué le foyer familial dès mes douze ans pour ne pas y remettre les pieds. J'avais grandi dans une ambiance cosmopolite et désinvolte, un amour infini et un bazar intolérable et par pur esprit de contradiction, j'en étais ressorti avec un goût affirmé pour la structure, le silence ainsi qu'une carrière prometteuse dans les forces de l'ordre. Mon père était le seul qui comprenait mon besoin de structuration, même s'il avait abdiqué le sien, et il avait aussi été le seul à me soutenir dans un choix de métier dont les femmes de ma vie s'étaient horrifiées. Dix ans après, elles ne comprenaient toujours pas mon amour de la loi, mon besoin de justice et mon attachement à un règlement strict dans lequel je m'épanouissais mais elles avaient fini par accepter mon choix professionnel. Je ne pouvais, hélas, pas en dire autant de ma décoration ni de ma vie amoureuse et à mon grand dam, elles ne cessaient d'y fourrer leurs grands nez.
Je retirai mes chaussures de ville et déambulai en chaussettes. Le parquet était doux et lisse sous mes pieds et je profitais du contact chaleureux du bois clair que j'avais moi-même choisi. J'avais profité de l'avance sur héritage que nous avaient concédé à tous trois nos parents et j'étais l'heureux propriétaire de ce trente mètres carrés, troisième étage avec ascenseur, dans un quartier plutôt animé. Grâce à mon sens de l'organisation, que ma sœur Soline qualifiait de "rigidité maladive", et mon abonnement à un service de livraison de produits frais, le frigo était plein malgré mes horaires tardifs et je ne mis que quelques minutes à me préparer un dîner léger. Je n'étais pas obsédé par ma forme physique mais au début d'une enquête, je passais toujours de longues heures assis sur mon cul et si je n'avais pas le temps d'aller à la salle, il fallait bien que je compense quelque part. Je lançai une série stupide mais malgré mes tentatives de décompresser, je ne parvenais pas à rentrer dans l'histoire. Notre affaire ne quittait pas mes pensées, mon obsession exacerbée par le peu de pistes viables, et sans le vouloir, je me retrouvai à me remémorer mes brefs échange avec notre témoin clé, et seule ouverture visible. Léonard Martin m'avait semblé jeune et beau, choqué et déterminé, courageux et fragile. L'idée qu'il puisse être impliqué me déplaisait au plus haut point mais j'étais suffisamment lucide pour admettre qu'il s'agissait là des lambeaux de l'attirance brève et déplacée qu'il avait suscité chez moi. Nacer avait confirmé qu'il était gay et dans d'autres circonstances, sans doute aurais-je pu sauter sur l'occasion et l'inviter. J'avais rarement ce genre de coups de cœur, ce qui rendait cette attraction d'autant plus puissante. Mais nous étions en pleine enquête pour des meurtres particulièrement brutaux et sordides et il était clair que ma libido n'avait qu'à retourner coucouche panier.
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