La weed, une défonce à deux.

La porte s'ouvre après quelques instants, j'entends des pas lourds bruyants derrière cette dernière. Rapidement, je me retrouve devant un mec qui n'est pas celui que j'm'attends à voir et je fronce les sourcils en me demandant si j'ne me suis pas trompé de maison. Le bonhomme me jauge du regard, la clope au bec. Bizarrement, il a un peu les mêmes traits physiques que Maël. Ses cheveux sont tout aussi ondulés que lui mais beaucoup plus court, rasés sur les côtés. Son expression est dure, un piercing à l'arcade et au nez jouent sur ce côté bad et méchant. Je jette un regard à ses fringues amples qui pourraient accueillir trois personnes et ses tatouages mal foutus. On dirait un camé à première vue. Bon dieu.

Où je suis tombé.

— T'es qui toi ? m'adresse-t-il après quelques secondes, d'un ton saoulé.
— Euh... J'suis venu voir Maël. Mais j'peux repasser si...
— Maël !! Y'a un mec qui t'cherche !

Je plisse les yeux quand il gueule, il me rejette un coup d'œil. Ses yeux sont glaçants, je peux me rendre compte à des kilomètres que je l'emmerde à un point...

— Bah vas-y, rentre.

Limite si je ne le fais pas soupirer, pour couronner le tout. Je ne me fais prier et pénètre chez les Gautier. Le mec dont je ne connais toujours pas l'identité se décale sur le côté pour me laisser passer, refermant la porte après lui. Je remarque qu'il lève les yeux au ciel quand je m'avance. Non mais qu'il me le dise si j'le fais autant chier et j'me casse !

Je me demande si c'est un pote de Maël. Parce qu'en le regardant comme ça, on dirait qu'il fait presque dix ans de plus que moi. Ça doit être son frère, c'est obligé. Ils se ressemblent un peu, mais un tout petit peu. Il finit par se retourner et avance vers le salon, fumant au calme dans la maison. Ok, j'sens qu'il va me les briser celui-là avec son attitude.

La fumée empeste désormais l'entrée, et le couloir.

— Ramènes-toi, j'sais pas c'que mon frère fout encore.

Wow, l'ambiance est à son maximum ici. Je ne dis rien et le suit sagement, enlevant bien vite mes chaussures pour un minimum de respect. Je reconnais de suite le salon de la dernière fois mais à l'heure actuelle, c'est le bordel complet. Mais c'est quoi ce zoo? Non parce que c'est le cas de le dire. Rien n'est rangé, des fringues traînent encore sur la planche à repasser, une boîte à pizza vide ainsi que des canettes de bière éparpillées sur la petite table basse. Je crains déjà la noirceur sous mes chaussettes blanches et ça m'énerve.

Le grand frère de Maël, je suppose, se jette sur le canapé et me regarde, les bras croisés. Il doit s'demander qui je suis et qu'est ce que je fous chez eux à une heure pareille. En même temps, ce con m'a dit qu'on serait seuls, bières et beuh, je ne sais même comment réagir avec ce type devant moi ! Il est trop bizarre. J'ai l'impression que si j'vais dire un truc de travers il va se lever pour venir me casser la gueule vu comment il me téma.

Et c'est pas ce qui était prévu au programme. Maël, j'vais te tarter.

Finalement, des pas se font entendre depuis l'escalier et on retourne tous les deux nos têtes vers l'arrivant attendu. Je soupire le plus silencieusement possible, mes bras se croisant à mon tour contre mon torse, un sourcil haussé vers le haut.

— Ah, t'es pas encore parti toi... Salut Léo. Vous avez fait les présentations ?

Maël s'approche de moi pour me faire un grand sourire. Je le regarde blasé puis je tourne ma tête vers son frère qui est toujours sur le canapé, regardant une télé réalité américaine. Il n'a pas l'air très enchanté quand il s'apprête à faire les présentations, désignant l'être impur d'un vague signe de main, un sourire grimaçant collé aux lèvres.

— J'te présente mon frère Christian, Christian j'te présente Léo, un pote.
— Hm, hm.

Il a vraiment rien à foutre. On kiffe. J'ai l'impression d'être de trop ici et j'avoue que ce mec me fout un peu les jetons. Il est désagréable, rien que sa façon d'être me laisse penser qu'il casse des gueules tous les soirs dans des ruelles sombres. Maël soupire en me proposant de m'asseoir dans la cuisine, à la table à manger. Je prends place tandis que lui chope deux bières fraîches dans le frigo.

— Tu devais pas voir cette Clara ?! s'écrit soudainement le châtain envers l'autre, décapsulant ma bière des mains.
— ... Si. Mais t'sais bien que j'préfère faire attendre les meufs.

Il lève les yeux au ciel et cogne par automatisme sa bouteille verte à la mienne. Coude contre le bois de la table et lui debout, ça me stresse. Maël m'adresse une expression désolée, passant un peu nerveusement sa main libre dans ses cheveux.

— J'pensais qu'il serait déjà parti, chuchote-t-il, tu veux monter dans la chambre ?

Je hoche la tête, après tout j'ai pas vraiment le choix. Je suis le châtain et je sens le regard de son frère dans mon dos lorsque je passe à côté de lui. Ce mec a un véritable problème mais j'trouve que c'est tant mieux qu'il ne m'adresse pas plus que ça la parole, il m'donne pas du tout envie de lui dire quoi que ce soit. Une fois dans sa pièce, Maël referme la porte après lui et je laisse passer un rire quand je vois déjà des roulés sur sa table. Un sachet d'herbe loin d'être vide se trouve également sur cette dernière. Ce con ne blaguait pas.

— J'ai commencé sans toi, my bad.

Je souris silencieusement en m'approchant de sa table et attrape un bédo entre mes doigts, posant ma bière à peine entamée.

— Ouais, ça s'sent. Il s'en balec ton frère ?

Je vois Maël s'approcher de moi et hausse les épaules. Un sourire éternel à la bouche, il attrape un briquet qui traîne non loin et allume le joint que je coince entre mes lèvres. Je prends appui contre son bureau derrière moi lors de cette action. Il en prend également un puis se laisse tomber sur son lit qui grince légèrement à la réception. Je ne réfléchis pas plus et le rejoint, prenant place que sur le rebord.

On dirait que je suis débile, à ne pas savoir à me mettre.

— On attend qu'il parte et on descend en bas s'tu veux, dit-il en posant sa bouteille en verre contre sa commode de nuit.

Comme tu veux. Je tourne mon visage vers lui et acquiesce. Sa chambre est nickel par rapport au rez-de-chaussée. Tout est propre et bien rangé malgré le fait que deux trois bricoles ne sont pas à leur place, si tout était parfait, ça serait flippant. Je tire sur mon roulé et je ferme les yeux, c'est beaucoup trop bon. Le silence devient roi et je ne pense plus à rien, sentant plus que des draps se froisser à mes côtés. Maël semble pensif, le regard fixé droit devant, scrutant un point invisible.

— Il fait vraiment chier mon frère, râle-t-il après un moment.
— Pourquoi ?
— J'pensais qu'on serait que tous les deux.

Je regarde les murs, amenant d'un geste machinal mon joint aux lèvres. En parlant de lui, c'est vraiment l'opposé de Maël. Enfin, il a l'air d'être le gars à faire chier tout le monde alors que le châtain, tout l'monde l'adore.

— Il a débarque hier soir sans avoir prévenu maman, ni moi. En fait il s'est fait viré de l'appart de son ex et ce con a quand même réussi à en retrouver une autre... Tu te rends compte. C'est vraiment un cassos. Il m'fait pitié, le main dans le calbut toute la journée.

Maël accentue ses propos en lâchant un rire amer en fin de phrase. Je le regarde enflammer le bout de son pétard, la petite flamme orange illuminant son doux visage. Il fait assez sombre, il n'y a que cette petite lampe allumée, comme la dernière fois. Mes yeux remonte sur son visage, ses traits sont tendus, il est tendu. Tu m'étonnes, ça doit foutre les nerfs cette situation. J'sais pas trop quoi lui dire alors je me contente de l'écouter.

— Va savoir combien de temps il va squatter ici. Deux, trois mois. Le temps qu'il s'trouve un truc. J'espère que cette fois-ci il va réussir à la tenir, sa meuf. J'te jure, il m'saoule. Il sait que foutre le bordel. D'ailleurs... J'suis désolé pour c'que t'as pu voir, en bas.

Un bruit de porte qui se referme brusquement se fait entendre et je suppose que ce Christian, est parti.

— La vérité c'est que ça m'gêne un peu que tu voies ça.

Bof. Je hausse des épaules, je m'en foutiste. Il y a pire, je pense. Même si très honnêtement, il donne pas envie de lui donner l'heure.

Après avoir laissé un petit silence s'installer, Maël se lève rapidement pour aller voir depuis les escaliers s'il a bel et bien dégagé. Visiblement oui, alors il chope tout le hashish, nos bières et on descend en bas. Je me laisse tomber contre le canapé, les yeux rivés sur la télé. Je finis ma bouteille à ce moment là. Maël dégage la télé réalité que son frère a laissé et zappe sur une chaîne de musique qui diffuse du rap américain, c'est chill. Je laisse le briquet le bédo s'embrasser, les connectant ensemble, laissant ma tête tomber contre le dossier derrière moi. Maël essaye de ranger tout ce qu'à laisser traîner son grand frère, c'est à dire un sachet de pipasse presque vide, la fameuse boite à pizza venant du pizzaiolo du coin, des canettes et toutes les autres conneries possibles qui dégoûtent.

— Attends, j'vais ramener des bières.

Après quelques instants, je me retrouve avec ma deuxième de la soirée. Je le remercie d'un signe de tête et Maël se jette à mes côtés, poussant un soupir de satisfaction quand il pose ses pieds sur la table basse devant nous.

— On n'est pas bien là ? m'interroge-t-il, ses joues se creusant, tirant sur son joint.
— Ouais, si. Tant qu'on fait pas des maths...

Maël rigole légèrement et cogne son épaule contre la mienne.

— De base j'aurai dû t'apprendre des nouvelles formules super géniales...
— Putain m'en parles pas c'est bon...

Au diable ses équations de merde. Je finis par lâcher un sourire aussi, mine de rien. Je bois une gorgée d'alcool en jetant un regard au clip qui est en train de passer. Après quelques secondes, Maël vient baisser légèrement le son et perd la télécommande. Il se tourne légèrement vers moi, ramenant ses jambes contre lui, la paume de sa main tenant sa tête ébouriffée, son coude enfoncé dans le haut du dossier. J'peux pas m'empêcher de le regarder et ses mèches ondulées sur le devant de ses yeux me stresse.

J'ai comme une envie chelou de les toucher.

— Parles-moi de toi, lâche-t-il soudainement.

Oula. Comment casser le truc. C'est le genre de phrase qui me mettra toujours autant mal à l'aise. Tu dois trop réfléchir le temps de sortir une réponse potable et j'avoue que ça m'emmerde un peu, de penser. Je soupire légèrement suite à sa phrase, levant les yeux au plafond en mettant tout de même en route un plan de réponse.

— Qu'est ce que tu veux savoir moi ? Y'a rien à dire.
— Bah si, 'doit bien avoir un truc.

Insistant le type. Il choppe le briquet de la poche de son sweat et embrase à nouveau mon pétard. Ses yeux gris se plantent dans les miens et vraiment, j'sais pas quoi lui dire. J'ai pas une vie exaltante et y'a rien à raconter. J'suis un lycéen banal, comme tout le monde, comme 99% des gens du bahut. Je crois. Maël se relève un peu et prend une grande inspiration.

— Ok, ok. On va faire un truc. J'raconte une anecdote, une vérité sur moi et après c'est à ton tour.
— ... J'ai pas l'choix ?

Non ? D'accord. J'ai compris. Son sourire en coin veut tout dire et il secoue négativement sa tête, amusé tandis que je fais mon faux blasé. J'ai de nouveau une fixation sur ses mèches, ça me tend.

— J'commence... Alors... J'ai failli m'appeler Morgan, dit-il avant de boire une gorgée de son alcool.
— Morgan ? Mais c'est un prénom d'meuf.

Il rigole à ma remarque et Maël se permet de venir me faire une pichenette sur la tempe. Je fronce les sourcils suite à son geste et je frappe ses doigts, doucement. Sérieusement ? Il prend trop la confiance.

On ne me blesse pas.

— J'ai pas raison ? je continue tout de même, finissant ma bière à mon tour.
— Mhh, non. C'est bien masculin, y'a pas de E à la fin.
— Ça sonne pareil, à la fin.
— S'tu remarque, c'est la même avec Maël. Ça sonne comme Maël, deux L, E, remarque-t-il en haussant les épaules.

Ouais bon, dans tout les cas je préfère son prénom actuel, ça me fait bizarre le fait de m'imaginer qu'il aurait pu s'appeler Morgan.

— Bref, changes pas de sujet. À toi.

Je soupire lourdement et regarde à présent le plafond. Encore, ouais. Je commence à développer une relation des plus intimes avec ce dernier. Je mets K.O. mon joint et le jette dans le cendrier tristement rempli. En faisant rencontrer mon dos avec le dossier du canapé, je sors :

— J'ai jamais eu de relation qui dure plus de deux mois.
— Hm... OK. Pas mal.
— Les deux mois, c'était avec une Alice, Alicia... J'm'en souviens plus trop, j'avoue en attrapant une autre bière que Maël me tend.

Non mais pourquoi je raconte ça même ? Et surtout, pourquoi je me fais genre de pas me souvenir de son nom. On s'en fiche. Le châtain hoche la tête en s'allumant un autre joint. Quand la fumée nocive s'échappe de ses lèvres charnues, il ferme les yeux mais il reprend la parole, d'une voix posée.

— C'était des filles du lycée ?
— Non, de l'extérieur. C'est trop de problème au lycée, rien qu'avec Clarisse, tu l'sais, je soupire après avoir prononcé son prénom.

Il hoche de nouveau la tête, jetant un coup d'œil à la télé qui affiche maintenant une pub à la con.

— Mais t'es au courant que... Qu'elle t'aime vraiment ?

Mes lèvres contre le goulot de la bouteille de bière, je m'amuse à souffler dedans. Franchement, j'en ai un peu rien à battre. Comme j'l'ai dit un milliers de fois, c'est fini entre nous et rien que de penser au fait que je dois me remettre avec elle, j'ai le dégoût. Comment tu peux te remettre avec ton ex, sérieux ? J'ai jamais compris les gens comme ça. Ils m'diront c'est l'amour mais n'importe quoi, quel amour ? En mode, ça se contrôle pas un minimum. Faut juste assumer le fait d'avoir la trouille d'être tout seul, c'est tout. Je soupire.

— Tu sais j'm'en fiche un peu maintenant, je réponds, plus que sincère.
— J'le vois bien.

Maël rigole légèrement, s'affaissant encore plus contre le canapé. J'crois qu'il commence à être légèrement défoncé alors j'décide de lui piquer le joint de ses doigts. Il pousse un léger grognement qui pourrait se minimiser à un couinement, coinçant sa main dans sa tignasse virevoltante.

— Ta mère risque pas de débarquer à tout moment, d'ailleurs ? j'interroge tandis qu'il reste bloqué un certain moment dans la même position.
— Non... Elle doit voir mon père pour j'sais pas quoi, elle dort pas ici.

J'ose pas plus l'interroger sur cette question, le pétard toujours aux lèvres. J'crois que je commence à ressentir les effets du truc. Je plane un peu, ce qui est le cas de Maël qui commence à rire en regardant un truc sur la télé. Il pointe du doigt le personnage qui anime la publicité, comme pour je l'accompagne dans son divertissement. Sauf que j'me contente simplement de reluquer le profil de mon visage. La pièce est plongée dans le noir, une grande lampe art déco dans le coin de la pièce illumine un peu cette dernière. Remarquant que j'le fixe depuis de longues secondes, il finit par tourner vivement son visage vers le mien. Putain, il m'a fait peur, le con.

— Ok, à moi... J'suis jamais sorti avec quelqu'un.

A d'autres. Je pouffe de rire en haussant un sourcil. Sérieusement ? Je ne le crois pas une seule seconde.

— Toi ? Obligé t'es sorti avec quelqu'un.
— J'te jure que non. J'ai jamais voulu, se justifie-t-il avant de me piquer le bédo des doigts.

Mouais... Le visage de ce Matt de mes deux me vient en tête et je repense aux fois où ils se sont embrassés devant mes yeux – c'était pas hyper voulu, OK – au lycée. Une question me titille la langue et comme prit d'un spasme, je prends le risque :

— Et Matt ?

Le soupir de Maël parvient jusqu'à mes oreilles et je regrette instantanément. Enfin, je reste mitigé. J'ai envie de savoir. Je suis curieux. Et je comprends plus trop. C'est bien beau de dire que t'es pas gay mais qu'à côté, tu roules des galoches à un mec que tu connais ni d'Adam ni d'Eve.

En plus, il a l'une de ces gueules qui ne passe pas avec moi alors je peux pas m'empêcher de contracter ma main d'autant plus.

— Parce que t'as dit que t'étais pas... Gay. La dernière fois. Alors que tu embrasses Matt.

Les cartes sont posées. Je regarde Maël se relever pour, sûrement, ramener d'autres bières. Il réagit de façon totalement aléatoire mais je ne rajoute rien. Lorsqu'il revient, c'est avec une bouteille de Vodka. Ah, ouais. Je fronce légèrement les sourcils et il me tend un p'tit shot que j'attrape directement, sans trop avoir le choix. D'un geste expert, il décapsule l'alcool à 37,5% et me sert précisément avant de s'asseoir.

— Et c'est vrai. J'suis pas gay Léo, m'avoue-t-il d'un sourire, trinquant avant de boire ensuite cul sec l'alcool fort.

Je le suis rapidement dans son geste et grimace, bordel... J'sens déjà que les cours de demain ça va être archi mort... J'suis niqué. Mon verre se retrouve sur la table basse et je me laisse retomber dans le canapé, ma tête en direction de Maël.

J'ai pas fini. Je retente.

— Alors pourquoi tu l'embrasses ?

Bizarrement, le fait de savoir qu'il a déjà collé sa bouche contre celle d'un mec n'arrive plus à me débecter, enfin, j'ai pas plus envie de m'éloigner de lui. Est-ce que... J'suis vraiment un homophobe au final ? Parce que si j'étais Kévin, j'crois j'aurai déjà prit la porte si j'avais eu ce sujet de conversation... Un peu farfelue, c'est le cas de l'dire.

Le seul son qui règle dans le salon, c'est du hip-hop ancienne génération provenant des enceintes derrière la TV. Ma question reste en suspens et je me demande pourquoi il ne me répond pas ce qu'il lui passe par la tête, franchement. Il a peur de ma réaction ou quoi ?

— Tu sais, j'm'en fou gros. C'est ta vie, pas la mienne... Mais c'est juste que c'était un peu illogique c'que tu as dit, la dernière fois.
— J'voulais juste tester.

Ah ouais. Tester, tu dis. Maël se penche pour la énième fois vers la table basse, d'ailleurs cette dernière est encore plus en bordel maintenant. C'est directement la bouteille de Vodka qu'il attaque, désormais. Ce gros taré. Je le regarde faire mais je l'arrête soudainement quand il la laisse couler trop longtemps. C'est quoi son problème. Des perles d'alcool coulent du coin de ses lèvres, se dirigeant vers son menton, mais il s'essuie rapidement avec la manche de son sweat. On dirait un clochard. J'ai pas mieux comme terme, pour le décrire. Son sourire m'accroche, encore.

— C'est à ton tour, lance-t-il comme pour changer de sujet.

Il voulait juste tester, donc. Ça veut dire qu'il a été attiré par ce mec, un minimum? J'me demande comme il fait parce que même si j'étais de l'autre côté du bord, même pas que je me retournerai dans la rue pour mater son cul, à ce Matt.

Pourquoi j'ai des pensées comme celles-ci, maintenant ? Putain, j'suis trop fonsdé c'est une dinguerie de penser des trucs pareils. Heureusement que j'dis pas ces merdes à voix haute. Il éclaterait sûrement de rire.

— Hm... J'me suis jamais retourné dans la rue pour mater le cul d'un gars.

Haha, j'suis débile. L'expression faciale de Maël change radicalement suite à mon anecdote, il rigole carrément, frappant sa cuisse au passage. Il ramène ses jambes contre son torse et les serrent contre lui, tentant de se calmer mais en vain. Il est sur une autre planète. Et moi de même. Le châtain continue de rire, plus silencieusement, sa tête posé contre ses genoux et le regard amusé sur moi.

— Tu t'amusais pas à noter le cul des gens dans la rue toi ? reprend-t-il, dans la même position.
— Euh, non... C'est chelou non ?
— Non, tout l'monde a fait ça une fois dans sa vie. Genre au collège, continue Maël en posant un pied à terre, prenant appui dessus pour choper un joint déjà roulé sur la petite table basse.

Il me le présente entre ses doigts comme une œuvre d'art tout en haussant les épaules.

— C'est le dernier. On se le termine à deux ?

Je lui souris faiblement et lui passe le briquet. Il se dépêche de l'allumer et se laisse tomber contre le dossier, levant les yeux au ciel. Maël s'amuse à faire des ronds avec sa fumée, puis, il me tend le bâton de beuh.

— Mec... T'es au courant j'peux pas repartir avec ma voiture là ? je chuchote presque, les yeux plissés et l'esprit divaguant sur toutes les sensations qui me prennent, là, tout de suite.

Le pétard se retrouve emprisonné entre mes lèvres et j'crois que ça doit être le troisième ou quatrième que je démolis. Plus les bières. Et la vodka. J'suis vraiment à bout. C'est n'importe quoi. Je sais même plus si j'ai prévenu ma mère si je rentrais ou pas... La voix du châtain me fait sortir de mes pensées.

— Pas grave. Y'a de la place ici. Toi même tu sais, termine-t-il en me faisant un clin d'œil.

Je tourne mon visage vers le sien et reste blasé. À vrai dire, j'me vois pas m'incruster encore chez lui. Mais j'ai pas envie de croiser les flics à l'autre bout de la rue à une heure aussi tardive et me faire salement choper. J'ai pas précisé à mes parents que j'allais fumer quelques pétards avec lui. Ils me tueront ; la clope ils tolèrent pas vraiment, l'alcool de temps en temps mais le cannabis c'est hors de question. Mon père pourrait me tabasser pour ça.

— On va en cours demain ? je lance finalement tandis qu'on fait l'échange.
— Ah, gars. J'suis pas chaud. On a que des matières de merde demain, non...?

J'arrive même pas à réfléchir correctement et il me parle de c'qu'on a demain... Je m'esclaffe. Un franc rire s'échappe de mes cordes vocales et je passe une main sur mon front, le massant légèrement.

— J'sais pas... Dans tout les cas, on est mercredi...

Le châtain semble peser le pour et le contre et finit par hausser les épaules.

— Le mercredi... Des matières de merde... Ouais, il pue l'mercredi.

J'crois que c'est déjà réglé pour lui et pour moi aussi. Tant pis pour les cours. Maël se redresse légèrement et attrape son téléphone dont la luminosité puissante lui agresse les yeux. Il se dépêche de la baisser en jurant.

— Oh. Il est que 22H39...

Quel précision, merci mec. Bordel j'ai pas envie de me lever. J'suis trop bien là, dans son canapé. C'est du luxe, ou quoi ? Il se laisse tomber encore une fois, râlant légèrement. Pourquoi il râle même. Je tourne finalement mon visage vers lui tandis qu'il essaye de jeter de loin ce qu'il reste du joint. Et, panier. Il rigole suite à son exploit et lors, ses yeux rencontrent les miens. En parlant d'eux, ils sont rougis et j'crois j'suis pas mieux. Je peux pas m'empêcher de rire face à sa tronche de débile.

— T'es complètement défoncé, mon pote.
— Mon pote, toi aussi.

Un rire m'échappe encore mais je me calme de suite quand j'vois les doigts de Maël s'approcher soudainement de mon visage. On est près là, non ? Enfin. J'sais pas trop. J'veux pas trop savoir, en vérité. Je fronce les sourcils et quand il le remarque, il arrête ces gestes, ses doigts en l'air, à quelques centimètres de ma joue.

— Tu fais quoi...? j'arrive à chuchoter, mon regard se plantant dans le sien.

Son foutu sourire. Si seulement je pouvais le lui déformer. L'hésitation n'est plus le maître mot, Maël laisse sa douce main découvrir ma joue, d'un geste pur et innocent. Sérieusement, il fout quoi... Sans réfléchir une seconde de plus, je tourne brusquement ma tête de l'autre côté, les yeux dans le flou. Qu'est ce qu'il lui prend, sérieusement. Je l'entends bafouiller de là tandis que mon cœur se lance dans un Fast & Furious.

— Désolé... J'suis désolé. J'sais pas...

Il bégaie. J'arrive à entendre son chuchotement, j'arrive à le sentir se rapprocher de moi, sa cuisse collée à la mienne. Je toussote avant de me redresser, mon dos maintenant droit comme un I contre ce canapé. Maël me suit dans le mouvement et je me tends quand sa main se pose sur mon jogging, juste au dessus de mon genou. Eum. Je regarde sa main du coin de l'œil avant de virer mon regard sur son visage. Je n'arrive pas à l'analyser mais j'crois qu'il est complètement à l'ouest. J'lui en veux pas, alors je ne dis simplement rien.

— Désolé mais c'est un grain de beauté sur ta joue. Je l'avais jamais remarqué.
— N'importe quoi...

Je lâche un rire nerveux mais surtout gêné avant de fixer l'écran TV en face de nous. L'ambiance est tout de suite devenue bizarre et je sais pas trop si j'ai envie de rester. Je choppe mon iPhone dans la poche de mon gilet, l'écran s'allume sur l'heure et zéro notification. Ça, ça veut dire que j'ai prévenu mes parents que je ne rentrais peut-être pas.

— J'ai chaud... C'est horrible, se plaint Maël en remontant brusquement les manches de son sweat.

Et puis il se tait, s'étant décalé de moi. Bien sûr, il ne tient pas bien longtemps en place et se relève, éteignant l'écran d'un seul coup.

— J'en ai marre d'être ici. Il faut aérer.
— ... Euh, ouais OK.

Aérer ? A cette heure ? Il est bizarre. Maël se précipite pour ouvrir toutes les fenêtres et je peux sentir déjà l'air frais de la nuit chatouiller ma peau. Fait chier...

— Viens.

Complètement avachi, il vient tirer sur la manche de mon gilet, voulant me relever. Je grogne et enlève ses doigts d'un geste de main puis le suit dans les escaliers. Je vois rien bordel... Maël non plus, il a failli se casser la gueule deux fois, ce con. Une fois dans sa chambre, il se laisse tomber dans son lit tandis que je referme lentement la porte derrière moi. Bon, et on fait quoi maintenant...?

Ambiance un peu déconcertante.

— J'crois que j'ai la flemme de faire ton lit... dit-il paresseusement, se retournant du côté mur.

Ok, ok. Je me gratte légèrement derrière la nuque avant d'ouvrir la fermeture à glissière de mon gilet, le jetant par la suite sur le chaise de son bureau qui traîne. Le bruit attire tout de suite Maël qui se retourne légèrement pour me regarder. Il me gêne encore plus. Je m'approche lentement de son lit et pose un genou qui s'enfonce dans le matelas et puis, timidement, je pose l'autre. Enfin, je me laisse glisser sur le côté, de profil, dans le même sens que le châtain. J'ai une vue sur ses cheveux, sur sa nuque, sur son dos toujours recouvert de ce sweat. Je rêve ou j'me suis auto incrusté dans le lit d'un mec ? M'enfin, j'suis trop bien pour y bouger puis ce n'est que celui de... Maël.

Ouais. C'est seulement Maël alors, on s'en fiche.

Maël. Maël. Maël. Ce nom que j'ai en tête depuis quelques jours, lancé comme en replay. Pourquoi. Pourquoi moi ? Pourquoi lui ? Je ne sais pas. Il apparaît toujours. Je le croise comme si les événements étaient fait exprès.

Je l'entends légèrement soupirer, je crois qu'il s'endort. J'arrive à entendre sa respiration reposée et tranquille. Je plie légèrement mon avant bras et pose ma tête contre la paume de ma main. Est-ce qu'il dort vraiment ? J'crois que ouais. Je souris légèrement et me recule un peu après avoir vérifier.

Sans trop réfléchir, j'approche ma main d'un geste lent et peu sûr de moi pour qu'elle se dépose sur son bras légèrement plié.

J'voulais juste tester.

Je remonte mes doigts, effleurant à peine le tissu de son sweat et je n'ose pas plus. Ma main se range rapidement contre le long de mon corps, comme brûlée.

Et c'est vrai. J'suis pas gay, Léo.

A quoi je joue.

Je laisse tomber ma tête contre le coussin. Suite à ce geste brusque, le lit bouge un peu. Faut que je dorme, faut que je dorme. Faut. Que. Je. Dorme.

Je suis beaucoup trop défoncé pour penser de manière calme. Il faut vraiment que je dorme. Mais comment je peux avec ce mec, à côté ? J'suis pas du tout à l'aise. Je commence à regretter. Je me tourne finalement du côté chambre et je m'efforce à fermer les yeux, croisant mes bras. Je reste ainsi quelques minutes, avec la lampe de nuit toujours allumée. Bizarrement, j'ai pas envie de l'éteindre. C'est comme si... Elle me rassurait, un peu.

Mes paupières s'ouvrent instinctivement lorsque que j'entends les draps se froisser et un poids bouger dans mon dos. Merde. Est-ce que je l'ai réveillé ? Un léger soupir fait écho dans la chambre et je me tends quand je ressens sa respiration s'échouer telle une vague sur la peau sablée de ma nuque. Je tente le diable en me retournant légèrement, pour voir s'il dort toujours. Ouais. Toujours. Je m'en vois rassuré. De toute façon j'ai pas envie qu'il se réveille, ce serait putain de gênant pour moi.

Je soupire en sortant mon iPhone de ma poche, programmant une alarme bien méchante pour demain matin. 5:20 c'est bien hardcore, mais j'ai pas le choix. J'aurai peut-être une chance de me réveiller avant lui pour me casser d'ici. En espérant qu'il ne l'entende pas. Impossible de prendre le volant, je ne me sens pas apte et j'ai pas envie de faire une connerie. Je fais glisser mon portable contre la commode de nuit, retenant un soupir. J'ferme les yeux, essayant d'ignorer Maël et sa foutue respiration tout aussi bruyante que berçante.

Pourquoi cette soirée doit se finir comme ça ? D'un côté, fallait s'y attendre. La marche arrière n'est certainement pas une solution et encore moins oublier tout ça, ces regards, ces attouchements. Je ne sais pas pour lui mais en tout cas moi, je n'y arriverais pas. On verra bien. La suite au prochain épisode.

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