Voisin de table relou.

Le weekend passe toujours à une vitesse folle et ça me donne vraiment envie de déprimer. J'ai profité de ces deux derniers jours de la semaine afin de me remettre de la cuite de vendredi soir. Comment dire que le programme n'a pas été chargé...  J'ai dormi, mangé puis encore dormi. J'ai fait la larve devant Netflix quoi.

Un week-end comme on aime.

On est lundi matin lorsque j'attends que Clarisse ramène son cul de princesse. Ça fait une semaine et quelques jours qu'on est ensemble mais elle me les brisent déjà... C'est pas croyable. Elle m'a envoyé je ne sais combien de messages, à croire qu'elle allait venir débarquer chez moi si je ne lui adressais pas la parole. Et vu que je ne répondais pas, elle m'a spamé sur Snapchat, Instagram, Messenger et tout ce que tu peux imaginer. La nana c'est une folle. Elle s'est trop vite attachée à moi et ça m'fait légèrement flipper pour le coup. Je ne veux pas qu'elle tombe amoureuse de moi parce que ça va pleurer lorsque je vais la quitter.

Une fois arrivé au parking, je gare mon Audi à ma place habituelle ou plutôt à mes deux places habituelles. Je descends tranquillement puis l'éteint, admirant du coin de l'œil la façon dont ma voiture remonte ses rétroviseurs dans un petit bruit robotique.

J'avance, sac sur le dos, vers le lycée et rejoint Yanis à notre place habituelle. Quand il me remarque, je le salue et je me crame une clope.

— T'es pas venu chez Samuel toi, non ? je commence tout en jetant un regard sur lui. J't'ai pas vu.

Rien que de prononcer le nom de ce connard m'énerve déjà. Ouais, je n'ai absolument rien oublié de cette nuit, même pas sa foutue main sur ma cuisse qui me redonne des nausées rien qu'en y pensant. Yanis laisse la fumée de sa clope s'échapper d'entre ses lèvres avant de me répondre franchement.

— Non. Tu sais que c'est pas mon genre de soirée...

C'est vrai. Tu préfères squatter le skatepark avec ta clique.

Je ne pose pas plus de question, hochant de la tête. Je sais bien que Yanis n'est pas un gars bavard puis comment je le dis, c'est un solitaire dans l'âme. Il faut souvent venir vers lui, après peut-être que c'est aussi sa légère timidité qui en joue.

Tandis que les bus défilent à faible vitesse sous mes yeux, je regarde cette horde de lycéens rentrer dans le bahut. Soudainement, des rires de poules me font tourner la tête dans l'autre sens. Je remarque tout suite Clarisse avec ses potes cheloues. Elle est au milieu du groupe et les autres la suivent comme des toutous. Désespérant mais bref. Il y a aussi Maël et l'autre bouclette, les deux intrus qui avancent derrière quoi. Ils semblent discuter de je ne sais quoi, je ne peux pas les entendre d'ici.

Et je m'en fiche un peu beaucoup de leur conversation qui doit être tout bonnement inintéressante.

Lorsqu'elle me remarque enfin, la Barbie s'avance telle une reine vers moi, roulant des hanches. Aujourd'hui, elle porte un jean totalement déchiré au niveau des genoux et qui est légèrement retroussé aux mollets, un crop top et une veste en cuir de couleur bleu criard par dessus. Ce matin il fait légèrement plus froid que la semaine dernière mais visiblement, ça ne la dérange pas plus que ça.

— Salut mon amour... me glisse-t-elle avant d'embrasser mes lèvres légèrement gercées.

Je ne fais pas l'effort de sourire mais je réponds tout de même à son baiser. Son haleine sent la menthe fraîche et son gloss répond toujours à l'appel... Malheureusement.

Tandis qu'elle glisse sa bouche sur ma joue et que ses doigts attrapent mon visage en coupe, je jette un regard bref aux personnes autour de moi. Ou plutôt... Mon regard penche vers quelqu'un en particulier : Samuel.

Il se tient là. Le blond descend d'une berline de luxe, une méchante Mercedes AMG rouge Ferrari, ses airpods visés dans ses oreilles. Ses cheveux sont bien coiffés, à la limite de la perfection. Des lunettes de soleil sont devant ses yeux, pour se donner un style sans doute. Le garçon porte un t-shirt avec une citation Stop Dreaming Start Doing, un jean basique légèrement slim et des baskets sportives qui doivent coûter la peau du cul. Une veste en jean se trouve sur ses épaules.

Ce sale con.

— Bébé... Tu m'écoutes ?

Je lâche un « Mmm » tout en retournant brusquement mon visage vers celui de Clarisse. Je peux admirer ses beaux yeux bleus maquillés de doré et de noir. C'est dingue, on dirait qu'elle est toujours prête pour aller en boite de nuit ou un truc du genre. C'est quoi son délire à se faire belle comme ça, pour sa feuille de cours p't'être ?

— Désolé. Tu disais ? je m'efforce de sourire alors qu'elle fronce légèrement les sourcils.
— Et ben... Tu regardais mon frère. Tu sais, faudrait mieux que tu l'oublies... Je ne sais pas comment tu l'as rencontré mais ne lui parles plus, j't'en prie. Okay ?

C'est la première fois que je la vois dans cet état. Sa voix s'est presque cassée, elle a l'air triste. Par contre, si ce mec est un connard avec elle je peux très bien aller lui en toucher deux mots. Sa petite tête de blondinet gosse de riche ne me fait absolument pas peur, au contraire. Je soupire, relevant le visage puis regarde devant moi. Tout le monde parle entre eux et je présume que c'est bientôt l'heure d'aller en cours en voyant les gens s'avancer vers l'intérieur du bâtiment d'étude.

Mon regard accroche celui de Maël, sans le vouloir. Il était là depuis tout à l'heure mais ce n'est que maintenant que je le remarque aussi près. Je mate sa tenue avec froideur pour qu'il sache bien que je ne l'apprécie pas. Il m'a rien fait, c'est vrai. Mais la façon dont il me regarde et le fait de vouloir à tout prix parler avec Clarisse me fait penser qu'il cherche vraiment la petite bête.

Il brise le contact visuel en premier. Le faux blond finit par tourner le visage vers l'autre gars, celui qui le suit comme si Maël était son maître, un petit toutou le boug. Bref. Je ne sais même pas comment il s'appelle, Clarisse ne nous a pas présentés cette fois-ci.

Et que ça reste ainsi.

Je déglutis brusquement lorsque je les regarde s'embrasser. Quelle vision affreuse pour mes pauvres yeux qui n'ont rien demandé... Je finis par détourner vivement mon visage, m'intéressant soudainement à deux pions qui discutent complètement blasé. C'est mieux. Je ferme les yeux un instant mais cet instant ne semble durer qu'une demie-seconde. La sonnerie sonne. C'est l'heure.

J'ai rien vu. Ouais. J'ai rien vu.

On est en publics, ils jouent à quoi là ces deux fous ?

Clarisse me donne un baiser d'au revoir puis on se sépare dans nos classes respectives. Au fond de moi, je suis quand même content de ne pas me retrouver avec elle en cours. Se la trimballer toute la journée... Ça m'aurait tué, ça demande trop d'énergie une meuf.

Une fois dans la salle de maths — la pire matière qui puisse exister — je me dirige vers les places du fond. J'entends des pas me suivre juste derrière moi mais j'ignore, me jetant sur la chaise côté mur. Je soupire d'aise lorsque je suis enfin assis, rabattant ma casquette sous mes yeux. Je pourrais m'endormir là, de suite. Ce serait le top.

La place à mes côtés — là où j'avais allongé mes jambe — bouge brusquement. Oh, c'est sérieux. Je râle presque silencieusement et les laissent bruyamment tomber au sol. Qui est le con ou la conne qui ose se mettre ici ? J'ai l'habitude de n'avoir aucun voisin car ça m'énerve. Discrètement, j'arrive à voir les jambes de la fameuse personne et crache un juron quand je le reconnais.

Sans que je ne puisse dire quoi que ce soit, ses doigts viennent enlever ma casquette et la pose sur ma table. Je le vois clairement, de plus près cette fois-ci. Il me regarde d'une façon que je n'arrive pas à décrypter. Maël se tient la tête d'une main, ce mec a l'air totalement ennuyé d'être avec moi, en fait. Alors merde, pourquoi il s'incruste là ?

Puis, de quel droit il touche mes fringues.

On se connaît, même ? Putain de fou, la scène de la cours me revient en tête et j'en ai des mauvais frissons.

L'entrée bruyante et joviale du prof de maths m'exaspère déjà de ce cours. Je remets brusquement la casquette sur ma tête en essayant d'ignorer l'abruti qui me fixe. Il me saoule. Et je ne sais pas comment il a eu le temps de sortir sa trousse et une pochette remplie de feuilles. Ses affaires sont prêtes et bien installées, on dirait que tout est calculé au millimètre près.

Mais vu qu'il est là, autant en profiter.

Sans rien lui demander, je lui tire une feuille et cherche un stylo, balançant sa trousse propre devant lui après en avoir trouvé un. Bah quoi ? S'il a décidé de s'asseoir à côté de moi, il va bien devoir s'y faire. Il ne va pas rester là, à ne rien faire et à me mater comme s'il était teubé.

Autant qu'il me serve à quelque chose.

Je pense que ce serait parfait s'il peut me garder les cours et de me prêter ses affaires quand je le souhaite. Ouais, c'est bien. Plus la peine de me les trimballer.

Et aussi, très important, de me laisser le recopier aux contrôles. Je ne doute pas du fait que ce soit un intello derrière sa tête de mec insupportable. S'il veut aller en fac de chimie je ne sais pas quoi, c'est sûr que je vais pouvoir remonter ma moyenne avec lui.

Maintenant que je le reluque, je remarque quelques détails de son visage. Ses oreilles percées, ses lèvres gercées, ses cernes qui sont un peu moins visibles que la dernière fois, ses grains de beautés, ses mèches colorés qui retombent sur son front, son nez droit et fin mais également ses imperfections qui restent malgré tout, très légères et superficielles. Je le passe au scanner et j'ai l'impression que lui aussi. C'est assez bizarre de se fixer comme ça, j'dois l'admettre.

— Pourquoi tu m'regardes ? finit-il par chuchoter.

Quelle blague. Pourquoi lui, me regarde ? C'est lui qui a commencé avec ce petit jeu. Ça devrait être moi qui lui pose cette question. Il m'énerve. Je me contente de soupirer tout en retournant mon visage vers le tableau qui est déjà à moitié rempli.

— Vas-y... Commences pas à me saouler t'sais quoi.

Je lui réponds le plus froidement possible. Un maigre sourire se dessine sur ses lèvres juste après. J'imagine parfaitement quel type de sourire. Celui qui me donne envie de lui envoyer ma main à la gueule. Relou.

Et étrange.

Notre conversation — c'est un grand mot — se termine rapidement, à mon plus bonheur. Il commence à noter le cours avant de passer aux exercices donnés. Moi, je note que la moitié. Enfin, seulement des mots. Je transforme le cours en un espèce de brouillon. Je ne vais jamais retenir des phrases aussi longues que ce qui fait de moi un homme. Déjà que j'ai du mal à apprendre... C'est dingue que les profs n'ont toujours pas compris ce délire. Ils nous prennent pour des robots à vouloir qu'on retienne tout.

Le cours de maths se termine finalement et je suis soulagé lorsque je vois tout le monde se lever pour sortir. Moi... Je ne peux pas car cet idiot de voisin me bloque.

Maël range bien lentement ses affaires, on dirait que c'est fait exprès. Je finis par lui rendre son stylo et sa feuille qui est devenue la mienne. Sauf qu'avant qu'il ne l'attrape entre ses doigts ornés de bagues, je rattrape ce fichu stylo et écrit " LÉO " en haut de la feuille. Je surligne mon prénom de trois grosses barres.

— T'as pas intérêt à la perdre.

Je ne prends pas le temps de regarder son visage mais j'arrive à deviner l'expression de ce dernier. Réajustant ma casquette sur mon crâne, je me faufile derrière sa chaise afin de partir, sac sur le dos. Espérons maintenant que ma moyenne remontera en maths.

Je quitte cet enfer et rejoins Kévin ainsi que Romain de l'autre côté du lycée, prêt à enchaîner le prochain cours. Je suis décidément au bout de ma vie, et ce n'est que le début.

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