Romain, un guet-apens.
Ce soir, nous serons enfin en vacances. C'est pourquoi je me lève de bonne humeur. Je m'étire dans un couinement et roule dans mes draps défaits, passant par la suite mes doigts sur mes yeux pour les frotter. C'est un bruit de casserole qui provient de la cuisine qui me fait quitter mon lit. C'est vêtu d'un simple t-shirt déchiré à certain endroits ainsi que d'un short ample que je me présente devant mes parents ainsi que ma sœur adorée. Mon père boit tranquillement le café devant la télévision diffusant les actualités débiles du jour. Ma mère, elle, semble faire des oeufs brouillés. Gabriella est également assise à table et mange ses céréales lentement, complètement absorbée par son portable.
— Buongiorno, Léo.
— Ciao...
J'attrape la boîte en carton posé sur la table et tend mon bras pour chopper un bol, dans les commodes d'en haut. Rapidement, je me sers tandis que ma soeur soupire brusquement. J'attrape la bouteille de lait et je fais couler le reste dans mes céréales multicolores. Je lui fronce les sourcils et elle cale sa main dans ses cheveux. Elle est déjà maquillée et prête à partir, tout le contraire de moi.
— Tu commences plus tard, amore ? m'interroge ma mère en mettant ses oeufs dans une assiette.
— Non, comme d'hab'. Pourquoi ?
— Parce qu'il est 7H45, pauvre idiot.
C'est avec la cuillère dans la bouche que j'écarquille les yeux et avale brusquement ma bouchée, reculant le bol vers le milieu de la table. J'entends un rire moqueur provenant de Gabriella et monte les escaliers en quatrième vitesse, direction ma chambre. Je passe nerveusement mes doigts sur mon crâne rasé et je soupire en voyant l'heure s'afficher sur mon téléphone. Je crois avoir complètement oublié de mettre le réveil. C'est dans un sprint que j'vais laver mon visage et mes dents dans la salle de bain, un minimum d'hygiène car je n'aime pas être crade. J'enfile le premier survêtement que je trouve, le fameux Adidas bleu. Me baissant pour rattraper mon téléphone qui était en train de charger tout ce temps, j'le glisse dans ma poche avant de mettre quelques feuilles vierges dans mon Eastpak.
Je salue rapidement mon père qui s'apprêtait à monter les escaliers et je montre mon doigt d'honneur à Gabriella qui me regarde d'un air malicieux, elle est bien fière d'elle. D'habitude j'en ai rien à foutre que je sois en retard mais là, on commence avec maths et j'ai besoin d'être à l'heure. Je m'imagine déjà la crise du professeur quand il va me voir, je soupire d'avance. C'est sac sur le dos et baskets au pied que je sors enfin de la maison, légèrement sur les nerfs.
J'allume ma voiture et après avoir mit le chauffage, je démarre en trombe. La roue avant de mon Audi passe contre une flaque et ça surprend la voisine qui me regarde depuis son jardin, son petit caniche à ses pieds. Je fais plus de 50 et 70 en espérant de ne pas me faire chopper et fort heureusement quand je me gare, le portail est encore ouvert mais avec personne autour.
— Fait chier...
J'empoigne mon sac et le passe sur mon épaule, ouvrant la portière. Mon regard tombe directement sur la moto de Maël, garée à quelques mètres de moi. Maël... Il est bel et bien là, sa Ducati noire est toujours placée au même endroit comme si c'était devenue son endroit à elle. J'éteins ma bagnole et les clés se retrouvent bien vite dans ma poche. Tandis que je marche le plus rapidement possible, je ne peux m'empêcher de penser à lui et à comment j'vais devoir réagir une fois en face de lui. Est-ce que je dois me comporter normalement ou quoi ? Je suis un peu perdu après ce qu'il s'est passé hier et j'avoue que lorsque j'arrive devant la porte de la salle de classe, j'hésite fortement à toquer. Mais je me ressaisis bien vite. Pas envie de croiser un pion dans le couloir.
— Entrez !
J'attends pas plus pour baisser la poignée, sentant une vingtaine de yeux maintenant posé sur moi. Je regarde vaguement la salle et comme par automatisme, mon regard vire vers le fond comme si je devais m'assurer de quelque chose.
— Léo Armanetti...
— Ouais, euh... Désolé pour l'retard, je dis simplement, refermant la porte derrière moi.
On peut entendre seulement le soupir de l'enseignant qui n'ajoute plus rien d'autre. Ouf. Qu'est ce qui pourrait me dire de toute façon ? Rien. C'est pas comme si j'avais 15 minutes de retard mais presque. Tandis que je m'avance dans le couloir entouré de tables, j'accroche au regard de Kévin et de Romain. Le plus grand des deux me regarde assez blasé tandis que l'autre me lance un petit sourire. Je crois qu'ils n'ont pas trop apprécié le plan d'hier mais il faut dire que j'avais d'autres priorités, une priorité particulière. Je vais devoir m'expliquer.
Je sens son regard sur moi tandis que je laisse tomber mon sac à mes pieds. Mon corps rencontre enfin le bois de la chaise et mes yeux se promènent sur la surface de la table, n'osant même pas le fixer. J'arrive à l'entendre sourire tandis que la voix du professeur s'élève un peu plus fort dans la classe, rappelant à l'ordre deux filles qui se chuchotent je ne sais quoi.
— En retard pour le dernier jour...
Je soupire légèrement sans le vouloir, passant ma main dans mon sac pour y sortir ma trousse ainsi que les feuilles que j'ai glissé à la va-vite dedans. Elles sont un peu froissées mais ça ne m'empêche pas d'écrire la date en haut, au crayon à papier.
— Mon réveil n'a pas sonné, je lance en bougeant un peu sur ma chaise, Maël me scrutant toujours.
Ce qu'on a pu faire hier soir quand il était chez moi, toutes ces choses me reviennent en tête et je ne peux m'empêcher de me sentir particulièrement gêné. J'ai l'impression que son regard a changé sur moi, c'est comme s'il était plus intense et ça me rend bizarre. Qui aurait cru que cette situation m'arriverait un jour ? J'essaye de me ressaisir en passant la paume de ma main contre ma joue, histoire de me cacher un peu. Ses yeux passent du tableau mais reviennent à chaque moments sur moi, comme par automatisme.
— Tu vas bien...? chuchote-t-il finalement.
Je réponds après un petit moment.
— Ouais... Pourquoi ?
Je l'interroge en tentant finalement un regard vers lui. Mon ventre se tord quand je le fixe enfin. Sérieusement... Plus les jours passent et plus il est beau, je n'ai jamais autant vu un mec qui possède autant de charme. De base, ils ne sont pas aussi beaux que les meufs. C'est pas pareil... Et ça me saoule de dire ça, je ne le répèterai jamais assez d'ailleurs, mais Maël a vraiment un truc « en plus » et je suis encore surpris de le voir encore tout seul. Tandis que mes yeux se promènent rapidement sur le profil de son visage, lui, semble réfléchir à une réponse.
— ... J'sais pas. T'as l'air fatigué.
— J'ai eu du mal à m'endormir. Enfin, en ce moment c'est compliqué.
Et je sors la vérité. Lorsque ses yeux gris rencontrent les miens, je fais un effort de ne pas rompre le contact visuel. Il y a tellement d'intensité dans son regard, je ne sais même pas comment l'expliquer mais, j'ai comme une impression qu'il va pouvoir lire toutes les expressions ou toutes mes pensées. C'est fou. Ma main finit par quitter ma joue et elle se pose à plat contre le bois de la table, à côté de la sienne. Vu qu'il est gaucher et qu'il est à ma droite, il tient encore son stylo bille entre les doigts, prêt à écrire.
— C'est à cause de moi...?
Son murmure me fait presque frissonner et mon petit doigt vient toucher discrètement le sien, comme s'il était attiré par un aimant. Et encore, « toucher » est un bien trop grand mot. Frôler est plus approprié. Je ne sais pas trop ce qui me prend mais c'est comme un besoin d'avoir un léger contact physique avec lui. Ça, je ne l'avouerai jamais mais j'en ai vraiment envie. Il ne sait pas encore que la cause de mon manque de sommeil est lui. Je n'ai pas de mot à mettre sur la soirée d'hier et si personne n'avait toqué à la porte de ma chambre, je ne sais vraiment pas comment ça aurait pu finir entre nous. Si je m'imagine bien, je parviens encore à sentir son souffle dans mon cou et j'ai envie de passer ma main là où les frissons commencent à apparaître.
— Pas du tout... Je sais pas ce que j'ai, je réponds tout aussi doucement, voulant mettre fin à la conversation.
La classe est plongée dans un silence total, le professeur nous ayant collé une série d'exercices à faire. Il est maintenant assis sur son bureau et semble être totalement concentré sur son ordinateur, ses lunettes sur le bout de son nez. Maël n'a aucune envie de les faire, son visage est encore relevé vers moi. Il me regarde toujours et ma main se retire quand mon dos cogne brusquement le dossier de la chaise. Un soupir s'échappe de mes lèvres et je fais tout pour ne pas croiser son regard, me préoccupant plutôt de mes deux amis installés un peu plus vers le devant de la salle de classe. J'ai comme l'impression que Kévin m'en veut, vu le regard qu'il m'a lancé tout à l'heure... Faut vraiment que je leur parle. C'est la première fois que je rate un de nos rendez-vous, je pense qu'il comprendra. Enfin, j'espère.
Romain, sentant sûrement que quelqu'un le fixe, relève la tête et il se tourne finalement vers moi. Le garçon aux cheveux miels me lance un petit sourire et un haussement de sourcil, désignant de loin ma feuille nullement remplie. Je lui réponds en haussant légèrement les épaules. Flemme de faire ces exercices. Mon ami se concentre à nouveau, me faisant maintenant dos. Mon regard se balade sur la classe entière : certains sont en pleine réflexion, d'autres galère avec leurs mains dans les cheveux et ceux avec le nez relevé sont dans le même cas de moi. L'horloge n'affiche que la demie-heure et je n'ai qu'une seule envie : partir.
— Tu ne comprends pas ?
À l'entente de sa voix, mes yeux se baissent automatiquement sur ma feuille et j'avance un peu plus ma chaise vers la table. Je toussote légèrement et pose mon coude contre le bois tandis que Maël tourne son critérium entre ses doigts.
— Franchement... Non, j'avoue dans un léger rire, mes doigts grattant mon crâne légèrement rasé.
— Approches ta feuille.
Je n'ai pas d'autres choix car le châtain décide de mettre le manuel au milieu de la table et il s'avance plus vers moi, son genou frottant maintenant le mien. J'essaye de ne pas y penser et il commence à m'expliquer le premier calcul en murmurant, son index soulignant ce qu'il note sur ma feuille à carreaux qui, mine de rien, commence à se remplir. Mes yeux suivent son écriture qui s'affiche au fil des secondes, sa belle écriture compréhensible. Après ça, il me demande de suivre son exemple détaillé et je réussis le deuxième calcul. Pareil pour le troisième et quatrième. Je ne peux m'empêcher de me sentir légèrement fier. On est tous comme ça quand on réussit un truc en maths.
— En fait c'était tout con, je commence après un moment alors que Maël a le nez contre la feuille.
— Ouais, répond-il. Faut juste suivre le déroulement de la formule et ça va tout seul. Par exemple, celle-ci tu dois la connaître par cœur. C'est une base.
Il fait exprès de coller son épaule à la mienne tandis que de sa main gauche, il me montre vaguement une partie du cours indiqué sur le manuel. La sonnerie arrive comme enchantement et ça me surprend vraiment. Moi qui avait le visage rivé sur ma feuille, c'est en retard que je range mes affaires. Je balance ma gomme et mon crayon dans ma trousse avant de la jetter au fond de mon sac qui finit sur mon épaule. Je lance un regard à Kévin et Romain qui sont en train de sortir.
— On a bien anglais là ? me demande Maël qui enfile sa veste en cuir sur ses épaules.
Je hoche la tête en sa direction et me dépêche de sortir. Les gens marchent tranquillement et ça m'énerve. Maël me suit car je le sens dans mon dos.
— Kévin était grave bizarre ce matin, me lance-t-il à nouveau tandis qu'on essaye de les rattraper.
— J'sais bien... C'est d'ma faute.
— Ah bon ? Il s'est passé quoi ?
Je mords l'intérieur de ma joue quand je vois les deux déjà rentrer dans la salle de la classe, j'ai vraiment envie de les frapper. Pourquoi ils m'évitent comme ça ? C'est injuste. Je laisse Maël sans réponse et me dépêche de passer devant la professeure qui lance son fameux « Hello ! » qui casse les oreilles à tout le monde.
Je remarque Kévin assis à côté de Romain et je m'approche d'eux, les tables étant positionnées en U, j'arrive à prendre la place à côté de celui qui m'a sourit tout à l'heure. En m'apercevant, il me fait un tchek.
— Salut les gars... je lance doucement.
— Salut mec. T'es pas resté avec Maël ?
Kévin a croisé ses bras et semble regarder dans le vide. Même pas qu'il me répond et je décide de ne rien tenter d'autre. C'est Romain qui me parle et je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils en sa direction. Pourquoi tout de suite cette question, sérieusement ?
— Bah non... J'sais pas, j'vous ai vu au loin et j'ai décidé de vous rattraper, vu que vous ne m'avez pas attendu...
— Okay... Hello everybody !
— Ouais désolé, reprend mon ami en sortant sa trousse de son sac. On pensait t'allais rester avec lui.
Ouais, c'est tout de même très con. On a toujours l'habitude de s'attendre entre chaque cours et c'est clair qu'aujourd'hui c'est bizarre. Je reprends plus doucement, m'approchant de mon voisin de table.
— Au fait... J'suis désolé pour hier soir de ne pas vous avoir prévenu mais j'ai eu un... un truc avec ma famille et j'étais pas super bien... J'suis vraiment désolé et je me sens con de ne pas vous avoir prévenu.
Romain frotte ses lèvres entre les siennes et je connais ça : il s'empêche de rire. Je me recule un peu plus de lui et je ne peux m'empêcher de cogner mon poing contre son bras.
— Sérieux, les mecs. J'voulais pas vous vexer ou quoi, je lance en me penchant un peu plus vers l'avant de ma table, jetant un coup d'œil à Kévin qui semble ne plus bouder autant lorsque je lui porte enfin de l'attention.
Romain fait un petit geste de main, balayant l'air de sa main.
— C'est bon. Le plus important c'est de savoir la vérité. Et on savait pas pour ta famille, j'espère que ça va mieux ?
Je laisse mon dos tomber contre le dossier de ma chaise, soulevant mes épaules par la suite. Kévin s'est redressé et me jette un regard, comme pour s'assurer de ma réponse.
— Ouais... On va dire ça. Mes parents ne sont pas très fiers de mes premiers résultats on va dire... je mens, commençant à jouer avec un bout de gomme laissé par la classe précédente.
— Mais... Tu sais qu'on est là frère, commence Kévin et je me dois de lui sourire, sa remarque me fait plaisir.
— Ouais, grave. On est là mon pote.
Je souris toujours, sentant la main de Romain masser énergiquement mon épaule. Je me sens un peu mal de leur mentir sur des faux problèmes de famille mais que pouvais-je dire... Que j'ai préféré traîner la fin de ma journée avec Maël, que je l'ai invité chez moi et qu'on a fait quelques trucs ensembles ? Non. Je veux vraiment garder tout ce qui concerne entre lui et moi, secret. En parlant de lui, je décide de lever les yeux sur la classe pour le chercher. Il est juste à la table à quelques centimètres de la mienne, discutant discrètement avec Cassandre. Je les regarde un moment, la gothique se concentre pour ne pas exploser de rire à ce qu'il lui raconte et j'avoue que cette proximité entre eux me fait un peu chier. Pourquoi il ne s'est pas ramené à la place à côté ? Ça aurait fait plaisir aux gars.
⁂
Après avoir mangé, on sort de l'endroit bruyant qu'est la cantine. Je sors mon sachet de tabac et tout en marchant, je me roule une clope car je suis en totale manque de paquet. Ça me fait chier de demander à mes parents de l'argent pour ça, ma mère me regarde souvent de travers et j'peux la comprendre. Je retrouve souvent refuge chez mon père qui me donne aveuglement quelques billets, j'crois que ça lui convient tandis que je m'achète pas de la drogue. Parfois, je pique de mes économies mais ça, ils ne le savent pas et j'ai pas trop envie qu'ils soient au courant.
— Sinon... commence la seule meuf du groupe, Camille. Vous avez reçu la convocation avec la conseillère d'orientation ?
— Quoi ? Quelle convocation ? je relève, un filtre de cigarette entre mes lèvres.
Rien que d'entendre ce mot, ça me fout dans le mal. Manquait plus que ça. Je déteste ce genre de rendez-vous.
— Oui... Toute notre classe passe le lundi de la rentrée et logiquement, la votre c'est mardi...
— T'es sûre de toi, bébé ? l'interroge Kévin, les sourcils légèrement froncés.
— C'est pas un peu tôt pour ça en plus ?
Romain râle légèrement, attrapant la clope qu'il a posé au dessus de son oreille. Rapidement, on se retrouve devant le lycée, à notre place habituelle. J'enflamme le bout de mon roulé et tend le briquet à Kévin.
— Et elle pose quoi comme question, cette conseillère ? je souffle la fumée nocive, tournant légèrement ma tête pour qu'elle n'atterrisse pas sur le joli visage de Camille.
— Je pense qu'elle va nous poser des questions sur ce qu'on souhaite faire pour la suite. Si on va à l'université ou pas... Dans quelles études on veut s'orienter...
— Super, quoi... reprend Romain, le regard au loin.
Je fais tourner un petit cailloux contre le dessous de ma chaussure, ce serait mentir de dire que je sais déjà où aller. J'en ai aucune idée. Le pire, c'est de voir tous ces gens qui savent dans quoi ils veulent s'embarquer et toi qui est au milieu, n'ayant strictement aucune base.
— Et toi, tu vas lui dire quoi ? lance Kévin en direction de la blonde, son dos tapant contre le muret derrière lui.
— Je vais aller en université de droit si tout se passe bien, avoue-t-elle en plaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
Romain siffle légèrement, admiratif, je pense pas qu'il s'attendait à ça. Je me concentre sur ma clope, essayant tout de même de comprendre leur discussion. À vrai dire, je pense pas que les études sont faites pour moi. J'ai tellement hâte d'en terminer avec tout ça, d'avoir ce fichu diplôme et voilà.
— Vous savez, moi... Si j'sais pas c'que j'veux faire, mon père décide de m'envoyer à l'armée, avoue Kévin tout en laissant passer la fumée grisâtre d'entre ses lèvres.
— Sérieux ? Putain gros, c'est chaud là-bas.
— Pourquoi ? J'serai pas grave sexy avec la tenue ? rigole légèrement le plus petit, tapotant sur sa clope pour faire tomber les cendres.
— Une avocate et un militaire, c'est original...
Je ne peux m'empêcher d'accompagner ma phrase d'un clin d'œil et Camille, le rouge aux joues, vient se blottir légèrement contre Kévin qui la serre juste après. Romain tourne légèrement la tête vers moi pour me sourire puis se retourne vers le couple, leur lançant un haussement de sourcil.
— Alors vous deux... Vous êtes enfin ensembles ou quoi ?
— Hum...
Les concernés se regardent longuement, les yeux de Camille étant légèrement brillants. Ça se voit trop qu'elle est complètement sous le charme de mon ami et ça me fait plaisir de voir que de son côté, il est pareil car il semble même un peu gêné.
— Allez ! je m'écris légèrement, le roulé aux doigts. Avouez-le. Ça se voit trop en plus.
— Bon... soupire fortement Kévin. On voulait garder ça pour nous mais... Ouais. On s'est mit ensemble.
— Eh bah... rigole Romain. C'était un peu raté pour garder votre petit secret, pas vrai Léo ?
Je laisse passer un léger rire et hoche la tête, complètement d'accord. Niveau discrétion, on peu encore en discuter. La petite blonde nous sourit timidement, se laissant tomber de plus en plus contre le torse de mon ami. Tandis que Kévin essaye de se justifier, mes yeux ont déjà quittés le couple. Comme si je l'avais senti, ils se posent automatiquement sur Maël qui est toujours accompagné de cette Cassandre. Ils se posent de l'autre côté, à quelques mètres de nous. Je remarque cependant quelqu'un d'autre avec eux et je me tends directement quand je reconnais le mec aux cheveux bouclés : Matt. Ce fichu Matt... J'amène le reste de mon roulé aux lèvres, d'un geste presque brusque. Les rires fusent à côté de moi mais je n'arrive pas à les quitter du regard. J'ai limite peur que la gothique me remarque et qu'elle se dirige vers nous.
— Putain les gars, c'est pas Clarisse là-bas ?
— Hein ? Où ça ?
Je cligne rapidement des yeux en tournant mon visage perdu vers les gars. Je sens la main de Romain se poser sur mon épaule, elle la secoue légèrement. Je me décale légèrement sur le côté pour regarder aussi et je déglutis quand je remarque enfin ce qu'ils regardent. Clarisse.
— Ça lui va tellement mieux cette couleur de cheveux, avoue Romain qui frotte ses lèvres entre elles par la suite.
Elle est là, sortant tout droit de l'entrée principale du lycée, toujours accompagnée par ses amies. Mon ex marche au milieu, un sac à main luxueux accroché à son avant bras, la main devant sa bouche pour cacher son rire. Un peu tout le monde la fixe et j'comprends pas trop pourquoi. On s'en fiche qu'elle s'est changé de couleur ? Ce châtain clair ne la rend plus aussi remarquable qu'avant, de toute façon.
— Bof... Je préfère les blondes... se retourne finalement Kévin, reportant son attention sur sa copine.
Rapidement, il glisse ses doigts sur sa joue rougie et l'embrasse devant nous. Je ne peux m'empêcher de tourner le regard vers Clarisse qui continue à défiler mais bien vite, ce n'est plus elle qui m'intéresse.
— Putain, vous m'dégoûtez... dit Romain d'un ton un peu bas et j'crois que je suis le seul à l'avoir entendu.
— Je reviens.
Un peu précipité, je jette ce qu'il restait de mon roulé par terre et relève mon Eastpak du sol pour le jeter sur mon épaule.
— Attends, mec ! Tu vas où ? Me laisses pas avec eux, non ? s'exprime un peu plus fortement Romain à chaque fois que j'avance le pas.
Je ne prends pas la peine de me retourner vers mon ami qui doit sûrement se demander ce qu'il me prend. Sans même le vouloir, je coupe le chemin de Clarisse qui s'arrête d'un coup quand je la frôle un peu brusquement. Elle a levé ses mains vers le haut et moi, je lui lance seulement un regard blasé.
— Tu pourrais faire plus attention, non ? s'écrie-t-elle alors que j'étais déjà en train de me diriger vers le groupe de Maël.
Je ferme les yeux en soupirant puis, je pivote vers elle et je me retrouve devant ces nanas qui me regardent toutes sévèrement, les bras croisés contre leur poitrine. Ok, elles sont ridicules.
— Bordel... Je suis désolé, ok ? J'pas fais exprès.
Je l'entends chuchoter quelque chose, sûrement une insulte tandis que je me casse pour de bon. Attends, elle me veut quoi ? Si elle croit que j'ai envie faire discussion, Clarisse se trompe sur toute la ligne. Depuis son engueulade à la sortie, j'ai fait une grosse croix dessus. En fait, je pense l'avoir fait depuis plus longtemps mais il m'a fallut du temps pour m'en rendre compte.
Je réajuste la lanière de mon sac tandis que je m'incruste devant ces gens que je regardais de loin. Sentant maintenant tous les regards sur moi, je regrette presque d'être venu comme ça, sans même réfléchir, sur un coup de tête. Maël semble assez surpris de me voir devant lui, sa clope coincé entre son index et son majeur, il se contente de me regarder simplement. Matt, lui, hausse légèrement un sourcil en jetant un regard interrogatoire au châtain. Fort heureusement, c'est Cassandre qui brise le silence qui s'est installé depuis mon arrivée.
— Hum... Salut Léo ! Que nous vaux ta venue ? m'interroge-t-elle, plaçant une main sur sa hanche tandis que l'autre tient un joint.
Elle me sourit légèrement et je le lui rends faussement, depuis la dernière fois où elle m'a crié dessus dans le gymnase j'ai du mal avec cette folle. La gothique sait peut-être ce qu'il se passe entre lui et moi mais après plusieurs réflexions, je pense pas que Maël lui a dit quoi que ce soit de bien spécial. D'ailleurs maintenant, c'est lui que je regarde et je peux parier qu'il ne comprend pas ce que je fous ici.
— Je venais juste demander une clope à Maël, j'ai pas pensé à m'en acheter juste avant de venir, je mens tandis que Cassandre plisse ses yeux un peu suspecte.
— Hm... Tes potes n'en n'ont plus ?
Je la regarde elle, prêt à lui lancer une réponse mais sa voix me coupe.
— C'est bon, tiens.
Je remercie intérieurement le châtain qui finit par fouiller dans la poche de son cargo vert, sortant alors un paquet rouge et blanc. On établit un contact visuel et j'ouvre aveuglement la petite boîte, y sortant lentement une Marlboro. Il tire sur sa clope, pas encore totalement consumée, et je frissonne presque sous le charme qu'il dégage à cet instant précis. Mais faut que je me calme, je suis devant ces quatre yeux interrogateurs qui me fixent.
Je glisse le bâton nocif entre mes lèvres et comme s'il avait compris, je fais un pas vers lui et approche le bout de ma clope tandis qu'il joue avec le feu de son briquet. Matt qui était un peu collé à Maël, s'est dégagé lorsque je m'avance vers lui et ça me fait respirer. Même un peu plaisir. Je ferme les yeux en cueille la Marlboro entre mon index et mon majeur, reculant ensuite le pied que j'avais avancé.
— Ok... Cassandre brise le silence. On disait quoi déjà au fait ?
Cassandre coupe sec notre moment mais je ne peux m'empêcher de le regarder encore et pour cette fois, j'ai l'impression que c'est moi qui arrive à le gêner. Je ne sais pas si c'est parce que je suis là, avec ses potes et qu'il ne veut pas être déstabilisé mais j'avais vraiment envie de mettre un pied ici. Je suis sûr que d'où il est, Romain me regarde et doit se demander ce que je suis en train de foutre avec eux. Ce que je suis en train de foutre, je ne sais pas. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai demandé cette clope alors que j'en avais fumé une juste avant. Mon regard passe de Maël à Matt, ce dernier a reprit leur discussion mais j'crois qu'un des participants à lâcher prise. Le bouclé me jette quelques coups d'œil à chaque fin de phrase et il doit sûrement se demander quand est ce que je vais partir. Comme tout à l'heure, je m'avance un peu plus et laisse mon dos tomber contre le grillage vert, tout juste à côté de Maël qui ne fait rien pour cesser de me regarder. Je vois bien que Matt a légèrement du mal à parler depuis que je suis venu et ça me fait sourire.
— Mais bon, on devrait changer de sujet... finit par dire le mec que je ne peux blairer, passant une main sur ses cheveux pour les ébouriffer.
— Je dérange tant que ça ?
Ma voix s'élève un peu plus fort dans le petit groupe et j'amène la cigarette à mes lèvres en attendant leur réponse. Cassandre se tourne vers moi, les bras croisés.
— Sans vouloir te vexer, Léo... Tu t'es un peu incrusté et on discutait d'un sujet important... s'explique-t-elle d'un ton qui se voue doux, sûrement pour que je ne m'énerve pas.
Sérieusement ? Sujet important ? À d'autres. Je lève les yeux au ciel tandis que Matt me
foudroie du regard, sûrement énervé par mon comportement. Ce qui ne manque pas à Maël qui écrase le reste de sa clope en dessous de sa botte militaire.
— Et ça fait quoi au juste...? soupire-t-il, osant prendre la parole.
— ... Bah, on était en train de parler d'un sujet important. On en avait discuté, tu le sais...
— Ça va, ça fait rien s'il est là. J'vois pas en quoi ça gêne puis au pire, allez discutez ailleurs sans moi. J'écoutais même pas.
Un silence de choqué s'installe et je ne peux m'empêcher d'afficher une mine assez surprise, haussant les sourcils. Lentement, je laisse échapper la fumée de ma bouche en scrutant la réaction des deux autres. Je me retiens pour ne pas laisser pas passer un rire. Cassandre semble être un peu en colère du ton que Maël a employé mais ce dernier à l'air de s'en foutre totalement. J'aime tellement ce côté de lui, aucune peur à dire quoi que ce soit. L'autre bouclette, je savoure délicieusement son expression faciale. Il ne regarde pas le plus grand mais plutôt moi. Et j'crois qu'il ne baigne pas dans la joie, ce con. Il me déteste, même un aveugle le sentirait.
— Ok, ok... se ressaisit la gothique tout en se baissant pour empoigner sa sacoche. Je crois qu'on dérange... On va vous laisser, hein. Tu viens Matt ?
— Quoi ? l'interroge alors le plus bronzé tandis que la plus pâle tire sur son avant bras. Putain... On s'voit plus tard, Maël.
Le châtain à côté de moi ne prend même pas le temps de leur dire au revoir qu'ils se cassent déjà. C'est seulement quand ils partent vers l'intérieur du lycée que je laisse passer un rire brusque, toussotant juste après. Bordel...
— Tu l'as fait exprès, pas vrai ? me lance alors Maël, se tournant vers moi.
Je tire sur la cigarette qu'il m'a offerte avant de laisser mon crâne tomber contre le grillage derrière. Mes yeux rieurs rencontrent les siens et c'est vrai que c'est satisfaisant d'avoir dégager les autres.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, je dis avec un léger sourire.
— Hm... Bizarrement, j'arrive pas à te croire. Tiens, passes-moi ça.
Sans que je ne puisse l'empêcher, il vient chopper la Marlboro à moitié consumée d'entre mes lèvres et l'amène aux siennes. Puis comme si de rien n'était, il me la coince à nouveau là où elle était. Je marmonne un peu, décollant ma tête de l'appui qu'était le grillage.
— Tu fais chier...
— Moi ? fit-il, faussement surpris.
— Ouais toi, je réponds en relevant à nouveau ma tête vers lui.
Je le vois hausser un sourcil et d'un geste rapide, son doigt vient passer sur le contour de mon oreille. Lentement. Je n'ai pas le temps de l'en empêcher car il finit par le faire glisser le long de mon cou. Je décale légèrement ma tête et il arrête tout de suite, son sourire n'ayant nullement quitté ses lèvres. Ça me fait quelque chose même si je n'avais pas envie de couper court à ça...
— Pas devant tout le monde, je chuchote et il l'entend très bien.
Maël recolle son dos contre le grillage, ce qui le fait légèrement bouger. Je n'arrive pas à savoir s'il est déçu alors je continue, pour me justifier.
— En plus, je crois que Romain nous regarde...
Il lance doucement un juron et ses yeux se mettent à le chercher au loin, comme pour vérifier. Je n'ose même pas regarder vers eux. On n'est pas si loin que ça, il n'y a qu'un chemin en brique qui nous sépare et ce serait fort probable qu'il ai pu remarquer le toucher de Maël sur moi. Ce n'est qu'à la sonnerie que mes épaules sursautent et que je me décolle rapidement du grillage. Je me tourne vers le châtain pour l'attendre avant de nous diriger vers Romain, Kévin ainsi que Camille.
— Salut les gars !
— Hé, Maël !
Ce n'est qu'en m'avançant vers eux, et plus particulièrement vers Romain, que mon ventre se tord légèrement de stress. Je reconnais le regard de mon ami aux cheveux dorés et je peux en être sûr : Léo, attends toi à être interrogé très sérieusement.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top