Pour mieux avancer.
Sérieux, 09:30 du matin, un dimanche.
Je commence à ôter doucement mes écouteurs filaires bientôt bousillés tandis que mon père gare son SUV sans trop d'effort, bruyant de signaux sonores. Le trajet s'est fait dans un silence de plomb et je n'avais aucune envie de lui parler. Mes pensées sont... éparpillées un peu. Beaucoup... Encore ce matin, j'étais dans le lit de Léo. J'ai encore la tête dans les vapes. J'ai dormi chez lui, et j'étais si bien avec lui. Et puis il a fallu que je sois chez mon daron ce week-end. Puis qu'en plus de ça, qu'il vienne me récupérer pour m'amener car pour lui, je devrais passer mon temps à bosser mes cours pour avoir un bel avenir.
Franchement...
Vivement mes 18 ans. Je déciderai moi-même à ce moment-là de ce que je veux. Puis, c'est seulement dans quelques mois.
— Tu feras gaffe en ouvrant la porte.
Son ton est froid mais il ne fait pas exprès. C'est sa nature. Je retiens un soupir tandis qu'il claque sa portière après avoir posé pied à terre. Mon sac de cours sur les cuisses, je finis par le soulever pour me hisser du véhicule afin de respirer l'air renfermé qu'un parking sous terrain peut dégager. Sans plus attendre, on finit par rejoindre son appartement. Dans l'ascenseur, aucun de nous deux parle. Mon père fait genre de regarder l'écran de son iPhone dernière génération d'un air concentré, ses sourcils se fronçant légèrement. Peut-être des actualités, ou des mails, nouvelles décevantes. Lorsqu'il le laisse tomber dans la poche de sa veste, un long sifflement passe la barrière de ses lèvres.
Non. Je n'ai pas envie de discuter et ça l'emmerde. J'ai envie de rentrer chez ma mère. Je serais mieux.
Ici, ma chambre est vide. Triste, sans aucune émotion. Basique. Rien ne m'inspire... Tout est blasant, grisâtre, une décoration monotone, assortie au reste des autres pièces. J'ai d'ailleurs très peu de vêtement, dans mon armoire. La plupart viennent de marques de luxe que mon père achète comme par obligation, comme s'il n'oubliait pas parfois qu'il avait pas un fils... Par contre, j'ai un lit qui pourrait accueillir trois personnes sans soucis, le seul point positif. Il donne sur une grande fenêtre me laissant une vue sur une ville qui pour ma part, ne m'arrache aucun signe d'émerveillement. Je me laisse tomber sur ce matelas confortable, je ne vais pas faire le rabat-joie sur sa qualité. J'entends le chien de mon père japper derrière ma porte, désolé mais... J'ai aucune envie de jouer avec lui.
Mon écran d'accueil affiche un message, sur mon téléphone. C'est Léo et il me demande si je suis bien rentré. Il me questionne aussi sur mon père. En ce moment, c'est très relou. J'ai passé Noël avec lui à défaut de ne pas le passer avec Adèle, ma mère. Il pense que je commence à me lasser de ce coin pourri où elle habite. Mais justement, je préfère ce lotissement tranquille plutôt que le centre-ville où il n'y a que du bruit et de l'animation, ça je n'aime pas. Je déteste. Et mon père pense que je détiens son côté matérialiste, à cause de mon passé.
Il pense que je suis égocentrique par moment, que je ne suis jamais content de ce que j'ai, qu'il m'en faudrait toujours plus, encore et toujours plus.
Il est vrai que je n'en parle jamais, du pourquoi du comment j'ai changé de lycée. Au début de l'année, c'est vrai que j'en avais discuté vaguement à Léo lors d'une fête, alors qu'on ne se connaissait pas trop. J'avais de mauvaises fréquentations, le genre à te tirer plus vers le bas que vers le haut, tu vois. Des gens égoïstes, imbus d'eux-même, des gens avec qui l'argent est le seul et principal sujet de discussion. Mode de luxe, voyages en veux-tu en voilà, voitures à des millions, futures entreprises, des projets sans but, caprices, c'était seulement histoire de faire valoir leur richesse et patrimoine qui n'appartiennent qu'encore qu'à papa et à maman. Mais sans ça, ils ne sont rien. J'ai pu m'aventurer dans ce monde totalement différent de celui des gens normaux. J'ai du me faire une place malgré mes envies. Mon ancien lycée pue la merde sous un faux voile brillant parsemé de paillettes en diamant. Tu parles. Et je me suis retrouvé dans de sacrés problèmes quand ils m'ont chopé avec ce petit sachet. Le pire dans tout ça c'est qu'il n'était même pas à moi. Je sais qu'il a été déposé dans mon sac et que le directeur m'était tombé dessus à ce moment précis, à ce moment qui a été... choisit. Par qui, je ne sais pas. Je ne le saurais sûrement jamais. C'est là que tu te rends compte que la confiance n'est jamais acquise. Heureusement que rien de grave avec les forces de l'ordre ne s'en est suivi. Le pouvoir de la richesse est très fort. Ça te rend supérieur, intouchable et c'est ce gouffre qui nous sépare entre ces différences gigantesques de classe sociale. J'essaye de trouver le bon dans le mauvais, dans chaque personne, je dis bien que j'essaye. Nous ne sommes pas fait que de défaut. Mais à vouloir penser comme ça, je me suis bien fait prendre.
J'ai voulu changer.
C'est pourquoi je déteste le monde dans lequel mon père veut me baigner. Me noyer. Je déteste être avec lui, ici, il ne fait jamais rien de bien pour nous aider ou pour trouver des solutions. Il a une mentalité encore très reculée. Je ne dis pas qu'il ne fait rien du tout mais ce n'est pas ce qu'on a besoin. J'éprouve un certain respect pour ce qu'il a accomplit, certes, pour son intelligence, son savoir-faire, son expérience, il a su s'enrichir et monter en matière de business. Mais en terme de famille, il ne sait pas s'y prendre. En relation, encore moins. Avec ma mère, c'était une catastrophe. Je n'ose même plus y penser. Ce n'est pas un bon père pour moi. Mais c'est le mien, je fais avec mais il ne sait pas comment me faire l'apprécier.
Je ne me suis jamais senti aimé.
Léo a été le seul humain à me faire douter. Dès le début, dès que je l'ai vu, le premier instant où j'ai posé mes yeux sur lui... Je sais pas. C'était très bizarre comme sensation. Mais j'avais hâte de commencer l'école ici. Juste parce que je savais que j'allais forcément le croiser. Et d'ailleurs, ça s'est rapidement fait puisqu'on est tombé dans la même classe. Et cette fois-ci par pu hasard, non pas par une certaine personne qui souhaitait toujours forcer les choses...
Tout n'était pas aussi rose qu'aujourd'hui. Il me détestait, et je ne savais pas pourquoi. Ou alors, c'était qu'une facette. Mais j'ai aimé l'embêter, le faire chier, le taquiner. Il ne m'aimait pas, je suppose, il m'a avoué qu'il me trouvait très cliché avec ma moto.
Ça me faisait rire car la moto n'était qu'un caprice que j'avais eu quand j'étais plus jeune. Et maintenant, je me vois à l'utiliser car je n'ai tout simplement pas forcément un autre moyen de transport. Ce n'est même pas pour me la péter...
Putain... J'aimais ce qu'on commençait à construire même si ce n'était pas quelque chose qui volait très haut... Avec Léo.
Quand je pense à hier soir, j'en ai encore des papillons. En quelques mois, tout a évolué si vite. Tant de choses se sont passées. Je ne regrette en rien. Je pense que je suis heureux. Genre, vraiment. Je ne pensais pas que ça allait arriver comme ça, que la chance déciderait de s'allier avec moi.
Je ne me suis jamais posé de question sur pourquoi Léo, pourquoi ce mec. Ça pourrait être n'importe qui dans la rue, mais ce n'importe qui m'a fait tant de choses. En bien. Je crois au destin, ce n'est pas réservé qu'aux histoires et aux films que tout le monde connaît où tout commence bien, tout finit bien. Je pense que c'était écrit quelque part, tout simplement. Où, ça je ne sais pas.
Malgré les invitations incessantes de mon père à sortir, je n'ai pas bougé de ma chambre. Enfin, jusqu'à ce soir car je commençais à avoir la dalle et sa petite-amie, que je n'avais vraiment pas envie de voir, s'est pointée et s'est régalée à mijoter quelque chose dans la cuisine de chef que mon daron peut lui proposer.
Leurs baisers et leurs câlins me donnent la nausée mais je ne dis rien. La blonde sulfureuse souffle des mots avec un accent des pays de l'est bien prononcé. Lorsque ses yeux glaçants se trouvent dans les miens, je ne peux m'empêcher de laisser tomber ma fourchette dans un bruit sourd. C'est trop.
— Il y a un problème avec la nourriture, Maël ? m'interroge mon père.
— Non... Non, aucun, je mens.
Je sens son regard sévère sur moi mais je m'en fiche. Il faut vraiment que je lui dise où est le problème ?
— Alors, tu as avancé dans ces devoirs ?
Il essaye de me faire parler et d'ignorer mais ce n'est pas gagné. Je ne me sens pas dans mon élément avec cette femme qui ne fait que de me regarder. Je ne la supporte pas. Elle me coince, je n'ai rien à lui dire. C'est une totale intrus qui n'a rien à faire ici.
Elle fait partie des éléments qui ont brisé notre famille et rien pour ça, je le répète haut et fort, je ne l'aime pas.
— J'ai lu un peu ton dernier bulletin, je vois que les professeurs ne disent que du bien de toi.
J'entends un petit couinement à mes pieds venant du chien qui quémande silencieusement le morceau de viande avec lequel je suis en train de jouer dans mon assiette.
— Oh, c'est vrai... Mais c'est super, ça ! s'égosille la copine de mon géniteur, son sourire s'élargissant légèrement.
Ce seul sujet de discussion vole très bas. S'il s'intéressait plus à moi, il ne me dirait même pas ce qu'il vient d'avouer. Car je me suis toujours très bien débrouillé à l'école, les instituteurs n'ont jamais rien à me redire, c'est complètement absurde sa phrase. Je me dépêche de terminer mon plat, enfin, de toute manière je n'ai plus faim. Je m'excuse d'une manière brève et quitte la salle à manger. J'entends mon père se plaindre dans mon dos mais je ne recule pas, je ne me retourne pas. Je m'engouffre plutôt dans ma chambre le reste de la soirée.
Je ne sors que le lendemain, prêt à attaquer un nouveau lundi. Léo s'est proposé de venir me chercher et j'attends impatiemment comme un con, un gros foulard blanc cassé enroulé autour de mon cou cachant la moitié de mon visage, le col de ma veste noire remontée jusqu'au cou, sa capuche sur ma tête. Mes doigts scrollent les réseaux sociaux jusqu'à ce que je vois une A5 noire débarquer sur l'allée au face de mon immeuble. Enfin... !
— Tu sais pas comment j'étais en train de me congeler, putain ! je me plains, une buée sortant de mes lèvres.
— Monte vite.
Je souffle en jetant mon sac à l'arrière, frottant mes mains recouvertes de mitaines avant de prendre le temps de le regarder.
Je souris avant de venir me pencher d'une manière rapide pour embrasser le coin de ses lèvres. Il sent le bubble-gum, je sais qu'il a vapoté quelque chose durant le trajet. Il me copie.
— Bonjour.
— Salut... marmonne-t-il tout en faisait dériver son regard sur mes nouvelles boucles d'oreilles.
Ah, oui... J'ai changé. J'en ai commandé des nouveaux sur internet. Je pense qu'il aime ? Il me dit que c'est toujours joli mes piercing, et il leur en fait subir des trucs en plus... Mais oui. Il aime.
Ses cheveux sont rasés, un peu plus que la dernière fois. C'est mieux maintenant, ça lui va bien. Ça le rafraîchit. Il est habillé d'un survêtement mais ça ne m'étonne même plus hein, ainsi que d'une grosse polaire du style sport noire assortie au reste. Je remarque que son jogging est légèrement remonté et laisse montrer ses chaussettes blanches Adidas, ses pieds portant des Air force. Il a finalement jeté ses TN, je n'en pouvais plus. Faute de goût... Il remet en place une casquette blanche NY qui traînait sur le tableau de bord, à l'envers. Je le regarde faire, amoureusement.
Nos styles sont si différents. Je ne pourrais pas porter ce qu'il met, ça me fait penser aux mecs des bas quartiers mais sur lui, ça ne me dérange même pas. Au contraire, je n'arrive même pas à l'imaginer avec autre chose. Et aussi, s'il refuse d'admettre et de comprendre qu'un jean c'est dix fois mieux...
— Alors... Ton week-end ?
Ne m'en parle pas... Il entame la route vers le lycée tandis que son siège chauffant commence à faire effet sur mon corps.
— Fff. Tu parles d'un week-end... J'ai rien fait...
— Sérieux ? Merde.
— Ouais. Non j'ai rien fait et j'te jure que j'avais hâte de me barrer. J'en ai marre de devoir retourner chez mon père... Il me gonfle.
Léo s'arrête brusquement à un feu rouge, manquant d'insulter un piéton qui commençait à s'élancer sur le passage. Je m'agrippe un peu à la portière en finissant calmement ma phrase.
— Putain... Tu m'étonnes. Mais genre y'a pas moyen tu retournes plus chez lui ? Si ça te fait autant chier... J'sais pas, ça sert à rien.
— Il force, tu sais. Mais là j'vais pouvoir respirer, j'vais chez ma mère ce soir. Je l'ai déjà prévenu ce matin parce qu'il sait très bien que je supporte pas sa pétasse. C'est bon, c'est trop gênant.
— Ah ouais...
— Ouais. Enfin bref. Désolé, c'est vraiment relou de parler de ça...
Je lui lance un bref sourire et il me le rend. Mon copain redémarre enfin au vert et trace sur le périphérique, poussant les autres sur sa voie pour les doubler. Je ne fais plus aucune remarque sur sa conduite car maintenant, je suis habitué à ses conneries. Juste, j'ai envie d'être avec lui le jour où il se fera interpellé par la police... En vrai ça me fera rire, mais je serais dégoûté s'il perd son permis car je n'aurais plus de chauffeur privé.
Finalement, on arrive au lycée avec dix minutes d'avance ce qui nous permet, comme d'habitude, de fumer une cigarette. On rejoint Romain et Yanis qui semblent discuter. Le plus grand est le premier à nous voir, nous faisant alors un grand signe de main.
— Salut, les mecs !
— Hey.
— Ça va ?
Romain est enjoué et cela met Léo tout de suite à l'aise. Je suis heureux de le voir un peu mieux, heureusement que son meilleur ami sait comment faire pour lui remonter le moral. Après l'histoire de Kévin, je vais pas mentir en disant que je n'avais pas peur pour lui... Ce mec c'est le cliché typique de l'homophobe et bien qu'il ne soit pas violent et que je ne l'ai jamais vu montrer un signe d'agressivité physique envers les personnes affichant une orientation différente de l'hétérosexualité, je ne sait toujours pas comment il peut réagir.
La première semaine de rentrée a été très bizarre, bien que j'ai vu qu'à sa tête, lui-même n'était pas très à l'aise. A mon avis, je pense qu'il veut essayer de renouer un lien, établir un contact avec Léo mais ce qui m'étonne, c'est qu'il ne cherche pas ça avec Romain. Ou alors, il n'agit pas publiquement. Mais ça m'étonnerait, Kévin aime se faire remarquer sinon il se sent pas bien.
En parlant de lui, nous le remarquons débarquer comme à son habitude, déposé par une berline comme un roi en face du lycée. Aujourd'hui, il ne nous adresse aucun regard et se fait directement accoster par Augustin, un camarade de classe.
— Mais toujours pas déterminé, celui-là... soupire Romain en aspirant la fumée de sa Winston.
— Mmm. Je m'en branle, lâche mon mec, plaçant la semelle de sa basket contre le muret derrière lui.
— Ouais. T'as raison, rouspète le châtain clair.
Romain reprend sur ses mots en expliquant qu'il doit arrêter de lui donner de l'attention, s'en voulant un peu de parler de lui. Je comprends, cette situation est compliquée. L'embout de ma cigarette électronique aux lèvres, je frotte le bout de mon nez qui doit sûrement être tout rouge vu qu'il commence à me picoter sévèrement. Aaah. J'aime l'hiver mais que pour ses qualités.
Nous fumons tranquillement jusqu'à ce que Cassandre débarque en dernière, nous saluant avec joie avant de nous diriger vers nos classes respectives, Yanis nous quittant pour rejoindre la sienne. La gothique nous indique que Bastien ne vient pas car il a chopé la crève, j'espère qu'il ira mieux. En parlant d'absent, Camille n'est pas là non plus... Je lui décide de lui envoyer un message sur Insta, peut-être qu'elle me répondra dans la journée.
En ce moment, je ne rigole plus en cours. Je veux dire, je fais de mon mieux pour me concentrer. Je sais qu'à chaque fois, Léo respecte ma décision. C'est le moment de ne rien lâcher et j'ai vraiment envie de me taper un bête de bulletin. J'essaye de l'aider également, bien que ce serait plus facile pour moi qu'on soit chez ma mère pour que je le fasse réviser mais il ne veut pas ce relou.
Puis... Nos séances de révisions ne se terminent jamais comme prévu. A chaque fois, on finit par se rapprocher.
Et puis de toute façon, c'est pas comme si on pouvait se résister tout les deux. Je tapote la gomme de mon critérium contre la pulpe de mes lèvres, mes yeux divaguant sur le profil de son visage, sculpté finement. Une mâchoire dessiné en V, un nez droit et légèrement en trompette, des légers grains de beauté un peu partout sur son visage, dessinés faiblement sur sa peau très pâle, contrastant avec ses yeux bleu azur. Il a de petits cils, légèrement blonds, vraiment, comment il ne peut pas avoir confiance en lui. Il m'énerve quand il fait ses remarques sur son physique, il n'a rien à se reprocher.
De toute façon, c'est comme ça que je l'aime.
...
Par moment... Je m'imagine sa réaction à ses petits mots.
Si je lui dis maintenant, est-ce qu'il me frapperait ?
En mode, t'es taré ou quoi. A sa façon.
J'suis sûr il me regarderait grave bizarrement, me traiterait sûrement de con puis il bafouillerait d'une manière gênante pour lui, adorable pour moi.
Je passe mes doigts dans mes cheveux décoiffés, louchant sur la pointe d'une de mes mèches que je tire vers le devant de mon front. Aïe. Je devrais aller au coiffeur. Et si je me faisais blond à nouveau ?
Mmm. Non, ça me rappellerait trop mon moi d'avant... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
Bref. Je soupire, essayant de retrouver une concentration de travail, lançant un dernier regard vers Léo qui s'assoupit, ses paupières se fermant quelques secondes avant de s'ouvrir sur la classe silencieuse.
La journée de cours se passe normalement, enfin... Jusqu'à ce qu'on arrive en cours de sport.
De toute manière, il se passe toujours des trucs en sport. Là, on doit s'entraîner pour la semaine prochaine car ce sera l'évaluation en volley. Bien évidemment, nous sommes tirés au sort pour les équipes. Il y aura donc cinq équipes qui tourneront chacune entre elles. Je me trouve dans la 3 avec Léo, Kévin, Cassandre et deux autres filles avec qui je ne parle pas trop, Lisa et Axelle. Les gens cherchent les noms du regard à chaque fois qu'on se fait désigner par notre prof.
— Aller, oh ! Vous attendez quoi ? Ceux que j'ai appelé, allez vous échauffez ! Et que ça saute ! Et je signe aucun mot de dispense, si vous êtes des fiottes, j'vous veux pas dans mon cours. Filez en permanence.
Je me lève rapidement et attend Léo qui soupire avec paresse, ce dernier terminant de tirer ses chaussettes un peu plus sur les mollets. En voyant sa tête, je lui bouscule l'épaule avec ma main. Je sais déjà qui il est en train de regarder derrière mon épaule mais je le rassure.
— Hé, t'inquiète. J'suis avec toi, de toute façon. Il dira rien.
Je remarque que sa mâchoire se crispe, ses dents se grinçant entre elles. Une des filles de notre équipe nous rejoint, Lisa, cette dernière nous demandant si elle était bien avec nous. Je lui souris en acquiesçant. Il me semble qu'elle est assez forte, cette dernière portant fièrement le t-shirt de son équipe de volley. Elle doit faire partir du club.
En rejoignant le groupe, on remarque que Kévin est déjà parti faire son échauffement en solo. Je m'en carre royalement, tant mieux. Nous commençons donc par quelques minutes de course autour du gymnase et nous terminons par échauffer nos articulations à l'aide d'exercices simples.
— Les gars, on s'met ensemble pour les lancers hein ! J'veux pas être avec Kévin, bondit Cassandre en nous priant presque.
Là, on va faire groupe de trois et s'entraîner comme un vrai match. De toute façon, oui, je pense que Léo et du même avis. Je lui lance quelques coups d'œil pour savoir si tout va bien mais notre amie continue la conversation sur un tout autre sujet et ça lui permet de se changer les idées. J'aime le voir sourire. J'étire mes bras en me retournant brusquement vers Kévin qui est de l'autre côté du filet.
On s'échange un regard assez froid, enfin, pour ma part... Je suis plutôt blasé finalement. Je ne veux pas lui accorder de l'importance. Lisa et Axelle ne disent rien, c'est pas comme si elles avaient le choix et Kévin ne semble pas vouloir leur parler.
— On commence ou quoi ? lance subitement ce dernier, faisant rebondir un ballon au sol.
— Aller ! tape dans ses mains celle de l'équipe de volley, avec hâte.
On se place tranquillement sur le terrain, de toute façon ce n'est que l'échauffement. Mais je reste quand même énergique. Lisa est vraiment forte. Elle renvoie les balles avec puissance et avec Kévin, ils sont un bon duo. Axelle reste en retrait, il faudrait qu'ils la fassent interagir un peu plus.
Je déteste quand on laisse les gens de côté.
Dans notre équipe, tout le monde participe. Léo fait de son mieux, Cassandre met toute son âme pour essayer de battre Kévin. Alors eux deux... C'est vraiment la rivalité à l'état pur.
Une rivalité assez bizarre pour le coup, c'en est même trop car la fille ne peut s'empêcher de lui lancer des remarques comme si subitement, plus rien ne s'était passé entre nous et lui. Elle abuse, j'en ai marre de ses gamineries.
— Aller, Kev'con. C'est ton nouveau surnom ça, Kev'con. Crève con, ouais.
— Mais ferme ta gueule, sale conne...
— Putain meuf, ça va pas ? je soupire, bien que je sois habitué aux insultes.
C'est trop. Le ballon revient à notre équipe et Léo l'attrape à deux mains, le faisant sauter par dessus sa tête. J'attrape la gothique à part, la faisant râler. Le jeu se met alors en pause.
— Roh, c'était une blague, c'était pour le faire chier ! Il me saoule, tu vois pas comment il envoie la balle ? s'exprime-t-elle fortement pour se faire entendre.
— Mais juste, sois plus intelligente que lui et ignore-le.
Je la vois rouler des yeux avant de le regarder à nouveau. Ses lèvres crispées deviennent un sourire léger et sur le coup, je ne comprends pas trop comment tu peux passer d'un comportement à un autre. Elle lui sourit ou j'suis en train d'halluciner ?
— Tu me dis pas tout, Cassandre.
— Mais... Bon, vas-y, le prof nous regarde. Et détends-toi, tu sais bien que c'est pour lui casser les couilles que je l'insulte.
La brune s'éloigne rapidement après m'avoir tapoté le torse, resserrant sa queue de cheval haute. Léo me fait un signe de tête pour me demander qu'est ce qu'il y a mais je hausse les épaules.
— Par contre les gars, faudrait éviter parce que je pense qu'on commence déjà à être noté, reprend Lisa les mains sur ses genoux, montrant le prof avec un cahier, regardant les groupes jouer un par un, au loin.
— Ouais, on reprend, go.
Léo se concentre sur son service et le réussit, l'envoyant vers Axelle qui n'arrive pas à le passer de notre côté. Je me tourne vers lui et lui lance un clin d'œil, il me fait un doigt d'honneur. Ce signe suffit à Kévin pour nous regarder un par un mais il n'affiche aucune expression faciale. Bref... ! Cool, on a un point.
Le reste du cours de sport est intense. La haine qu'éprouve Léo envers Kévin se ressent dans sa manière de jouer. Le prof reste bouché bée face à notre terrain, sa tête bougeant systématiquement et des exclamations sortant de sa bouche.
— Bien, bien joué ça ! Super ça, Kévin ! Léo... Ouais, c'est ça ! Parfait ! Bah voilà ! Cassandre, en place... Hé, doucement ! Attention !
Tout d'un coup, un bruit sourd se fait entendre et tout ce que je vois à la seconde d'après, c'est Cassandre au sol, le ballon en plein ventre. Un silence de quelques instants prend place dans tout le gymnase mais les gens se désintéressent des autres équipes rapidement tandis que je me précipite vers mon amie.
— Aaargh... ! Putain, ça fait trop mal, sa mère... !
— Bon, bon, allez l'aider. Cassandre, mettez vous sur un banc et aller vous rafraîchir. Très bien joué, les mecs.
Quel... Il m'énerve ce prof. Il se détourne de nous et part voir un autre terrain tandis que je m'abaisse vers Cassandre qui souffre, la pauvre. Léo lui passe sa bouteille d'eau mais elle la refuse, prenant appui sur mon épaule pour se relever.
— Vas-y à ton rythme, je lui souffle.
Kévin finit par débarquer, passant le filet, s'approchant ainsi d'elle. Il en tire une de ces têtes. Je pense vraiment pas qu'il a fait exprès, mais bon. Il est pas doué pour viser le ventre comme ça.
— Vas-y wesh, pardon... J'voulais pas...
— Ah... Ta gueule ! T'as fait exprès, tu peux l'avouer... ! Mmm, fait chier !
— Cassandre, tu vas bien ? s'inquiète un peu l'une des coéquipières de l'autre équipe.
Cette dernière fait signe de main pour qu'elle recule. Je pense qu'il ne faut pas l'énerver à l'instant précis. Même moi, elle m'a dégagé. Elle essuie une petite larme qui est survenue lors du choc avant de se reprendre, un peu crispée.
— C'est bon, lâchez-moi... ! J'suis pas faite en sucre, merde... Ça va !
— Tu devrais reprendre ton souffle sur le côté. De toute façon, c'est bientôt la fin, va falloir ranger à mon avis... je dis, faisant alors acquiescer tout le monde.
Sauf l'autre, qui se met rapidement en retrait. Bref. Je décide d'aller accompagner Cassandre et puis de remplir ma bouteille par la même occasion. Durant tout ce temps, je pensais que Léo nous suivait également mais lorsque je me retourne, je le vois au loin.
En train de parler avec Kévin. J'ai manqué un épisode ?
Je ne sais pas ce qu'ils se disent mais ça me perturbe. Je ne peux m'empêcher de les regarder, buvant une gorgée d'eau fraîche, essuyant la dernière goutte qui s'échappe et coule le long de mon menton, voulant traverser la ligne de ma mâchoire. Mon amie me parle, ses phrases étant composées à 80 % d'insultes. Je n'entends que la fin.
— Ah... Ils se parlent ? reprend Cassandre après avoir bu elle aussi. Bref ! Bon, j'vais me changer...Oh, Romain. Vous avez fini aussi ?
Je souris rapidement au châtain clair avant de reposer mes yeux sur les deux là-bas. Je jure en me mettant de l'eau partout, n'étant pas du tout concentré pour boire correctement. Putain... C'est pas si compliqué pourtant.
Je m'essuie — encore — donc avec le tissu de mon t-shirt, n'ayant pas d'autre choix que de le remonter. N'étant pas très conscient de mes gestes et de l'image que je renvoie, Cassandre me prévient et je me concentre sur les deux à mes côtés.
— Maël, avoues tu fais exprès, ricane Cassandre suite à ma façon de faire mais je m'en fiche. Tout ça pour que la Léa bave sur toi...
— Aïe, aïe, aïe... sourit Romain, mouillant un peu son visage, au robinet.
Ah oui... Mais elle, elle bave sur tous les mecs de notre classe... Je me retiens de faire cette remarque à haute voix mais lorsque nos regards se croisent, elle me sourit et me fait un signe de main.
— Nan mais ! Léo va la buter s'il voit ça.
— Calme toi. Déjà, il n'oserait même pas frapper une meuf, tu connais pas mon frère, continue Romain.
— Mais, il va l'embrouiller quoi ! reprend la gothique, détachant ses cheveux. Enfin, ça serait chelou et là vraiment tout l'monde va savoir que vous sortez ensemble. Hein, Maël.
— Ouais, ouais.
Ah, ils arrêtent enfin de parler. Je fais genre de m'intéresser à Romain et à Cassandre tandis qu'ils s'avancent vers nous.
— Ça va, mec ? me questionne Romain, bienveillant.
— Ouais, j'me demande juste de quoi ils parlaient... Enfin, j'suis un peu trop curieux, laisse.
— T'inquiète, façon c'est sûr qu'il te dira.
Il frotte amicalement mon bras avant de déguerpir avec Cassandre qui hoche vivement de la tête, cette dernière s'échappant en voyant Kévin aussi proche de nous.
— Romain, tu m'accompagnes aux toilettes ? Aller.
— Euh... Mais attends, pourquoi tu cours ? Hé vas-y, flemme d'elle.
Faut que je la chope pour qu'elle m'explique, par contre. Romain finit par la suivre, bien qu'il marche avec une certaine flemme, récupérant au passage son téléphone qu'il avait posé dans le bac des portables, sur le bureau du professeur.
Lorsque je fais face à Léo, je lui souris en ignorant totalement Kévin qui se tient un peu derrière lui, je ne vois pas son visage. Je fais genre qu'il n'existe pas, enfin, jusqu'à ce qu'il me dise quelque chose.
— Je... Ouais non, j't'expliquerai.
— Euh... Ouais, Ok. Du coup... ? Il fout quoi... ? Il vient ? je chuchote presque.
Faut m'aider, hein. Il s'est excusé, comme ça ? Il lui a dit quoi même pour qu'il réagisse comme ça, en plus.
— Nan vas-y, on s'voit après Léo. J'vais voir Romain, à la sortie.
Je hausse les sourcils, et moi... J'suis là aussi. C'est hyper irrespectueux, parce qu'il s'est excusé envers Léo, je pense que je mérite moi aussi.
Enfin, je crois que je m'emballe un peu trop vite puisqu'il finit par s'approcher de moi et par regarder mon copain avant d'ouvrir la bouche pour s'exprimer, d'une voix calme. Une chose m'interpelle : ses yeux brillants, comme s'il était devenu émotif un peu plus tôt.
— Maël... C'est mieux si on se rejoint comme d'hab aux bus, ce sera mieux pour parler.
— Bah... Fin.. Ok, ouais.
Je sais pas quoi te dire mec, mais bon oui, si tu veux. Je cherche Léo du regard, un peu perdu. J'attends que son « ex » ami part pour le questionner, ne comprenant rien du tout.
— T'es mouillé, remarque-t-il, ses yeux se baissant sur mon t-shirt noir.
— Euh... Wesh, tu viens de parler avec le mec que tu détestais le plus là, et tu m'fais une remarque sur le fait que je sois mouillé ?
Je balance une de mes mains, en faisant un signe pour indiquer que je ne comprends pas. Nous restons dans le gymnaste un peu à l'écart afin que le prof ne nous voit pas, ce dernier allant nous saouler pour ranger le terrain et ça, c'est hors de question. Après, peut-être.
— Hé, ça va pas...
Je m'empresse de venir soulever son menton, son visage étant rué vers le sol. Ses yeux bleus rencontrent finalement les miens. Je veux qu'il me regarde lorsqu'on parle sérieusement. Je n'aime pas voir le comme ça.
— Non mais...
— Il est venu s'excuser, j'espère ? Parce qu'il s'il t'a insulté ou quoi, j'te jure que-
— Non, il s'est excusé. Encore. Il se sent vraiment mal pour ce qu'il s'est passé. Il n'a pas arrêté de le dire mais... Je sais pas... Wesh, il a failli chialer devant moi.
Il me regarde d'une manière choquée en m'avouant ça. Kévin, chialer ? J'espère il chiale car il regrette de s'être comporté comme une merde, oui.
— Ça t'a fait de la peine de le voir comme ça... Tu sais, je le vois que ça te fait mal toute cette merde. Sérieux...
Léo hoche lentement de la tête et je m'empresse de l'attirer contre moi. On est derrière un mur qui forme une courbe, impossible qu'on nous voit à part si quelqu'un s'avance. Au point où on en est... Mon bras entoure ses épaules et je sens son menton se déposer vers le dessus de ma clavicule. L'ambiance devient tout de suite plus intime, plus... nous. C'est agréable et je ressens en moi cette envie de lui parler, de le rassurer, de le conseiller. De l'écouter silencieusement.
— Léo... Si tu penses que tu devrais le pardonner et que c'est le moment, ou que t'en as simplement envie... Fais-le. N'attends pas. Fais ce que toi t'as envie, et je sais que Kévin te manque Enfin, ça se voit... Puis je sais que t'as partagé des choses avec lui, et on comprend tous très bien qu'il a grave abusé sur le coup. Mais tu sais, j'pense pas que tous les gens qui aurait réagit comme Kévin reviendrait à l'heure actuelle, comme ça, et essayerait d'aborder une discussion. Tu l'as bien remarqué, non ? Qu'il essayait.
— Mmm. En despi.
— Ouais, je souffle, serrant un peu plus mon bras, mes doigts se perdant sur sa nuque. J'te pousse pas, hein. Mais de toute façon, t'es vraiment pas obligé de te faire chier avec ça... Genre, de réfléchir maintenant. T'as le temps... Fin, tu sais qu'on a le temps. Ok ? Si t'as pas envie, on aura qu'à tracer. Non ?
Je serai toujours là pour lui. Quoi qu'il arrive. Je ne l'abandonnerai pas, jamais. Surtout quand il est dans ce genre de mood, de moment, un peu désorienté. Je n'aime pas voir Léo comme ça. Au fond, je m'en fiche qu'il le pardonne ou qu'il ne le pardonne pas. Tout ce que j'essaye de lui dire, c'est pour qu'il soit lui, heureux. Qu'il se sente bien. Car au final, c'est le plus important.
Qu'importe son choix, ses décisions, je suivrais Léo. Car quand il me regarde de cette façon, je sais très bien au fond de moi que j'ai trouvé l'une des voies que je souhaite emprunter dans ma vie. Mon futur, ce sera nos doigts liés ensemble, nos poignets ligotés et nos âmes assemblées.
Je sais qu'il prendra la bonne décision. Comme pour lui, tout comme pour nous. On ne pourra plus jamais revenir en arrière mais on pourra mieux avancer de l'avant, encore mieux que maintenant.
Terminons-en avec Kévin.
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