On ne foot plus ?

C'est avec 15 minutes de retard que j'arrive en cours. Je sens déjà le vieux nous faire une leçon de morale mais vas-y, j'suis prêt à encaisser. Maël se propose pour toquer à la porte avant de rentrer comme une fleur. Bien évidemment, tous les regards se tournent vers nous. Je fais un signe de tête à mes potes qui ont l'air assez surpris que je me pointe avec ce type, type qu'eux ne connaissent pas.

— Bon... Vu que c'est le soir et que je sais que tout le monde est fatigué, je ne vous demande pas de billet. Mais la prochaine fois... Soyez à l'heure !

Je regarde le professeur tout en réajustant la lanière de mon sac et regagne ma place. Ouais, c'est ça. Vous faites bien. Je soupire en posant enfin mon cul sur ma chaise et Maël en fait tout autant.

Il ressort ma feuille qui, étonnement, est restée propre et non froissée depuis la dernière fois. Cool. Nous commençons à écouter le cours. Enfin... Je m'endors après quelques minutes.

Ce n'est qu'à la sonnerie que Romain vient bouger mon épaule pour me réveiller. Je baille sans gêne avant de remarquer que tout le monde est sorti de la salle de classe. Il ne reste plus que le professeur qui remballe ses affaires et qui a l'air assez pressé, checkant sa montre. Une fois debout, il insiste pour que je me dépêche et nous dégage bien vite de la pièce, fermant la porte à clé après lui. Ce fut bref.

Kévin nous attend dehors, on marche pour le rejoindre. Il est 18:30, seul jour de la semaine où l'on finit aussi tard. C'est parce qu'on commence plus tard le vendredi du coup, ils nous foutent l'heure ici. Je trouve ça un peu nul mais on ne peut pas décider, nous, élèves. Aucun pouvoir ici.

Une fois devant le bahut, t'as les gens qui attendent leur bus et t'as les gens qui fument, discutent. Nous, on fait parti de la dernière catégorie. Romain et Kévin rentrent avec leurs parents ce soir. Je ne peux pas m'empêcher de les charrier avec ça. Kévin est bien heureux d'ailleurs, déjà qu'il ne les voient quasiment jamais.

Après avoir fini nos cigarettes, je leur dit au revoir puis je me mets en route vers le parking qui est juste à côté de l'entrée. Je m'avance assez pressé vers ma voiture. En fait, je veux juste rentrer chez moi, mater deux trois épisodes de ma série, manger puis dormir. Oh et puis tant pis pour les devoirs, de toute façon ce n'est qu'une option.

Une fois arrivé à mon domicile, je suis étonné que ma mère soit déjà arrivée à la maison. Elle est employée de bureau dans une grande boîte de télécommunication alors elle peut rentrer parfois très tard. Ça dépend des journées. C'est toujours calme à la maison sans mes deux parents mais qu'est ce que ça fait du bien de sentir l'odeur de bouffe qui sort tout droit du four. Surtout que ma mère cuisine beaucoup trop bien. Elle aurait dû p't'être ouvrir un restaurant italien.

Adriana — son prénom — m'adresse un petit sourire quand elle me voit me ruer vers une chaise de la cuisine. Ses lèvres de déposent sur mon crâne qu'elle embrasse doucement. C'est la seule dont j'accepte le moindre signe d'affection.

Sa voix me demande comment s'est passé ma journée.

— Tranquille... J'suis juste fatigué, je réponds simplement.

Elle hoche silencieusement de la tête, je crois qu'elle pense pareille de la sienne. Ma daronne vient déposer une généreuse tranche de lasagnes dans mon assiette. Ma mère est le type de personne calme et qui ne parle pas beaucoup. Je sais qu'elle est extrêmement fatiguée avec son boulot. Je sais pas comment elle fait mais moi, travailler dans les bureaux... Je pourrais pas du tout. Rien qu'au lycée, ça me rend dingo d'être assis sur un morceau de bois.

Mais bon... Elle fait ça pour nous. Mes parents sont des immigrés ayant la nationalité française depuis quelques années. À leur arrivé en France et suite à leur mariage en Italie, ils m'ont conçu ici. Mon père ne voulait pas que ma génitrice travaille. Il voulait qu'elle soit mère au foyer, qu'elle s'occupe de ses futurs enfants — moi et ma sœur — qu'elle reste à la maison afin de faire les différentes tâches ménagères et la cuisine pour qu'on puisse manger convenable après l'école. Genre, vous voyez le train-train.

Sauf que non, elle n'a pas été de cette avis alors elle a décroché un poste dans une agence, nous prouvant qu'elle pouvait très bien faire les deux. Un travail et s'occuper de sa famille. De plus dans un excellent français, malgré un accent prononcé.

Mon père, lui, s'appelle Fiorenzo. Il travaille dans les chantiers et il s'en sort plutôt bien. Il est assez connu dans ce secteur, il est chef et dirige quelques gars, des italiens également. Bon, il me parle pas trop de son métier mais je sais qu'il travaille d'arrache-pied pour nous. Rien que pour me payer ma voiture, je sais qu'il a dû se serrer les coudes et je suis très reconnaissant envers mes parents.

Je ne voudrais pas les décevoir et essayer d'être le fils parfait. Mais c'est pas possible, malheureusement. Je sais qu'ils ne sont pas fiers de moi, niveau scolaire. Ils ne sont pas heureux du fait que je ne bosse pas assez mes cours. Ma mère évite à tout prix d'en parler à mon père mais il le sait. Il n'est pas con, loin de là. Je me ferai engueuler par mon manque de travail et de mon attitude qui déçoit de nombreux professeurs comme à chaque fin de trimestre.

L'entrée fracassante de ma sœur nous fait sursauter maman et moi. Elle a attaché ses cheveux bruns en queue de cheval haute et porte des écouteurs qui diffusent à plein volume de la musique de ses groupes d'asiatiques. Elle a des vêtements à la mode, s'inspirant des looks qu'elle voit dans ses clips.

On peut pas se blairer, elle et moi.

Bref... Elle ne doit pas s'entendre, à faire tout ce boucan. Comme je disais, avec Gabriella, on s'est jamais trop vraiment entendu. On n'est pas spécialement proches, elle et moi. Voir pas du tout. Cette situation déçoit un peu ma mère qui rêverait de nous voir unis. Malheureusement, c'est pas toujours ça.

Vieni a mangiare.

La brunette vient embrasser la joue de ma mère puis enlève un de ses écouteurs.

Ciao, mamma. Mmm. Ça sent super bon !

Normal. Mamma cuisine beaucoup trop bien.

Gabriella s'assoit et commence à manger, sans même se soucier de moi. Je lève les yeux au plafond, elle m'insupporte parfois. Elle a des manières... J'explique pas.

Le repas se finit bien rapidement car je sors avant elle. Je la laisse discuter avec notre mère puis part m'enfermer dans ma chambre. Je me jette enfin dans mon lit et attrape mon Macbook. Je traîne sur Youtube et il devient mon meilleur ami pour la fin de soirée. Clarisse m'a envoyé des messages mais je n'ai pas répondu. Flemme.

Le lendemain, je vais garer ma voiture au gymnase car on commence avec sport. Kévin et Romain m'attendent devant les grilles du bâtiment. Je descends de ma caisse et l'éteint devant toutes les nanas qui me regardent. Certaines bavent dès le matin en me voyant et j'avoue que ça me répugne... Elles peuvent pas se comporter normalement ?

Plus je m'avance vers mes potes et plus je remarque qu'il y'a un autre type avec eux. Il ne me faut pas plus de deux secondes pour le reconnaître directement : Maël. Je rêve ou ils sont en train de taper la discut' ? Quelle plaie.

Dès le matin, ça me vénère.

Une fois auprès d'eux, c'est Kévin qui se retourne en premier vers moi. Il me fait un tchek et Romain se décide de faire pareil.

— Ah Léo ! Tu nous avais jamais présenté... Maël ? C'est bien ça ? lance Kévin en haussant un de ses sourcils.

Le dénommé hoche de la tête tandis que moi, je me mets à le fixer. Le voilà maintenant qu'il se décide à faire ami-ami avec Kévin et Rom, si seulement il savait pour lui... Et ses déviances. Bref, cette situation me saoule.

— Bah écoute... Je pensais pas que ça vous intéresserait...
— Tu rigoles ? Il est hyper sympa ! J'l'ai directement pensé quand il m'a dit qu'il kiffait passer ses soirées sur FIFA, lui aussi ! Pas vrai, Maël ? s'exclame Kévin, un grand sourire aux lèvres.

J'ai dû mal à imaginer ce gars passer ses soirées sur ce jeu mais bon, on va faire genre de le croire. Ce dernier se retourne finalement vers moi et me lance un clin d'œil discret, tellement discret que je suis le seul à l'avoir vu. Putain, mais. Il est dérangé ou c'est quoi son problème ? Il doit me chercher. Mais qu'il ne s'inquiète pas trop... Ça finira pas par arriver.

Je fais donc semblant d'avoir rien vu puis commence à m'avancer vers le professeur qui ouvre le portail. N'importe quoi... Ce n'est plus des regards maintenant, c'est carrément des clins d'œil... Il est bizarre ce type.

Après Samuel, ça commence à me faire flipper ces conneries.

Les filles se dirigent vers les vestiaires des filles et les garçons dans les vestiaires des garçons. Moi, j'ai pas besoin de me changer car je viens directement en jogging. J'enfilerai un autre t-shirt après, et c'est tout. C'est tellement plus simple, je comprends pas pourquoi les gens se font autant chier à s'habiller classe alors qu'on fait sport. Des fois, leur logique ne colle pas avec la mienne.

Le cours commence bien rapidement après l'appel dans le stade. On continue le cycle du foot et j'dois dire que j'aime beaucoup ce sport. Quoi ? Tous les mecs aiment le foot, personne ne pourra me dire le contraire. Les équipes se forment très vite, Romain se propose capitaine et je me retrouve avec lui. Kévin nous rejoint aussi. On enfile tous des maillots de couleur rouge, le sang.

— Vas-y, prends Maël.

Bien sûr. Ce con de Kévin ne pouvait pas se la fermer. Fallait qu'il fasse un commentaire. Je sens le regard du faux blond sur moi tandis que l'autre équipe choisit un joueur.

— Maël, lance finalement le capitaine de nos adversaires, Adrien.
— Ah...! Dommage.

Tant mieux. Je comprends pas cette admiration pour ce mec alors qu'ils se parlent que depuis ce matin... Il ne va pas commencer à traîner avec nous, pas envie qu'il s'incruste dans notre groupe sacré. Je ne suis pas énervé mais ça me saoule. Il se croit tout permis, je pense qu'il croit déjà avoir sa place avec nous mais non, en fait. Lorsqu'il passe à côté de moi, je le toise du regard.

Reste à ta place, et puis c'est tout.

Je n'ai pas vraiment vu Maël parler avec les gens de la classe. Je l'ai seulement remarqué aux côtés de Clarisse et de ses potes puis avec ce mec aux bouclettes là. Mec qui d'ailleurs à de ses manières... Je déteste ça. Bref, je m'égare. Le jeu commence là.

Les filles font match à part. Elles ont voulu rester entre elles car elles trouvent que les mecs sont trop « violents ». C'est elles qui sont trop faibles, ouais. Puis j'ai l'impression que quand elles jouent aux foot, elles ne savent pas mettre les pieds l'un après l'autre, ça m'énerve de jouer avec des meufs ! Les passes se font rapides et on marque déjà deux buts alors que l'autre équipe seulement un.

Plus le score augmente, plus on sent la tension entre les joueurs. Les matchs amicaux, entre nous les mecs, ça n'existe pas. Grégory m'envoie la balle et je slalome entre deux mecs qui ont le maillot bleu.

— Léo ! Là... ! Léo, putain... !

J'ai grave envie de jouer en solo. J'envoie tout de même d'un coup de pied vif le ballon à un joueur de l'équipe, Augustin. Sauf qu'au même moment, je sens un torse se coller brusquement au mien et ça me fait tanguer sur le côté. Putain... Qui est le connard qui m'a foncé dessus ? Je jure en m'étalant par terre comme une merde. Le sifflet souffle au même moment.

Fait chier, bordel !

— Ça va...? me fait une voix qui me paraît essoufflée à mes côtés.

Un petit attroupement se fait autour de moi mais je me relève bien vite, ne voulant pas faire la victime qui pleurniche au sol. Je pousse la main que me tend Maël. Qu'il regarde un peu où il va celui là avant de me faire manger de l'herbe ! Mais achetez lui des jambes ou j'sais pas moi.

Il me fout la honte.

— Rien de casser, Armanetti ?
— ... Non monsieur. On peut contin—
— Va t'asseoir quelques minutes sur les bancs, pour reprendre tes esprits. Adrien, fais sortir un de tes joueurs ! s'écrit alors le professeur sans que je puisse avoir mon mot à dire.

Mais non, vas-y ! Il saoule aussi. Tous les gars reprennent la partie. Enfin tous, sauf un. Maël se propose pour m'accompagner comme si je ne savais plus marcher. Sauf que tout va bien, je boîte même pas, rien ! Il m'énerve, mais je ne vais rien dire.

Je m'assois — non pas sans soupirer — sur le banc en bois et l'autre fait de même. Je laisse planer un silence avant de reprendre.

— T'es pas obligé. Je dirais même que tu peux te casser, j'ai besoin de rien.

J'ai pas besoin d'être assisté, bordel.

Ma réponse est froide et je m'attends pas à ce qu'il me réponde. Sauf qu'il le fait quand même parce que c'est Maël et qu'il est casse couille. Son foutu sourire habituel orne sa bouche. Le même qu'hier, dans les toilettes. Je comprends pas ce qu'il a avec moi. J'essaye mais j'y arrive pas. Il sourit de cette manière à tout le monde ou bien ? Il pourrait se le garder.

— Mais pourquoi tu fais ton dur comme ça ? Je m'excuse, j'ai pas fait exprès. Puis même si c'était fait exprès... Ben je m'excuse quand même alors, dit-il d'un soupir, effaçant son sourire.
— Arrête d'être comme ça avec moi.
— Comme ça quoi ?

Je soupire un peu plus bruyamment, posant mes mains sur mon front.

— Faire genre d'être sympa alors que tu t'en bats les couilles. D'ailleurs, c'était quoi le plan tout à l'heure avec mes potes ?
— Tu m'excuses mais... J'ai pas le droit de parler avec des gens maintenant ?

Non. Je suis des yeux le match devant moi. Je veux même pas lui répondre. Il me pompe l'air alors qu'en vérité, il m'a rien fait. C'est plutôt son attitude. Il ne m'inspire pas confiance et j'ai pas envie qu'un type comme lui traîne avec mes meilleurs potes. Ça me ferait chier de le supporter autour de moi.

— Gautier ! Sur le terrain ! s'écrie soudainement le professeur à l'intention de mon voisin.

Ce dernier ne se fait pas prier pour s'y rendre. Il me lance un dernier regard avant de trottiner, presque flemmard. Il chuchote quelque chose mais un léger vent m'empêche de l'entendre.

La première heure est enfin terminée. Plus qu'une.

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