J'le sens pas.
Le lendemain, j'me retrouve devant le bahut à fumer un joint avec Yanis. Ouais, dès le matin comme ça. Yanis m'a dit que c'est pour bien commencer la journée et vas-y, j'ai dit oui.
Il faut que je me détende. On est que le 5 septembre et j'ai déjà envie de me flinguer.
D'ailleurs Yanis c'est un ancien pote du collège mais il a changé entre temps, on s'est aussi un peu éloignés avec le lycée mais il reste toujours un bon ami. On discute de tout et de rien, jusqu'à ce que je reçois un message de Clarisse qui me dit qu'elle arrive bientôt. En ouvrant sa discussion, je tombe sur notre conversation d'hier soir et j'ai envie de mourir. C'était une horreur pour déchiffrer ses mots, elle écrit tellement mal. Même moi j'fais mieux. Bref.
Je soupire lourdement en rangeant mon iPhone dans la poche de mon jogging puis laisse mon regard divaguer sur les gens qui rentrent dans le lycée. J'arrive pas à croire que ça y est, on est en plein dedans, que c'est fini les vacances et que se réveiller à 14h n'est plus qu'un lointain souvenir.
Ça me donnerait presque envie de pleurer. L'été est en train de me manquer de ouf malade. La mer, les journées à jouer à FIFA ventilo à fond, les sorties nocturnes entre potos, les soirées chez Kévin...
Quelle tragédie. Enfin bref.
Mes yeux finissent sur ma voiture qui est garée vulgairement sur deux places mais je remarque vite un autre truc qui me choque.
Clarisse est là, posée dans le petit parking des motos. Déjà, qu'est ce qu'elle fout là-bas ? La blonde discute avec un motard et pas n'importe lequel, bien évidemment. Je réalise de suite que c'est l'autre con d'hier alors, je jette rageusement mon joint au sol sous cette scène inconcevable.
— Mec... T'es sérieux là ? me lance Yanis, ses yeux se baissant sur le mégot qui fume encore par terre.
Je n'écoute plus vraiment le bronzé, mes yeux refusent de quitter les deux là-bas. Mes sourcils se froncent quand je les vois se rapprocher de nous, le motard tenant maintenant son casque contre sa taille. Au fur et à mesure qu'ils s'avancent, j'entends de mieux en mieux leurs rires insupportables.
Les mains dans les poches de mon jogging, mon gilet cachant mon menton et ma TN butant nerveusement le muret derrière moi, je toise ces deux idiots devant moi.
Aujourd'hui, Clarisse est habillée d'une robe rose claire légèrement pailletée et porte des baskets blanches à la mode. L'autre a délaissé son pantalon militaire et a mit un pantalon jean un peu large entouré d'une ceinture simple noire, un t-shirt blanc qu'il a rentré dans son bas et des espèces de bottes de rockeurs aux pieds. Il m'excède à s'habiller comme s'il allait finir sur une affiche mode pour Kiabi.
C'est ça tu veux ?
Ma copine s'approche de moi et m'embrasse passionnément, comme si on ne s'était pas vus depuis 60 ans. Yanis me regarde du coin de l'oeil en souriant bizarrement, je ne pense pas qu'il s'attendait à ça. L'autre nouveau me mate fixement dans les yeux — que je n'ai même pas prit le temps de fermer — ce qui est plutôt dérangeant surtout quand je suis en train d'embrasser quelqu'un. Il est dérangé, wesh. Qu'il matte autre chose, non ?
Putain de fou.
— Salut mon amour ! me lance-t-elle tout en m'offrant un autre baiser, visiblement non satisfaite.
Elle a bientôt finit ouais ? C'est pas que ça me dégoûte le matin mais si, en fait. Puis son gloss va finir par me donner la gerbe. Elle est obligée d'en mettre dix couches ou bien ?
Je nettoie le coin de ma bouche avec la manche de mon haut, un peu saoulé.
— Salut, je lâche plutôt froidement. Pourquoi il est avec toi lui ?
Clarisse vient se blottir à mes côtés, attrapant mon bras pour le retenir contre son corps. Elle me présente au gars qui se tient devant nous.
— Maël voici mon mec Léo, Léo voici mon nouvel ami, Maël ! Il fait de superbes photos, tu dois voir ça... s'émoustille-t-elle d'un ton enjoué alors qu'on se regarde tous les deux froidement.
Des photos, qu'est ce que j'en ai à foutre...
Je sais déjà qui c'est vu qu'il est dans ma classe, mais bon. Je tique sur le mot ami. Ami ? Depuis quand elle a eu le temps de faire connaissance avec lui ? Mmm. J'essaye de contrôler mon soupir tandis que Clarisse s'allume une clope, son poids de mannequin 50 kg s'appuyant contre mon torse. Je la sens sourire puis rigoler comme une idiote, va savoir pourquoi. Ce Maël frôle la lanière de son sac avant de sortir son portable de sa poche, un sourire s'affichant sur ses lèvres lorsque ses doigts semblent écrire sur le clavier tactile.
— Pourquoi plus personne ne parle ? Et puis, toi t'es qui ?
Ma blonde s'adresse à Yanis qui se la ferme depuis qu'elle est venue. Je lui adresse un regard qu'il me rend avant de lever ses sourcils, exaspéré sûrement. Yanis est du type solitaire et j'peux comprendre sa réaction lorsque je le vois se casser.
Hasta la vista, mon ami. À la revoyure !
— J'ai sport, moi. J'dois descendre au stade. On s'voit plus tard Léo.
— Ok. Ciao, mec.
Il me fait un signe de tête et je le lui rends. La seule personne cool est partie désormais, c'est super. Sous mon silence, Clarisse me pince le bras et je râle un peu. Elle est chiante sur ce coup. Déjà que c'est devenu gênant, elle commence à me gonfler.
— Quoi, putain ?
— Mais c'était qui bébé ?
— Ben, Yanis. Un pote, tu connais pas.
Je sens qu'elle veut rajouter quelque chose sauf que je la pousse doucement pour qu'elle se décale de moi. Vas-y. Tu m'as gonflé. Elle se tourne ensuite pour me faire face, son sac à main Guess accroché à son bras. Clarisse ne comprend pas mais flemme là, c'est bon. Je l'ignore puis me baisse afin d'attraper mon Eastpak avant de le lancer sur mon épaule. Je sens le regard des deux sur ma personne et j'ai presque envie de leur dire de voir ailleurs si j'y suis.
J'ai quelque chose sur le visage ? C'est mon expression naturelle, cherchez pas.
Ces idiots de Romain et de Kévin qui ne sont pas venus. Ils ont du me voir avec la blonde, je pense.
Les salauds.
— Bon... J'me casse. Je mange dehors avec des potes à midi. À toute.
Et c'est sur ce ton que je me dirige vers la classe de science après l'avoir embrassé très, mais très rapidement. Je l'entends soupirer puis chuchoter quelque chose que je n'arrive pas à entendre à l'autre tandis que je m'éloigne à grand pas.
Qu'on soit clair, je ne suis pas jaloux de ce gars. Hein, rien à foutre.
C'est juste que ce Maël m'insupporte avec ses airs de mauvais type, enfin, il se la joue beaucoup trop et ça m'énerve et pas qu'un peu. Il fait le gars mystérieux parce qu'il a une moto, parce qu'il se promène avec un casque, il croit vraiment pouvoir mettre toutes les meufs dans son lit ou un truc du genre ? Je vois bien comment toutes le fixent et ça n'a pas l'air de le gêner, au contraire, il kiffe ça. Je grogne légèrement en tapant dans un caillou. Ce dernier cogne la poubelle dans un bruit bruyant ce qui fait sursauter des meufs assises sur un banc.
Pas la peine d'en faire un sketch.
Je croise Romain et Kév dans les couloirs, enfin. Ils sont train de compter des pièces de monnaie. Je me rapproche d'eux puis ils me font un tchek avant de retourner à leur occupation.
— Qu'est ce que vous foutez ? Vous êtes en déch' ? je dis en les voyant galère.
Kévin me répond en premier, dans un soupir.
— Un peu wesh. C'est pour manger à midi et ma mère m'a rien donné, ça m'saoule. Ça coûte 5 un tacos j'aurai jamais assez ! se plaint-il.
Bah, si c'est que ça.
— T'sais que j'peux toujours te dépan'. C'est pas un problème.
Bon en vrai... Ça me fait chier mais j'dis rien, ils m'ont aidé quand j'avais besoin de clopes alors j'vais pas faire le mec radin là. Et puis je sais que les parents de Kévin sont blindés aux as, vu la villa tu m'étonnes. Je comprends pas sur le coup pourquoi il n'a plus de fric, d'habitude c'est lui qui rince.
Il reste 5 minutes avant la sonnerie et je me dirige vers les toilettes pour aller pisser, m'éclipsant du groupe. Tandis que je fais mon affaire, la porte s'ouvre bruyamment et du coin de l'œil, je vois l'autre con de ce matin. Il m'a suivi ou quoi ? Flippant, ma parole. Je lui jette un regard froid tandis qu'il me regarde blasé, comme s'il s'en bat les couilles de ma présence.
— Quoi ? me lance-t-il après un moment, sûrement agacé à force de le fixer.
Il m'agresse ou c'est moi ? Calme toi, gros.
Je ne prends même pas la peine de répondre, il me saoule autant que je le saoule. Je tire ma braguette, me dirigeant vers les lavabos pour me laver les mains. Il se met au robinet à côté, il y en a une dizaine mais c'est celui là qu'il choisit. Fatiguant et débile. Les seuls mots qui me viennent à l'esprit.
— Je vais pas te la piquer ta Clarisse, hein. Si c'est ça qui te saoule.
Je relève la tête et le regarde dans le miroir en face. De légères cernes longent le dessous de ses yeux clairs — dans les tons gris — et son nez est un petit peu rouge. Ses cheveux sont mal coiffés par rapport à hier. Il me fixe aussi, toujours de la même expression. Blasé. Complètement blasé. Il attend une réponse. Et la seule que je lui offre, c'est un regard glacial. Je n'ai même pas envie de dépenser ma salive pour ce gars, j'le connais pas, on se connait pas et c'est l'un des meilleurs choix que je peux faire cette journée.
En quittant les WC, je sens son regard dans mon dos. Je fais tout pour l'ignorer. Je ferme fortement les yeux après avoir claqué la porte à mon passage. Comme je disais hier, je vais le redire aujourd'hui : je regrette déjà cette foutue rentrée. Putain.
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