J'crois que j'ai envie de te voir.
— Et n'oubliez pas de récupérer vos copies !
Je crois qu'à cet instant là précis, tout le monde s'en fiche de ce que je peux encore dire la professeure. Les chaises grincent contre le sol, les vestes sont enfilées à la vite, les sacs jetés sur les épaules et les chuchotements se font de plus en plus bruyants.
— Bonne vacances, et soyez en forme pour la rentrée ! s'exclame une dernière fois l'enseignante à bout de souffle, debout devant son bureau, les bras croisés.
Je passe d'ailleurs à côté d'elle pour récupérer une copie qu'elle me tend, je n'ai même pas envie de jeter un coup d'œil à ma note tellement ça me fait flipper. La feuille gribouillée de rouge se retrouve au fond de mon sac, ne me préoccupant pas de son état futur.
— Hé, Léo ! Ramènes-toi.
Je rejoins rapidement Kévin ainsi que Romain, ce dernier les yeux sur son portable. Une fois près du plus grand, il enroule son bras sur mes épaules et on se met à marcher en direction de la sortie. Je tente de jeter un regard vers l'arrière pour voir s'il est derrière nous mais je ne le vois pas. Ça me saoule.
— Bordel... On est enfin en vacances, les mecs. Ça mérite d'organiser une teuf tout ça, commence à raconter Kévin, son avant-bras toujours sur moi.
— Tes parents ne viennent pas ? je tente doucement, craignant légèrement le sujet.
Heureusement qu'il ne le prend pas mal et secoue seulement sa tête, de toute façon je ne m'attendais pas à une autre réponse.
— T'inquiète gros, la porte chez moi est toujours ouverte et tu le sais, s'incruste subitement Romain qui a enfin levé les yeux de son écran, le rangeant dans la poche de son jean.
— J'sais bien...
— D'ailleurs, je dis en coupant court, t'es en train de parler avec qui depuis tout à l'heure toi ?
Je vois Romain froncer les sourcils, il fait genre qu'il ne comprend pas. Sauf que moi j'sais très bien que c'est une histoire avec sa copine, c'est obligé. Vu la tête qu'il tire, ça ne peut qu'être que ça et en y réfléchissant bien, ça fait longtemps qu'il ne nous a plus parlé de sa Vanessa.
— Y'a quoi ?
— Rien, se précipite de dire Romain en sortant une clope de son paquet, y'a rien Kévin.
Ce dernier me regarde longuement, se demandant tout autant que moi ce qui lui prend. Il finit par hausser les épaules et quand on arrive devant la classe de Clarisse, Camille en sort, son sac à dos noir sur ses frêles épaules. La petite blonde remarque tout de suite mon ami et elle se dirige vers lui, les bras légèrement ouverts et un petit sourire collé aux lèvres.
— Tu m'as manqué...
— Mon dieu... Viens on bouge, Léo.
On finit par laisser les deux s'embrasser tranquillement, appuyés contre des casiers tandis qu'on passe les portes principales du lycée. Ces dernières sont déjà ouvertes, sûrement pour laisser les élèves sortir plus rapidement. Un silence s'installe entre Romain et moi, c'est un peu bizarre, j'dois avouer. Mon pote me tend finalement une clope que j'empresse d'attraper puis l'allume avec le briquet qu'il me tend.
— Bon... commence-t-il et je sais déjà que ça n'inaugure rien de bon, je pense qu'il serait temps qu'on parle... J'veux dire, de tu sais de quoi.
Je laisse la fumée de la cigarette s'échapper de ma gorge, levant légèrement les yeux vers le ciel. Des nuages le recouvrent totalement, je déteste ce temps car je ne sais pas s'il fait beau ou moche. Enfin bref. Un silence s'installe entre nous et je n'arrive qu'à sentir le regard de mon ami sur moi, je ne prête même plus attention aux gens bruyants qui passent devant nous.
— J'vais te parler franc. J'veux pas t'presser ou quoi, mais je vois bien qu'il y a un truc avec... Maël. Et n'essayes même pas de le nier, continue Romain, amenant de nouveau la cigarette à ses lèvres.
J'arrive à sentir son regard du coin de l'oeil et je me sens légèrement mal à l'aise du fait de devoir parler de ce mec alors que moi-même, j'suis un peu perdu sur les bords. Je sais pas vraiment ce qu'il se passe avec lui, je ne sais pas ce qu'on est, je sais seulement que je veux avancer et continuer, laisser les choses se faire, si je peux dire ça comme ça. J'ai conscience que mon meilleur ami ne me jugera pas, en fait, si c'était lui à ma place, j'aurait fait pareil j'pense.
— De toute façon on peut rien te cacher à toi, je laisse passer dans un soupir, relevant ainsi la tête, mon pied ayant arrêté de maltraiter un pauvre cailloux bloqué contre la semelle de mes baskets.
— Alors j'ai raison, il y a bien un truc.
— ... Ouais.
J'entends un léger soupir de la part de Romain tandis que je m'empresse de jeter le mégot par terre, l'écrasant contre le bitume. J'ai conscience d'avoir avoué qu'il y avait un truc entre Maël et moi, j'ai parfaitement conscience de l'avoir avoué à mon meilleur ami. Un silence s'est installé entre nous jusqu'à ce qu'il jette à son tour sa clope au sol, sa main venant ensuite s'appuyer contre mon épaule.
— Tu sais, j'ai vu comment il te regardait pendant un moment. C'est comme ça que je l'ai grillé. Mais bon, j'veux pas te faire peur et sache que quoi qu'il s'passe entre vous bah... C'est OK pour moi. Je veux dire, faites ce que vous voulez mais faites aussi attention parce que tu sais bien que les rumeurs ici ça va vite...
Il termine ses paroles en secouant mon épaule, un léger sourire rassurant au visage. Mon regard étant rivé sur sa main, je finis par le lever sur lui et je ne peux m'empêcher de lui rendre un léger sourire, moi aussi. De toute façon, j'sais pas quoi dire d'autre. Je dois dire quoi, franchement ? Je suis seulement content qu'il le prenne comme ça, parce que je ne suis pas sûr qu'il aurait cru qu'une chose pareille aller m'arriver. Sérieusement...
— Tu vas aller le voir ?
La voix de Romain me fait sortir de mes pensées et je me mets à regarder autour de moi. Plus que quelques personnes sont encore présentes devant le grillage du bâtiment, je ne sais même pas si Camille et Kévin sont partis.
— C'est bon mec, va le voir. Il est à sa moto, me lance mon pote avant de redresser la lanière de son sac, prêt à partir. J'vais aller voir si j'peux trouver les deux là. Rentres bien, on s'appelle OK ?
Le garçon aux cheveux miels me lance un signe de main avant de se retourner totalement, passant à nouveau le portail grand ouvert du lycée. Je n'attends pas plus pour bouger aussi, mes jambes s'élançant vers le parking. La clé de ma voiture autour de mon index et mes yeux maintenant rivés vers Maël que j'aperçois déjà, il semble regarder un truc marrant sur son téléphone vu le sourire qu'il porte. Le grand est légèrement adossé contre sa moto, le casque noir posé sur le guidon. Je crois qu'il finit par entendre mes pas et c'est alors qu'il lève ses yeux gris, cherchant les miens. Je lui souris, les bras maintenant le long de mon corps. Je sais pas trop quoi lui dire tandis que lui, se penche légèrement sur le côté pour jeter un coup d'oeil derrière moi. Je hausse un sourcil.
— Il est plus avec toi, Romain ? lance-t-il en s'avançant doucement vers moi.
— Non. Il est allé voir les autres, je réponds simplement tandis qu'il acquiesce, une Marlbolo se glissant entre ses lèvres rosées.
Un petit blanc s'installe entre nous le temps qu'il allume sa clope mais il reprend rapidement, à mon plus grand bonheur.
— Tu rentres, là ?
Je jette un coup d'oeil à mon Audi et je suppose que je suis encore en train de sourire comme un idiot, il doit me trouver bizarre à ne pas lui répondre correctement.
— Hum, ouais.
— ... Allez, montes.
⁂
Il doit être dans les alentours de 22H30 quand j'passe la porte de la maison de Kévin, m'offrant alors une vue incroyable sur tous ces gens réunit dans la pièce à vivre. Je slalome entre les personnes qui discutent dans le couloir, oreille à oreille avec des verres dans la main afin de rejoindre le coeur de la fête. Tandis que je lève mon regard sur les lumières multicolores qui se promènent sur les murs et qui donnent une certaine ambiance, un bras se dépose lourdement sur mon épaule. Ayant désormais un Kévin déjà défoncé à mes côtés, je décide de me diriger avec lui vers les canapés du salon, le faisant tomber dessus tandis que moi, je reste debout devant lui.
— Mec, pourquoi t'es déjà dans cet état ? je hausse quand même le ton pour qu'il puisse m'entendre à travers la musique latino qui est bien trop forte.
Il se contente de hausser légèrement les épaules et de tirer sur le joint qu'il tient entre ses doigts, le regard perdu dans le vide. Je soupire en voyant sa gueule, j'me demande qu'est ce que je fous là. Romain m'a demandé de rappliquer parce qu'en fait ce con s'est décidé à faire une teuf à la dernière minute, et les gens du lycée ont même ramenés des gens de l'extérieur car honnêtement, la moitié des têtes ne me disent absolument rien. Super. Ça ne m'étonnerait pas que ça deale par ici.
— Ah, Léo ! T'es là, finalement...
— Putain, y'a quoi là en fait ?
Mes yeux se promènent sur le visage de Romain, avec les lumières j'ai l'impression de le voir plus pâle que d'habitude et c'est vraiment bizarre. Mon téléphone vibre légèrement dans ma poche et je l'ignore, attendant une réponse de mon ami. Il passe ses deux mains dans ses cheveux, les ébouriffant légèrement avant de sourire.
— Détends-toi, c'est la fête, chill... Pourquoi t'as l'air tendu comme ça ? il lâche alors tandis que c'est maintenant à son tour de m'observer.
— Rien... Enfin, tu m'as demandé de me dépêcher pour venir, j'pensais c'était pour autre chose. Mais en fait c'est cool d'être prévenu à la dernière minute.
Alors que je m'y attendais pas, deux bras s'enroulent autour de mon cou et je sens un poids dans mon dos, l'odeur de Kévin et de sa putain de weed viennent jusqu'à mon nez.
— Mais qu'est ce que t'as, frère... Romain a raison... Détends-toi un peu, ma gueule ! Tu crois que c'est pourquoi que j'ai fait tout ça, hein ?
Mon regard reste fixé sur Romain qui secoue négativement la tête tandis qu'il commence à se tourner pour partir, je suppose. Moi-même j'sais pas trop pourquoi je suis sur les nerfs, sûrement parce que j'pensais pouvoir passer une soirée tranquille dans ma chambre puis là, un truc à la dernière minute... Ça me saoule un peu. Enfin bon, au fond ils ont peut-être raison, j'devrais me mettre dans le mood. Après tout c'est les vacances et j'vais strictement rien foutre et il ne va absolument rien se passer durant cette période, tant qu'à faire. Autant se bourrer la gueule.
J'abandonne Kévin qui est en train d'avoir une discussion avec deux filles — je me demande intérieurement où est Camille — pour aller me poser au bar, mon fessier prenant place sur un de tes tabourets présentés. Il n'y a personne qui sert les boissons et j'me dit où est le type que mon pote a engagé. Impatient, j'décide de me pencher un peu en avant et chope une bouteille d'alcool ouverte et presque finie, versant le reste de son contenu dans un verre qui m'a l'air propre. Je fais tourner ensuite sur moi même, toujours assis, et amène la boisson à mes lèvres, mon regard se perdant sur toutes ces personnes. Je crois que j'm'ennuie. Je me suis jamais autant ennuyé. Mon téléphone vibre à nouveau et cette fois-ci, je m'empresse de le tirer de ma poche. Je me mords les lèvres lorsque je vois que ce sont des messages de Maël, puis j'me sens bizarre. J'avais oublié que j'étais entrain de lui parler avant d'arriver ici. Mon dos vient s'appuyer un peu plus contre le rebord du bar, même si cette position n'est pas très agréable. Mes doigts font défiler la conversation et je m'empresse de lui écrire.
maël, 22h32
t'es chiant comme gars
maël, 22h39
tu me réponds plus ?
maël, 22h44
t'es à la fête de kévin ?
léo, 22h45
oui
léo, 22h45
mais viens pas
maël, 22h45
pourquoi ? j'ai de la weed
Mes doigts hésitent un peu avant d'écrire le dernier message et je lève légèrement mon visage vers le plafond, soupirant un bon coup avant de répondre. Un mec vient s'accouder au bar à mes côtés, son bras venant me frôler tandis qu'il essaye de choper un maximum de bouteilles.
moi, 22h46
pcq jcrois que j'ai envie de te voir
Je verrouille mon téléphone juste après l'envoi, mon genou venant bouger lentement, limite stressé. Putain, t'es vraiment fou Léo. J'arrive pas à contrôler mes pensées. Il vibre de nouveau, et c'est bien trop rapide.
maël, 22h47
dis pas des choses comme ça derrière ton écran, j'ai envie que tu viennes me le dire à ma porte maintenant
Fait chier.
maël, 22h47
y'a personne... j'ai de la weed... j'ai netflix et j'ai des chips
Un léger rire passe la barrière de mes lèvres avec ses conneries.
léo, 22h47
tu crois que c'est ce qui va me donner envie de venir ?
maël, 22h48
si tu viens je trouverai un moment pour te donner envie de rester
Bon, j'sais pas si c'est à cause du deuxième verre que j'viens de boire, mais mes joues me brûlent. J'attrape les clés de ma voiture cachées dans mon autre poche et laisse tout ici, Kévin, Romain, ma mauvaise humeur ainsi que mon verre vide, j'me dirige vers la porte d'entrée, bien décidé de quitter cette fichue soirée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top