Plus de secret, tout est dit.
La fin des vacances se terminent avec des fêtes banales et pour ma part, elles se font avec la famille. Après la soirée de chez Kévin, je n'ai plus revu personne mit à part Maël qui est passé à Noël, dans un coup de vent. Même lui était très occupé et ses deux parents divorcés se battaient entre eux pour qu'il puisse l'avoir ne serait-ce que pour le nouvel an, ou pour la journée des cadeaux. En parlant de cadeau, qu'elle fut ma surprise lorsqu'il m'en a offert un.
C'était la fin du repas, le 24 au soir. On avait sonné à la porte et bien évidemment, on se demandait quel fou pouvait nous déranger à ce moment là. Mon père, en revenant à table, m'avait expliqué que c'était pour moi.
— Oh, va vite voir qui c'est !
Ma sœur Gabriella, elle, se doutait bien déjà. Cette malade... À croire qu'elle a un radar pour tout. Je me rappelle, je lui avais lancé un regard noir avant de me diriger vers l'entrée. Là, quand je l'ai vu, j'avais envie de lui sauter dessus. Il était devant moi, un bonnet sur la tête et une grosse écharpe enroulée autour de son cou. Je pouvais voir ses joues rouges causée par le froid hivernal. Il était beau, très beau. Comme d'habitude, je dirais. Je l'invitais à rentrer, car il me faisait de la peine à congeler sur place.
— Je vais juste dire bonsoir mais je n'ai pas le temps de rester... il avait soupiré, un nuage de buée s'échappant de ses lèvres.
— Mais pourquoi ? Ça nous fait plaisir.
— Mon père m'attend dehors... Tiens. En fait, je suis venu pour te donner ça...
J'avais à peine remarquer la petite boite dorée qu'il tenait cachée entre ses mains. Cette dernière était entourée d'un ruban blanc, une étiquette « Joyeux Noël » collée contre la décoration. Je fronçais curieusement les sourcils puis, j'avais attrapé doucement le paquet. Ce n'était pas très lourd, quelque chose de léger. Sa main s'était déposée sur mon épaule puis calmement, il avait approché son visage de mon oreille. Cette étreinte me faisait du bien au cœur.
— Joyeux Noël, Léo...
J'étais vachement ému sur le coup, je vais pas mentir. J'avais retenu ma fierté et j'avais accepté ce cadeau, même si...
— Merci mais... Je n'ai rien pour toi, moi...
Son sourire avait réchauffé l'allée plus qu'elle ne l'était déjà. C'était bon, j'étais heureux.
— T'inquiète... Au fond, c'est déjà tout ça, tu sais... C'est déjà toi et nous, mon cadeau.
N'importe quoi... Comment il pouvait sortir des trucs comme ça sans être un minimum gêné. Après tout, c'est Maël et on était habitué à tout ça. Ses regards, ses remarques, je ne m'en lasserais jamais. Un silence nous surplombait à cet instant précis et je n'osais pas vraiment lever mes yeux bleus sur lui. Il fallait que j'encaisse tout ça.
— Léo ! Chi è ? (qui-est-ce)
À ce moment là, j'avais répondu vaguement à ma mère. Bien évidemment, elle savait qui c'était mais j'ai pensé qu'ils voulaient tous le voir. C'était comme ça que j'ai présenté Maël à mon oncle ainsi qu'à ma tante. Ces derniers ne connaissant que très peu le français, ils avaient été quand même polis avec le garçon. Mon père, Fiorenzo, avait invité Maël à table, la nourriture ne manquait pas vraiment ce soir là. Mais il avait refusé, puisqu'il devait déjà s'en aller. Gabriella l'avait imploré pour qu'il revienne vite à la maison, mais celle-là... On ne l'arrêtera jamais.
C'était de cette façon que nos chemins s'étaient croisés un bout de temps, ce jour-là. Je l'avais raccompagné jusqu'à la voiture qui l'escortait. Une grosse Mercedes-benz GLE de couleur noire mat. Je présumais automatiquement que c'était son père au volant de ce monstre. J'étais un peu jaloux sur le coup, certes, même s'il est beaucoup plus classe quand il prenait place dans mon Audi. Sous un grognement, le bolide s'en allait de la rue de devant chez moi. À faible allure ils partaient et je me retrouvais tout seul, un manque compressant à l'intérieur de mon cœur.
La nouvelle année avait sonnée également. La fête battait son plein chez moi, même si l'alcool ne coulait pas à flot. J'avais reçu des messages de Maël, de Romain puis de tous les autres, sauf Kévin. Ce dernier était en train de bronzer à Saint-Barthélemy, en plein soleil. Et puis après l'épisode qui s'était passé chez lui et sa découverte sur moi et Maël, il n'avait pas essayé de me recontacter. Ça m'avait fait mal, de me laisser comme ça. Je ne comptais pas les soirs où je ne pensais qu'à lui, à tous les moments qu'on avait passé ensemble. À toutes nos sorties, nos conneries, nos teufs... Kévin me manquait. Bien qu'il se comportait comme un réel connard, j'avais aussi appris qu'il ghostait tout le monde. Même Camille. Cette dernière était très inquiète, ne sachant quoi faire pour qu'il lui revienne. On ne savait pas ce qu'il se passait avec ses parents, à l'autre bout du monde.
On ne savait pas, jusqu'à que la rentrée revienne au grand galop.
Retour à la réalité, au monde actuel. L'heure affiche 6:58 et je sais que dans deux minutes, le réveil de mon iPhone va sonner. Putain de merde. Comment j'ai pas envie... Comment j'ai pas envie, putain ! J'hésite à me rendormir puis oublier tout ça. Je ne veux pas y aller. J'ai pas envie d'affronter ce premier jour, j'ai pas envie d'affronter le retour de Kévin surtout.
Hier soir, je m'étais endormi la boule au ventre. En appel avec Maël, il m'avait dit d'arrêter d'y penser et que de toute manière, il serait avec moi. Bah j'espère, ouais. Je pourrais pas assumer de voir sa gueule tranquillement. Je soupire, la sonnerie maudite s'enclenchant au final dans le calme de ma chambre. Bon, quand il faut y aller hein...
D'un long soupir las, je me lève et je tire mes rideaux. Dehors, il fait légèrement nuageux, encore un peu sombre. Je suis sûr qu'il va pleuvoir. Sérieusement, comment tu veux démarrer une journée de rentrée sous de telles conditions ? Je hais la pluie, ça me met dans un moral de merde.
Je descends dans la cuisine et Gabriella me rejoint également. Ses cours du collège commencent en même temps que les miens alors, on se croise souvent à la même heure. Bizarrement, elle est de bonne humeur. Les écouteurs rivés à 7:00 du mat' dans les oreilles, la brune chante des paroles incompréhensibles. Encore ses musiques, là... Elle va me rendre fou.
— Oh, t'es pas toute seule hein.
Je lui fait signe de baisser le son puis, me verse un bol généreux de céréales. Ma sœur attrape ensuite le paquet plastifié, recopiant mes gestes. Elle m'écoute, c'est bien. Enfin après la nouvelle année, elle s'est décidée à prendre une bonne résolution : écouter son beau gosse de grand frère.
— Tu sais, c'est pour bien me réveiller et pour bien commencer la journée que j'écoute mes baes !
— Ah, ouais. Bah écoutes, t'écouteras moins fort quand même. Tu vas finir par devenir sourde.
Bien que je pense qu'elle l'est déjà un peu... Ça fait flipper en y pensant, faut vraiment qu'elle arrête ses conneries.
— Tu peux pas comprendre... soupire-t-elle, versant un peu trop de lait dans son petit-déjeuner.
Bah, encore heureux je dois dire. C'est pas comme si j'avais envie de comprendre quoi que ce soit. Je mange calmement, en prenant mon temps ce qui est le contraire de Gab qui doit se dépêcher pour aller se pomponner. Et bah. Franchement, merci la nature que je sois né garçon parce que j'aurai pas pu faire ce qu'elles font, je veux dire, les meufs. Moi j'enfile mon survêtement Adidas, mes baskets, mon sac de cours et je m'en vais comme ça.
Je jure quand je remarque que j'ai oublié les clés de mon Audi. Puis merde. Je fais demi-tour et Gabriella veut que je la dépose devant son collège.
— Steuplé !
— Non ! Après c'est moi qui va être en retard. Tu prends ton bus, c'est pour ça que maman te paye ton abonnement déjà.
— Cretino.
Elle veut juste faire la belle pour que ses amies la voit débarquer en A5. Je veux pas que ma sœur se comporte comme une de ces filles superficielles. Je sais que ma voiture est stylée, c'était un sacré sacrifice pour mes parents de me l'acheter. De ma vie, c'est le seul truc coûteux que j'ai eu. J'en rêvais depuis gamin, étant fan de voiture depuis tout petit. Mon daron, on va dire que lui aussi. C'est aussi pour ça qu'il avait décidé, le jour de mon permis, de débarquer avec mon bébé. Honnêtement, j'avais bugué hein. Je pensais qu'elle était pour mes parents, mais... Pas du tout. Je me rappellerais de ce jour toute ma vie. J'en fais attention, je ne l'ai jamais abîmée et puis, elle est toujours propre. Elle a rien, elle est juste parfaite. Ça contraste avec ma personne, parfois, j'ai l'impression que j'ai rien à foutre dedans.
J'arrive au lycée avec quelques minutes d'avance, comme d'habitude. Je vois certains contents de se retrouver, d'autres faire la gueule. Pas besoin d'expliquer que je fais parti de la deuxième catégorie. Je... Je sais même pas si je dois aller attendre à notre place habituelle, en sachant pertinemment que je ne retrouverai pas Kévin. Je soupire, en sortant de ma voiture. Je l'éteins puis je me dirige vers le portail. Deux surveillants font la discussion autour d'une buée de fumée grisâtre. Ça sent la beuh, la clope, c'est toxique mais mon nez ainsi que mes poumons sont tristement habitués.
— Hey, Léo !
Je tire sur ma Marlboro et je me rassure quand j'entends la voix de Romain. Ce dernier vient de sortir de son bus et s'apprête à me faire notre tcheck de gang. Ça faisait longtemps.
— Frère, me demande pas si ça va ou quoi. J'crois que ça se voit à ma gueule, je soupire, le regard loin.
— Mais t'inquiète... Hé. J'suis avec toi, j't'ai dit. Je te lâcherais pas. Alors, respire.
— Ouais. T'as intérêt.
On se sait. Ma petite menace le fait sourire. Je le dis comme ça mais, vraiment, il a intérêt. Je refuse de me retrouver seul même si au fond, ça ne changerait juste rien. C'est pas comme si Kévin en a parlé au lycée entier quand même. C'est un enculé, mais soft. On va dire. Je croise les doigts pour ne pas me tromper en tout cas.
— Tiens, qui voilà...
— Salut... Ça va ?
Maël. Son fameux air accroché au visage et depuis le début, il n'a pas changé. Cet air qui m'énervait tant autrefois et que maintenant, je fais que d'adorer.
— Eh bah. Le mec a été gâté, à ce que je vois... siffle Romain, regardant la tenue de l'intéressé.
— J'avoue. Le père Noël a été particulièrement généreux cette année...
— Tu parles, plus que généreux ! C'est quoi, ta veste ?
— Hermes.
Bien évidemment, ça sent son daron friqué qui a du lui offrir ce bout de tissu. Je parle mais, ça lui va bien. C'est tout un style. Chic, sobre, classe sans trop en faire. Il est parfait, rien ne dépasse, il est prêt à monter sur un podium. Peut-être que j'abuse mais c'est ce que je pense. J'ai l'impression que son style a évolué depuis l'année dernière. Il a abandonné ses cargos et ses bottes militaires pour des pantalons plus sérieux, des baskets coûteuses, du prêt-à-porter de luxe. Putain, à côté de lui je suis nada.
— Ça te va bien, je laisse passer dans un silence.
— Tu contrôles tes mots, rigole Romain.
— Pas du tout...
— Merci, Léo.
Quand il dit mon prénom, c'est comme si tout revenait sérieux. Je hoche doucement de la tête, relevant mon avant-bras pour apporter de nouveau ma cigarette aux lèvres. À ce moment-là, je vois le regard de Maël s'arrêter sur un endroit précis, comme pour vérifier si tout était en place sur moi. Personnellement, je sais qu'est ce qu'il veut vérifier. Je me retiens de sourire puis, il reprend.
— Tu portes mon cadeau, c'est bien.
— Ah ouais ? Fais voir, Léo.
Je ne suis pas celui qui rompt notre contact visuel. Mais bien sûr que je le porte, son cadeau. Romain comme intéressé de savoir ce que c'est, essaye de deviner. Puis, je finis par lui montrer le bracelet qui orne mon poignet.
— Putain, stylé ! Mais ça m'étonne pas de Maël, ça te va super bien.
— Merci mec...
Je suis un peu gêné maintenant, ça me rappelle que je n'aime pas tant que ça recevoir des cadeaux. Surtout que je n'ai pas oublié le fait que je ne lui ai rien donné, à lui. Mais en même temps, sérieux... Je pensais pas déjà qu'il allait m'en faire un. Mais si... En plus, ça doit coûter quand même une petite somme. Mais bon. Lorsque je regarde ce bracelet, ça me fait automatiquement penser à lui et à son sourire dont seul Maël à le secret.
— Et bonne année, les mecs !!
Je ne m'attendais pas à ce qu'une furie aux cheveux colorés débarque en nous sautant presque dessus pour nous faire la bise. Cassandre, c'est vraiment une fille spéciale. Je ne manque pas de sourire légèrement lorsqu'elle prend mon visage en coupe, me chuchotant qu'elle est là, se rappelant de la façon dont notre dernière soirée ensemble c'est terminé. Mine de rien, ça me fait plaisir qu'elle me dise ça même si c'est pas l'amour fou entre nous.
— Maël ! T'es tellement beau, sérieux...
— Super, Cassandre. Sympa pour nous hein, se plaint faussement Romain.
— Oh, vous aussi vous êtes beaux. Mais... Maël... C'est...
Mais oui. J'ai l'impression que c'est toujours comme ça, je comprendrais jamais pourquoi toutes les filles s'extasient devant lui. Sûrement parce qu'il sait s'habiller.
— Arrête, tu me gênes meuf.
— Depuis quand t'es gêné quand j'te fais des compliments ?
— J'pense il veut juste que tu lâches sa veste.
Déjà qu'elle coûte mon âme, sa putain de veste...
— Ça va ! Bon, vous allez bien les mecs ?
Pour ma part, je hoche doucement de la tête même si en toute franchise, j'aurai préféré rester chez moi. Bien que mon moral soit un peu remonté, je n'oublie toujours pas ce qui s'apprête d'arriver aujourd'hui concernant un certain Kévin.
— Comment tu veux qu'on aille bien un jour de rentrée, au juste ?
— Romain. Je crois que t'es bien le premier à vouloir retrouver tous tes potes, donc ne me prends pas pour une conne en faisant genre, hein...
Le dénommé hausse les épaules, ne répliquant pas à ça. Mais je rejoins l'avis de Cassandre, Romain est un ange bien que parfois il réagit tout différemment. Les discussions continuent au sein de notre petit groupe mais en regardant subitement au loin, mon cerveau se met en mode Off. Il fallait s'y attendre.
Je le vois là, descendre d'une BMW blanche. Une casquette de marque sur la tête, il claque la portière du véhicule sans aucune émotion. Quelques regards sont rivés sur lui, en même temps, rare sont ceux qui se font déposer comme des rois en face du lycée. Kévin suit l'allée centrale et la traverse sans même nous adresser un regard. Quand je vois son visage froid, fermé et vide, je me mords automatiquement la lèvre en m'empêchant de lâcher un juron. Je sens une petite main se poser sur mon épaule, celle de Cassandre. C'est à ce moment là que je remarque que personne ne parle avant que la seule voix féminine du groupe n'ose rompre cette bulle un peu gênante.
— Non mais regardez-le... Pff. Ce mec me dégoûte.
Les mots de la gothique me font un certain effet, en mal. Dégoût. C'est ce qu'il doit ressentir envers nous. Envers moi. Est-ce que si je n'étais pas là, il viendrait ? Je ne sais pas. La sonnerie retentit finalement, signe que l'heure du commencement de l'Enfer est arrivée. Putain. Comment j'ai pas envie.
— Bref ! Aller. On y va.
Cassandre essaye de motiver les troupes mais bon, que dire. Je suis celui qui marche derrière, suivant leur pas qui ne sont pas plus pressés que ça. En même temps, tu m'étonnes. Personne n'a envie d'aller en cours. Surtout en cours d'histoire-géo. Maël vient diminuer sa cadence pour m'attendre. Dans les couloirs, il vient frôler avec tendresse mon petit doigt congelé avec le sien. Tout aussi froid. J'apprécie ce geste.
— Fais pas cette tête. T'es moche comme ça.
— C'est toi, t'es moche.
Je soupire puis je range mes mains dans les poches. Je sais ce qu'il est en train de faire. Malgré les bruits incessants qui se forment dans l'enceinte du bâtiment, je ne fais pas plus d'effort pour hausser le ton de ma voix.
— Je t'emmerde, Maël...
— Tu me fais mal.
— Je m'en fou...
Je tente un regard vers lui et il fait signe d'être blessé. C'est ça, ouais. Il fait exprès. Mais d'accord, d'accord ! Il gagne, c'est bon. Il gagne mon sourire. Il est lourd quand il s'y met.
— Je crois qu'en fait, ça te plaît de m'insulter.
Ne me fais pas imaginer. J'essaye de faire taire mes pensées, mais en vain.
— Dans certaines circonstances... J'avoue que j'trouve ça plutôt plaisant.
Mon épaule cogne la sienne, mon visage affichant une petite mine taquine. Il me regarde du coin de l'oeil, avant de me renvoyer mon coup. Hey. Son souffle parvient jusqu'à mon oreille et, entourés d'un amas de lycéen en train de s'exclamer entre eux comme si c'était la foire, j'entends parfaitement son chuchotement.
— Alors... J'ai hâte que tu me montres un de ces quatre.
Je rêve... Je joue, il joue. C'est comme ça entre nous. Mon ventre se tord légèrement, comme si deux mains empoignaient ce dernier pour le compresser. Je dois respirer, soufflant fortement. Maël, après ça, s'échappe en premier et je fixe ses cheveux tandis qu'on rentre presque en file indienne en salle. Je note, son parfum a changé.
— Silence... Hé, silence ! Dans le calme, dans le calme ! Oh... ! Taisez-vous, nom d'une pipe !
L'autorité de notre professeur d'histoire est à revoir, hein. Le vieux essaye d'apaiser les gens dans les couloirs, les autres classes attendant leurs instituteurs dans un brouhaha infernal. Finalement il referme la porte, nous emprisonnant dans un silence agréable. Je me dirige vers le fond de la classe et mon regard croise celui de Kévin, sans faire exprès. Il me fixait déjà mais je n'arrive pas à cerner l'expression de son faciès. Ce dernier s'est placé à côté d'un autre gars, un grand roux qui s'appelle Augustin.
— Bien, aller ! commence le prof en tapant dans ses mains. Tout d'abord, je vous souhaite une excellente année à tous. J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes et que vous êtes prêt à entamer cette nouvelle année dans la joie et la bonne humeur. Donc, j'ai quelques contrôles et devoirs à vous rendre...
Je n'écoute déjà plus. Ça y est, il va nous rendre nos torchons gribouillés de rouge, mon Dieu, comment je stresse sa mère.
— Angélique, c'est parfait ! Comme d'habitude, une bonne maîtrise du sujet...
Celle-la, je peux pas me la voir. Toujours à sucer les profs, abusé... Maël installe ses affaires pendant que le vieux continue de distribuer, ne pouvant s'empêcher de faire ses remarques.
— Cassandre ! Alors, Cassandre... Dans l'ensemble c'est bien, il faudra juste améliorer vos argumentations.
— Hmm. Merci. Ah, 12. Ça va.
Il s'avance vers moi. Ses yeux me regardent à travers ses lunettes et, vu que j'étais à moitié avachi sur ma table, je me redresse instantanément. Je sais jamais à quoi il pense, ce vieillard. Il me fait flipper.
— Donc, Monsieur Armanetti Léo... Bah, écoutez ! Je suis plutôt ravi de voir vos efforts ! Alors, ce n'est pas parfait-parfait mais... Vous êtes en bonne voie d'amélioration. Continuez comme ça. Maël, vous... Voilà, je n'ai rien à dire quand un devoir est simplement admirable !
Je vais directement voir ma note et me rassure quand c'est juste au dessus de la moyenne. 11,5. En histoire. Vraiment, faut faire péter le champagne à ce stade. Quand j'examine de loin la feuille de Maël, on voit la différence... Elle est propre, une écriture lisible et il y a une pointe de rouge. Il faut vraiment que je fasse des efforts, parce que là... Je trouve qu'il a été bien sympa le prof en ne m'enlevant aucun point de propreté. Non parce que certains, ils ne se gênent mais absolument pas.
— Tu vois, quand tu veux.
On dirait mon daron qui parle. Le cours vient de commencer et on se lance dans une nouvelle séquence. Je lis ce que marque l'instituteur au tableau avant de plonger mes yeux dans ses yeux.
— Je suis fier de toi, continue-t-il avant que je dise quelque chose.
— Et sans tes cours, en plus.
En parlant de ces derniers...
— Ça fait longtemps que je ne t'ai pas fait de cours particuliers... Tu m'y fais penser.
— Tu crois vraiment que j'peux rester concentré quand tu m'fais des cours ?
— Bah quoi, t'as bien compris certains trucs en maths...
Ouais, il a pas tort. Mais bon, c'est pas comme si j'avais déjà un peu oublié... Il faut pratiquer plus souvent mais genre, trop la flemme. J'arrive chez moi et j'ai pas forcément envie de faire des maths après tout. Ça m'emmerde, ça m'ennuie. C'est pas fait pour moi.
— Tu sais, je peux m'adapter et te donner des cours d'histoire.
— Non, jure ? je souris. C'est pas comme si t'étais juste pas doué en tout.
— Au fond ! Silence !
Oh ça va, il fait chier lui non. On peut même plus parler normalement. Quelques regards se tournent vers nous et je leur fais signe de fixer ailleurs. Ah, je déteste ça.
— Ce soir, reprend Maël un peu plus doucement. Tu viens chez moi, et je te donne un cours particulier.
Je me balance sur ma chaise, le dossier de celle-ci tapant contre le mur derrière. Ouais, un cours bien particulier je veux moi.
— Tu sous-entends des choses ? je chuchote, sous la même tonalité.
J'aime bien quand il sous entend. Ça me plaît, moi. Le châtain écrit le cours, en prenant des notes lorsque le professeur marque au tableau des dates importantes. En soupirant, j'essaye de faire de même. Va savoir où cette feuille va se perdre après. Je crois que je ne la reverrai juste plus jamais. Mon trieur, c'en est même plus un. Il y a rien qui va. Je dois mieux m'organiser mais c'est pas mon fort.
— Je sous-entends souvent des choses, et tu le sais.
Pas faux.
— Ouais, bah... On va le faire. Ton cours particulier.
Je remarque ses lèvres s'étirer dans un coin puis, je ne dis plus rien. J'attrape mon stylo quatre couleurs, m'amusant à enclencher en même temps le rouge, le noir, le vert et le bleu. Sans succès. J'y arriverai sûrement un jour.
Notre matinée se termine par une expérience foireuse en physique-chimie. Cette fois-ci, on peut choisir notre groupe à trois. Du coup je me retrouve avec Maël et Romain, ce dernier faisant n'importe quoi.
— Ça coule... Ah, wesh. C'est la merde. Monsieur !
— Oui ? Que se passe-t-il ?
— Il se passe que ça passe pas, soupire Romain.
Je me retiens de rire face à l'air exaspéré du professeur. Il réajuste ses lunettes sur le bout de son nez, regardant les dégats.
— Et bien... C'est parce que vous vous êtes trompés dans la manipulation des produits. Qu'est ce qu'on a vu en cours ?
— Euh...
— Hm ?
Ah ouais hein mais faut pas compter sur moi pour apporter une certaine réponse. Je les regarde travailler, moi je dessine juste les schémas. Finalement, il nous rappelle une phrase importante de la séquence qui date de... Et bien, de l'année dernière. Maël se rappelle enfin, notre sauveur. Il reprend alors la chose mais d'abord, il part jeter la composition foireuse et ramener quelques serviettes. Durant cet instant, Romain décide de prendre la parole.
— Tu te sens mieux, toi ?
Face à cette question, je hoche automatiquement ma tête. Ouais. On va dire que ça va mieux qu'au réveil. J'essaie au mieux d'ignorer la présence de Kévin dans la classe. Je ne peux pas m'empêcher de lui jeter un regard au loin. Il est toujours avec ce Augustin et une autre fille de la classe, Lola, une fausse blonde avec des faux cils atteignant Mercure. Ils semblent ignorer leur TP, préférant rigoler entre eux.
— Tu sais, je t'ai pas dit mais... À la soirée de Kévin. Je lui ai aussi avoué quelque chose.
Je le regarde intrigué, me demandant quoi.
— Quoi ?
— C'est bon ! Aller, pousses-toi et laisse-moi faire.
Maël s'incruste vraiment au mauvais moment. Il coupe court Romain mais ce dernier sourit, se décalant sur le côté pour laisse sa place. Bon. Tant pis. Un silence se met en place dans notre petit groupe et comme s'il l'avait senti, mon mec lève les yeux vers nous.
— Quoi ? Vous parlez plus ?
— Si, si ! Tu t'en sors, du coup ? demande Romain, regardant par dessus l'épaule de Maël.
— Ouais, c'est bon. T'inquiète. Tiens, tu m'passes le bécher s'il te plaît ?
— Vas-y.
Le coude posé contre la table, j'attrape un des torchons que le châtain a ramené et j'essuie rapidement le peu de produit qui restait sur notre table.
— Ben voilà... Donc, on peut reproduire cette réaction en schéma. Tu le fais, Léo ?
— Ouais.
J'essaye de m'appliquer, ça se trouve le prof va prendre ma feuille... En parlant de ce dernier, je manque de sursauter quand je le remarque derrière moi. Wesh ! Un screamer, ou quoi. Ça va pas de faire ça.
— Très bien, ça ! Continuez, vous avez bientôt fini. N'oubliez pas de conclure.
Ah, ça fait plaisir. Pour une fois que je fais pas de la merde. C'est parce qu'à trois, on est le meilleur groupe. Après avoir terminé la partie expérimentale, je vais laver le matériel pendant qu'ils terminent de recopier ma feuille. Super. Il y a un robinet pour cinquante mille gens, là. Je manque de jurer sur la personne qui vient de me bousculer.
Quand je me retourne prêt à insulter celui qui vient de me pousser, je ravale mon injure quand je remarque que c'est Kévin. Je vais surtout fermer ma gueule, je crois.
— Ouais, pardon.
C'est ça. J'ai pas besoin de ton pardon, de toute manière.
— Bon vas-y, bouge Léa ! se plaint-il dans mon dos.
— J'ai pas fini, alors t'attends ! réplique la brune, prenant le temps de laver ses fioles.
— Putain, elle met trois plombs la dingo...
Il soupire et son pied tape le sol, signe qu'il s'impatiente. Après une minute, Léa me cède sa place en souriant. Ouais, connasse. Aller. Je laisse tout tomber dans le lavabo — en faisant attention — puis commence à faire la vaisselle. Super. J'espère qu'on va se taper une bonne note, quand même.
J'essaye d'ignorer la présence de Kévin, bien que ce dernier ce soit approché de moi. Il dépose son bac contre le rebord de la table avant de prendre la parole, à mon plus grand regret. Il peut juste pas se taire ?
— Je peux ?
Je ne veux même pas relever mon regard sur lui. Je ne dis rien mais je ne refuse pas pour autant. Je me décale de cinq centimètres même pas pour le laisser nettoyer. C'est calme, on entend que le bruit de l'eau couler ainsi que la mousse du produit vaisselle. Comme je ne veux pas respirer le même air que lui, je me dépêche, m'en foutant si c'est bien propre ou pas. Je ne supporte pas sa présence à côté de moi et je suppose que lui non plus.
— Tiens Kévin, souffle la fille de son groupe apparue de nulle part. T'as oublié de prendre ça.
— Ah. Merci, Lola.
Je lève mes yeux sur cette dernière. La blonde platine sourit exagérément à mon ancien ami avant de me regarder, son sourire devenant un peu plus timide. Elle joue avec l'une de ses mèches de cheveux avant de repartir vers les dernières tables, au fond. Quand elle arrive, je la vois toujours en train de me fixer. Elle semble discuter avec Augustin et maintenant, il lève ses yeux vers ma personne. Putain, mais ils veulent quoi eux ? J'ai quelque chose sur la gueule ou c'est comment ?
Bref. Je décide d'ignorer puis termine par ranger le matériel dans les bacs dédiés. J'abandonne l'autre et ça me fait rire intérieurement, il galère tellement. Je sais même pas pourquoi je fais des remarques, je m'en bas les reins au fond.
— Aller, Kévin ! Dépêchez-vous de ranger, ça va bientôt sonner ! le presse notre professeur.
Le châtain semble marmonner dans sa barbe. Je regagne ma place et les deux se pressent de me demander, les sourcils légèrement froncés. J'avais pas fait attention qu'ils me regardaient, en tout cas.
— Il t'a dit quelque chose ?
— Non rien, c'est bon.
Maël ne peut s'empêcher de lui lancer un regard mauvais. Comme par hasard, Kévin était en train de nous fixer. Suite à ça, il baisse les yeux. Enfin bon. Je m'en fiche un peu. Maintenant, c'est comme si ça m'avait fait quelque chose au moral. Ça me fait chier d'être aussi faible, mais j'en ai marre de cette situation. Ça ne fait même pas un jour et... Je veux retrouver mon ami. Mais que ce soit comme avant.
— Bien ! Bon même si votre collègue n'a toujours pas fini, je vais prendre la parole. Je vous rappelle que vos devoirs seront bien évidemment notés et attendez-vous à ce que ce sujet puisse passer au BAC. Voilà, je n'en dis pas plus. Vous faites ce que vous voulez de cette information.
Oh sérieux, comment ça commence à me stresser. Faut vraiment que je me réveille. Mon dernier bulletin était catastrophique, enfin, j'avais 9,38 de moyenne. Comment dire que c'est vraiment nul. Il faut au moins que je monte de deux, aller, un point. Puis surtout, faut prier pour que les sujets ne soient pas très complexes.
La sonnerie s'enclenche et, nos tables déjà rangées, nous nous dirigeons vers la cantine. On reprend les cours à 14:30 et on finit à 17:30 par anglais. Une fois que je sors de la salle, je me fais aborder par Léa. Oh, qu'est ce qu'elle me veut ? Elle me lâche pas, jamais en fait. Romain me rejoint suivit de près par Maël. Cassandre aussi.
— Euh... Vous êtes débarqués comme si j'allais vous le voler...
— Tu veux me dire quoi ? je commence, ne supportant pas le bruit dans les couloirs.
— Bah, la dernière fois je t'avais laissé mon numéro, avant les vacances ! Mais je sais pas si tu l'as perdu, ou quoi...
Oui, Maël l'a déchiré en milles morceaux et l'a jeté. Trop triste.
— Bon, j'y vais moi les mecs. Ma copine m'attend devant le lycée, s'échappe Cassandre.
— Bye Cassandre. Mais bref, voilà, c'était juste pour savoir si vous êtes intéressé pour une séance révision, on devait la faire avant les vacances mais on n'a pas pu. J'ai essayé d'avoir le CDI entre midi et deux, Mme. Brillant est d'accord pour nous laisser réviser. Je parle de toutes les terminales, hein. Regardez, faut juste vous inscrire.
On regarde tous la feuille qu'elle nous tend. Je vois qu'il y a déjà des gens notés qui ne sont pas dans notre classe. Il reste une dizaine de places. En vrai, pourquoi pas.
— Donc ce sera tous les lundi, mardi, jeudi et vendredi. Vous n'êtes pas obligé de venir tout le temps, hein ! Le plus important c'est de vous inscrire. Soit avec moi, soit avec Bastien. Hm... Du coup, vous êtes intéressés ou pas ?
Je regarde Maël, puis Romain. Ce dernier textote sur son téléphone portable et pourtant, c'est lui qui prend la parole en premier.
— Vas-y. Tu peux m'inscrire. Juste attends... Fais voir ta fiche. Ouais. Ok. C'est bon.
— Super, je te note ! C'est quoi ton nom, déjà ?
— Duval.
— Romain... Duval... Ok ! Et vous, vous voulez venir ?
Si Maël vient alors, moi aussi. Le châtain hoche de la tête ce qui rend Léa hyper contente.
— Ok, cool ! Alors, Maël... Gautier...
— Inscris-moi aussi, je lance. Léo Armanetti.
Ça semble lui tenir à coeur, ce groupe de révision. Je ne savais pas que Léa était aussi impliquée, c'est bien. De toute façon, je crois que c'est la déléguée avec Bastien. Ouais. C'est ça.
— Super, les mecs. Du coup, prochaine séance... Demain ! Alors normalement vous passerez prio à la cantine. Ça commence à 12h30 et finit à 14:30. Voilà... !
— D'accord, sourit Romain. On sera là.
— Cool ! À demain les garçons.
Bon aller, il est temps de rentrer. Dehors, on décide de fumer une clope ensemble. Putain, finalement je pensais que cette journée allait être bien pire. Mais ça m'a fait du bien d'être avec les deux, là. On était... Juste, bien. Y a pas d'autres mots.
— Au fait, on est d'accord, Camille n'est pas venue aujourd'hui ?
Ah. C'est vrai ça. Normalement on la voit tous les matins, enfin, à toutes les pauses quoi. Elle est toujours avec Kévin et là, je l'ai pas vu avec.
— Bizarre, répond Romain. Je sais pas, j'ai même pas son numéro. Tu l'as, toi ?
Je secoue négativement de la tête. Pourquoi je l'aurai même ? Putain, ça craint en vrai. On la connaît depuis le début de l'année quasiment et on n'a même pas son numéro. Maël semble chercher dans ses contacts. Lui par contre, il nous rassure direct.
— Je lui envoie un message. Bah, vous l'avez vu après la fête de l'autre là... ?
— Non, soupire mon meilleur ami. Je sais même pas si elle est encore avec Kévin, pour être honnête.
Moi non plus. J'amène ma clope aux lèvres, tirant doucement dessus. Ça fait plus d'une semaine, je ne sais ce qu'il s'est passé entre les deux là.
— Je lui ai dit qu'il ne la méritait pas, assume Maël, soufflant la fumée de son roulé.
— Ah ouais ?
— Bah ouais. Attends... Elle mérite mieux, c'est un ange cette fille.
— J'avoue. J'espère qu'il a pas fait de la merde.
— Mais il te parle plus non plus, Romain ?
Je regarde le concerné, il met du temps à répondre. Son regard est lointain, un peu perdu. Il passe une main dans ses cheveux, zieutant l'écran de son téléphone portable avant de répondre.
— Ouais, non.
— Pourquoi ? Enfin... C'est pas comme s'il avait un problème avec toi.
Je vois que mon pote hésite à parler, je sais pas, je le vois à son visage. Il tape nerveusement sur sa clope, en faisant tomber les cendres.
— Bon, les mecs. Façon je sais même pas pourquoi je vous le cache à vous.
— Tu vas nous faire ton coming-out, ou quoi... rigole Maël.
— Ben arrête, je souris. C'est qu'il est vraiment sérieux.
On le laisse parler, un silence prenant place dans notre groupe. Puis enfin, ça ne dure pas bien longtemps puisqu'il finit par sortir ses mots calmement, comme s'il s'était répété cette phrase dans sa tête.
— Je sors avec un mec.
Ça ne me fait rien, je le savais de toute façon.
— Qui ? Attends... réfléchit Maël, fronçant ses sourcils.
— C'est pas bien compliqué, hein...
Il me regarde, me faisant signe de parler. Romain me sourit. On se sait tous les deux. Au loin, je vois ce qu'il était en train de regarder. Ou plutôt, qui. Le groupe de Mathis ne semble pas vouloir rentrer, ces derniers étant posés contre un muret qui délimite l'allée centrale avec les buissons derrière.
— Ah mais... Mais oui, putain ! s'exclame Maël comme si tout devenait logique.
— Ouais. C'est évident, vous pensez ?
— Clairement, je lâche.
Déjà, à la soirée de Kévin. Durant l'action ou vérité.
— Yanis, bah ouais mec...
— Mais évitez de faire genre vous savez. J'ai aucune idée de s'il veut, ou pas.
— T'inquiète. Mais... Enfin, du coup, Kévin le sait alors ?
Romain soupire un peu avant de répondre à Maël.
— Il sait que je sors avec un gars mais il ne sait pas que c'est Yanis. Je veux pas prendre le risque qu'il s'en prenne à lui.
— Je comprends, ouais. T'as raison, en vrai.
— Il a réagit comment ? je demande, tandis que je fais trois pas pour jeter mon mégot dans une poubelle.
— Bah écoutes... Je crois qu'à ce stade là, plus rien ne pouvait l'atteindre. Il m'a simplement regardé de travers, pendant qu'il fumait sa clope. Le pire c'est que... J'avais réussi à le calmer mais les gars... Je pouvais pas ne pas lui dire ! C'était plus fort que moi. Du coup, maintenant il sait.
— Ouais. Bah t'as bien fait de lui dire. Comme ça, il y a plus de secret entre vous. Libre à lui de revenir, il sait que ce sera comme ça ou rien.
Maël a raison. Tout est dit, c'est fait. Mine de rien, c'est de la charge en moins à porter sur nos épaules. Je ne sais pas comment on a fait durant tout ce temps pour nous cacher... On reste encore quelques minutes et Romain se réveille, se dépêchant de nous laisser pour ne pas rater son bus. On se dit à demain puis, on se retrouve que tous les deux.
— Pourquoi tu me regardes comme ça... je lâche, commençant à me diriger vers les parkings.
Il a envie de me manger ou quoi ? Peut-être bien... Mais ça ne me dérangerait en aucun cas.
— Du coup, on va chez toi ou...
— Wow. Mais qu'est ce qu'il t'arrive aujourd'hui ?
— Bah quoi ?
— T'as hâte que je te fasse cours ?
Je me retiens de lever les yeux au ciel. Il a surtout oublié de rajouter un mot, à la fin de sa phrase. Particulier. Je veux un cours particulier, ouais.
— Tu changes, Léo. C'est bien. Je suis fier de toi, continue-t-il.
— Aller, c'est bon. T'es pas venu en moto ?
— T'as vu ma tenue... ? Puis, il fait trop froid pour la moto.
Mouais. J'allume mon Audi et il s'installe côté passager. Je prends place sur le siège conducteur puis, je démarre mon moteur pour le faire tourner. J'attends pas plus longtemps pour prendre la route, direction la résidence Gautier. Une fois devant sa maison, je me gare rapidement tandis que Maël cherche ses clés dans son sac.
— Ta mère n'est pas souvent là...
— Bah, si mais bon... Tu sais, c'est un peu galère en ce moment.
Galère de quoi ?
— Comment ça ?
— Mon père a décidé de ne plus donner de l'argent à ma mère.
— Quoi ? Mais pourquoi, wesh ?
Il ouvre la porte de la demeure, me laissant rentrer en premier. C'est vide et calme.
— Je sais pas, va savoir... Il s'est décidé comme ça, après les fêtes. À mon avis, il n'a plus aucune thune pour rincer confortablement sa pute.
Maël est violent dans ses mots, je remarque qu'il n'a aucune peine pour la femme qui remplace sa mère. La russe. Il m'en avait parlé.
— Du coup, bien sûr... Ma mère galère. Pour payer la maison, les factures, tout ça. Avec son salaire, impossible de tout régler. Alors, elle a décidé de trouver un deuxième travail.
— Fait chier... Je savais pas.
— Tu pouvais pas savoir. C'est tout récent. Mais ouais. J'te jure, je me sens impuissant et...
Comme s'il venait de se réveiller dans une certaine réalité, il enlève sa veste d'un geste brutal, cette dernière tombant dans un bruit par terre.
— ... Et je porte les putain de trucs qu'ils m'offrent.
Le garçon se dirige vers la cuisine, sortant deux canettes de bière de son frigo. Ils les posent sur le bar et s'en décapsule une. C'est froid.
— Léo, tu sais... J'aurai vraiment préféré ne plus avoir aucun lien avec mon père. Parfois... Je me sens trop bête à être présent seulement quand il en a envie.
— Mais non... je soupire. T'as pas à te sentir bête.
Je m'approche de lui, ne sachant quoi dire d'autre. J'aimerais pouvoir le rassurer ou je sais pas. Faire quelque chose. Mais je ne suis pas doué pour remonter le moral des gens.
— Mais... Ma mère galère avec deux boulots, moi je dois travailler en cours comme un malade pour me taper une bonne fac et lui, il pense qu'à sa gueule. Il nous donne seulement quand il veut ! Jamais quand on est dans le besoin ! À croire que ça lui plait de voir ma daronne souffrir. Je... Bref. Désolé. Je devrais pas t'emmerder avec ça...
Il boit une gorgée de sa bière et après avoir posé sa canette sur la surface en bois, je viens lui choper les poignets pour qu'il me regarde.
— Déjà, tu m'emmerdes pas. Dis pas des conneries.
— Oui. Mais c'est chiant, je le sais.
— Non, je le coupe. Parles moi.
Je peux écouter. Je suis peut-être nul pour conseiller mais j'ai l'oreille attentive, surtout si c'est pour Maël.
— Tu sais que tu peux me parler de tout, hein. Sérieusement.
Le châtain hoche de la tête puis, contre toute attente, il me vole un baiser. Je voulais le faire en premier mais... Il m'a devancé. On s'embrasse là, dans sa cuisine. Ses lèvres légèrement imbibées de bière viennent se frotter aux miennes, m'en offrant leur goût acidulé. J'aime bien. Comme aimantés, nos corps se collent ensemble. Enfin, je veux surtout le sentir au plus près de moi. Il m'a manqué. Puis l'avoir enfin à moi, ça me fait du bien. Nos bouches se perdent contre leur jumelle et mon corps réagit à ses doigts qui viennent s'amuser dans mon dos. Des frissons m'attrapent, comme à chaque fois que Maël me touche. C'est inexplicable et je ne trouve jamais les bons mots pour exprimer ce que je ressens au fond de moi.
En quelques minutes, on se retrouve dans sa chambre. J'aime ce qu'on fait, je vais pas mentir. Maël m'offre une tendresse dont lui seul à le secret. C'est le seul à me rendre mieux. C'est le seul qui me fait évoluer. Nos baisers se perdent entre caresses, chuchotements et rires de sa part. Je ne sais pas ce qu'il trouve de drôle quand je lui mords le bout de son nez. C'est pas de ma faute s'il est si mignon... Son visage sculpté à la perfection, les parties qu'il considère comme des défauts, moi, je ne les vois pas. Je vois rien, je vois juste Maël. Parce qu'il est parfait comme il est. De cette façon, c'est comme ça que je l'aime. Ces mots me font un effet grave au sein de mon organisme. C'est comme si mon coeur se compressait, avant d'exploser. On se plaît, on ne peut pas faire semblant. Tout est naturel entre nous, encore plus depuis qu'on se connaît de cette manière charnelle.
Sa chemise qui lui allait tant mais pourtant, elle finit par terre. Je me contrôle pour ne pas la déboutonner de force, parce qu'elle est belle. Je ne veux pas la casser, je veux la revoir sur lui. Son jean, lui aussi, quitte l'épiderme de sa peau. Je ne peux m'empêcher d'observer ce corps comme si c'était la première fois, parce qu'il est juste comme il faut. Maël entretient ses muscles, même s'il ne sont pas totalement développés. C'est tout ce que j'aime. Je ne peux m'empêcher de descendre sur ce dernier, ma bouche se retenant de jouer avec son piercing. Dommage, parce qu'il me nargue d'ici. Sa gorge retient un couinement, bien que j'aurai préféré l'entendre entièrement. J'aime bien quand il résonne, quand il communique avec moi. À deux, puisque je ne peux pas contenir ce qu'il provoque à l'intérieur de moi.
Quand ce n'est pas moi, c'est lui qui semble prendre le dessus. Pas que je n'aime pas mais... Si en fait, je kiffe ça. Je vais devenir dingue à force, il sait s'y prendre et il a parfaitement conscience de ce qu'il fait. Maël est fort, c'est comme si mon âme se laisse totalement emporter par les émotions que la sienne s'approprie, l'effervescence que provoque nos anatomies lorsqu'elles s'affrontent. Ses mains retiennent mes hanches, sa langue traçant les lignes de mon ventre, cette dernière me brûlant dans une agréable sensibilité qui se dégage de moi. Il continue, puisque je lui soupire des mots. Il me comprend même si mon cerveau est perdu dans un cafouillis de sentiments. La tonalité de ma voix change par moment, tantôt se faisant plus grave ou, avec vachement de crédibilité, montant dans certains aigu qui m'étonne moi même. Sa bouche est une merveille, c'est comme si elle a été conçue exprès pour se combiner avec certaines parties de mon être. Ses yeux, quand ils se lèvent vers les miens, c'est comme si tout devenait électrique. L'ambiance qu'il a su créer dans sa chambre est un avant-goût de quelque chose de plus profond. Quand il remonte vers mon visage, ses deux mains me l'attrape et mon regard se perd dans le flou avant de se fermer, faisant face à une pénombre lorsqu'il m'embrasse l'os de ma mâchoire. Il trace dans un chemin, des petites caresses et des baisers qui remontent jusqu'à mon oreille, sa destination finale avant de reprendre un tout autre itinéraire.
— Les cours de langue ce sont mes préférés, et tu sais.
Ce sous-entendu me plaît. Je ne dis rien, me contentent de former un espèce de sourire... Avec lui, c'est ce que je préfère aussi. Tout ce qu'il pourrait faire sur moi, au dessus de moi ou même inversement, tant qu'on est tout les deux. Ses iris froides se perdent dans les miennes, bleutées et glacées. Je prends l'initiative sur Maël, ce dernier s'étant trop perdu dans mon regard. Qu'il se perde un peu plus souvent, dans ce cas. Putain, je vais lui manger ce corps. Doucement, ou peut-être pas. Ce mec m'a complètement matrixé. Je suis devenu fou à lié. Sa peau pâle affiche quelques morsures, dispersées aléatoirement. On distingue parfaitement les endroits qui ont été découverts, marquées de traces rougeâtre. Ça paraît sûrement sauvage et un peu violent, mais lui il le voit comme une douce torture, plus agréable que désagréable.
Son lit nous accueilli malgré nos mouvements qui le font légèrement grincer, accompagné de nos soupirs qui se fondent dans la pièce. Je me perds entre excitation et amour. Cette nuit-là, je ne compte pas les heures qu'on a passé à se redécouvrir. À chaque fois qu'on se frôlait, ça me provoquait un certain besoin de le toucher, de lui faire plaisir, d'une façon que je tairais puisqu'elle est tout simplement logique... Quand on aime comme j'aime Maël, tout apparaît comme une évidence et je sais pertinemment ce que j'ai à faire. Je fais ce qu'il désire et inversement, il m'offre ce que je n'ose pas dire. Mutuellement, à deux, on se connaît plus que l'un et l'autre. Exaltant, voilà comment je qualifierais notre relation notre nous, notre, ouais...
Notre couple.
Le matin, je me réveille dans une toute autre ambiance. Je panique en attrapant mon téléphone portable, perdu entre nos coussins. Lorsque je vois l'heure sur l'écran, je reprends ma respiration. Bien que les notifications de m'inspirent aucune confiance. Je vois un message de Romain, trois de Gabriella et deux de ma mère.
Je quitte le lit de Maël à contre-coeur. Habillant mon corps nu d'une rapidité qui ne me ressemble pas, je décide de lui envoyer un message bien qu'il soit là. Il le lira quand il se réveillera. Dans une heure, je dois me préparer pour aller en cours. J'ai le temps d'ici là de rentrer chez moi. Ce qui est largement le cas puisque quand j'arrive, personne n'est encore réveillé. J'ouvre la porte en essayant d'être silencieux, ça ne me connaît pas trop mais bon. Une fois dans ma chambre, je m'enferme dedans en me jetant dans mon lit. Je suis éclaté, putain. Je repense automatiquement à ma dernière nuit. Fait chier... Je suis beaucoup trop faible, je l'ai cherché et maintenant je suis seulement... crevé.
Crevé d'amour, pour faire le plus sincèrement possible.
Je me pose un réveil dans une demi-heure, ne sachant de quoi sera faite la journée que je m'apprête à affronter. Dans un sens, c'est comme si j'avais un certain mauvais pressentiment que je ne pourrais pas expliquer. Je sais pas. On verra bien quelle connerie me fera face très bientôt. Tant qu'elle ne commence pas par un K ou qui se finit par un... Out.
Moi du futur, j'ai que ça à vous dire.
Plus de secret car tout sera dit. Rien ne se cache car tout se sait. Au final, c'est comme ça que les choses devront se passer.
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