Horreur au cinéma.

Les chuchotements finissent par se taire quand les lumières de la salle s'éteignent. Bien vite on est plongé dans le noir et l'écran se rallume, le début du film commence enfin. Je mords mes lèvres, regardant un peu la salle et certaines personnes qui échangent au dernier moment les places. On entend après quelques secondes une nana qui crie suite aux gens pendus à un arbre en face de nous et des « ta gueule » font écho. Ça commence bien... Je supporte les films d'horreur généralement, tant que ça ne tombe pas dans le gore. Ça par contre je peux vraiment pas, faut pas abuser et je comprendrai jamais les gens qui kiffent ça. C'est juste des psychopathes ou ils sont pas nets dans leur tête, la vie d'moi.

À côté de Maël se trouve Romain et je peux déjà voir son visage tétanisé, sa bouche mâchant lentement ses pop-corn. J'émets un léger rire moqueur, recollant ensuite mon dos au dossier. Ce dernier se balance légèrement vers l'arrière suite à mon geste. Main dans le paquet en carton je mange tranquillement, matant ce qu'il se passe assez blasé. Le scénario typique et banal, une famille venant s'installer dans une nouvelle maison dans un trou paumé. Ça m'étonne même pas.

Le début est tranquille mais bien vite ça devient chaud, bien évidemment c'est toujours la gamine qui devient folle et possédée. Je peux entendre d'ici Romain sortir une injure, totalement dégoûté. Kévin rigole suite aux événements qui se déroule à l'écran, Yanis cache son visage d'une main, Mathis a enfilé son gilet sur sa tête. Mais incroyable ces gars. De vraies filles.

Maël, lui, s'est affalé un peu sur le siège rouge, croisant une de ses jambes, posant ainsi son mollet sur sa cuisse. Contrairement à moi, il choppe du bout des doigts ses pop-corn et tout avec élégance. On dirait que rien ne l'effraie, par rapport aux autres mecs.

Sans même lui demander, je me penche légèrement pour venir lui en piquer un de sa boîte, le faisant craquer sous mes dents. Salé. Le châtain grogne faussement en m'ayant regardé tout le long de son regard... Et vient m'en voler aussi mais bien plus qu'un. D'ailleurs il le regrette bien rapidement car il déteste les sucrés, visiblement. Je comprends pas, c'est les meilleurs on peut pas test. Maël tire une grimace et se penche pour choper sa bouteille de par terre.

— T'abuses, je chuchote.
— Mh, fit-il en finissant de boire sa gorgée, c'est pas faux. En vrai j'avais juste soif.

Je rigole un peu en le regardant se re poser comme il était, ce qui se passe sur le grand écran ne m'intéresse plus trop, pour être honnête. J'crois que lui non plus, ça doit terriblement le saouler mais il ne le montre pas. Je penche un peu plus ma tête, ma joue collé contre le dossier du siège.

— ... Il est pas un peu nul ?

Le châtain finit ce qu'il mâche et tourne enfin son visage vers moi. Ses yeux brillent dans l'obscurité.

— Mais de fou mec... C'est quoi ça ? J'espère que les autres sont meilleurs parce que là...
— AH ! Putain, la salope...

Maël fronce subitement les sourcils en se retournant un peu vers Romain qui n'est quasiment plus assis normalement sur son siège. Puis c'est seulement quand son visage me refait face qu'on éclate de rire, essayant de le faire silencieusement. J'amène la paume de ma main contre ma bouche tandis que mon pote nous insulte, effrayé comme un gosse. Non mais il m'a tué là. On se calme après une bonne minute, je bois une gorgée d'eau. Quand j'essaye de me concentrer sur le film, voilà que j'y comprends plus rien.

Bien évidemment ça se finit mal, toute la famille crève à part la gamine. Le générique apparaît à l'écran et les lumières s'allument doucement une par une. On voit certaines personnes se relever, s'étirer et quelque unes restent assises pour le film suivant. Je sors mon portable de ma poche et il affiche 22h45. Le prochain commence dans 15 minutes et avec les gars on décide d'aller fumer devant le cinéma. Je galère à descendre les marches illuminées par une petite led bleue, j'suis un peu sonné et je m'appuie à l'épaule de Maël.

Une fois dehors, je monte ma capuche sur la tête et un brusque frisson me surprend. Putain il fait un froid de chien ! On allume nos clopes un peu en même temps, je me balance d'un pied sur l'autre, essayant de me réchauffer. Il caille sa mère et j'm'en fou de le répéter.

— Par contre Romain t'es vraiment le pire toi, lance alors Maël, voulant commencer une conversation et l'appelé lui fait un doigt d'honneur en guise de réponse.
— Ta gueule, mec...
— Bah moi j'ai pas eu trop peur... Ça va, dit Kévin en levant les yeux vers le ciel étoilé, un peu pensif.
— Moi non plus, ment Yanis tandis que Mathis lui fout un coup de coude.
— Genre... T'es au courant que j'étais à côté de toi ?
— Et ? Tu peux parler avec ton gilet.

On rigole, discute un peu du film mais j'avoue que je ne suis pas, bien trop occupé à regarder le châtain à mes côtés. Pourquoi j'peux pas m'en empêcher comme ça ? Putain ça devient grave, à ce stade. J'ai envie de me frapper le crâne. J'en ai marre de moi même parfois. Clope au bec, il sourit à une blague de Kévin. En vrai, on commence à tous s'apprécier, les gars ont adoptés Maël déjà depuis un bout de temps. Il est tellement... Bah tellement lui, en fait. J'sais pas, on peut pas le haïr et surtout moi, j'arrive pas à le détester.

Et c'est une fois à nouveau au chaud dans le cinéma que je retire ma capuche. Notre groupe s'avance encore une fois vers le bar et les gars reprennent des trucs, moi j'veux rien. Enfin... J'sais pas trop c'qui me tente.

— On partage des nachos ?

Les yeux de Maël me scrutent en attendant ma réponse et je finis par hocher la tête. Le garçon lève son index vers le haut, attirant le regard de l'employé du Kinépolis.

— Une portion moyenne de nachos, s'il vous plaît m'sieur.
— D'accord, avec ceci ?
— Un Coca. Une petite bouteille, je rajoute en m'accoudant contre le bar.

Le serveur hoche la tête et commence à verser les chips jaunes dans un bol jetable. Il nous met également de la sauce piquante à côté et sort la boisson du frigo de derrière lui. Le châtain a préparé un billet de 10 et le lui tend.

— Bon les gars, on vous attend à l'intérieur. Faut pas que des gens piquent notre rangée.
— Ouais ok on arrive, je réponds tandis que le mec lui rend la monnaie.
— Merci et bonne soirée à vous !

Maël ne peux s'empêcher d'attendre et pique déjà un nachos. Il le trempe dans la sauce et une fois en bouche, il peut s'empêcher de soupirer de bonheur. Je le regarde du coin de l'œil en souriant, sa réaction est drôle.

— Bordel, ça faisait trop longtemps que j'en ai pas mangé. Tiens, sers-toi hein.

Il me tend la portion et je fais pareil que lui, faisant craquer les chips entre mes dents. C'est vrai que c'est bon mais je préfère tout de même mes pop-corn. Une fois devant la salle 13, Maël pousse d'une main la porte rouge et c'est moi qui rentre en premier. Une fois en haut, les gars ont retrouvés leur place et on s'installe comme tout à l'heure, j'suis toujours du côté mur. Je trouve que c'est la place la plus merdique, sérieusement. T'as toujours un couple qui se fout là juste pour se galocher pendant un film, quand j'y pense.

— Ok, c'est Annabelle là les gars ! J'suis chaud, souffle Romain en posant ses deux bras contre les accoudoirs.
— Putain... Je l'ai déjà vu deux fois celui-là, se plaint un peu Yanis en passant sa main sur son front.
— C'est le dernier, t'as vu le dernier ?

Maël se penche un peu en avant pour pouvoir regarder le bronzé, toujours aussi dégoûté d'ailleurs. De cette position, il me tourne le dos et je finis par poser les yeux sur les publicités qui défilent à l'écran. Mais bien sûr, ça m'ennuie vite alors je sors mon iPhone et traîne un peu sur les réseaux sociaux.

— Tu regardes quoi ?

Un souffle près de mon oreille me fait sursauter légèrement et je verrouille automatiquement mon téléphone.

— Bah rien.
— Mhhhh.

Mon regard est fixé droit devant moi et j'essaye de ne pas me concentrer sur notre proximité actuelle. Maël, se rendant un peu compte de ma gêne, se remet normalement puis baille. Puis, d'un geste un peu rapide il me présente les nachos d'un sourire.

— Ça t'vas si j'les mets au milieu ? dit-il à la seconde où il les posent finalement sur l'accoudoir de nos deux sièges.
— Euh, o-ouais ouais c'est bon.

J'ai envie de me gifler, mon bégaiement à l'instant même à dû le surprendre. C'est pas mon genre, mais genre vraiment pas. J'me déteste. J'peux pas m'empêcher de tousser bruyamment, fronçant mes sourcils. Ça fait chier. Le châtain fait genre y'a rien.

— Eh, les gars... Vous pouvez me passer un peu de coca ? siffle Kévin en me regardant moi et Maël.
— Ouais tiens mec, répond ce dernier en lui tendant la bouteille.
— Yes, merci mec.

Mon meilleur pote lui fait un clin d'œil et commence à boire à même la bouteille. Il la lui retend en deux secondes et Maël l'amène aussi à ses lèvres. Je le regarde faire mais bien vite, je me concentre sur le compte à rebours affiché à l'écran. Faut vraiment que j'arrête il va vraiment finir par se faire des idées, et j'crois bien il s'en imagine déjà.
Le coca finit à nos pieds et il rote silencieusement, son poing contre sa bouche. Maël soupire un peu suite à ça et son regard se pose sur le profil de mon visage. Je fais genre de rien tandis qu'il approche dangereusement ses doigts ornées de bagues vers ma face. Je déglutis un peu et c'est seulement lorsqu'il vient toucher mon oreille, dessinant le contour que les lumières s'éteignent une par une, encore une fois.

— Ça t'irait bien un piercing là... chuchote-t-il une fois dans le noir complet.

Ses doigts reviennent à lui tandis que je retourne mon visage vers le sien. Sérieusement ? J'ignore les frissons qui traversent ma nuque — encore — et je souris un peu, voulant cacher la gêne, secouant négativement ma tête. On voit encore nos visages malgré la pénombre, la lumière de l'écran nous éclairant en rouge.

— Ah non j'aime pas, je réponds sur le même ton.

Maël hausse un sourcil alors que le film commence déjà, nous plongeant dans une ambiance particulière. Bizarrement, j'ai envie de garder mon visage tourné vers lui et qu'on continue à discuter. Par forcément de choses intéressantes ou quoi, seulement de tout et de rien.

— Alors t'aimes pas ça ?

Maël vient bloquer quelques mèches de ses cheveux derrière son oreille et me montre tous les petits bijoux argentés qui montent jusque le haut de son cartilage. Il n'avait pas tout ça avant... Il en avait beaucoup moins. Ça rend bien, en vrai de vrai.

— ... Tu t'en ai encore fait ? je murmure doucement, ne voulant pas déranger les gens à nos côtés qui semblent être déjà pris dans le film.

Le châtain me fait un grand sourire, laissant retomber ses cheveux comme ils étaient. Sa joue vient se bloquer contre le dossier de son siège, se mettant dans la même position que moi. À présent je ne vois que la moitié de son visage en rouge. On dirait un démon.

— Ouais... Cet aprèm. Bon là, ce sont seulement ceux que je dois garder le temps que ça cicatrise. Après j'pourrai en mettre d'autres, j'en ai déjà acheté pleins. D'ailleurs j'm'en souviens que j'ai commandé un en forme de plume et qui tombe comme ça...

Il accompagne ses paroles en reposant ses doigts sur moi, son index glissant de haut de mon oreille jusqu'en bas, juste un peu au dessus de mon lobe. Son geste est lent et plus appuyé que le premier, comme s'il voulait prendre le temps de scruter ma réaction.

Mais alors je brise le contact visuel en amenant deux trois nachos dans ma bouche. Faut arrêter. Maël sourit et fait pareil que moi, se retournant enfin vers l'écran. Je prends encore un peu de temps pour le fixer, j'ai l'impression que j'ai fait ça toute ma soirée. J'ai décidément un vrai problème. Ce mec me change, et pas dans le bon sens j'ai l'impression. Non, il m'rend juste faible face à lui. Je me répète que c'est un mec, un putain de mec et que je ne dois pas réagir comme ça. J'ai même plus envie de regarder ce film maintenant. Je n'me sens plus trop à l'aise, j'essaye de mâcher silencieusement ces chips craquantes en pensant à autre chose.

On entend quelques cris et soufflements dans toute la salle, les gens sont bien tendus devant l'affreuse poupée. La tête posé contre le mur tapissé en un espèce de tissu noir doux, je m'endors presque mais j'essaye de tenir et de comprendre le film. Ça fait vraiment flipper les gens ça ? D'une main, je viens choper quelques nachos que je glisse dans la sauce et vient l'amener dans ma bouche. Malheureusement j'sens quelque chose s'écraser contre mon jogging et directement mes yeux se baissent sur mon pantalon. Manquait plus que ça, bordel de merde. Je soupire fortement en mordant mes lèvres, je salive sur mon pouce pour gratter l'endroit que je vois très mal. Rapidement, on me tend un mouchoir que j'attrape sans réfléchir.

— T'es vraiment pas doué, chuchote-il tandis que je frotte sur le tissu.

Je souffle un merci ironique et essaye de faire disparaître la tâche à l'aveugle. J'abandonne au final, sur un pantalon motif militaire ça se verra quasiment pas et personne ne regarde la nuit.

— Rapproches-toi, non ? continue Maël, posant son coude contre l'accoudoir où se trouve les nachos.

J'ai pas le temps de regarder son visage car il se re concentre sur le film devant nous. J'ignore les cris de Romain et des garçons à côté. Je fais ce qu'il dit, rapprochant ainsi mon coude. Il ne colle pas directement le sien au mien, c'est Maël qui le fait quand il se penche un peu vers mon côté pour choper une chips. Un peu exagérément, d'ailleurs.

Rien d'autre ne se passe d'intéressant, j'ai pas tout compris au truc et je m'en fiche un peu. Tout le monde se lève sauf Yanis et Mathis qui dorment, leur têtes collés à l'épaule de chacun. Romain baille brusquement en s'étirant quand je passe devant lui mais il me choppe l'avant bras pour s'aider à se relever.

— Bordel... J'suis K.O. les frères. Faut que j'aille aux chiottes, commence Kévin en sortant de la salle.

Je ferme mon gilet jusqu'au cou en tremblant, j'suis mort de fatigue en vrai. Y'a seulement quelques personnes et couples qui traversent encore les couloirs vides. À cette heure-ci, normal. Il est minuit et demi. J'ai même pas la force de fumer mais j'crois que Maël ne me laisse pas le choix, il me pousse légèrement et me fait un signe de tête vers les portes de sortie. On est les seules personnes dehors devant le Kinépolis, clope au bec. L'air de la nuit est encore plus glacial que tout à l'heure et mon fin gilet ne me permet pas de me tenir au chaud.

Je jette un coup d'œil à Maël qui s'amuse à faire des cercles avec sa fumée, le regard perdu sur la route quand elle s'évapore. Finalement je me retourne vers là où il regarde, suivant les voitures qui roulent, certaines vite d'autres plus normalement.

— Tu sais, commence-t-il en tapotant sur sa clope, j'étais sincère la dernière fois.

Le son de sa voix me fait directement retourner la tête vers lui, mon regard se plantant sur son visage que je ne vois que de profil. Ses yeux gris rivés sur sa cigarette, il continue :

— Quand j'ai dit que j'aimais passer du temps avec toi.

Je sais pas trop quoi dire là maintenant, je me contente seulement de fumer tranquillement. Je lui laisse le temps de continuer. Mais visiblement il ne dit plus rien, des personnes bourrées passant juste devant nous, une bouteille de bière en main. Ils font un boucan et on les entend jusqu'au coin de la rue, endroit où ils disparaissent.

— Et genre, reprend-il en tournant son visage vers moi, j'vous trouve sympa avec moi depuis que j'suis venu. Romain, Kévin, toi... Enfin, toi... C'était une autre histoire, y'a un mois de ça tu m'regardais encore de travers.

Il rigole un peu pour lui avant de continuer.

— J't'avoue je savais pas trop pourquoi. J'pensais au début c'était à cause de Clarisse, parce quand j'lui parlais souvent mais t'as continué après. Ou à cause de Matt. M'enfin, c'est pour dire que c'est cool que ça a changé.

Je lève finalement mes yeux dans les siens tandis qu'il écrase sa clope à l'aveugle. Car ouais, j'm'étais concentré sur le magnifique sol plutôt que sur sa personne. Il a bien raison, au début il me faisait chier avec ses airs de mec cool et je m'en fou de tout, mais ça a bien changé, ouais. Comme j'le dis, au final on s'est un peu rapproché, mes remarques ont changées, la fois où il m'a raccompagné en moto, la fois où on a fumer quelques pétards, la fois où j'ai dormi chez lui. J'ai fait tout ça avec un mec que je connais à peine, en à peine un mois. Ça me paraît presque trop rapide, en y réfléchissant mais... J'ai envie de continuer à la connaître.

Puis j'dis ça comme ça mais la vérité que je le lui dirai pas en face. Maël se contente de me regarder, son petit sourire aux lèvres. Je sais pas s'il attend une réponse ou quoi. Je soupire alors tout en regardant un lampadaire au loin.

— Moi aussi, j'trouve ça cool.

Et je suis bien heureux qu'il ne dise rien d'autre suite à ma phrase. Je me retourne d'un geste rapide sur moi-même, cherchant des yeux un cendrier pas loin mais au final je jette ma clope au sol. Entre temps, le châtain a sorti son portable de sa grosse veste de motard qui lui va un peu trop grande, mais c'est le style je suppose. La lumière de son portable éclaire d'une lueur bleutée son visage, ses deux pouces venant taper sur son écran. Je fais semblant de regarder ailleurs, pliant ma jambe et posant mon pied contre le mur derrière moi. Je croise mes mains dans mon dos et me balance doucement, voyant les pas de Maël s'approcher de ma personne, ses yeux toujours sur son iPhone.

— Mon frère n'est pas à la maison ce soir. Ça m'arrange tiens, de pas l'voir en rentrant, me raconte-il tout rangeant finalement son portable dans sa poche.

Je lève finalement mes yeux vers les siens et lui offre un léger sourire du coin des lèvres. C'est bien.

— Je dois te saouler avec lui, remarque-t-il en laissant tomber son dos contre le même mur.
— ... Ah non, tranquille. C'est juste j'sais pas quoi dire.
— Ouais, fit-il en souriant, t'as bien de la chance de pas l'avoir comme frère. Même ma mère ne peut plus le supporter.

J'ai remarqué que Maël ne cite que sa mère, en parlant de chez lui. Je soupçonne que son père ne vit plus avec eux, même si la dernière fois il l'a mentionné. Je me mords les lèvres, hésitant à lui poser la question. Le châtain le voit bien et me pousse légèrement l'épaule.

— Réfléchis pas avec moi, dis c'que t'as à dire s'tu veux.

Je penche la tête sur le côté et je me lance, la relevant ensuite vers lui.

— Tu parles jamais de ton père, je dis simplement en cherchant son regard.

Maël n'a pas l'air triste ou énervé après ma réplique, il est plutôt blasé en vérité. Je crois que le sujet du père ne lui fait ni chaud ni froid.

— Mes parents sont en plein divorce. Il s'est cassé avec une étrangère, une russe j'crois, y'a pas très longtemps là. Anastasia...

Il prononce son prénom lentement et d'un ton plutôt moqueur, il ne l'apprécie pas trop cette nana. Normal, j'sais pas comment je réagirai si ça se passerait comme ça avec un d'mes parents. Maël soupire un peu.

— Ils se sont prit un appartement, là, dans le centre-ville. J'ai rien vu venir par contre. T'sais, t'as tes parents du jour au lendemain, ils se quittent comme ça. Après des années de mariage... Toujours au moment où tu t'y attends le moins, truc de fou.

Le châtain fronce ses lèvres, fixant maintenant le ciel au dessus de lui. Je prends la parole, même si j'sais pas trop quoi dire à ce sujet un peu délicat.

— Ça... Ça fait peut-être des années qu'ils sont... Enfin, qu'ils étaient ensemble tes parents mais p't'être que les sentiments n'étaient plus là d'puis longtemps. C'est souvent comme ça, malheureusement.

Je vois Maël hocher silencieusement la tête, écoutant mes paroles.

— Moi j'crois que c'est impossible d'aimer quelqu'un jusqu'à sa mort, tu vois. Ça part au fil du temps, cette connerie. Au début t'es amoureux genre, tu fais tout avec cette personne et après tu vieillis puis plus rien. Y'a plus d'amour à ce stade, c'est limite rare de vivre encore ça...
— Ouais... Et tu te désintéresse et tu vas voir une russe, continue-t-il après moi, rigolant ensuite de plus belle.

Je peux pas m'empêcher de sourire aussi, son rire est presque contagieux. Maël se calme après quelques secondes, avant de toussoter. J'en ai presque oublié le froid autour de nous et qui fait rougir mes joues ainsi que mes mains.

— Et toi, tes parents ? me lance le châtain, les mains dans les grosses poches de sa veste en cuir.

Je réfléchis un peu avant de lui répondre.

— Bah... Normal quoi. Enfin, j'pense. Je leur parle pas hyper souvent, le travail et tout.
— Mh, je vois...
— Après, j'ai une sœur. Petite. Une vraie peste, je continue en lui lançant un regard assez désespéré.
— Ah ouais ? rigole-t-il légèrement. Pourquoi une vraie peste ?
— On passe notre temps à nous gueuler dessus, c'est comme ça depuis le début. On s'aime pas trop.

Maël me fixe tout le long, son regard venant glisser sur toutes les parties de mon visage. Je le vois, je le sens. Mais j'dis rien.

— C'est pas possible ça... Vous êtes frères et sœurs. Tu sais, moi j'parle comme ça de mon frère mais j'peux pas ne pas l'aimer, t'as vu. C'est la famille.

Il a raison, c'est la famille mais quand même. Si elle me cherchait pas aussi, j'pense ça se passerait mieux. J'arrive juste pas à accepter son caractère et elle le mien. Je sais pas si ça changera un jour mais bon.

— Elle s'appelle comment ?
— Gabriella.
— C'est vrai, tu es italien c'est ça ? m'interroge-t-il, se balançant un peu contre le mur.
— Ouais... Enfin, mes parents le sont.
— Et tu sais parler ? Genre, dis-moi une phrase.

Je lève les yeux au ciel en souriant légèrement. J'en sais strictement rien.

— Non... J'sais pas parler mais j'le comprends. J'sais juste dire deux trois mots et encore...

Maël hoche la tête tandis qu'au même moment, mon téléphone vibre dans ma poche. Je l'attrape rapidement et je sens le regard du châtain sur ce dernier.

— Merde... Le film a commencé, t'as Romain il m'dit.
— Ah ouais putain, j'ai totalement zappé.

On se redresse tout les deux du mur assez rapidement et on rentre à nouveau dans le cinéma. Personne n'est à l'accueil mit à part une employée dort contre la table. On rigole avec Maël en voyant sa tronche puis on trottine jusqu'à la salle 13. Une fois dedans, on galère à monter les escaliers, totalement dans le noir. Arrivé à la banquette du haut, Romain me regarde en secouant sa tête et Kévin est déjà trop concentré sur le film.

— Les deux ils dorment vraiment là ? me chuchote Maël en prenant à sa place, parlant de Yanis et Mathis.
— Bah visiblement...

J'entends son sourire et Maël tourne son visage vers la boîte de nachos, enfin... Ce qu'il en reste. Il me fait signe de tête de me servir mais je refuse. Je peux plus manger, j'suis trop crevé pour. Il hausse les épaules et les fait croquer dans sa bouche, les yeux rivés à présent sur l'écran. Je ne connais pas du tout le dernier film qui est en train de passer, mais il a l'air bien plus horrible que les deux autres. Je zieute vite fait la salle et remarque que toutes les ombres de tout à l'heure ont quasiment disparues, il ne restent que quelques courageux à mater le dernier.

Je me cale alors un peu plus confortablement sur le siège, ramenant une jambe contre mon torse, posant ainsi mon pied sur l'assise. Ma tête penche un peu sur le côté, elle devient lourde et je peux presque m'endormir dans cette position. J'arrive encore à entendre les fameuses injures de Romain qui ne cessent, les soufflements de Kévin et les rires légers de Maël. Mes yeux se ferment doucement et ne résistant pas plus à l'appel du sommeil, ma tête tombe à ma gauche.

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