Relooking.

Une main sur le volant, je me concentre sur la circulation en face de moi. Ce n'est pas encore les embouteillages à cette heure ce qui me permet de rouler un peu plus vite, comme j'aime. Il pleut et ça m'ennuie un peu, j'active les essuie-glaces à la vitesse maximale. Maël, assis sur le siège en cuir à côté de moi, s'amuse à jeter des coups d'œil à la tête des gens que je dépasse.

— Putain mec, on aurait grave dit notre prof de maths ! s'exclame-t-il en tapant son doigt contre la vitre recouverte de longues gouttes.

Je me rabats sur la voie de droite en activant mon clignotant, devant le mec en Peugeot. Puis je jette un regard dans mon rétro intérieur pour voir la gueule du mec. Malheureusement on ne le voit pas très bien dû à la visibilité de la pluie. Je suis également passé tellement vite à côté de lui qu'il n'a pas du bien le voir non plus.

— Mais pas du tout, gros...
— Si, grave. Vas-y, demain j'vais vérifier s'il débarque pas avec la même voiture, dit-il tout à coup sûr de lui, croisant les bras contre son torse avec un sourire con.

Je freine progressivement, m'arrêtant à un feu rouge d'un carrefour. Une fois au point mort, je lui lance un coup d'œil en souriant comme un idiot. Il est vraiment têtu quand il le veut, je découvre jour à jour les autres traits de sa personnalité. Même si je sais bien tout le monde l'est un peu, moi le premier.

— Mec, j'te dis c'était pas lui, j'affirme mes propos encore une fois ce qui lui fait claquer la langue.
— J'suis sûr.

Maël se retourne pour regarder en arrière afin d'appuyer ses dires mais le conducteur a bel et bien disparu. Une vieille Audi est présente derrière moi. Je secoue négativement la tête, il me fait marrer à essayer de me le prouver alors que je sais ce que j'ai vu et que j'ai tout à fait raison. La pluie s'abat de plus en plus fortement sur mon pare-brise et je déteste ce bruit, on dirait que ça pourrait le briser.

— Ça me saoule cette merde... On va dans le grand centre commercial, non ? je questionne, faisant rouler ma voiture lentement prêt à redémarrer.
— Ouais. Je connais un magasin cool là-bas et j'aime trop les fringues qu'ils vendent, affirme le châtain en tapotant quelque chose sur son iPhone.

Je prends un raccourci par les petites rues pour arriver à un des parkings souterrain de la ville. Tandis que je cède la priorité à une voiture, Maël en profite pour me faire un coup de coude et me montrer son écran.

— Regarde... J'dois m'acheter ce genre de bottes. Les miennes sont crevées.

Je jette un coup d'œil rapide à ce qu'il me montre et reprend l'attention sur la route. C'est pas trop mon style mais je sais que ce genre de truc lui va bien.

— Ouais... C'est cool, je souffle quand je dois repasser à un feu rouge.

J'entends un rire sortir de sa gorge tandis que ses yeux se rivent de nouveau sur son portable.

— L'enthousiasme, j'adore...
— Tu veux que je te dise quoi ? Tu portes exactement les mêmes bottes qu'aujourd'hui.

Le châtain hausse un sourcil tandis que je lui fais un signe de tête vers ses chaussures. Il les regarde un instant et les balance légèrement, ses épaules se relevant ensuite.

— J'suis sûr t'es le genre de mec qui s'en fout quand ta meuf te demande de choisir en deux tenues.

C'est à moi d'hausser un sourcil. Genre ? De toute façon aucune nana m'a demandé de faire ça et cette situation ne se déroulera jamais. Si ça devrait arriver, je m'en ficherai je pense. Ça dépend peut-être de qui.

— J'ai pas raison ? il sourit en coin en se penchant sur le côté, me faisant face.

Je ne prends pas la peine de le regarder, concentré sur la circulation de la ville et sur ses paroles. Il m'énerve tellement parfois et je me retiens de faire apparaître ne serait-ce qu'une émotion sur mon visage. Je sens son regard fort sur moi et je freine brusquement quand deux collégiennes traversent en courant sans même prendre conscience qu'elles n'ont pas fait l'effort de regarder. Maël se repositionne correctement et on arrive bien vite au parking souterrain. Une fois à la barrière automatique, j'appuie sur le bouton rouge un chope le ticket que je coince de suite sur mon pare-soleil.

— On à deux heures gratis, je dis ensuite tout en tournant le volant pour circuler entre les voitures arrêtées.
— T'inquiète, je payerai.
— C'est bon.

Ça me dérange pas de donner mes sous, lui aussi m'a bien payé les trucs au ciné. Je pense pas que Maël demande quelque chose en retour par rapport à ça mais quand même. Le regard dans les trois rétroviseurs, je me gare en marche arrière entre deux Renault, met au point mort et monte le frein à main. On descend ensuite de l'Audi et le châtain étire ses muscles, levant ses bras au ciel. J'éteins par la suite ma bagnole et elle remonte ses rétro dans un petit bruit, j'aime trop quand ça le fait. Je rattrape Maël qui se dirige déjà vers les ascenseurs pour nous monter au centre commercial. Je le suis et on s'engouffre dedans, par chance il n'attendait que nous.

Dans le petit lieu, je me colle au mur recouvert d'un grand miroir, face aux portes. L'ascenseur est grand pour faire place à beaucoup de personne et ça se voit qu'il est entretenu chaque jour. Le châtain se tourne vers les boutons illuminés et appuie sur celui du 1er étage. Mon regard se promène sur lui et je le détourne quand lui aussi le pose sur le mien. Il s'approche finalement et s'admire dans le miroir, touchant une mèche de ses cheveux qui rebique. Ils ont réussit à tenir toute la journée mais là j'crois qu'ils en ont marre. Ça me fait sourire.

— C'est moche. Pourquoi tu m'as menti ?

Il quitte des yeux son reflet de la glace pour se concentrer sur moi. Il semble attendre ma réponse tout en laissant son épaule taper contre le miroir, ses mains se retrouvant dans les poches de sa veste en cuir. Je lève le regard sur lui, quand il se tient aussi près de moi je suis bien obligé.

— C'est pas moche. Enfin... Ce matin ça passait mieux.

Je me rattrape avec la dernière phrase, juste pour le faire chier. Maël doit tenir à ses cheveux même s'ils ne semblent pas passer des heures à les coiffer comme les nanas avec leur lisseur et leur machines à faire des boucles. Je pense qu'il aime bien se donner un air rebelle avec ses mèches ondulées naturellement qui partent un peu dans tous les sens. L'ascenseur s'arrête enfin et les portes s'ouvrent. On sort tandis qu'une flopée de gens y rentrent. Un mec me bouscule l'épaule et je retourne ma tête vers lui. Ma bouche se contracte tandis que lui s'en fiche, le nez dans son téléphone. Je veux dire un truc mais Maël pose une main sur ma nuque, comme pour me forcer de me concentrer sur lui. Je fronce les sourcils en sentant ses doigts sur ma peau. Quand je tourne mon finalement visage vers lui, il s'enlève comme si je l'avais brûlé. Les frissons sur ma peau n'ont pas manqué à l'appel et désormais, un sourire gêné et presque timide apparaît sur son visage et il le tourne de l'autre côté. J'essaye d'estomper ma mine surprise, c'est la première fois qu'il réagit comme ça et en étant aussi fuyant.

— C'est où ? je dis au final, voulant faire taire ce blanc.
— Là, répond rapidement Maël en faisant un signe de main devant nous.

Je lève les yeux vers la boutique ainsi que vers les mannequins présentés en vitrine. C'est carrément le style du châtain ici, moi je verrai plutôt dans un magasin de sport à vrai dire. Je passe la barrière des antivols derrière lui et une meuf de la sécurité habillée tout en noir nous offre un regard, pour une fois que c'est n'est pas un mec ça me surprend. Les employés nous saluent le sourire aux lèvres, le fond sonore diffusant du bon vieux rap à l'américaine, morceau qui m'est totalement inconnu.

— J'te jure, j'achète pratiquement tout d'ici. Enfin... Souvent c'est sur le net mais des fois j'ai la flemme d'attendre.

Je le regarde s'intéresser à une rangée de sweat-shirts qui sont tous de couleur pâle. Maël fronce les lèvres en les rejetant vers l'arrière, se préoccupant plutôt des foncés. Je le verrai plus avec un bordeaux ou un kaki mais je ne le lui dirai pas. À la place je le quitte, m'avançant distraitement dans les rayons. Je me promène lentement, faisant glisser mes baskets au sol. Je passe les doigts entre plusieurs vêtements accroché à des rayons à roulette, l'esprit vide. On trouve de tout : des t-shirt, des pantalons, des shorts, des pulls, des ceintures, des casquettes, des chaussures, des accessoires et même des chaussettes montantes... D'ailleurs j'comprends pas pourquoi les gens qui portent ça, il n'y a que les footballeurs qui ont le droit.

— Léo ? Tu viens voir ?

À l'entente de mon prénom, je me retourne sur Maël qui est à deux rangées de moi. Il me sourit en mettant de chaque côté de sa tête, un sweat. Un bordeaux et un kaki. Ils les secouent légèrement et il semble me demander silencieusement de choisir entre les deux. Je soupire un peu, haussant les épaules, totalement indécis. J'en sais rien, je suis pas conseiller de mode et de toute façon les deux pourront lui aller. Le châtain lève les yeux au ciel et finalement, il les coincent sur son avant-bras. Un coin de mes lèvres se redresse et je me retourne sur des jeans qui se présentent devant moi. Je déteste les jeans. Je me sens pas à l'aise dedans. C'est tellement mieux les joggings.

— Je t'ai jamais vu avec un jean.

Je lève un peu les épaules en relevant le visage vers lui, j'avais même pas capté qu'il était maintenant à ma droite. Il penche un peu sa tête sur le côté, légèrement pensif et me tourne d'une main pour jeter un coup d'œil à mon corps de la tête aux pieds. Je hausse un sourcil tandis qu'il se penche pour me chopper un des jeans le plus banal. Puis, il me le jette presque contre mon torse, un regard et un sourire indescriptible.

— J'ai bien envie de voir, continue-t-il ne me laissant pas le choix.
— Je... J'porterai pas ça. J'aime pas.

Maël s'avance déjà vers les étagères d'à côté, comme si mon avis ne comptait pas. Il me répète la phrase comme quoi il a vraiment envie de me voir avec un jean et je soupire. Je lance un regard blasé au vêtement dans mes mains. De toute façon je ne serai pas obligé d'acheter. Je me mets alors à le suivre, sortant mon téléphone de la poche de mon gilet quand je sens qu'il vibre. Je tends ma mâchoire quand je lis le message de Kévin. Il l'a envoyé dans notre groupe à trois avec Romain.

de kévin : 19h chez moi les mecs, jcommande grec ou chinois?
de romain : Grec mec 🥙
de kévin : Ok. Léo ?

Ils savent que j'ai lu leurs SMS alors je tape rapidement une réponse.

à kévin, romain : grec c bon

Je n'attends pas plus longtemps pour ranger d'un coup sec mon iPhone à sa place. Je crois que j'ai soupiré un peu trop brusquement car Maël tourne le visage vers moi, un air curieux collé au visage.

— Un problème ? interroge-t-il tandis qu'il promène ses doigts à travers l'étagère remplies de t-shirt en promotion.
— Non... Y'a rien.

Il ne semble pas me croire vu la tête que je dois tirer. J'arrive à entendre son soupir sortir fortement par ses narines, un sourire blasé s'étirant sur sa bouche. J'crois que j'ai vraiment pas envie d'aller chez Kévin et ça me fait chier de l'avouer. Même si je n'aime pas plus que ça faire les boutiques, je suis bien avec Maël. D'ailleurs, ce dernier me fait maintenant des signes de main pour que je lui prête attention. Je cligne rapidement des yeux et plante mon regard dans le sien.

— Tu peux me dire s'il y'a un truc. J'espère que c'est pas à cause de moi.

Le châtain doit sûrement se poser des questions et il est conscient de tout ce qu'on a pu s'avouer la dernière fois. Maël se comporte comme si de rien n'était car il veut que ce soit moi qui « ose ». J'pense qu'au fond il a peur de voir ma réaction s'il commence à faire quelque chose susceptible de m'énerver. C'est comme ça que je vois les choses, à l'heure actuelle. Mais dans tous les cas, j'ai pas envie de m'éloigner ou autre, qu'on soit clair.

— T'inquiète, c'est pas à cause de toi.

Maël me scrute vaguement, je me demande à quoi il réfléchit. Sûrement à la réponse qu'il pourrait m'offrir. Finalement, il reporte son attention vers les hauts amples en face de lui et en chope deux, trois. J'ai l'impression qu'il les prend au pif, comme s'il devait vite se débarrasser de mon regard qui sont rivé sur lui.

— On va essayer ça, dit-il en passant à côté de moi, laissant passer ainsi un courant d'air.

Je me retourne d'un geste rapide car il marche vite en direction des cabines d'essayages. Lui le premier, il montre ses articles à la nana qui s'occuper de surveiller et elle lui indique d'avancer. Le jean sur mes épaules, la brune ne prend pas la peine de lever les yeux sur moi et je m'avance aussi, sans rien dire de plus. Les cabines sont assez stylés, l'intérieur est genre tagué de bombes de toutes les couleurs possibles et des miroirs sont accrochés sur un mur et ses côtés. Je tourne la tête pour chercher Maël et il est tout au fond, prêt à rentrer dans la plus grande, celle pour les personnes handicapées. Il y a toujours des familles qui rentrent à plusieurs dedans, en y pensant. Je m'avance alors vers lui et j'engouffre dans celle d'à côté. Sauf que Maël claque sa langue à son palais, attrapant la manche de mon gilet pour que je m'arrête dans mes mouvements.

— Tu fais quoi ? Viens.

Il ne me laisse pas le temps de réfléchir que lui rentre déjà. Je retourne ma tête vers l'employée qui ne semble pas s'intéresser à nous, rangeant des vêtements sur des cintres. Il y a quelques personnes qui circulent mais très peu, la boutique est petite et puis il n'y a pas un monde monstre. Je rentre alors, tirant le rideau noir après moi. Je jette ensuite un coup d'œil rapide vers Maël, il n'a déjà plus de haut ni de chaussures.

— J'ai pris ces t-shirts pour les essayer avec mon pantalon d'aujourd'hui, j'pense qu'ils iront bien ensemble, commence à raconter le châtain tout en ôtant l'article de son cintre.

Je me penche légèrement vers l'avant pour déposer mon portable à côté du sien, sur le pouf orange. Mes doigts viennent glisser la fermeture éclair de mon gilet et mes yeux ne peuvent pas s'empêcher de rester bloqué sur son corps. Je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas m'empêcher de me comporter ainsi, on possède le même corps lui et moi. On a les mêmes choses, exactement aux mêmes endroits. Faut que je me ressaisisse. Voyant que je le fixe bien trop, Maël quitte le reflet que lui renvoie le miroir, posant le regard sur moi. Il garde son sourire habituel et je remarque qu'il a enfilé le haut qu'il prévoit sûrement d'acheter, faisant ressortir l'étiquette à l'arrière. Ses yeux bougent de moi à son reflet, je le vois me regarder à travers la glace. Je ne me suis toujours pas décidé à enlever un autre vêtement de moi, comme si j'attendais que le bon Dieu me le fasse tout seul.

— Alors ? Tu l'enfiles ce jean ? son ton est un peu amusé, il doit se rendre compte que ça doit m'intimide de me changer en face de lui.

Ok, on est entre mecs mais j'ai jamais aimé ça. Même au collège, au lycée, dans les vestiaires sportifs, je ne me change en aucun cas devant les autres. De toute façon, j'ai toujours été pudique et ça changera pas. Il se retourne rapidement vers le miroir, me laissant me déshabiller tranquillement. Pourquoi il tenait à ce que je vienne tant avec lui, c'était vraiment obligé ? Mon sweat quitte la chaleur de mon torse et je me retrouve vite à moitié nu. Légèrement retourné pour qu'il ne me téma pas trop, je tire sur les ficelles de mon jogging pour le desserrer et enfin, l'enlever. Le châtain a reprit ses essayages et j'ai l'impression qu'il se regarde longuement dans la glace, comme s'il voulait s'assurer de tous les moindres détails de sa tenue. De toute façon, quoi qu'il mette, ça lui ira bien. Ce qui n'est absolument pas mon cas. Je boutonne le jean que j'ai à présent enfilé, me retournant dans le même sens que Maël, contemplant mon reflet. Rapidement, c'est le regard presque brûlant du châtain que je sens sur moi et je commence à regretter de ne pas avoir gardé mon haut. Pourquoi je l'ai enlevé aussi ? C'est illogique. J'allais juste mettre un fichu pantalon qui ne me plait pas, qui plus est.

J'ai vraiment celle impression de ne pas pouvoir bouger dans ce truc, de ne pas être libre de mes mouvements. Voilà pourquoi je préfère porter des survet, c'est beau et puis au moins quand t'es dedans t'es bien. Pas la peine de réfléchir à comment tu vas t'habiller demain vu que t'as sport. Tranquille. Ma tête se retourne vers lui et je capte son regard, il promène toujours ses yeux sur moi.

— Alors ? je lance, le faisant légèrement cligner des yeux.
— Hum... commence Maël après un petit silence. Ça te va bien. Mais tiens, essayes ça aussi.

Précipitamment, il chope un de ses t-shirts et me le tend. Je l'attrape et l'enfile sous ses yeux observateurs. J'veux pas prendre le temps de m'admirer, je sais que je ressemble à une merde avec ça. C'est bien trop grand pour moi, même si je sais que c'est le genre de haut qui se porte assez large. Maël sourit légèrement, signe p't'être que ça doit le faire rire de voir à ce que je ressemble. Alors, il s'approche un peu et attrape le bout du haut que je porte, baissant le regard dessus. Il est juste en face de moi ce qui me donne envie de reculer un peu mais en même temps, non.

— Faut que tu le mettes dans le pantalon.

Comme s'il se rendait compte de notre proximité, il se retourne pour se déshabiller, enfilant les autres habits qu'il a prit. Comme si de rien n'était quoi. C'est à mon tour de me reculer pour me planter en face du miroir. Là, j'essaye tant bien que mal d'arranger un peu ce bordel et de me prendre à peu près passable. Le t-shirt est de de couleur bleu nuit et une image tiré d'un vieux film est imprimé dessus. C'est assez vintage et une fois dans le haut coincé dans le jean, je penche la tête sur le côté en me regardant, c'est tellement pas moi le mec en face. Manque plus que je mette ses bottes de rockeurs et là je suis vraiment une toute autre personne.

— Et là ? Putain, c'est laid.

À l'entente de ma voix, Maël se retourne pour me mater. Son regard est sérieux et j'arrive pas à savoir si ça lui plaît. Vivement que j'enfile mes vêtements normaux.

— Non... Non. C'est bien comme ça. Tu fais chier, ça te va bien mec !

Il me complimente trop. Mes joues me piquent un peu. Le châtain parait sincère car son regard ne se détache pas de moi mais bien vite, je me décide à me rhabiller, tout comme lui.

— Tu devrais prendre le t-shirt et le jean, affirme-t-il assis sur le pouf, faisant les lacets de ses bottes.

Je relève rapidement mon genou après avoir fait les miens, enfilant mon gilet par la suite. Je laisse passer un rire suite à sa phrase, il peut rêver.

— C'est mort, mec. C'est pas mon style, c'est pas pour moi ce genre de truc, je réponds tandis qu'il se relève, fouillant dans les poches de sa veste pour voir s'il n'a rien oublié.
— Ok... Tu veux passer chez Adidas alors ? Nike ? Ou j'crois aussi qu'il y a un Lacoste, tout près...

Je fais un signe négatif de la tête, rendant le jean et le t-shirt à la même vendeuse de toute à l'heure, sauf que maintenant elle mâche un chewing-gum plutôt bruyamment. Les bruits de bouche m'énerve tellement. De ses longs faux ongles noirs, elle griffe — sans faire exprès j'imagine — mes doigts tout en me prenant les vêtements des mains.

— Ça n'allait pas ? me questionne-t-elle comme si elle était obligée de le faire, jetant par la suite un regard sur Maël qui rend seulement qu'un habit.

Elle n'attend visiblement pas de réponse car la voilà occupée à jeter nos vêtements sur la table, voulant sûrement les replier ou quoi.

— Au revoir, tente quand même le châtain tandis que je m'avance en premier.
— Bonne journée, merci.

On arrive rapidement en caisse. Pile au moment où on se présente, une jeune est en train de partir. Tandis que Maël pose ses articles, je jette un coup d'œil vague à la boutique et remarque qu'elle est beaucoup plus remplie que tout à l'heure. Des collégiens et des lycéens s'y trouvent maintenant, se baladant et rigolant avec leur amis. Il doit en avoir également dans les autres magasins de ce centre commercial, surtout après les cours. Le châtain devait faire pareil avant, quand il était au lycée de la ville. Maintenant qu'il est un peu plus reculé, c'est fatiguant de rouler le soir jusqu'en plein centre ville.

— Et voilà votre ticket de caisse... Alors vous avez deux semaines pour revenir changer si ça ne va pas. En vous souhaitant une bonne journée !

Je souris faussement au caissier tandis que Maël chope la poignée en ficelle du sac en carton. Il y a le nom de la marque écrit dessus et il est plutôt cool, faut avouer. On sort ensuite du magasin, passant de nouveau près de la sécurité et des barrières antivols.

— Bon... Tu veux faire quoi maintenant ?
— ... J'sais pas. Tu veux faire quoi toi ?

Après tout, c'est lui qui m'a proposé la sortie moi j'fais que de le suivre. Le monde se fait de plus en plus nombreux et je jette un coup d'œil à l'heure qu'affiche mon téléphone. Il est 17H passée, presque 18H. Je pense à Kévin et à Romain.

— Y'a un café là-bas. J'ai faim.

Je jette un coup d'œil à l'endroit qu'il me désigne d'un coup de tête. Il n'est pas trop rempli et un employé semble attendre un client, le coude contre le plan de travail, à côté de la caisse enregistreuse. On s'avance et quand il nous remarque enfin, ses yeux se lèvent vers nous et un sourire automatique se dessine sur ses lèvres.

— Bonjour ! Que puis-je faire pour vous ?

C'est Maël qui prend la parole en premier, il a déjà en tête ce qu'il veut prendre je suppose... Tandis qu'il dicte sa commande, je regarde vite fait ce qu'il y a en vitrine mais je décide de prendre un café simple.

— D'accord... Alors si vous voulez aller fumer, c'est dans la cour derrière. On vous apportera la commande à votre table, ça ne sera pas très long.

Le châtain remercie l'employé rapidement et on se dirige donc là où il nous a indiqué. On a vraiment des têtes de fumeurs pour qu'il nous le propose d'ailleurs ? Faut croire. Une fois dehors, on a une vue sur le parking extérieur et l'air humide me fait frissonner. Il n'y a pas de vent et j'apprécie, je déteste manger ou boire quelque chose dehors quand il fait ce temps. La pluie s'est arrêtée mais de petites gouttes continuent à tomber du toit couvrant qui nous protège. Maël tire une chaise qui est recouverte d'un coussin vert et je fais de même, m'installant en face de lui. Comme des robots, on sort nos paquets de clope et on s'empresse à allumer notre addiction. Je soupire quand la vapeur toxique passe la barrière de mes lèvres, je me sens mieux. Le garçon en face de moi semble porter une attention particulière sur les bagnoles garées à sa gauche. Le silence qui s'est installé entre nous est reposant et nullement gênant. C'est cool de n'entendre que les roues des voitures roulant sur quelques flaques d'eau et le léger bruit d'agglomération en fond.

— Et... T'as payé combien au final pour ça ? J'ai pas regardé.

Je tousse un peu après ma phrase, ma voix s'étant un peu cassée à la fin. J'arrive à capter de nouveau le regard de Maël, il pose enfin ses yeux gris sur moi. J'ai remarqué qu'il les plissent légèrement quand il tire sur sa clope et que ses joues se creusent à chaque fois. Ça lui donne un certain charme, je dois avouer.

— Bah... commence-t-il en jetant finalement un coup d'oeil sur le sac posé droit sur la table, environ 50 balles. En sachant que j'ai finalement prit le sweat-shirt bordeaux là et les deux t-shirts. Pas cher.

Je hoche la tête, approuvant ses propos. C'est vrai que c'est pas beaucoup, déjà quand je vois combien coûte un haut de marque... J'ai envie de m'étrangler. Mais je crois que Maël sans fiche un peu que ce soit de la marque ou pas, ce qui l'intéresse le plus c'est l'esthétique. Et c'est pas comme si ce qu'ils vendent dans sa boutique préférée est de la pure chinoiserie. Il y'en a partout de toute façon, et ça peut être de la qualité.

— Et d'ailleurs, t'as pas regardé pour des bottes.

Je le lui fait rappeler et le garçon bouge lentement la tête du haut vers le bas, tapotant sa cigarette pour y déposer les cendres dans le cendrier. Je fais de même après lui, mon regard se relevant de nouveau vers son visage.

— Ouais mais au final je vais les commander sur Internet. Ça peut encore attendre...

Le serveur coupe court à notre conversation, venant déposer nos commandes sur la petite table ronde. On écrase nos clopes et Maël décale légèrement le cendrier pour faire plus de place, étant donné que son sac prend presque la moitié. L'employé part de suite après, le châtain lui ayant adressé un merci rapide. Je regarde ce qu'il a prit et je dois avouer que sa tarte aux myrtilles me donne grave envie. Il a accompagné tout ça d'un café au lait et il semble être le plus heureux des hommes. De sa cuillère, il vient couper un bout et l'amène à sa bouche. Un soupir de satisfaction s'élève et il envoie les yeux au ciel. Ce mec est vraiment un taré de la bouffe, il réagit tout le temps comme ça. Bon, sauf à la cantine bien évidemment mais on doute toujours d'où vient la nourriture.

Je bois silencieusement mon café, mon pouce défilant les post sur les réseaux sociaux. Je fais genre de me concentrer sur mon écran sauf ce qui m'intéresse là maintenant, c'est le gars en face de moi. C'est horrible de faire semblant de regarder autre chose alors le désir est devant.

— Grave bon. Tu veux pas goûter ? me propose-t-il au final, levant finalement ses yeux en même temps que les miens.

Un doux sourire se dessine sur son visage et bien entendu, sa proposition me tente bien. Je hausse légèrement les épaules, me redressant légèrement sur ma chaise puis fait tourner son assiette vers moi, la mettant ainsi à côté de ma tasse.

— Hé !

J'attrape également la cuillère qu'il tient entre ses doigts et il rigole légèrement, amusé par mon comportement sans doute. Il sait bien que son goûter me fait envie. J'essaye de ne pas penser au fait que ce bout de métal a pu passer par sa bouche et à mon tour, j'amène un bout de gâteau à mes lèvres. Maël me regarde droit dans les yeux, voulant à tout prit admirer ma réaction. Elle est favorable d'ailleurs, ce truc est vraiment trop bon. Je prévois de reprendre un morceau sauf qu'il me vole l'assiette d'un geste rapide et je ne peux pas m'empêcher d'afficher de faire faussement la moue.

— Alors j'avais bien raison de prendre ça. Je savais que cette tartelette allait être délicieuse.

— C'est le cas d'le dire ouais, je souffle, venant m'affaisser légèrement sur le dossier en métal de la chaise.

Je regarde distraitement Maël manger et boire, je pourrais passer presque toute ma soirée à le faire. Faut bien que je me rende à l'évidence que malgré nos paroles amicales, il se passe quelque chose entre nous. Quelque chose qui risque d'éclater dans un futur proche, d'ailleurs. Rien qu'aujourd'hui, j'ai encore réussi à sentir tous ses regards appuyés et notamment lorsqu'on a partagé la cabine d'essayage. Il m'a brûlé, une fois de plus. 

Est-ce que quand je le fixe de la même façon, ça lui arrive aussi ? Je n'en sais rien. 

Je veux lui envoyer une multitude de question au visage mais en même temps, je ne peux pas encore. Quand le moment viendra, sûrement. Parce que je veux encore profiter de lui et l'idée d'aller chez Kévin ne m'enchante pas vraiment. Je n'ai pas envie de faire ça à mon pote mais c'est avec ce goinfre en face de moi, avec qui j'ai envie de rester. Je sais pas, je pourrai lui proposer d'aller quelque part ou qu'on passe la fin de la journée ensemble ? Même si c'est ce qu'on vient de faire... 

Je pense au lendemain en me disant qu'on a cours alors... Parfois l'envie est plus forte que la raison et c'est ce qui est en train d'arriver. Perdu dans mes pensées, ce n'est que maintenant que je sens la jambe de Maël frôler la mienne. C'est doux, léger, comme une caresse. Et comme s'il voulait m'interroger silencieusement et me demander ce qu'il y a, je me contente seulement de lui sourire faiblement. Avant, je n'aurai jamais pu faire tout ça. Maintenant, je ne sais plus trop. J'en ai marre d'hésiter et de calculer toutes les bonnes ou mauvaises raisons qui se bousculent dans ma tête. Dans la vie, faut réussir à se lancer. Et c'est ce que je compte faire aujourd'hui.

Je ne passe plus par quatre chemins. Pas cette fois.

— Tu veux passer la soirée chez moi ?

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