Piercing.
Macbook posé sur les genoux, lumière éteinte et torse nu dans mon lit, je commence à penser à l'impensable. Je regarde l'heure qu'affiche mon ordinateur, 23H56. Presque minuit, j'ai cours le lendemain mais je ne trouve pas le sommeil. Et je sais très bien pourquoi, ce qui m'énerve.
Un long soupir s'échappe de ma bouche. Ces temps-ci, avec Maël... Comment dire. J'ai l'impression qu'on fait un tas de truc et au fond de moi, je ne nie pas le fait que j'adore découvrir toutes ces choses avec lui. Vraiment. Je sais que c'est pareil pour lui, enfin, j'pense. Mais bref, du coup, plus on s'embrasse et plus cette envie d'en vouloir encore grandit. Mes pensées sont un peu fouillis et je n'ai strictement aucune idée de ce que je m'apprête à faire à l'instant même.
Une connerie, très certainement. Mais c'est plus fort que moi.
Le bout de mes doigts frôlent le clavier illuminé, ces derniers n'osant pas appuyer dessus. Je me sens mal de penser à ce genre de chose alors qu'en réalité, c'est tout à fait normal. Comment je faisais avec les filles ? J'crois que j'avais aucun problème pour ça. Mais c'était vachement bizarre. Je n'avais pas besoin de penser à ma satisfaction en solo. Parce que quand j'en avais envie, il y avait toujours une nana qui pouvait étouffer ce plaisir. Mais là... J'aurai jamais pensé être autant perdu avec mon corps.
Je jette un coup d'œil à la place libre dans mon lit. Même quand cet idiot n'est pas à mes côtés, je ne peux m'empêcher de penser à lui et de m'imaginer sa présence. Il est envahissant, collant, chiant et pourtant... C'est comme si ce n'était pas assez suffisant. Je dois vraiment avoir un problème pour autant réfléchir à lui. Mon téléphone posé contre un coussin, j'appuie sur le bouton latéral pour le déverrouiller et je cache ma déception lorsque je vois mes notifications vides. Je me demande ce qu'il fait en ce moment même.
Puis je secoue légèrement mon visage, venant me concentrer à nouveau sur l'écran de mon ordinateur. Mes yeux scrutent le logo Google en face de moi et la pointe de ma souris clique enfin finalement sur la barre de recherche.
— Que je n'aille pas en Enfer...
Plusieurs liens s'affichent devant moi et j'avoue que je ne sais pas trop sur lequel appuyer. Comme pour me rassurer, je vérifie bien que je suis en navigation privée mais bon, c'est pas comme si ça suffisait pour que mon PC ne se mange pas un virus. La molette de ma souris descend de plus en plus, faisant défiler les pages web mais je me décide à remonter vers ce premier lien, patientant quelques secondes après avoir cliqué sur la ligne bleue. La page prend quelques secondes avant de de charger complètement et je ferme sans le vouloir un œil, ayant peur de ce que je pourrais voir.
Sans grande surprise, quelques vidéos se forment et en analysant les miniatures, je me retiens de balancer mon précieux ordinateur par la fenêtre. En fait, j'crois que je suis déjà en Enfer. Je vérifie que mon casque est bien allumé et connecté en Bluetooth, j'ai pas envie de réveiller ma sœur qui doit sûrement être encore sur son portable à l'heure actuelle. Vraiment, quelle horreur. Ma main serre sans le vouloir la souris de mon ordinateur tout en faisant défiler la page d'accueil de ce site — affreux —, mes yeux regardant absolument partout, plus par curiosité qu'autre chose. Je fronce les sourcils et je me retiens de lâcher un cri lorsqu'une pub apparaît sans que je ne le veuille en plein milieu de mon écran, le fermant brusquement. Me retrouvant alors dans le noir, j'essaye de vider mon esprit de ces images perturbantes.
Je décale d'un coup de main mon ordinateur portable et laisse glisser mon casque sur mon cou. Je sors une jambe en dehors de ma couette, ayant assez chaud. Seulement vêtu d'un short de sport qui doit m'accompagner depuis mes années de collège, ce n'est que le seul bout de tissu que je porte actuellement. Mais plus pour très longtemps, j'crois.
Ah, sérieux.
Sans pouvoir contrôler les muscles de ma main droite, je la laisse descendre le long de mon torse, frôlant les lignes de mes muscles légèrement tracés, les laissant passer contre le creux de mon ventre. Mes doigts se faufilent sous l'élastique de ce short un peu serré pour moi et commence déjà à éveiller ce qui fait de moi un mec.
Je remonte mon crâne contre l'un de mes coussins, j'ai un peu mal au dos dans cette position mais actuellement, je m'en fiche pas mal. Je ne vois même pas ce que je fous vu que ma chambre est plongée dans l'obscurité la plus totale. Puis de toute façon, je n'ai pas besoin de regarder quoi que ce soit pour faire ce que je veux faire alors je me laisse guider, naturellement.
Un long soupir s'échappe de ma bouche et j'essaye de me faire taire en me mordant les lèvres juste après. Ça fait chier. Ça fait beaucoup trop longtemps que j'ai pas été stimulé en bas. Je commence par de mouvements lents et pas vraiment précis, croisant mon avant-bras gauche derrière ma nuque. Je finis par fermer totalement mes yeux puis j'essaye de penser à autre chose qu'à lui.
En vain.
— Putain...
Je peste, forcer la chose ne sert strictement à rien car j'ai que sa tête dans mon putain d'esprit. Je me sens un peu mal de faire ce genre de chose en ayant une image de Maël, je me sens trop désolé et dégoûté de faire ça dans son dos. J'aimerai qu'il soit avec moi mais en même temps... non. C'est bizarre. Je replie doucement ma jambe — celle qui est sortie de la couette — et accentue mes gestes sur ma virilité. J'étouffe un nouveau soupir, tirant un peu plus sur ma lèvre que j'vais saigner à force. Ayant complètement descendu mon short le long de mes cuisses, je me sens un peu plus libre dans mes mouvements. Ça doit faire facile un mois voir plus que je n'ai pas fait un truc du genre, un mois que je ne me suis pas touché, un mois ou j'avais envie — presque — de rien et il a fallu que cet idiot éveille des trucs en moi. Ces baisers dans ce même lit, ce même lit où je me masturbe en silence, je ne peux m'empêcher de me traiter de dérangé dans le coin de ma tête.
Les images que me reflétait l'écran de mon ordinateur reviennent hanter mon esprit. Tous ces mecs en train de... Je ne peux pas affirmer que c'est ça qui vient de me turn on. Un peu, peut-être. Merde, j'sais pas. Il a fallu que je reste moins de deux minutes sur cette merde pour que je me mette dans cet état. J'arrive pas à y croire. Ou alors, j'veux pas y croire.
De toute façon, je vais m'imaginer mieux. Je vais m'imaginer quelque chose de moins baraqué et en l'occurrence... Quelqu'un de plus fit, plus svelte, quelqu'un comme lui, quelqu'un qui ne ressemble absolument pas à ces acteurs un peu maquillés et lumineux sous des lampes débiles, j'vais m'imaginer quelque chose de plus naturel, qui me correspond mieux, qui me va mieux, qui ne me repousse pas et qui, par dessus tout, me plaît plus que tout. Je vais me rappeler le soir de nos baisers, quand j'étais chez lui, il était vraiment beau. Tellement plus beau que tout ce qui vient de me brûler les yeux.
Je ne peux pas énumérer toutes les choses que j'aime chez ce mec. Parce que j'vais certainement en oublier. Vraiment... C'est juste trop indescriptible ce que je ressens pour lui. Mon ventre me fait mal quand je me mets à penser à ce genre de chose. Je ne peux pas expliquer pourquoi j'aime autant ça. En ce moment même, j'aimerai juste venir embrasser sa bouche et qu'il me dise deux trois bêtises entre chaque baiser. Comme il aime le faire. J'aimerai revenir poser les paumes de mes mains chaudes contre son corps, le sentir entre mes doigts, l'examiner, loucher sur ses muscles masculins et j'ai envie qu'il fasse pareil avec moi. C'est affreux de penser à lui de cette façon, affreux mais pourtant si bon, agréable. Je retiens un autre foutu gémissement, ma dent lâchant ma lèvre inférieure, totalement humide. Merde. Des frissons me parcourent de la tête jusqu'au pieds, je ne vais bientôt plus me retenir si ça continue. J'suis désolé, Maël. Mes mouvements s'accélèrent, de plus en vite et de plus en plus fort. J'attrape la précieuse chaînette que je porte au cou et la glisse entre mes lèvres, fronçant un peu plus mes sourcils.
C'était rapide, un peu intense. Je me laisse aller, le plus silencieusement possible, je me laisse aller et finit entre mes doigts désormais mouillés. Rapidement, même si un peu sonné après ce que je viens de foutre — sans putain jeu de mot —, je me redresse et m'essuie à l'aide de quelques mouchoirs propres en essayant de le faire rapidement, de faire comme si rien ne venait se passer. Une perle de sueur orne contre front mais je l'essuie d'un revers de main tout en laissant mon dos cogner le matelas de mon lit. Le souffle court, j'essaye de me concentrer sur ma respiration afin de la calmer.
— Merde...
Qu'est ce que je viens de faire.
⁂
Le lendemain, mercredi matin. On est en plein milieu de la semaine, celle-ci avance doucement mais sûrement. Aujourd'hui, je suis de bonne humeur bizarrement. Peut-être que c'est parce qu'on finit à 12H ou bien parce que le temps est juste parfait, le ciel est bleu et vide de nuage, le soleil nous réchauffe un peu, j'adore cette sensation.
— Non, jure tu vas te faire ça ? Mais quand ?!
— Bah, tout à l'heure. Et Léo m'accompagne.
Les discussions fusent un peu de partout. Notre groupe est assez rempli aujourd'hui, il se trouve que celui de Mathis et de Yanis nous a rejoint. Sans compter le fait que Camille, Cassandre et Bastien nous sont présents également. La gothique d'ailleurs, semble être en pleine euphorie après avoir vu quelque chose sur l'écran du portable de Maël, ce dernier se tenant tout près de moi.
— De quoi, je t'accompagne ? je lâche après un moment, me tournant un peu plus vers les deux.
— Pour mon piercing. Je t'ai dit que j'allais me le faire aujourd'hui, réplique le châtain qui range son iPhone dans la poche de son jean rouge bordeaux.
Ah... J'avais oublié ce détail. Il me dit tellement de chose de toute façon que j'en oublie la moitié parfois. Je le regarde rapidement et il me lance un clin d'œil rapide. Cassandre, cette dernière ayant changé du jour au lendemain de couleur de cheveux — elle s'est teinte la moitié en d'un bleu électrique — ne manque pas d'ajouter autre chose.
— Hm... Et dis moi Maël, tu vas te percer lequel ? Les deux ?
— Non, juste un. En vrai, je sais pas lequel. Ça ne change rien. P't'être le gauche. Ouais. Le gauche parce que je suis gaucher.
— Tu vas chez Jade, aussi ? continue la lycéenne tout en s'allumant un roulé.
— Ouais. Il est sympa puis pas besoin d'autorisation parentale avec lui. J'sais parce que pour ce que j'ai envie de faire, il faut 18 ans.
— Hm, souffle Cassandre. Pour les tétons c'est 18 ans, ouais. Tu l'as pas dit à tes darons ?
— Mais ont-ils besoin de savoir ? rigole alors le châtain, accompagnant la fille avec lui. Non non, c'est bon quoi. De toute façon, ma mère est habituée à mes conneries. Pour mes oreilles, j'l'ai fait sans son avis. Et mon tatou, pareil.
J'écoute leur conversation sans rien ajouter de plus, en fait, j'suis plutôt concentré à le fixer plutôt qu'à assimiler tout ce qu'ils disent. Les piercing et tout le bordel, ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse.
— Ah, t'as de la chance d'avoir une daronne comme ça. Moi j'me fais daronned à coup sûr si j'en parle pas avant. Surtout par mon père, rajoute Cassandre qui ouvre grand les yeux en ayant sûrement une pensée pour son géniteur.
— Oh merde, rigole le plus grand.
— Ouais, merde... Ah, et du coup toi Léo ? Tu vas te faire percer aussi, vu que tu l'accompagnes.
La gothique fait un signe de tête vers Maël pour le désigner, le garçon me regardant à présent. Je hoche négativement de la tête sans prendre le temps de réfléchir. Jamais de la vie je me ferai un truc du genre. Ça m'irait pas puis je n'ai absolument pas le style pour.
— Qui va se faire percer quoi ? s'incruste une voix que je reconnais parfaitement.
— Putain dégage, t'es lourd, souffle la fille du groupe.
— Ooh, ma belle Cassandre. Mais qu'est ce que tu nous a fait à tes cheveux ?
Je souris légèrement en sentant Kévin sur mes épaules, ce dernier en profitant pour enrouler son avant-bras autour de mon cou. Je sens un regard m'électriser à ce moment, celui de Maël. Il me fait flipper, j'dois l'avouer. Je tapote la veste de mon ami pour qu'il relâche son étreinte.
— C'est une coloration. Tu vois pas ou quoi ? lance désespérément Cassandre.
— Mais si, je vois très bien. C'est cool, t'inquiète ! rajoute Kévin pour détendre la fille, continuant après quelques secondes de silence. Wesh, j'viens de te faire un compliment meuf.
— Super, merci Kévin ! Tu veux que j'te dise quoi de plus ?
— Tranquille, j'suis venu en paix. Pour une fois.
Vraiment, ces deux-là... C'est comme chien et chat. Je me demande s'ils s'entendront un jour.
— En plus, j'ai entendu que vous parliez de piercing alors ça m'intéresse.
— Pourquoi, t'en as ?
Kévin enlève la clope qu'il a coincé entre ses lèvres avant de venir tirer la langue à Cassandre, lui montrant alors le petit bijou qu'il cachait.
— J'ai lu que c'était pratique pour... Vous savez. Y'a plein de nanas qui aiment ça.
— Ouais. Les cunni quoi, sort tranquillement Maël.
— Si je peux me permettre Kévin, c'est pratique pour pomper aussi. Ça aussi, tu le sais ?
Cassandre tire sur son roulé tout en regardant mon ami qui s'étouffe avec la fumée de sa clope. La discussion part en couille.
— Euh, ouais. Bref... Vous êtes bizarres.
— Bah non, pourquoi ? T'as déjà essayé ? sourit la gothique ce qui fait brusquement froncer les sourcils à Kévin.
— Mais t'es malade ?! Jamais, t'es ouf toi. J'donne du plaisir qu'aux filles moi, j'te le dis.
Le châtain s'offusque un peu et claque sa langue contre son palais. Je le regarde avec un maigre sourire aux lèvres, mon dos s'appuyant contre les grilles derrière moi.
— N'empêche que parfois je plains Camille que tu dois pervertir, la pauvre... Je me demande vraiment qu'est ce qu'elle fait avec un mec comme toi.
Ah, c'était peut-être la phrase de trop. Déjà que l'ambiance avait légèrement baissé suite à Cassandre qui est partie sur un terrain dangereux, là elle a vraiment réussi à saouler Kévin. Ce dernier, ayant tout de même réussi à garder son calme un peu plus longtemps que d'habitude, finit par jeter rageusement sa cigarette à peine débutée au sol. Je la regarde tomber sur le béton et se faire brutalement écraser sous la basket blanche de mon ami.
— Calmez-vous... je tente tout en attrapant l'épaule de Kévin, ce dernier s'étant rapproché vers la gothique.
Celle aux cheveux bleutés, amusée par la réaction de son adversaire, n'efface nullement le sourire de ses lèvres qui suffit amplement pour énerver davantage le garçon.
— Tu vas faire quoi ? J'dois être la seule à te balancer ce que tout le monde pense tout bas.
— Cassandre, arrête, marmonne Maël en direction de la fille qui ne semble pas vraiment l'écouter.
Kévin, beaucoup plus grand que la gothique, arrive à surplomber cette dernière d'une bonne tête. Ses feux la fusillent et je sens très bien que mon ami se contrôle pour ne pas la balancer de l'autre côté. Suite à cette montée de tension, Romain s'est avancé vers nous pour comprendre ce qu'il se passe, Camille se tenant tout près de lui. La petite amie du châtain me demande tout doucement ce qu'il se passe et je hausse des épaules avant de lui répondre :
— Tu sais très bien qu'ils ne s'entendent pas tous les deux.
La blonde veut rajouter quelque chose sauf que la sonnerie indiquant le début des cours s'enclenche au parfait moment. Il faut quelques secondes à Kévin et à Cassandre pour se séparer, Maël forçant la chose en se plaçant entre les deux. Sans que personne n'ose dire quoi que ce soit, mon ami se retient d'insulter la gothique et se retourne vers sa petite-amie qui n'attend que des explications.
— Mais qu'est ce que tu as... ? Qu'est ce que tu lui as dit ?
Ce dernier ne prend pas la peine de répondre et préfère l'embrasser. C'est là que je détourne mes yeux et m'avance avec Romain, voulant tenter de rattraper les autres.
— Bon, soupire le garçon aux cheveux miel. Super cette matinée ! Qu'est ce qu'elle avait Cassandre ?
Je marque une pause tout en jetant mon mégot dans la poubelle à côté du portail.
— Rien, elle a juste dit à Kévin qu'il ne méritait pas Camille... Un truc du genre. De la merde, quoi.
— Ouais, j'vois. Faudrait que Maël lui dise de se mêler de ce qui la regarde un peu. C'est pas contre elle, mais bon...
Je hoche doucement de la tête, jetant un regard aux personnes devant nous. Bien évidemment, la gothique se tient à côté du châtain, Bastien qui avait disparu durant cette « dispute » marche à leur côté, un manuel en main. Je rejoins l'avis de Romain, Cassandre ne connaît pas vraiment mon ami pour lui sortir des phrases de ce genre, enfin, même si c'était son pote. Je ne pense pas qu'il mérite qu'on lui dise ça. Surtout que sa relation avec Camille est de loin la plus sincère qu'il a pu vivre depuis que je le connais.
— Ah et puis, en parlant de Maël... Tout va bien avec lui ?
Alors que j'étais justement en train de regarder le loup sans même m'en rendre compte, je décide d'arrêter brusquement et de fixer mon ami qui se tient à ma gauche, tout sourire. C'est vrai qu'il est un peu au courant, d'après lui, on n'est pas assez « discret » à cause des regards qu'on fait que de se lancer.
— Ouais... Ouais, je réponds doucement, un peu gêné de parler de ceci dans les couloirs. Ça va.
— Bon bah, c'est cool alors. J'suis content.
Je lâche un léger « mh » ce qui amuse un peu plus Romain. Il pousse doucement mon épaule à l'aide la sienne.
— T'es pas du tout le même quand t'es comme ça. T'es tout gêné, continue-t-il et je sais qu'il m'embête.
— Rien à foutre. Et je suis le même que d'habitude.
— Hm... Je sais pas... Non. Mec. T'es bizarre quand t'es amoureux, en vrai.
Je ne me retiens pas de lever les yeux au plafond puis décide de le pousser sur le côté, Romain se mangeant presque une rangée de casiers et un mec qu'il a failli renverser sur son passage. Je retiens un rire et il m'insulte ouvertement. Il dit vraiment n'importe quoi.
— Non mais... Putain. J'ai raison, t'façon.
— T'as raison de rien du tout, ouais. Tais toi, c'est mieux.
— C'est ce qu'ils disent tous, t'es au courant ? Regardes toi un peu.
Je hausse un sourcil en affichant une mine blasée, jetant un autre coup d'oeil à mon ami. Il a vraiment décidé de me faire chier, aujourd'hui. Faudrait qu'il arrête de se faire des films dans sa tête, ça va beaucoup trop vite là dedans. J'ai envie qu'il s'arrête de parler mais pourtant, il continue à mon plus grand désespoir.
— Tu fais que de le mater, même là. T'as juste envie d'aller lui rouler une pelle en plein couloir, devant tout le monde. C'est abusé, frère.
— C'est ta daronne que je regarde, ouais... je me plains tout en passant en premier la porte de notre salle, Romain me suivant de près. Bonjour m'sieur.
— Bonjour !
Comme d'habitude, je m'apprête à me diriger vers le fond de ma classe et je ne suis même pas surpris lorsque je vois le sujet de notre conversation assis à ma table préférée. Trousse déjà posée devant lui et coudes posés sur la surface en bois, son regard capte le mien et il me sourit. Il me fixe depuis que je suis rentré j'ai l'impression. J'ai envie de m'enterrer en sentant mon ami dans mon dos.
— On dirait que l'amour de ta vie n'attend plus que toi... chuchote-t-il et cette fois-ci, je me retourne pour le frapper doucement dans les côtes.
— Merde, lâche-moi.
— Ah, seigneur... Tu pouvais frapper moins fort, brute va.
— C'est de ma faute si t'es juste fragile ?
— Messieurs, veuillez-vous asseoir et calmez-vous s'il vous plaît. Nous sommes dans une classe.
Ce mec a décidé de m'emmerder jusqu'à la fin, j'crois. Je lui offre un discret doigt d'honneur et Romain, en retour, me fait un signe de coeur avec ses mains avant de d'asseoir vers le milieu de la salle, derrière Cassandre et Bastien.
Lorsque j'arrive enfin à ma place, Maël tire sa chaise, s'avançant un peu plus pour me laisser passer. Bien évidemment, il m'a laissé la chaise contre le mur car c'est la mienne et personne, même lui, n'oserait me la piquer. Pendant que je prends place — lourdement — sur cette dernière, il n'attend pas plus longtemps pour ouvrir sa bouche.
— Vous parliez de moi ?
Je laisse planer un silence entre nous deux, profitant de la voix du professeur qui ordonne à tout le monde de se taire afin de faire l'appel. La porte se ferme finalement après Kévin, étant le dernier à se présenter. Je croise finalement mes bras sur la table, sous mes feuilles de cours. Il a posé sa tête contre la paume de sa main et me reluque toujours, attendant une réponse.
— Qui te dit qu'on parlait de toi, même ?
— Bah je sais pas, vous étiez en train de me regarder et Romain souriait bizarrement... chuchote-t-il d'une petite voix qui me fait quelque chose au coeur.
— Ouais bah... Ça veut pas dire que c'était par rapport à toi, je rajoute en espérant qu'il se taise.
— T'es tellement un mauvais menteur. C'est fou.
Maël s'amuse à changer les couleurs de son stylo quatre couleurs sans se soucier du fait que c'est méga chiant son bruit. Il finit par arrêter lorsqu'une fille de notre classe se retourne vers lui, un air sérieux collé au visage.
— Quoi ? lâche-t-il en sa direction et la fausse rousse dont je n'ai pas le nom se retourne d'un coup, marmonnant quelque chose d'incompréhensible.
Je décide de rien n'ajouter d'autre, sentant le garçon un peu sur les nerfs. D'ailleurs, je pense pas que ce soit à cause de moi mais plutôt à cause de Cassandre, cette dernière semble également faire la gueule. Il a sûrement du lui parler par rapport à Kévin, m'enfin. C'est pas mes affaires de toute façon. N'empêche que je me demande quand même qu'est ce qu'ils se sont dit, Bastien était avec eux pour écouter, non ? Bref.
Tandis que l'instituteur écrit des phrases au tableau, moi, c'est lui que je regarde. Je soupire doucement, lassé puis vient caler mon épaule contre le mur. Ma main gauche posée contre ma cuisse, je la lève doucement afin de venir frôler le pull de Maël pour lui attirer l'attention. Ça ne semble lui faire aucun effet, le garçon restant toujours concentré sur les paroles du vieux. Je tente à nouveau mais rien. Encore. Rien. En fait, il m'ignore juste. Rageusement, je passe mes doigts sur mon front et me redresse un peu plus sur ma table, faisant exprès de bouger pour qu'il me fixe. Je cogne exprès mon coude contre le bois, me faisant mal pour lui. Qu'il est chiant. J'ai envie de le baffer. Ça lui prend 2 secondes maximum à me regarder alors pourquoi il ne le fait pas ?
— Tu me boudes ? je souffle, en ayant marre de son silence.
Son bic vient écrire des phrases que je ne comprends pas contre sa feuille à carreaux et ses yeux se lèvent par moment afin de noter le reste des mots qui sont affichés au tableau.
— Réponds.
Je me retiens de claquer ma langue contre mon palais en le voyant parfaitement m'ignorer, ça me rend juste fou. En plus, pourquoi il est si beau aujourd'hui ? Je comprends pas, on dirait que tout est fait exprès pour que ça m'énerve.
— Maël... je tente une dernière fois, poussant sa main qui était en train d'écrire, lui faisant faire une grosse ligne sur sa feuille.
Super. Je m'en fiche d'avoir gâché son cours a vrai dire, il n'avait qu'à me répondre. C'est lorsque je le vois abandonner son stylo et sourire que je me détends presque directement. Je ne comprendrais jamais ce mec. Genre. Vraiment jamais. Il soupire, passant une main dans ses cheveux pour les dégager.
— Tu peux me dire c'est quoi ton problème ? je recommence, question qui ne reste pas en suspens cette fois-ci.
— Je me concentre sur le cours, c'est tout. D'ailleurs, tu viens de tout gâcher...
Maël fronce doucement ses lèvres et prend une autre feuille, continuant d'écrire des phrases sur la nouvelle.
— Ok mais c'est pas pour ça que tu m'parles pas en fait. Genre, depuis que j'suis arrivé au bahut tu me parles pas.
Et c'est vrai, il a surtout accordé de l'importance à Cassandre ce matin, d'habitude il est toujours collé à moi et là c'était vraiment tout l'inverse. Voyant qu'il m'ignore pour la énième fois, je hausse les sourcils d'exaspération et prend un crayon entre les doigts, juste histoire de faire faire quelque chose.
— Tranquille, tu t'en fous. C'est pas grave, oublie, j'ai absolument rien dit.
Je retiens un « connard » parce que là, là, actuellement, je sens les nerfs monter. Ce que ça peut m'énerver son comportement, il mérite vraiment une claque, j'comprends pas pourquoi je lui en ai toujours pas collé une.
Prêt à ruminer dans mon coin, je ne m'attends pas à ce que mon voisin de table se retourne — enfin — vers moi et que, en prime, qu'il pose son index contre mes lèvres. Comme ça, sans pression. Je reste immobile face à son geste, sorti de nulle part. Ce mec, vraiment...
— Tu as de la chance que je ne puisse pas te la faire fermer correctement. Alors, gardes tes mots pour ce soir...
— Gautier ! Monsieur, veuillez me regarder s'il vous plaît ! s'écrit alors le professeur, haussant subitement sa voix.
Ouais, mon cerveau n'arrive pas à tout capter là.
Merde. Rapidement, je pousse la main de Maël qui sourit grandement, je suis plus gêné qu'autre chose. Enfin, en soit c'est pas son geste qui m'a gêné mais le fait que le putain de vieux nous a vu, quoi. Mais qui fait ça, qui. Sa race.
— Oui ?
— Gautier, dîtes moi de quoi on parlait. Qu'est ce qu'une superpuissance ? demande l'instituteur, souriant presque d'un air narquois.
— Bah... Une superpuissance est un pays qui domine le monde grâce à ses ressources économiques, politiques, militaires et culturelles.
— Hm... Oui, c'est juste. Maintenant que je ne vous entende plus, mit à part pour participer. Oh, d'ailleurs ! Votre camarade m'a donné une excellente idée. Vous aurez dès à présent des notes de participation alors je vous conseille de lever vos mains dès maintenant.
Quelques lourds soupirs s'entendent dans la salle, tout le monde est dégoûté de cette nouvelle. Déjà que personne ne participe aux cours de ce prof, ça va être compliqué. Genre il parle tout seul, sérieusement. Il ne se demande pas pourquoi tout le monde s'en fiche de ce qu'il dit ? Cette manière qu'il a pour nous enseigner l'histoire est la pire que je connaisse.
— Zut, je vais me faire des ennemis dans la classe maintenant.
Adossé contre le dossier de ma chaise, je lance un regard à Maël. Comme si les gens pouvaient le détester. Tout le monde l'adore, même ceux qui ne le connaissent pas. Parce que c'est bien connu, le physique, notre façon d'être et de se comporter fait tout dans la vie.
— T'es vraiment intello, je lâche.
— Et c'est que maintenant que tu le remarques ?
Le châtain ne me regarde pas, les yeux baissés sur sa feuille qu'il continue de gribouiller encore et encore. J'me demande comment il arrive à prendre autant de notes tout en arrivant à me parler.
— Non. D'ailleurs, tu me passeras ton cours. Merci.
— Celui que t'as dégueulassé ? Tiens, il est dans ma pochette si tu veux.
— Non mais... J'vais le recopier, je rajoute un peu plus doucement, n'ayant pas envie d'attirer l'attention du professeur sur nous.
— Prends le. Au moins t'arriveras à relire car c'est moi qui a écrit... Bon. T'auras juste un gros trait moche au milieu mais ce n'est pas grave. C'est artistique au moins.
Je soupire doucement en me penchant vers sa table et j'attrape le cours que je lui ai « gâché ». En vrai j'ai quasiment rien fait mais il chipote, moi ça ne me dérange pas. Puis il a raison, si je relis ce cours au moins, je ne risque pas de froncer les sourcils à chaque mots.
— T'es vraiment chiant. Mais merci.
⁂
Assis sur un banc de la cour à la pause de 10H, je suis entouré de Romain ainsi que de Kévin. Pour une fois qu'on se retrouve que tous les trois... Ça faisait longtemps. Et c'est cool. Romain est en train de rager car il vient de perdre une autre partie sur son jeu du moment et Kévin a enfilé ses lunettes de soleil, la tête légèrement penchée vers l'arrière.
— Mais ! Vas-y, ça me saoule. Allez hop, désinstaller...
Je jette un coup d'œil à mon ami, laissant passer un rire en voyant sa réaction.
— Ça va, tu rages pas trop ? je le taquine tandis qu'il glisse son iPhone dans la poche de sa veste.
— Genre... Tu sais c'est Yanis qui m'a dit d'installer ce jeu et qui m'a défié de faire un meilleur score que lui. Mais c'est pas possible, j'suis pas geek moi.
— Ah ouais, Yanis.
Le regard au loin, je le laisse le balader sur les personnes qui sont posés sur les bancs ainsi que sur celles qui traversent le petit chemin bétonné en face de nous, celui qui relie l'entrée du lycée et les portes principales.
— Kévin, ça va ou quoi ? relance Romain qui s'est légèrement penché vers l'avant pour regarder le garçon, mon corps lui gâchant un peu la vue.
— Hmmm, lâche ce dernier, trop bien posé pour dire quoi que ce soit.
Enfin. Ça ne dure pas bien longtemps puisque ce dernier finit par se relever, rabattant ses lunettes de soleil sur son crâne. Il vient frotter ses yeux avant de regarder le sol, sol qu'il gratte à l'aide de sa chaussure.
— Ouais, ouais. Ça va les mecs.
On se regarde rapidement avec Romain, on sait parfaitement tous les deux la vrai réponse. Et de loin, ce n'est pas celle ci. Depuis ce qu'il s'est passé ce matin avec Cassandre, Kévin ne parle pas et il n'a rien dit en cours alors que d'habitude, y a toujours une connerie qui sort de sa bouche.
— C'est juste que... Vas-y, je déteste cette conne de Cassandre. J'vous jure, elle me casse les couilles. J'peux plus me la voir, crache-t-il tout en regardant au loin, assez nerveux.
L'autre garçon à côté de moi se lance, d'un ton neutre.
— Par rapport à ce qu'elle t'a dit tout à l'heure ?
Kévin lâche un sourire, se remémorant sûrement les paroles de la gothique.
— Elle y connait rien et elle parle. La meuf elle me parle jamais, elle me connaît pas, elle connaît pas Cam et elle fait ses jugements. Elle saoule tout le monde. La vérité.
Je pensais qu'il était remonté contre elle mais pas à ce point là... En fait, je pensais pas que ses mots l'atteindrait jusqu'à là, même des heures après il y repense encore. Romain soupire légèrement, se grattant la nuque.
— Tu devrais pas prendre ce qu'elle a dit au sérieux... Vraiment, oublies ça.
— Ouais, rigole faussement le garçon. Non mais t'inquiète... La prochaine fois. T'inquiète pas. Elle n'a pas à me dire que ma meuf me mérite pas.
— Kévin... je rajoute, tournant mon visage vers lui même s'il ne prend pas la peine de me regarder.
— Connasse. Et j'comprends pas comment Maël peut traîner avec cette conne, non mais regarde les.
Alors que Romain veut rajouter un truc, l'énervé se lève d'un coup puis attrape son Eastpak qu'il a laissé traîner sur le sol. Ses lunettes de soleil se posent à nouveau devant ses yeux et il nous fait un signe de tête.
— J'vais sécher. J'veux pas faire les dernières deux heures là.
— Non mec, répond Romain. Tu vas faire les deux dernières heures.
— Putain... Laisse tomber. T'façon j'ai dit à mon père de venir me chercher. Il a dit oui pour une fois.
— Et ton daron... Il s'en fout que tu rates des cours du coup ? je rajoute, faisant jurer de nouveau Kévin.
— Sérieusement... Wesh. Pour une fois qu'il me casse pas les couilles et qu'il accepte de venir me chercher du lycée sans péter une crise. Osef, il le saura pas.
Je lève légèrement mes mains, signe de défaite. C'est son problème, pas le mien. Façon il est assez sur les nerfs comme ça, on va pas le saouler encore plus avec son père. J'espère juste qu'il va pas nous appeler deux heures après en se plaignant que son daron le fait chier. Non parce que à coup sûr, ça va finir comme ça. Comme d'habitude quoi.
— Ah, il arrive. Bon, j'y vais. À plus les mecs.
On salue Kévin, ce dernier nous abandonnant rapidement. Je le suis du regard jusqu'à qu'il disparaisse dans une BMW blanche, garée le long d'un trottoir, devant l'entrée du lycée. Le véhicule part en vitesse, un gros bruit de moteur en faisant retourner plus d'un.
Romain soupire doucement à mes côtés tout en se laissant s'affaler un peu plus sur le banc, croisant ses jambes.
— Quelle journée...
Il a tout dit. Je vois bien que mon ami est un peu saoulé et je me sens pareil, surtout après avoir vu Kévin partir de cette façon. Le calme entre nous deux ne dure pas longtemps. Nos prénoms se font appelés au loin et on lève les yeux en direction de la voix féminine. Alors, on tombe avec Camille qui trottine vers notre banc, un peu essoufflée.
— Ah les garçons... soupire-t-elle tout en reprenant son souffle, passant ses doigts pour déranger sa franche qui tombe par petites mèches devant ses yeux. Je vous cherchais. Kévin n'est pas avec vous...?
— Nope, lui répond Romain. Tu viens de le rater.
— Comment ça...?
— Il sèche. Son père est venu le récupérer.
La blonde, un peu dégoûtée sûrement de ne pas avoir été prévenue, fronce les sourcils avant de s'asseoir lourdement à côté de moi. Elle pose son sac à main sur ses cuisses et un léger parfum arrive jusqu'à mes narines, c'est doux et mignon. Je regarde rapidement Camille, ses cheveux courts sont à moitiés détachés et coiffés dans un petit chignon qu'elle a coincé à l'aide d'un crayon à papier. Elle finit par rougir un peu lorsqu'elle me lance un coup d'œil, je crois que je la regarde un peu trop fixement là.
— Ah... Il aurait pu m'envoyer un message quand même, renifle-t-elle, sûrement un rhume qui arrive.
— Hm. J'sais pas. Il est assez énervé ton mec, je lâche, posant mes coudes sur le dossier du banc.
La petite amie de Kévin sort un mouchoir de son sac et vient se moucher presque silencieusement avant de reprendre, d'une petite voix.
— Ça me rend triste... De le voir comme ça. Oh d'ailleurs, Cassandre m'a expliqué un peu. Mais je ne pensais pas que ça irait jusqu'ici...
— Nous non plus, annonce mon pote en jouant avec son briquet. Mais bon, au moins... Tu peux te dire une chose. Très simple. Kévin t'aime vraiment. Parce que on le connait, on sait très bien qu'il se serait pas énervé pour ça.
— Ouais, je reprends tandis que Camille nous regarde attentivement. Il en rigolerait même.
La fille baisse le regard sur ses chaussures, des converses bleues claires qui ont l'air neuves. Un petit sourire ne tarde pas à s'afficher sur ses lèvres et ses mains viennent se poser sur ses joues. Ça se voit qu'elle ne sait pas quoi dire, se répétant sûrement les paroles rassurantes de Romain en tête. Quand je la regarde, je vois bien qu'elle le kiffe, qu'elle est amoureuse de Kévin. La sonnerie coupe court à mes pensées et celles de la blonde aussi qui se redresse subitement, regardant l'heure sur sa montre argentée.
— Mince... Je dois passer à la vie scolaire en urgence. En tout cas les gars, merci...
— Normal, répond Romain tout en s'étirant. T'sais, si t'as besoin de lui envoyer des messages tu peux le faire. Ne t'inquiète pas s'il ne répond pas tout de suite, c'est juste que parfois il a besoin de respirer. Mais tranquille.
J'attrape la manche de mon sac et le jette sur mon épaule, commençant à me diriger vers les deux dernières heures de français qu'il nous reste. Ah, en y pensant j'ai juste envie de déprimer. On accompagne Camille jusqu'à son cours et cette dernière nous fait un signe de main en nous disant qu'on se revoit demain. Lorsqu'on arrive en classe, la professeur est tout juste en train de se battre avec ses clés, ne trouvant pas les bonnes. Alors, on attend tous comme des idiots dans le couloir.
— Ah... Mon Dieu ! C'est bon ! Aller tout le monde, on rentre !
Au pire, elle aurait pu rester bloquée à vie cette porte. Je dis ça, je dis rien. On ressent la flemme qui est présente chez tout le monde, vraiment, on dirait que les gens viennent de prendre un calmant parce que personne n'est en train de parler. Comme d'habitude, je m'installe tout au fond et Romain se presse de s'asseoir à côté de moi. Sachant pertinemment que ce n'est pas sa place, je le reluque rapidement tandis qu'il est en train de chercher quelqu'un du regard. Maël, qui était tout au bout de la file, tire la gueule en voyant que mon ami s'est décidé de devenir mon voisin pour ce cours. Le châtain s'approche tout de même vers moi et balance son sac sur la table vide devant nous, se plaçant sur la chaise en face de la mienne. Je souris légèrement en croisant son regard, faudrait vraiment qu'il arrête ça. Parce que Romain n'en manque pas une miette et semble s'amuser de son côté à nous regarder. Super.
— Ne m'en veux pas trop, Maël. Promis, c'est juste pour ce cours.
— Ah... Mais t'inquiète. Ça ne me dérange pas de le partager avec toi, lui répond le châtain, faisant légèrement rire mon ami.
J'ai envie de m'enterrer.
— Et sinon j'me partage avec personne, je réponds doucement, lançant ma trousse gribouillée de blanco sur ma table.
— T'es pas drôle, soupire Romain tout en ouvrant son cahier de français.
— Ce n'était pas censé être drôle.
Avant que le cours commence, la professeure fait l'appel et seulement Kévin manque. Elle nous demande si quelqu'un sait où il est et mon voisin dit juste qu'il est parti chez lui car il se sentait malade.
— Il est vraiment parti ? se retourne Maël, posant son avant-bras contre le dossier de sa chaise.
— Ouais, je soupire. J'espère qu'il reviendra demain, par contre.
— J'ai parlé avec Cassandre sinon, continue-t-il tout en jetant quelques regards à l'institutrice afin de ne pas se faire chopper. Elle a dit qu'elle n'était pas sérieuse et qu'elle s'excusera. Elle voulait pas le blesser ou un truc du genre.
Je hoche doucement de la tête avant de relever le regard sur le tableau en face de nous. Si elle va le faire, c'est cool. Mais bon, je pense pas que ça changera grand-chose. Pour Kévin, quand quelque chose c'est dit, bah c'est dit quoi. Et j'imagine que Cassandre est la dernière personne qu'il a envie de voir. D'ailleurs, cette dernière fait que de nous lancer des regards désolés depuis tout à l'heure, étant assise dans les premières places à côté de Bastien.
On verra bien demain.
⁂
— C'est où déjà tu m'as dit ?
Une main sur le volant et l'autre sur le pommeau de vitesse, je me retrouve dans un petit bouchon en compagnie de Maël. On est sorti du lycée il y a quelques minutes maintenant, environ une demi-heure. Son rendez-vous pour aller se faire son piercing est dans 20 minutes et moi, je stresse qu'on ne puisse pas arriver à temps.
— Tu peux te garer dans le parking souterrain, c'est en plein centre, on peut juste y accéder à pied.
— Tu pouvais me le dire avant... je râle un peu, mettant mon clignotant vers la gauche afin de me rabattre sur la voie voulue.
— Arrête de te plaindre, tu veux. Moi je stresse.
Genre, il stresse. Je pouffe doucement et remercie d'un signe de main le conducteur qui vient de me laisser passer devant lui. Ah sérieux, les embouteillages m'énerve vraiment.
— Et pourquoi tu stresses ?
Je lance un regard au garçon assis à ma droite. Il passe sa main dans ses cheveux châtain aux reflets dorés, dû à son ancienne coloration. D'ailleurs, ne pouvant pas m'en empêcher, je touche rapidement ses mèches pendant qu'il continue de se regarder dans le petit miroir intégré au pare-soleil.
— Pourquoi tu te refais pas blond ?
— Tu veux que je me fasse blond à nouveau ? me répond-t-il directement après, regardant le profil de son visage dans la glace. J'vais encore niquer mes cheveux.
— Comme tu veux. Mais ça t'allait bien.
— Hmm. Regarde droit devant, ça avance.
Je retiens de dire quelque chose et préfère me taire, passant la première vitesse et rattrapant doucement la Clio devant moi. La radio à faible son, une musique du moment est en train de passer et elle semble plaire à Maël puisqu'il la chante avec un accent espagnol de merde.
— Mais si tu dis que ça m'allait bien... reprend-t-il en poussant le pare-soleil. Je vais y réfléchir.
Je ne dis plus rien, maintenant il connaît mon avis. Le bouchon semble se dissiper peu et à peu et on finit en moins de 5 minutes à notre place de parking, pour une fois que je ne galère pas à en trouver une en plus. C'est que la chance est plutôt de mon côté aujourd'hui.
Une fois descendu de la voiture, on se met en route vers le tatoueur et perceur — je sais même pas si ça dit — préféré de Maël. Il m'explique que c'est chez lui qu'il s'est fait son premier tatouage, sa lune ainsi que les piercings qu'il a le long de son oreille. Clope coincées entre les lèvres, il s'en fume avant d'arriver devant la devanture du shop. Il a l'air d'être nouveau, enfin, peut-être juste propre ma foi. Dans le froid hivernal, le châtain ne peut s'empêcher de grelotter tout en finissant sa cigarette et je me retiens de lever les yeux au ciel en le regardant. Il est vraiment chiant.
— Bouge.
— Argh, c'est bon.
Maël finit par jeter son mégot par terre avant de pousser la porte d'entrée. Directement, le changement de température nous réchauffe presque automatiquement. Une musique un peu rock sort des petites enceintes accrochées au mur, personne n'attend et l'endroit semble désert. Les couleurs des murs et des meubles tournent autour du rouge, du noir et du blanc. Quelques photos de magnifiques tatouages sont posés tout autour du bureau de l'accueil et je ne peux m'empêcher de fixer un peu partout, trouvant le lieu assez sympa. Enfin, ça donne envie de se faire dessiner un truc à l'encre permanente.
— Ah ! s'écrit une voix sortie de nulle part. Tu es arrivé ! En avance en plus, tu m'as pas laissé de manger... Bonjour, bonjour !
Un homme assez jeune — sûrement dans la vingtaine — nous fait face, se présentant derrière son comptoir. Il frotte ses mains entre elles, mains cachées d'une paire de gants noirs. Tout de suite, son look m'interpelle. Le tatoueur a les cheveux court teint d'un rouge feu, tirant vers le orange, je ne sais pas vraiment comme décrire cette couleur assez spéciale. Son sourire dévoile un piercing qu'il a derrière sa lèvre supérieure, j'savais même qu'on pouvait se percer à cet endroit. Bien évidemment, ses bras dévoilent une multitude de dessins, certains remontent parfois jusqu'à son cou. Les bijoux qu'il a sur ses oreilles me font penser à ceux de Maël qui a presque les mêmes, bien que moins nombreux quand même.
— Salut Jade. Désolé, j'voulais pas t'interrompre pendant ton repas. D'ailleurs, j'suis venu accompagné aujourd'hui...
— J'ai vu ça ! Tu viens pour un piercing toi aussi ? me demande-t-il, d'un regard curieux.
Je secoue légèrement ma main en souriant légèrement.
— Non, non. Juste, j'accompagne.
— T'es sûr ? C'est dommage ! Parce que je peux te prendre sans rendez-vous après, j'ai pas grand monde aujourd'hui...
— Lui donne pas d'idées, reprend Maël d'un rire. Bon allez ! On le fait ou quoi ?
Je jette un regard vers le châtain, secouant légèrement ma tête suite à son impatience. Le propriétaire du tatoo-shop lui fait signe d'avancer et me demande si je veux venir avec eux ou bien si je préfère attendre dans la salle d'attente. Mais avant que je ne puisse répondre, je me fais couper par Maël qui lui parle à ma place.
— Bien sûr qu'il vient. Il m'accompagne jusqu'au bout. Et même, main dans la main...
Je veux m'étouffer à ces mots, une insulte passe la barrière de mes lèvres. Ce Jade ne peut s'empêcher de retenir un rire avant de demander à son client de s'installer sur un lit un peu en hauteur recouvert de papier blanc. Moi, je me contente de prendre place sur une chaise collée à un mur et près d'un miroir, ce dernier étant posé de sorte à ce que les gens qui se font tatouer se voient. Maël soupire doucement — de stress peut-être — s'asseyant sur sa place indiquée tandis que le tatoueur prépare les différents instruments, désinfectant premièrement ses gants en latex.
— Allez, tu peux enlever ton haut.
Le châtain s'exécute rapidement, enlevant sa veste en cuir puis son pull large, se dévoilant ainsi devant nos yeux. Je ne peux m'empêcher de le regarder d'ailleurs, mes yeux ne voulant pas se détacher de lui. Il le sent.
— Bon alors Maël, t'es sûr qu'on le fait ? Que ta mère vienne pas porter plainte. Non mais, à chaque fois je lui rappelle les risques parce que c'est interdit de percer les mineurs sans autorisation parentale, continue celui aux cheveux rouges en s'adressant à moi pour la dernière phrase.
— Oui, soupire-t-il en regardant ce que fait Jade. T'inquiète. Elle le verra même pas.
— C'est pas mon problème ça. C'est juste que j'ai pas envie d'avoir des galères après... J'dois être d'ailleurs le seul à vouloir te faire ça sans rien.
— Je sais... Mais t'en fais pas. J'te le promets.
Le propriétaire des lieux hoche doucement de la tête tout en faisant signe à Maël de s'allonger complètement sur le lit.
— Bon, j'vais préparer l'aiguille stérile mais avant j'vais te désinfecter et tracer des points de repère. Ça va ? finit-il par demander dans un rire en voyant sûrement le visage de son client.
— Ouais, ça va.
— T'inquiète, ça prend vraiment deux secondes max. Tu vas sentir que ça chauffe mais c'est normal.
J'ai vraiment envie de rire mais c'est plus fort que moi. Je sors mon téléphone de ma poche pour me calmer, ouvrant un peu des applications au hasard. Après qu'il ait préparé la zone de son client, je jette des coups d'oeil à ce qu'il se passe en face de moi, ne voulant pas rater le moment où il va se faire percer. Jade se retrouve alors tout près de Maël, lui demandant une toute dernière fois s'il était sûr. Quelque peu impatient, il lui répète que oui et c'est là qu'il plante son aiguille, d'un air concentré.
— Allez, je mets le piercing... Et voilà ! Parfait. Alors, t'as rien senti, avoues !
Je me redresse doucement sur ma chaise, voulant voir la tête du châtain. Ce dernier se relève assez rapidement et un grand sourire est présent sur ses lèvres, ne pouvant s'empêcher de se regarder dans le miroir à côté de moi. Bon, au moins ça a l'air de lui plaire.
— J'adore ! Merci, tu gères... Comme d'hab' quoi. Aimes-tu ?
S'adressant à moi, je mets un peu de temps à répondre. Oui, j'aime bien. Enfin, l'important c'est que ça lui plaise en premier. Jade lui redonne son pull et il lui demande de faire attention en lui précisant qu'il faut limiter les frottements au niveau des habits donc, il doit porter des trucs assez larges.
— Bon alors. On ne touche pas, on ne frotte pas, on ne lèche pas, compris ? Tu évites les bains et tout ce qui va avec les 4 premières semaines, je vais te donner du sérum physiologique afin de nettoyer ton piercing tous les jours. Une fois par jour, c'est bon. Pour ton gel douche, il faut qu'il soit pH neutre. Ah et surtout, sèches bien après d'accord ? Voilà, alors faut savoir que ça prend du temps à cicatriser, généralement 5 à 6 mois. Après tout dépend des personnes mais tu vois, en règle générale quoi. Si tu veux changer ton bijou, c'est au bout d'un mois et pas avant. Compris ?
Maël hoche de la tête tout en écoutant les explications de son perceur, ce dernier nous redirigeant vers l'accueil. Une fille est d'ailleurs présente et d'un air timide, elle nous salue.
— De toute façon si t'as des questions ou n'importe, tu m'envoies un message sur Instagram. J'y répondrai rapidement. Alors... J'vais vraiment être sympa et te le faire à 40 euros.
— C'est parfait.
J'attends tandis que le garçon s'occupe du payement, ayant déjà tout préparé à l'avance. Il ne peut s'empêcher de remercier Jade une deuxième fois et ce dernier nous laisse partir tranquillement, nous souhaitant une bonne journée. Ce rendez-vous a prit 20 minutes à tout casser. C'est plutôt cool. Une fois dehors, Maël ne peut s'empêcher de s'accrocher à mes épaules et de glisser sa tête dans mon cou, se tenant derrière moi. Un sourire m'échappe mais je finis par le pousser, étant quand même en pleine milieu d'une rue. Rue pas trop peuplée mais quand même.
— Je suis trop content ! s'exprime-t-il tout en venant marcher à mes côtés, sortant son téléphone pour regarder l'heure ou ses notifications.
— Je vois ça.
On regagne la voiture sous la bonne humeur du châtain et j'avoue qu'il me l'a transmet également, j'oublie presque tout ce qu'il vient de se passer durant cette matinée. Une fois dans l'habitacle, je ne me retiens pas plus et vient attraper son menton entre mes doigts tandis qu'il accroche sa ceinture. Il sourit légèrement contre mes lèvres lorsque ces dernières se posent sur les siennes. Je lui offre un baiser, un peu long, il m'a manqué. Entre deux soupirs, sa langue vient accrocher la mienne et j'arrive à sentir les doigts de Maël picoter la peau de mon cou, cou qu'il est en train d'explorer, main qu'il est en train de glisser à travers le col de mon haut un peu large. Je frissonne.
— Je me demandais quand tu allais m'embrasser.
— Et t'es satisfait maintenant ?
Le garçon glisse son regard sur ma bouche, le descendant ensuite sur mon torse.
— Pas encore... Refais pour voir.
Je craque, ne pouvant plus vraiment retenir mon envie. J'attrape un peu plus fort sa mâchoire afin d'attirer son visage vers le mien, son nez se pliant contre le mien, son front se collant au mien. Les mèches qui tombent sur le dessus de ses yeux chatouillent un peu ma peau mais j'm'en fiche. De mon pouce, je viens lui ouvrir sa bouche puis nous unit à nouveau, encore une fois, avec un peu plus d'énergie. Devenant accro à sa langue qui m'arrache plusieurs sensations inexplicables à chaque fois que je la touche, il semble s'en amuser. Je sens qu'il tire un peu plus le tissu de mon haut, sa main étant soudainement devenue aventureuse. Rimant presque et quasiment avec dangereuse. Ça me rend vraiment fou, je ne réalise même plus où nous sommes. J'oublie qu'on est dans ma voiture, garée en plein milieu d'un parkin souterrain, entourés d'autres véhicules qui semblent — pour le moment — vides de leur propriétaires.
— Merde, je jure en accrochant ma main sur sa taille, faisant soupirer le garçon que j'embrasse.
Il est trop loin de moi, ça me frustre. Lorsque mes yeux s'ouvrent et que nos visages se reculent mutuellement pour nous calmer, mon coeur rate presque un battement. Même dans la pénombre comme ça, il est beau. Ça devrait être interdit de l'être autant. Maël calme sa respiration mais ne me lâche pas pour autant du regard, au contraire, il ne fixe que moi et semble s'en foutre de tout ce qui l'entoure.
— Me regarde pas comme ça.
— Pourquoi ?
Il sait très bien pourquoi, beaucoup trop bien. Il le sait même mieux que moi. Je remonte mon pouce contre sa mâchoire puis sur son menton afin de lui tenir son visage, afin de mieux le regarder.
— Parce que il faut pas. C'est tout.
Je suis prêt à le relâcher et à mettre en marche mon Audi comme si rien ne s'était passé sauf que ça ne plaît pas au mec à côté de moi. Ses doigts viennent attraper mon avant-bras et je me laisse quand même faire. Je le regarde lorsqu'il vient embrasser les veines qui sont visibles sur le dos de ma main, voulant l'insulter pour le trouver aussi... Enfin.
— Maël, laisse moi démarrer cette voiture, je lâche d'un ton qui se veut froid.
Bien évidemment, il ne m'écoute pas et je suis obligé de forcer un peu pour qu'il me lâche. Sauf que quand je tire mon bras vers moi, il vient avec. Comme une putain de sangsue collée à sa victime, bordel, c'est fou ça. Et ça le fait sourire en plus.
— Viens on fait quelque chose cet après-midi.
Parce qu'on ne vient pas de faire quelque chose là ? Je fronce un peu les sourcils avant de lâcher un soupir, sentant qu'il relâche la pression qu'il a sur moi. Si je ne lui réponds pas maintenant, c'est sûr qu'il ne va me laisser par contre.
— Qu'est ce que tu veux faire ? je demande alors, tournant à nouveau mon visage vers lui.
— Je sais pas...
— Eh bien, trouve avant que je te ramène chez toi, je lâche tout en attrapant finalement les clés, démarrant mon Audi.
J'entends le soupir de Maël avant que le son de la radio ne démarre, ce dernier se mettant à réfléchir doucement. Sans rien de plus, je le laisse dans sa réflexion et sort du parking souterrain. Heureusement que la première heure est gratuite d'ailleurs, je n'avais même pas de monnaie sur moi. Le chemin vers la maison de Maël se fait dans le silence et je ne l'entends pas jusqu'à arriver dans son lotissement. Il est environ 14H30 quand je le laisse descendre de ma voiture. Tandis que je m'attends au moins à un au revoir, lui, laisse la portière ouverte et baisse la tête vers moi avant de me lancer :
— Tu vas me laisser, alors ?
Ah, sérieusement.
— T'espérais quoi ?
— Je pensais que tu voulais rester avec moi vu comment tu m'as embrassé tout à l'heure.
Je détourne mon regard de lui, mes yeux se posant sur les différentes maisons devant moi. Je pèse le pour et le contre même si en soit, il n'y a vraiment pas de contre. Encore une fois, il gagne.
— Bon... Ferme cette porte, je me gare un peu plus loin.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top