Un tour en A5, V2.

Sur ligne droite, je ne peux m'empêcher d'appuyer sur l'accélérateur presque à fond. D'ailleurs, ça m'étonne que l'idiot à mes côtés ne se tienne pas à la poignée au dessus de sa vitre à moitié ouverte.

Bon c'est vrai, c'est un peu logique. C'est un motard alors j'imagine que la vitesse ne le dérange pas. Faut dire que la première fois que j'ai ramené Clarisse, elle s'était légèrement crispée à mes démarrages sportifs.

C'est le silence total dans l'A5 et j'avoue que ça me stresse un peu. J'ai même pas l'habitude de conduire sans musique, c'est fade, c'est nul. Je comprends pas les gens qui n'écoutent rien, même pas la radio. Ça m'endort personnellement. Alors je me décide de lancer le dernier album de Vald — à faible son — sous l'œil attentif de Maël. Du coin de l'œil, je vois un sourire apparaître sur ses lèvres. J'ai remarqué que ce gars sourit vraiment pour que dalle.

— T'écoutes Vald toi ? lance-t-il tandis que je connecte Spotify avec ma voiture.

Ben, ouais. Je n'arrive pas à savoir si c'est moqueur ou si c'est une question curieuse. Je sais jamais avec lui. Mais bon. De toute façon, j'en ai rien à foutre de son avis. J'assume ce que j'écoute, j'écoute car j'aime et point barre. Je mets ma main à couper qu'il écoute des trucs hyper chelou.

Sans rien de plus, je lui demande de me passer un paquet de clope qui se trouve dans la boîte à gant, faisant exprès d'oublier la formule de politesse.

— J'pensais que tu écoutais du Jul.
— T'es drôle. C'est plutôt Clarisse ça, je réponds normalement.

Maël connait bien plus la blonde que moi, je sais qu'elle lui parle beaucoup et qu'elle l'apprécie. Ça me fait chier de dire ça mais malheureusement, ce n'est que la stricte vérité. Je regarde le périph devant moi, une main sur le volant quand le faux blond me tend finalement ce que je désire. Je l'attrape sans le regarder et la coince entre mes dents. Alors que je veux l'allumer avec l'allume-cigare, Maël s'en charge à ma place et je reste assez surpris sous son geste.

Mon pied sur l'accélérateur semble s'affaiblir. Je pouvais très bien le faire tout seul.... Mais je dis rien. Quand le bout de ma Marlbolo s'enflamme, il se recule. Je me concentre un peu plus sur la musique que sur le mec à mes côtés.

Mais même en essayant... Putain, j'y j'arrive pas. Pourquoi sa présence me perturbe autant ? Lui, semble totalement décontracté et il s'est même installé un peu plus confortablement sur le siège.

Je râle silencieusement quand le feu passe au rouge juste au moment où je voulais passer. Tout ça pour retarder ce moment gênant. Je freine plutôt brusquement et ça nous fait pencher vers l'avant. La voix de Maël résonne.

— D'après mes constatations, tu conduis vraiment comme un italien.

Je tourne finalement mon visage vers lui et le regarde. Lui non. Ma baffe va vraiment partir sur sa joue.

— C'est quoi ce cliché ?
— C'est la réalité. T'as dû repasser ton permis combien de fois ? dit-t-il d'un ton que je n'apprécie pas du tout.
— Je l'ai eu du premier coup.

La vérité. Je suis à deux doigts de le jeter sur le trottoir, tel un vulgaire mégot. Déjà, il est dans ma bagnole alors il va me respecter correctement.

Je n'aime pas du tout comment il me parle. C'est dingue, j'ai l'impression que cet idiot se fout de ma gueule non-stop. Et... Je pense que ce n'est pas qu'une impression. Je le déteste définitivement. Je guette le feu tricolore et le colle au siège lorsque j'accélère au vert.

Je le sens sourire. D'ailleurs, je ne lui demande pas où il habite car je veux passer au Carouf avant, afin de m'acheter de la bouffe. Je me fiche complètement s'il a des trucs à faire, je veux rien savoir. De toute façon, c'est lui qui s'est embarqué avec moi. Lui seul. En plus mes parents vont encore rentrer à je ne sais quelle heure... J'ai pas envie d'entendre Gabriella se plaindre telle une adolescente en pleine crise car je suis en retard. Manquait plus que ça, tiens.

Maël ne dit rien lorsque je me gare dans le parking du centre commercial. Je détache ma ceinture, assez pressé car son regard me pèse trop et sort.

— Tu veux venir ou je te laisse mourir de chaud ici ? je propose quand même, lui jetant un coup d'œil.

Il ne me répond pas mais le fait qu'il sorte de la voiture veut tout dire. Une fois les portières fermées, j'éteins l'Audi et on se dirige vers les grandes portes coulissantes. Maël se tient à mes côtés et garde ses mains dans les poches de son gilet noir trop grand pour lui. Moi je porte ça, je ressemble à une merde. Mais lui, ça lui va bien car il est grand et élancé. Ça m'énerve. Pas que je suis un peu plus petit mais à ses côtés, légèrement.

— J'm'attendais pas du tout à ce que ma journée se finisse comme ça. Je trouve ça cool, qu'on parle enfin.

La bonne blague. Ah, parce qu'il trouve qu'on parle ? On a vachement parlé, ouais. P't'être qu'il s'imagine des conversations tout seul. Après tout, il m'a l'air un peu fou.

Mais plus sérieusement, je suis le seul qui trouve que c'est juste froid entre nous ? Maël fait des efforts et ça, je le remarque. D'ailleurs, je ne comprends pas car ça se voit que je veux pas devenir son pote. Il force grave ce type, quand même.

On passe finalement la barrière des antivols et je me dirige vite vers le rayon des surgelés. J'attrape un paquet de mélange de légumes pas trop cher puis je prends aussi de la viande pas trop chère. Ma sœur déteste mais j'm'en fiche de son véganisme. De toute façon, elle l'est quand ça l'arrange.

— Ok... C'est bon. T'as besoin d'un truc toi ?
— Des bières.

Je hoche la tête et on se dirige vers le rayon destiné. Maël chope une caisse de bière Heineken et on peut finalement aller payer. On passe rapidement, étonnement. Pour une fois qu'il n'y a pas beaucoup de gens et qu'on ne se tape pas une vieille en face de nous.

En attendant le mec devant nous qui ressemble à un junkie, je tourne légèrement la tête vers lui et le fixe. Il plante ses yeux gris dans les miens et son sourcil se lève, interrogateur. Que c'est bizarre cette situation... Je ne sais pas quoi dire. C'est vraiment la dernière personne avec qui je m'attendais pour faire les courses. Il doit se demander pourquoi je le reluque ainsi et même moi je sais pas.

— J'veux un paquet de chewing-gum.

Maël brise notre contact visuel et il se recule pour aller m'en choper un à la menthe. Un sourire se forme sur mes lèvres quand je le vois bousculer la gosse derrière lui. Il est tellement maladroit, c'est grave. Le faux blond laisse échapper un « Ah » et s'excuse auprès d'elle, la mère le regardant tout de même froidement.

Mon sourire disparaît quand il se retourne vers moi et j'avance vers la caissière. Je paye ensuite — lui son pack de bière — puis on s'enfuit enfin de ce brouhaha du centre commercial. Je déteste y aller, je ferai mes courses au drive moi plus tard.

On regagne ma voiture et ça me fait bizarre de me promener avec lui.

— Tu sais que je pensais que t'allais me jeter de la voiture quand je me suis installé, m'avoue-t-il tout en bouclant sa ceinture.

Je fais de même et mets le contact. Ah, si seulement je l'avais fait... J'en avais terriblement envie mais pas la force aujourd'hui. On dirait pas mais Clarisse traîne encore dans ma tête et ça me saoule toujours.

— T'as l'air ailleurs, si j'peux me permettre.

Mmm. Il a raison, pour une fois.

— Clarisse ? il enchaîne comme s'il savait, baladant ses yeux sur moi.
— Ouais. On s'est embrassé juste avant que je vienne te voir et elle m'a dit qu'elle m'aimait.

Euh... Ouais. Je ne sais pas pourquoi je lui raconte ça mais je lui raconte. Bref. Il semble m'écouter car il a même prit l'initiative de baisser le son afin qu'on s'entende parler.

— Et... J'lui ai dit de me laisser du temps, tu vois. Je sais pas, je pouvais pas lui répondre en retour. Je peux pas. Je crois que je l'aime pas... Ou du moins pas encore. En une semaine, c'est impossible et sur ces choses là, on se force pas. Enfin perso, moi, j'y arrive pas.

Je fixe la route qui se déroule devant moi et pour l'une des rares fois, je respecte les panneaux stop, les priorités et la limite de vitesse. Maël, lui, fixe la route mais il passe le plus souvent du temps à me regarder, moi. Ça me perturbe mais je ne dis rien.

— Elle est sympa comme nana mais elle ne me correspond pas.
— Ouais, elle te correspondait juste pour un soir quoi.

Suite à sa remarque, je tourne mon visage vers lui. Je le vois sourire. Ça me fait chier de dire que oui, c'est exactement ça. Mais je savais d'avance que ça n'allait pas marcher plus que ça entre nous. J'ai toujours besoin de changement, de liberté et de découverte. Sur qui ça va tomber la prochaine fois ? Je n'ai jamais eu de relation stable et sans aucune raison, j'ai envie de savoir si Maël, oui. Il ne me dit plus rien et continue de perdre son regard sur la route.

Le blond m'indique du doigt là où tourner à un rond point. C'est comme ça que je suis ses indications jusqu'à arriver dans un petit lotissement, un peu reculé de la ville.

— La maison jaune, ici.

Je me décale sur le côté tout en mettant mon clignotant. Une fois la voiture au point mort, je remonte le frein à main. Maël se redresse alors et je le regarde faire. Il attrape son sac qui était à ses pieds puis coince son casque sous son bras. Avant de se lever, il m'envoie :

— Tu vas savoir sortir d'ici ?

Ça va, je connais cette ville comme ma poche malgré le fait que je roule très peu par là. C'est un tout nouveau lotissement mais je vais me débrouiller.

— T'inquiète.

Il me sourit finalement et descend de la voiture. Avant qu'il ne ferme la porte, je lui crie de ne pas oublier son pack de bière, à l'arrière. Il me remercie de le lui avoir rappelé et me fait un signe de main quand je commence à faire demi-tour. Maël ne rentre que quand je disparais de sa vue.

Je l'ai remarqué car je l'ai fixé tout le long, dans le rétroviseur.

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