Cassandre la satanique prie le Seigneur.

Les rayons de ce soleil matinal viennent me réveiller. Je viens frotter ma paupière avant d'ouvrir un œil. Putain, j'ai envie d'insulter ces volets qui ne sont pas fermés même si j'sais très bien que ce n'est pas de leur faute. Il fait étrangement clair dans ma chambre. Et c'est là que je sens quelque chose ou plutôt quelqu'un bouger à mes côtés. Mes doigts se baladent alors sur une peau magnifiquement pâle, presque brillante, dénudée de tissu et couvertes de légères traces me rappelant la nuit d'hier. Ah ouais. D'ailleurs... Je me demande comment c'est possible qu'on se retrouve ici, nous deux. Je n'ai aucun souvenir d'avoir conduit jusqu'à chez moi, rien. Juste, Maël est là, totalement assoupi et fatigué, sa bouche légèrement entrouverte, respirant à l'aide de cette dernière comme s'il avait le nez bouché. Un spectacle très agréable à regarder, si je peux me permettre. Il est vraiment mignon.

Ouais.

Mal réveillé, je me tourne vers son côté et mon toucher ne le quitte pas. Il ne semble rien sentir, mes doigts dans son cou mordu continuent alors leur exploration. Je suis un vampire, ou quoi. Finalement ma main s'arrête en plein chemin, sentant la sienne se poser sans que je m'y attende sur ma taille comme pour m'attirer un peu plus contre son corps. Je fronce légèrement les sourcils puis me laisse quand même faire, je sais pas pourquoi... D'habitude, je déteste ce genre de moment, enfin, avec ce mec c'est l'inverse. Va savoir pourquoi. J'aime, c'est tout. On peut pas rester toute la journée ainsi ? Genre, ça se serait vraiment, vraiment bien. Je veux pouvoir continuer à le caresser mais pas de la même manière que la veille, non, j'veux continuer à l'affleurer comme je suis en train de le faire, d'une manière douce et sage. Il apprécie. Il le sent. Je lui lance un regard de biais tandis que mes lèvres viennent frôler l'os de sa mâchoire, rien que ça, un infime toucher qui taquine gentiment sa peau à moi. Je veux que ça dure un peu plus longtemps, que ma bouche reste un peu plus longtemps sur lui, contre lui, avec lui. 

Mais bien sûr, ce serait vraiment trop beau pour que ce soit vrai.

C'est lorsque la porte de ma chambre s'ouvre brutalement que tout retombe. La bulle dans laquelle on était se brise en une fraction de seconde. Je me recule de Maël comme s'il m'avait électrocuté, son corps restant comme inerte sur le matelas de mon lit. Cette intrusion ne semble lui faire aucun effet. Bizarrement. Je lève les yeux vers les deux personnes qui se tiennent devant nous. Un peu perturbé, je remonte d'un geste brusque la couverture sur le mec à mes côtés. Là, devant ces quatre yeux choqués, interloqués, je me sens comme rien. Mon ventre se tord mais pas de la bonne manière, une boule grossit au niveau de ma gorge et j'ai littéralement envie de mourir.

Mamma, te l'ho detto... (je te l'avais dit)

Je distingue Gabriella et son sourire presque diabolique qui dévoile son fichu appareil dentaire que j'ai envie de le lui faire bouffer puis à côté, le côté le plus terrifiant... Ma mère. Ma mère me regarde, sa main manucurée de rouge devant la bouche. Je n'arrive pas à me rendre compte de l'expression que je suis en train de montrer, je sens mes joues rougir, je me sens mal, j'ai envie de faire un malaise, j'ai envie de m'enterrer. Qu'est ce qui est en train de se passer ? C'est pas possible, comment c'est possible ? J'étais tellement hypnotisé par Maël que je n'ai rien entendu, je n'ai rien senti. Rien de rien. C'est sûrement pas vrai. Car c'est impossible. Tout dans ma chambre est trop bizarre. Je m'apprête à sortir un mot, un mot que j'ai cherché trois ans dans mon esprit avant qu'une voix masculine vienne me couper en plein élan. 

Maël.

Je le vois me regarder, un sourire aux lèvres dont je n'avais jamais eu le droit. Je n'aime pas ça. J'aurai préféré rien voir. Là, dos à ma famille, il lance comme si de rien n'était :

— Ça devait se savoir...

Des mots que j'ai envie de lui faire bouffer. J'ai envie de le frapper. Je ne le reconnais pas. Quelques chuchotements de la part de ma génitrice se font entendre de plus en plus fort, je ne veux même pas essayer de comprendre ce qu'elle peut raconter en un parfait italien. J'arrive même pas à assimiler ce qui est en train de passer. Ça me semble tellement bizarre, tellement... Irréel. Le châtain empoigne alors mon bras et me tire contre lui. Je tombe sur son corps et c'est là que tout semble s'arrêter, comme si j'étais tombé dans un trou noir sans fin, sans fond.

Dans un sursaut, je me relève de ce qui me semble être un lit confortable et moelleux. Changement de scène, changement de décor. Je me trouve dans une pièce sombre et malgré mes yeux dans le flou, j'arrive à comprendre en quelques secondes où je me trouve. Fait chier. Ma respiration reprend son calme et un juron sort de ma gorge. Bordel... Mais c'est pas vrai. J'arrive pas à croire que j'ai pu faire un rêve de ce genre. Non parce que, ça me semblait beaucoup trop. Déjà, Maël à me côtés puis... Je jette un regard à ma gauche. Mon coeur s'affole un peu lorsque je le vois, ses doigt venant tirer la peau de son visage comme pour se réveiller. Je crois que c'est de ma faute, je l'ai tiré de son sommeil. J'ai dû sûrement tirer sur la couette, ou j'sais pas.

— Il est quelle heure...

Je ne prends pas la peine de lui répondre, préférant laisser tomber mon dos contre son matelas rebondi. Il tourne la tête vers moi, j'avais même pas calculé la position de ma chute... Je me retrouve presque nez à nez avec le châtain. Ça ne semble pas le déplaire, puis moi non plus. Il n'est pas si différent que dans mon « rêve ». Ma main, légèrement ferme, se glisse contre la peau de son dos pour le retourner vers moi. Maël effleure doucement ma joue et mes yeux se referment, son geste pourrait me rendormir. Merde... Je suis rassuré. Cette connerie m'a vraiment fait flipper. Plus jamais ce genre de truc. 

— Je suis crevé... je lâche dans un soupir, mon front venant caresser sa peau, mon visage s'échouant dans le creux de son cou qui, cette fois-ci, est complètement mordu par mes soins dans le réel.

Quelques souvenirs me remontent peu à peu en tête. Après les bêtises qu'on a fait hier soir, on est descendu en bas pour voir les autres. On a continué de boire, encore plus qu'au début, on est vite devenu complètement torché. Moi, Maël, Kévin, Romain et même Cassandre avec Camille, puis les jeux d'alcool se sont mélangées à ça. Je sais plus trop ce qu'on a foutu mais j'espère rien de gênant. J'ai pas la force d'assumer des actions mal placés ou un truc du genre. J'imagine déjà des stories bizarres tourner autour de cette fête. J'ose même pas regarder sur mon téléphone... Bien que Maël vient tout juste d'attraper le sien. Il le tient dans mon dos, son bras s'étant enroulé sur mon épaule. Je ne peux pas voir ce qu'il textote mais je peux l'entendre, le son de son clavier qui s'active lorsque ses doigts tapent sur les touches. Je ne dis rien, mes yeux ne pouvant s'empêcher de rester complètement fermés. Je n'ai littéralement aucune force pour les tenir ouvert. Puis ma tête commence à me tirer, je sens déjà la migraine prendre place et ça me fait vraiment chier. Je n'aurai pas du boire autant. Ça faisait longtemps en plus, je n'ai clairement plus l'habitude. 

— Oh merde... rigole-t-il légèrement, sentant sa gorge vibrer doucement contre mon oreille.
— Quoi ?

Il doit sûrement être en train de regarder les publications d'hier soir. La musique s'élève à faible volume des petites enceintes de son iPhone.

— Bah... C'était vraiment n'importe quoi hier... lâche Maël avant de balancer son portable contre sa commode de nuit.
— ... On est pas dessus j'espère, je marmonne.
— C'est ce que je suis allé vérifier. Mais non, t'inquiète.

Encore heureux.

— J'ai vraiment fait un rêve chelou.
— Encore ?
— Ouais, je souffle. On était dans ma chambre et t'as ma sœur qui débarque avec ma daronne, t'étais à oilp sérieux... Puis ouais, j'sais plus trop ce que t'avais dit mais c'était genre « Il fallait qu'ils le sachent », un truc comme ça. Par rapport à nous. T'étais trop bizarre...

Je relève mon visage avec flemme, certes, mais c'est pour le regarder. Nos yeux se croisent et je le vois sourire. Ses doigts viennent tracer les contours de mon visage et j'apprécie ce qu'il me fait. Ses mouvements sont doux, ses gestes volatiles et moi j'ai plus qu'une seule envie : de l'embrasser. Dès le matin, comme ça. J'ai envie de l'embrasser, doucement puis plus fort. Ou alors directement fort, fort comme c'que je suis en train de ressentir quand il me fixe de cette manière. S'il savait ce que j'pensais, franchement, j'serais grave mal barré.

— Je suis déçu. Ça fait deux fois que tu rêves de nous et moi, je n'ai pas encore eu le droit à ça...
— Euh... Si c'est pour faire un rêve comme le mien, c'est pas ouf tu sais. Vaut mieux pas.
— Ouais mais... J'sais pas. Moi aussi je veux. Un joli rêve.

Je secoue rapidement de la tête avant de me pencher au dessus de lui pour attraper mon iPhone posé à côté du sien. Le châtain en profite pour glisser ses mains le long de mon corps chaud ce qui me fait frissonner. Ranges tes mains. Ses doigts tracent rapidement mon dos et ma colonne vertébrale jusqu'à ce que je me pose à nouveau à côté de lui. Le coussin sur lequel j'ai dormi est légèrement relevé contre la tête de lit et je finis par le faire rencontrer mon dos, mes yeux se plantant dans l'écran de mon portable.

— De toute façon... Ils le sauront que quand tu voudras leur dire. Je te ferai jamais ça, murmure-t-il tout en penchant sa tête sur mon épaule pour regarder ce que je fais.

Ses mots me rassurent un peu même si je sais très bien que Maël ne me fera jamais un tel coup de sombre pute. De toute façon, ça servirait à quoi ? Ça ne regarde que lui et moi. Déjà que je me suis fait cramé par ma sœur il y a peu de temps, j'ai pas envie que tout se suit. Si mes parents l'apprennent... Vraiment, je sais pas du tout quoi en penser. J'ai aucune idée de comment ils vont réagir et les mots de ma sœur Gabriella ne rendent pas cette « tâche » plus facile. Enfin, on verra bien. Ou pas. Ce serait bien si ça reste secret à jamais mais... Ouais, non. À un moment, il faudra bien que ça éclate car je sais pas si on pourra continuer à vivre ainsi au fur et à mesure que le temps passe. C'est juste impossible et invivable.

— Je sais bien... je soupire doucement, brisant ce léger silence qui comble sa chambre. Mais depuis que ma sœur a capté, maintenant j'fais que d'y penser quoi.
— J'comprends... Mais en vrai, j'pense pas qu'ils le remarqueront comme ça. Vraiment. Genre, c'est impossible qu'ils le remarquent à moins que ta frangine dise un truc. Mais je pense pas qu'elle le fera.
— Bah, elle a intérêt. De toute façon si elle dit un truc, je la défonce. C'est pas plus compliqué que ça... je raconte tout en faisant défiler les publications IG.
— T'es tellement violent... Alors que je suis sûr que tu ne lui feras rien, sourit Maël tout en redressant légèrement, étirant les muscles de son bras.

Je lui lance un regard froid pendant deux secondes et il m'offre un autre sourire. Suite à ça, il se relève après avoir longuement baillé et bondit hors du lit. Pourquoi tu pars... Je roule jusqu'à m'allonger sur le ventre, la paume de ma main venant tenir mon visage tandis que mes yeux se promènent sur son corps de dos. Maël se dirige vers son armoire et l'ouvre, y sortant deux trois fringues propres.

— Bon lèves toi au lieu de me mater, soupire-t-il en enfilant un vieux t-shirt gris délavé.

Pourquoi il veut que je me lève ? Je suis beaucoup trop bien, ici. Une pensée me vient pour ma mère que je n'ai pas prévenu. Enfin, j'pense qu'elle pensait que j'allais rentrer mais au final, Maël m'a ramené en moto jusqu'à là-bas. D'ailleurs...

— T'as reconduis jusqu'à chez toi hier soir ? je demande tout en textotant un message à ma génitrice.
— Bah... Ouais. Logique. Sinon tu serais pas là, dans mon lit...

Je lui lance un regard blasé, il n'était pas obligé de prendre ce genre de voix pour me répondre.

— Je sais ce que tu vas me dire.
— Ouais, t'es vraiment con.

Il est chiant. Je sais très bien que je ne suis pas le meilleur placé pour dire quoi que ce soit par rapport à l'alcool au volant mais bon. Je fais genre que je m'en fiche mais si ça concerne Maël... Enfin bref. J'aime pas du tout. Je sais qu'il est en train de s'habiller, complètement tourné vers moi mais j'prends même pas la peine de lui jeter un regard. Mon téléphone est bien plus intéressant — c'est faux — ...

— T'aurais préféré qu'on dorme avec Kévin et Romain ? T'sais, il m'a fait une proposition ton pote.
— Qui, Kévin ? Oublie.
— Bah ouais, Kévin.
— Parce qu'il dit n'importe quoi quand il est bourré...

J'entends ses pas se rapprocher de son lit sur lequel je suis encore allongé, essayant en vain d'ignorer sa présence. Mais quand ses lèvres se déposent sur mon épaule je sais déjà que je lui en veux plus. N'oubliez pas que l'alcool est interdit au volant. Genre, pour de vrai.

— Aller lèves toi pour de vrai. J'crois que ma mère est en bas, en plus.

Ah ouais, c'est vrai qu'on est samedi matin. J'avais totalement oublié le fait qu'on ne serait pas tout seul mais bon, de toute façon, il faut que je rentre chez moi. Enfin, que Maël me ramène chez moi du coup. Cette fois-ci en toute sécurité...

Je me lève non pas sans un soupir. Le châtain me presse en venant me balancer mes fringues d'hier soir à la figure, ça me fait chier de les remettre. J'ignore l'odeur d'alcool qui en émane puis les enfilent en vitesse tandis que le magnifique propriétaire de cette chambre ouvre sa fenêtre pour aérer le tout. Lorsqu'il se retourne vers moi, je m'empresse de venir coller mes lèvres contre les siennes. Visiblement, il ne s'y attendait pas vu la tête qu'il tire. Mais ça me fait sourire, j'aime bien. Je crois qu'il n'a pas l'habitude que je sois aussi direct. Maël soupire doucement avant de me faire un signe de tête vers la porte, m'incitant donc à descendre au rez-de-chaussé. Je suis suivi de ses pas jusqu'à ce que je vois sa mère au téléphone, adossée contre une petite commode du salon, le regard rivé vers l'extérieur, une vitre donnant sur le paysage extérieur. Lorsqu'elle nous voit, Adèle nous fait un petit coucou de la main. La femme de la maison a l'air assez ennuyée de sa conversation et le châtain m'avoue qu'elle doit sûrement être en train de parler avec son ex-mari, donc le père de Maël. Ce dernier ne cesse de se plaindre ces temps-ci car il ne le voit pas assez et malgré ses invitations, rien n'y fait. Je me souviens de la dernière fois, quand j'ai du l'accompagner. Mon Dieu. Un bien grand moment gênant que je n'ai plus envie de revivre.

On s'installe à table et on mange rapidement. Mon iPhone à moitié déchargé dans ma poche, j'arrive à lire l'heure qui affiche 11H48. Je devrais vraiment pas tarder à rentrer, moi. En plus, je suis beaucoup trop fatigué pour rester ici, j'ai envie de retrouver mon lit et rien d'autre.

Il est presque une heure plus tard lorsque j'arrive chez moi. J'enlève le casque prêté par Maël avant de mettre pied à terre, descendant de sa moto qui paraît toute neuve vu qu'il l'a lavé il y a pas longtemps. Le châtain retire également sa protection, me faisant apparaître sur son visage un air boudeur. Habillé de sa grosse veste en cuir noire un peu trop large, il ne semble pas avoir froid contrairement à moi qui est en train de congeler sur place. Quelle idée de faire un tour en moto par ce grand froid. Qu'il passe son permis voiture, plutôt.

— T'aurais pu rester un peu plus quand même.

Je roule rapidement des yeux avant de me cramer une clope. Je lui tends mon paquet pour qu'il en prenne aussi, coupant le moteur de sa Ducati. À moitié garé sur le trottoir en face de chez moi, je lui réponds tout en laissant la fumée de ma Marlboro s'évaporer dans l'air.

— Arrête de râler, c'est bon.
— Ouais. T'es vraiment trop nul, quand même.
— Wesh. Tout ça pour que j'reste plus longtemps avec toi ?

Je me demande vraiment quel âge à ce mec. Ça me rappelle que je ne sais même pas s'il est plus grand ou plus petit que moi mais je pense qu'il a le même âge que Kévin et Romain. Ouais. Sûrement. En tout cas, il est bien chiant quand il s'y met. Je le vois hausser doucement des épaules avant de regarder rapidement l'horizon, son briquet venant se loger dans la poche de son jean. Je comprends pas pourquoi il est déçu, il avait qu'à proposer quelque chose s'il voulait que je reste avec lui. Puis honnêtement, j'me sens pas de faire quelque chose. Après cette soirée et tout ce qu'il s'est passé, j'ai juste envie de squatter ma chambre et rien foutre.

Alors qu'on était plongé dans un certain silence, la porte d'entrée de ma maison s'ouvre sur ma mère qui tient quatre sacs de courses vides. Les clés de sa Polo en main, elle ne semble pas nous remarquer directement. C'est seulement lorsque ma génitrice pousse le petit portillon qui sépare notre jardin et la rue qu'elle nous salue. Premièrement Maël qui affiche son grand sourire bien à lui, tendant sa joue à Adriana qui lui fait énergiquement la bise.

— Ah ! Ciao Maël, da quanto tempo... ! (*ça fait longtemps) Comment vas-tu ? lance-t-elle avec son léger accent italien.
— B'jour... Bah écoutez, ça va et vous ? Je viens de vous ramener votre fils... Vous avez-vu ?

Je sens le regard des deux sur moi, ma daronne venant s'approcher de moi pour appuyer doucement sur mon épaule. Il est obligé de parler ainsi ?

Sí... Votre soirée s'est bien passé... ? Grazie (*merci) Maël... Oh, n'hésites pas à passer plus souvent à la maison, ça nous fait plaisir. Va bene ?
— Ah euh, ouais ouais... D'accord. C'est gentil, vraiment.
— Tu vas faire des courses, là ? je dis, les faisant faire changer de sujet.

Ma mère hoche doucement de la tête, contournant la moto de mon gars tout en la regardant. Je crois que ça lui plaît bien et je dois avouer que, moi aussi.

Sí... Je vais seulement acheter quelques trucs, j'en ai pas pour longtemps. Mais Maël, tu peux rester si tu veux. Non, Léo ? Tu peux dire à tuo amico (*ton ami) de rester...
— Ah... Ce serait avec plaisir mais je crois que j'vais devoir rentrer...

Maël se voit de refuser l'offre de ma mère bien que cette dernière affiche une mine déçue. Je retiens un soupir, finissant ma clope que j'écrase contre le bitume sale du trottoir.

— Ouais... Ouais, tu peux rester. Si tu veux.
Perfetto ! Alors, je reviens faire quelques courses. Oh... Et Maël, fais comme chez toi ! Sei bellisimo, lo sai ?

Quand c'est pas ma sœur, c'est ma mère. Elle finit par lancer un clin d'œil vers lui avant de venir déposer rapidement ses lèvres sur mon crâne. Un léger « ciao » sort d'entre ses lèvres et je râle un peu avant de la repousser gentiment, ça va là, c'est trop gênant. Adriana allume sa voiture avant d'arranger un chignon décoiffé à l'aide d'une sorte de bandana.

— Hum... Elle m'a dit quoi ta mère, au juste ?
— Euh... je le regarde rapidement. Elle a dit que t'étais beau.

Maël hoche doucement de la tête avant de descendre de sa moto, plutôt satisfait d'entendre cette réponse. Je retiens de dire quoi que ce soit, il sait déjà tout de toute façon. Je commence à m'avancer vers la maison après avoir vu ma daronne partir comme une folle. J'crois que j'tiens sa conduite.

— Tu penses que c'est l'effet de la moto ou... ?
— C'est l'effet de rien du tout ouais. Tu te prends pour quoi ?
— T'es jaloux parce que ses paroles m'étaient destinées. Mais tu sais, j'peux te dire la même chose...

Je le sens dans mon dos tandis que j'ouvre brusquement la poignée de la porte. J'évite de lui dire autre chose car rien ne sortirait à part une insulte. Maël est vraiment prétentieux. Et surtout, très embêtant. Je comprends pas comment j'arrive à tenir parfois. Une fois dans la maison, je pose mes affaires par terre. J'enlève mes chaussures tandis qu'il pose son casque contre une petite commode, celle qui permet de ranger nos baskets. Je ne l'attends pas pour qu'il se déshabille de sa veste, je me dirige déjà vers la cuisine là où je choppe une morceau de pain que je mange nerveusement. Pourquoi je me sens aussi bizarre ? C'est pas la première fois qu'il vient chez moi, au contraire. Il a même rencontré mes darons et il adore ma petite sœur démoniaque. D'ailleurs, en parlant de celle-là, elle doit sûrement être en train de dormir vu l'heure matinale. Et mon père est sûrement au travail, un samedi sur deux il finit à midi. J'crois.

— T'as plus des choses à faire maintenant ?

Je lance tout en m'approchant de Maël qui s'est jeté sur le canapé du salon comme s'il était chez lui. Je m'assois alors à ses côtés, ses bras s'étant posés sur le dossier du sofa. Son regard se perd dans le vide et je ne peux m'empêcher de le fixer. Je le vois se retenir de bailler, secouant légèrement sa tête. Le châtain a l'air perdu dans ses pensées et je n'ai pas envie de le déranger. Je me demande vraiment pourquoi il a décidé de s'incruster chez moi. Je voulais être seul. Enfin, j'ai besoin de mon moment de solitude genre, j'aime pas vraiment quand je suis tout le temps avec des gens. Ça m'emmerde, en vrai. Mais bon. J'peux pas le jeter. J'allume la télé et on tombe sur une émission sur l'agriculture, la voix du mec qui présente ses légumes me donne envie de dormir. Littéralement.

Sans que je puisse le prévoir ou même le sentir, je sens un léger poids s'échouer sur mon épaule droite. Des cheveux chatouillent la peau de mon cou dénudé par mon col un peu large et je sens ma main se faire attraper par une autre. Rapidement, je décroche complètement sur ce qu'il se passe devant moi. Non, maintenant c'est ce que fait ce mec qui m'intéresse. Maël joue avec mes doigts, les siens étant plus longs et plus fins que les miens. Je le laisse faire, de toute façon je m'en fiche. Tant qu'il fabrique pas des trucs bizarres... J'pourrais oublier un instant la troisième présence dans cette maison mais Gabriella reste cependant dans un coin de ma tête. Ma main finit par être laissée après quelques petites minutes et je ne ressens plus cette pression sur mon corps. Je me redresse puis je le regarde. Incontrôlable, voilà comment je me sens. Mon front se laisse tomber contre le sien. Je sens son odeur, l'odeur inexplicable de Maël. C'est le genre de personne à garder une senteur presque permanente de leur parfum, de leur shampoing et de tous les autres types de produits qui puissent exister, qu'ils puissent utiliser. Je ferme les yeux, j'veux rester ainsi quelques instants. Je suis bien ainsi. Ça me rappelle ce matin, chez lui. Je me rends compte que sa présence devient de plus en plus évidente, de plus en plus importante. C'est vrai que j'ai envie d'être seul mais comment je suis censé penser le contraire quand on est aussi près. Je sais pas. Maël rend vraiment les choses compliquées parfois. Souvent...

— Ça va ?

Sa voix n'est qu'un soupir, un murmure presque. J'ai envie de lui sortir une phrase débile mais qui représente parfaitement mes pensées. Sauf que je me retiens. Ouais, ça va. Ses doigts sur ma nuque me caressent lentement, jouant doucement avec l'étiquette de mon haut.

— Ça va... Et toi ?

Il ne me répond pas, se contentant seulement de hocher de la tête. Maël me sourit et comme toujours, moi, j'ai envie d'embrasser ce sourire. Je cède à cette douce tentation, qu'il est tout entier puis finit par fondre ma bouche avec la sienne. Il me répond, ses multiples baisers en réponse. Son emprise se resserre sur ma peau. Aujourd'hui, je ne sens pas ses bagues froides contre cette dernière. Il a oublié de les mettre. Ça me fait un peu bizarre car mine de rien, j'me suis habitué à la sensation qu'elles provoquent lorsqu'elles me touchent. Je me suis habitué, sans que je m'en rende compte à tous ces détails, cette envie, ces envies, ces sentiments qui nous décrivent quand moi et Maël on s'embrasse, quand on se kiffe, vraiment, j'ai appris. J'ai compris, j'me suis adapté et c'est comme si tout ça m'était complètement familier, je sais ce que je dois faire pour lui faire aimer ce moment et à l'inversement, il connaît ce que lui doit faire. Tout ça sans rien dire, les paroles dans ce genre de phase ne servent à rien, il y a que nos gestes et ces démonstrations que l'on se fait l'un pour l'autre qui nous unit, qui nous unit encore plus que hier, qui nous unira plus demain. 

Un tas de trucs se passent dans ce genre d'instant, un tas de trucs malgré le peu de temps qui tourne, j'ai l'impression, qui tourne un peu plus vite que normalement. Je vais pas mentir en disant que j'aime quand ça se finit vite, car c'est le contraire. Sur ce canapé, j'aurai aimé l'avoir un peu plus mais je sais qu'on aura un autre moment comme celui-ci. Son sourire me contamine, j'ai l'impression d'être vraiment con. Je mets de longues secondes afin d'arriver à lâcher ses yeux clairs. Je sens toujours son regard sur le profil de mon visage et j'avoue que ça me gêne un peu. Je me redresse légèrement et attrape la télécommande entre mes doigts, la faisant tourner sans trop savoir pourquoi. 

— Encore, peut-être ?

Son coude s'appuie contre le dossier de ce sofa un peu trop grand pour notre salon. Je finis par lui lancer un regard de biais, fronçant légèrement un sourcil pour lui faire comprendre que je ne vois pas ce qu'il veut dire. C'est Maël, c'est normal. Voyant qu'il ne continue pas, je finis par me lever et arrive dans la cuisine. Là, je me serre un grand verre d'eau, eau provenant de la petite fontaine du frigo. Je bois rapidement et, de nouveau, nos regards se croisent et ne lâchent plus. Je l'entends dire.

— Sinon, ta sœur est à la maison ?
— Bah... Ouais. Elle dort. Pourquoi ?

Le châtain hoche doucement les épaules et je m'approche de lui pour partager mon verre. Il me remercie rapidement et boit une gorgée, je fixe la peau de son cou qui bouge doucement suite à son action. Puis c'est après ça que Maël se décide de rester encore quelques minutes en ma compagnie avant de s'en aller. Je zieute rapidement sur son iPhone tandis qu'il répond à sa daronne, cette dernière lui demandant de rentrer à la maison pour une raison que j'ignore. J'accompagne le garçon jusqu'à sa moto et avant qu'il puisse remettre son casque noir mat, ses doigts atterrissent sur ma joue dans un geste volatile, lent et léger. Je lui fais un signe de tête, remontant le col de mon haut jusqu'à mon menton.

— On se voit au lycée...
— Ouais, sourit-il. On se voit au lycée. Ah, et tu diras pardon de ma part. J'aurai kiffé rester, mais bon.
— Hm. T'inquiète. Façon, tu vas pas manquer tu sais.

Je le défie du regard tandis que le châtain s'avance brusquement vers moi, son sourire ne le quittant pas. J'ai envie de le pousser du fait qu'on soit à l'extérieur mais j'ai la flemme. J'ai envie de voir ce qu'il va faire. Pas grand chose.

— Ah ouais ? D'accord. Aller, à demain alors.
— Salut...

Et puis quoi encore. S'il croit l'inverse, il se trompe. Sa tête ne me manquera pas puis à vrai dire, j'en ai assez eu là pour le coup. Mes séries m'attendent et je serai bien trop concentré dessus pour penser à autre chose... Maël finit par démarrer et, partir, Je le regarde, m'avançant légèrement jusqu'à le voir disparaitre au bout de la rue. Je tire rapidement ma lèvre inférieure, sortant mon téléphone de ma poche pour regarder l'heure. Ça va être putain de long, en fait.


La journée d'hier était, comme je l'avais dit, extrêmement chiante et ennuyante. Même devant mon PC et à moitié allongé dans mon lit, j'en avais marre. J'ai contacté Romain et Kévin, histoire qu'ils me sortent un peu de cette galère. Mais non, ils étaient claqués eux aussi. Génial, ces potes. Puis ouais, j'voulais aussi éviter ma sœur et ses questions débiles. Depuis qu'elle sait, elle me lâche pas cette malade. C'est comme si plus rien n'était comme avant, genre elle ne me fait plus chier comme elle aimait si bien le faire. Même pas. Ça m'a perturbé sur le coup, j'ai cru qu'elle préparait un truc méchant parce que ouais, faut se méfier d'elle. Elle a 15 ans mais t'inquiète pas que... Bref. Ouais non, elle a même impressionné ma mère ainsi que mon père qui, a table, nous ont regardé bizarrement. Et je peux comprendre pourquoi.

J'écoute vaguement ce cours de merde. Anglais, sérieux. Ça me fait rire les gars de ma classe qui font genre d'être intéressé alors que c'est juste la prof qui est super belle. Belle, bonne. Ouais, elle est jolie. Normale. Mais bon, c'est qu'une professeure alors elle est comme toute les autres. Mes yeux descendent sur ses longues jambes recouvertes d'un collant opaque noir, mon visage se penchant doucement dans le vide. Je ronge sans m'en rendre compte le bout de mon crayon gris avant de me faire réveiller par une tape derrière ma nuque.

— Je rêve ou tu téma Mme. Thomas ?

Je fronce les sourcils en jurant en direction Romain, ce dernier étant mon voisin pour ce cours. Je matais rien du tout, j'en ai rien à foutre. Je voulais comprendre pourquoi ils sont tous en chien. Non mais, sérieux. Je veux bien que les meufs s'habillent comme elles veulent mais quand t'es prof, fais un effort. Tu sais très bien que tu vas te faire reluquer mais bref. C'est pas mon problème. Je soupire, me penchant rapidement vers ma feuille de cours quasi vierge.

— T'es chiant, je continue doucement. Laisse moi.
— Mais t'as quoi ? Oh, ça va. C'est quoi le problème ?

Je laisse la question de mon ami en suspens avant de regarder rapidement la classe. Mes yeux tombent sur chacun, les idiots qui constituent notre classe de terminale. Putain, dire que certains j'connais toujours pas leur nom. En même temps, ils sont inutiles. C'est bientôt les vacances de Noël et moi, j'suis en retard mais c'est comme d'habitude.

— C'est rien, je soupire rapidement. C'est rien.

Romain n'a pas l'air convaincu. Il fronce légèrement les lèvres avant de sortir son portable de sa poche, le posant sur sa cuisse pour lire quelques messages. Je crois, j'ai pas envie de regarder. À la place, je me concentre sur autre chose. J'ai pas besoin de préciser sur quoi, sur qui. Maël. Au moment où je le vois en train de rire avec Cassandre en essayant d'être le plus discret possible, il se fait interroger par la professeure. D'un anglais parfait ou du moins plus que le mien, il répond à sa question. Mme. Thomas est déçue qu'il réponde sans commettre une erreur mais d'un côté, elle laisse apparaître un léger sourire avant de reprendre un stylo pour écrire une phrase sur le tableau blanc.

Le cours met du temps à finir. J'ai croisé mes bras sur mon cahier à moitié froissé, dont les pages sont coloriés de dessins en tout genre et finit par dormir. Au réveil, c'est plus Romain qui arrive à me faire bouger plutôt que la sonnerie en elle-même. En me dirigeant vers le gymnase, je ne me retiens pas pour bailler au minimum dix fois. Je suis claqué et ça se voit. Je lève un œil vers le ciel gris qui nous enveloppe et j'me dis que c'est vraiment un temps de merde. Vivement la fin de la semaine, vivement les vacances. En réfléchissant à ça d'ailleurs... Les vacances de Noël, je me demande comment ça va se passer cette année. L'année dernière, c'était ouf avec Kévin et Romain même si j'ai du forcer mes parents pour ne pas passer le nouvel an avec eux. Je pense que j'vais faire pareil pour la période à venir, d'autant plus que je le sens bien. 

Le professeur de sport s'empresse de nous ouvrir les vestiaires, nous criant déjà de nous dépêcher et de rejoindre le terrain en moins de cinq minutes. Espèce de malade va. Mon ami Kévin lui lance un doigt d'honneur une fois le dos tourné puis, je le suis. Comme d'habitude, on se pose sur le même banc, du même coté. Étant déjà en tenue, je fais signe aux mecs et sort rapidement de la pièce. Alors que j'voulais fermer la porte, une voix me stoppe et lorsque je me retourne, j'essaye de paraître neutre. Il me calcule enfin. J'sais pas si j'dois ou dire que c'est pas trop tôt mais bon. Vas-y, ça me saoule déjà d'être comme ça. 

— Mais, attends moi !

Les mains dans les poches, je m'avance et pousse d'un coup de pied la porte qui sépare le terrain du gymnase ainsi que le couloir. Maël me suit, bien évidemment. Il finit par s'arrêter pour laisser passer une fille de notre classe assez pressée, voulant sûrement rejoindre une de ses amies qui s'étire déjà. Ça me désespère, là vérité. J'ai envie de rien, comme d'habitude quoi. Je me laisse tomber le long d'un mur, sortant mon téléphone que j'ai oublié de laisser dans mon Eastpak. Au moins, ça va m'occuper le temps que tout le monde ramène son cul. Je jette un coup d'oeil rapide vers le professeur qui est tout aussi absorbé par son écran, son index textotant sûrement un message que je ne verrais jamais. Un poids s'installe à mes côté, ce n'est personne d'autre que lui. J'arrive à sentir son parfum qu'il porte tout le temps, son bras dénudé du fait qu'il est en t-shirt touche la mienne, de peau. Mes yeux veulent ignorer ce contact mais ils se baissent tout de même, la couleur de ma peau plus bronzée, collée à la peau pâle de la sienne.

— Monsieur... On fait quoi aujourd'hui ?! s'écrit un mec de ma classe, accompagné de trois autres.
— Nous reprenons le volley...
— Oh non, m'sieur, pas volley ! C'tait bien le foot !
— Fermez la Mr. Depardieu et allez placer les filets. Ils vont pas se faire tout seul. Plus vite que ça !!

Le dénommé râle ouvertement, dégageant bien vite faire ce qu'on lui a ordonné. Ce prof, vraiment... J'essaye de paraitre le plus petit possible pour qu'il me fasse 0 remarque parce que vraiment, s'il m'en fait une, ça va mal se passer. Je déteste qu'on me parle comme si je suis un chien.

— Ah, sérieux... Je n'ai pas envie de bouger, Léo... chuchote le châtain à côté de moi, sa tête tombant entre ses bras, en mode désespéré.

Je le regarde rapidement en soupirant, entendant la voix de Kévin s'approcher de plus en plus de nous, Romain rigolant à côté de ce dernier.

— Ouais j'ai la flemme aussi, je lâche pour couper court à la conversation.
— Tu as quoi aujourd'hui ?

Maël relève finalement son visage, celui-ci étant tourné vers moi. Je scrute rapidement ses quelques mèches qui retombent légèrement sur son front et ses yeux clairs qui m'interrogent silencieusement. Les gens de notre classe passent devant nous et on se fait de plus en plus nombreux, installant un brouhaha entre nos deux personnes assises à même le sol.

— J'ai quoi, quoi ?
— Bah j'sais pas. Tu as l'air saoulé. C'est à cause de moi...?

Je sais pas vraiment si c'est le fait qu'il m'a ignoré toute la journée ou que c'est juste moi qui est chiant aujourd'hui. Mais je penche plutôt pour la première option, sérieusement, lui qui est toujours collé à moi bah, ne pas l'avoir avoir moi m'a fait sentir bizarre. Comme un manque, un manque vraiment de merde. Ça me fait chier de ressentir tout ça, de m'énerver tout seul pour des banalités, pour des conneries de ce genre. C'est bon, quoi. Il continue de me regarder malgré le professeur qui nous hurle de nous rassembler.

— Non, c'est pas à cause de toi.

Je suis un peu surpris qu'il ne rajoute rien de plus, j'arrive seulement à voir un léger sourire apparaître sur son visage. Peut-être que cette réponse le rassure mais j'ai comme l'impression qu'il ne semble pas vraiment satisfaisant. Enfin bon, on verra plus tard. Je range mon téléphone dans ma poche de mon jogging que je referme, me relevant et m'approchant vers Kévin et Romain, ce dernier cognant son poing contre mon épaule. Je lui souris faiblement avant de dériver mon regard sur Maël, lui préférant se poser près de Cassandre qui lui chuchote quelque chose à l'oreille. Le châtain secoue négativement la tête en guise de réponse et fronce légèrement ses sourcils, la paume de sa main rencontrant son menton. C'est alors là que je me fais cramer, car ses yeux rencontrent au loin, les miens. Et puisque je suis un gamin, je décide de ne pas soutenir et de rompre ce contact visuel.

— Bien ! Tout l'monde est là... ?

L'appel se fait dans un silence, faut dire que ce connard qui nous sert de professeur sait obtenir ce qu'il veut. Je lève légèrement la main quand vient mon nom, le premier de la liste. Directement après, des groupes se forment pour les échauffements. Bien évidemment, je me mets avec mes potes. Kévin ramène un autre mec de la classe, Vincent ou Valentin, j'en sais rien mais en tout cas, c'est un truc du genre. Il est super grand, il nous dépasse tous, son sourire est agréable et je me surprends à le regarder. Ouais. Cool.

— Salut, nous lance-t-il avant de se placer correctement afin qu'on se fasse des passes.

Le jeu commence, j'essaye de me concentrer mais je n'y arrive pas. Ça me fait chier. Je suis une merde en sport, en ce moment. Remarque, Kévin me fait bien le rappeler, d'un ton râleur car je n'arrive pas à augmenter le nombre de passes entre nous.

— Oh ! Mec, t'es vraiment chiant ! Joues correctement, bordel.

Il soupire lourdement avant de secouer légèrement son t-shirt, il a déjà chaud. Je ne réponds pas et ramasse le ballon avant de le lancer vers Romain. Lui, ne peut s'empêcher de lâcher tout en envoyant la balle vers Vincent, Valentin, truc.

— En tout cas, j'suis pas mieux...

Le plus grand rigole légèrement, rattrapant l'envoi de Romain qui est un peu merdique avant de l'envoyer vers Kévin qui attend plus que de taper dans ce ballon. On continue comme ça pendant quelques minutes sauf que je décide d'arrêter. Sans dire quoi que ce soit, je me dirige vers le fond du gymnase, là où tout le matériel de gymnastique — pire sport au monde — se trouve. Je monte rapidement sur un matelas et me laisse tomber dessus, je sais que le prof peut me voir d'ici mais j'en ai rien à foutre. De là où j'suis, j'peux voir tout le monde et mes yeux se baladent sur ces cons. Mes pouces roulent entre eux, j'dois paraître complètement ennuyé. Puis comme s'il ne pouvait pas m'échapper, mon regard se pose sur son groupe. Maël est avec Cassandre que j'entends souffler de là, se plaignant que son débardeur remonte trop, ce dernier dévoilant clairement son ventre plus plat que j'sais pas quoi. Bastien, les joues rouges et les cheveux un peu gras, galère à renvoyer les passes mais il y arrive quand même. Un autre mec est avec eux mais il est inutile alors j'ai la flemme de le décrire. Fin, il est dans ma classe et je n'ai aucune idée de comment il s'appelle, j'crois que Alex, Alexandre, un truc dans ces eaux là. Je soupire doucement par le nez en le regardant lui, les autres m'intéressant même plus.

Il est tellement dans la concentration qu'il ne pourrait pas remarquer que je le matte. Mes pensées divaguent un peu, j'peux pas m'empêcher de penser à nous quand je le vois. À tout ce qu'on fout, ce qu'on fait, c'est dingue quand même. J'repense à la soirée, bizarrement j'ai l'impression de chauffer. Non mais sérieusement. J'dois avoir un vrai problème pour penser à ce genre de connerie en plein milieu d'un cours de sport. Mais c'est pas ma faute si ce que je vois de lui me donne des envies cheloues, des envies que je dois taire si j'veux pas me faire passer pour un parfait obsédé. J'avoue, intérieurement, je l'avoue rien que pour moi, j'avoue que j'le suis un peu. Mais pas dans le mauvais sens, je suis fou et un peu, trop, beaucoup, accroché à cet idiot. Parce qu'il y a pas vraiment une raison particulière, parce que c'est comme ça et parce que j'l'ai pas choisi. Ça aurait pu tomber sur n'importe qui, sur une meuf peut-être, un autre mec, mais non, c'est sur lui. La paume de ma main tenant ma joue, le coude posé contre ma cuisse et assis en tailleur, je me laisse rêvasser quelques instants. Quelques instants, quelques minutes, secondes, j'sais pas vraiment. Car ça m'a fait complètement perdre la notion du temps. Maintenant, quelqu'un d'autre est posé à côté de moi.

Je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir qui c'est. J'aurai préféré que ce soit le mec que je suis encore en train de regarder sans trop avoir de raison, mais non. Une personne manque de son groupe et c'est elle. Cassandre se laisse tomber comme une gourde sur le matelas où je suis posé, le faisant légèrement rebondir. J'entends sa respiration forte et essouflée qui l'empêcher de parler pour le moment. Il lui faut quelques secondes pour s'en remettre.

— Quel sport de merde... Mec, je déteste le volley ! se plaint la gothique.

Je rejoins son avis. C'est vraiment un sport de merde, mais bon.

— Hm... Ça y est, t'en as marre ?

Je lui demande alors, lui lançant finalement un regard rapide. Son maquillage violet sombre a un peu coulé, enfin, c'est pas vraiment dérangeant. Elles frottent rapidement ses lèvres colorées d'un rouge vif, enfin, si on peut appeler ça encore « rouge » vu que tout est en train de fondre.

— Non. Pause. Et toi ?

Je ramène de nouveau mon regard sur l'autre. 

— J'suis pas d'humeur là.
— Oula...

La fille aux cheveux à moitié coloré marque un silence avant de capter qui je suis en train de fixer.  Je suis sûr qu'elle sourit. Je n'ai même pas envie de faire croire autre chose en ce moment même, de toute façon, c'est pas comme si Cassandre ne se doutait pas de cela. Je me rappelle bien de la fois où elle m'a limite agressé en parlant de ce sujet, du sujet de Maël et moi. Elle doit bien remarquer qu'il y a un truc, des trucs qui ont changé depuis la dernière fois. 

— Olala... C'est le beau et magnifique Maël qui te rend comme ça ? J'comprends, j'comprends... Parfois, il me fait le même effet ce con.

Je me retiens de soupirer, préférant rester de marbre. Ouais. Je n'ai pas vraiment d'en parler. Alors, elle continue, s'attachant les cheveux en une haute queue de cheval.

— 'Fin, j'dis ça parce que depuis tout à l'heure tu fais que de le regarder, et tout... T'as vu.
— Oh, la ferme. Je le regarde pas. Je regardes les gens, j'avoue alors que ce n'est même pas vrai.
— Vas-y c'est bon, me prends pas pour la conne que je suis pas. Façon, ça m'étonnerait pas qu'il ne remarque pas que tu le mattes, on voit que ça...

La gothique chuchote sa dernière phrase, croisant ses deux bras pâles devant elle, s'étirant légèrement. Je lève les yeux au plafond. Cette meuf croit toujours qu'elle a raison. C'est fou d'être comme ça. Puis même si je mens, ça ne le regarde pas. On est pas pote, on est juste connaissance si j'peux me permettre. Mes seuls amis sont Kévin et Romain, mes vrais. Et j'crois que même à eux je ne leur dirais pas la vérité. Peut-être à Romain mais il forcerait pas pour l'avoir, contrairement à Kévin. Sauf que lui, il saura vraiment rien. Vaut mieux pas. D'ailleurs en les regardant, ils se débrouillent plutôt bien sans moi.

— Ah, c'est vraiment compliqué tout ça... soupire alors Cassandre, me rappelant alors sa présence.

Ça dépend de quoi elle parle. Mais clairement, aujourd'hui, tout semble compliqué.

— Sinon, vous êtes ensembles depuis combien de temps maintenant ?
— ... Putain, mais. Ça te regarde pas. Dégage, je râle en fronçant subitement les sourcils.

De quoi elle se mêle déjà. Je sais même pas en plus. Il y a même pas de date, et on est pas ensemble. Fin, si. On l'est oui, parce qu'il y a que moi qui a un pouvoir sur lui. Si quelqu'un d'autre l'aurait, il aurait sûrement fini avec une ou deux dents en moins. 

— Pas la peine d'être aussi agressif... 
— Bah t'es chiante, meuf. Tu viens, j't'ai rien demandé et tu m'poses ce genre de question totalement idiote. Tu me saoules.

Cassandre laisse planer un silence, un peu choquée mais pas la peine d'en faire tout un plat. Je lui ai  dit la vérité. Ouais, elle me casse les reins. J'veux bien qu'elle traîne avec nous mais faut pas prendre trop la confiance non plus. Surtout pour ce genre de truc. J'ai pas envie de me confier à elle.

— Sérieusement... Faut que tu détende, mec. J't'ai pas agressé alors m'agresse pas. J'suis grave venu en paix en plus...
— Super. Tu peux t'en aller maintenant ?

Mon visage se tourne vers le sien, un peu exaspéré de mon comportement sûrement. Sauf que bon, j'en ai vraiment rien à foutre quoi. Qu'elle me lâche. Cassandre soupire lourdement avant de se relever, arrangeant rapidement son short de sport qui est genre, vraiment court. On peut voir ses fesses limite mais bon, vu qu'elle est plate c'pas trop choquant.

— Bref. Je voulais juste te dire que je suis contente pour vous. Je prie le Seigneur pour que tu l'acceptes complètement, un jour.

Oh sérieusement, elle m'ennuie vraiment. Je ne la regarde même pas lorsqu'elle me sort cette phrase, je l'ignore et ça semble la faire chier, un peu. Tant mieux. Après tout, j'fais ce que je veux. Si j'ai envie de l'accepter, je le fais et ça, quand ce sera mon tour, c'est moi qui choisira le moment. Vraiment, qu'elle se mêle de ses affaires. De sa copine, j'sais pas moi. Elle a peut-être ses problèmes, je sais pas moi, je la connais pas cette fille. Mais je n'aime pas qu'on s'incruste dans mes trucs personnels, et la relation avec Maël est la chose dont je n'ai vraiment pas envie d'en parler. J'en ai assez eu avec ma sœur, ça suffit maintenant. 

Heureusement, les deux heures se finissent enfin. Bien sûr, je suis allé jouer pour les matchs, sinon j'allais vraiment me faire coller par ce con de professeur. J'ai essayé du mieux que je peux de me concentrer, au moins pour monter à un terrain potable ou le niveau est moyen. Je me voyais pas de rester avec les nuls, un peu de respect s'il vous plaît.

Dans les vestiaires, j'me change et j'enlève mon haut qui me colle un peu. Cette fois-ci, j'ai pas oublié mon t-shirt de rechange.

— Aller, on rentre enfin chez nous ! Les gars, vous faites quelque chose ce soir ? nous lance Kévin malgré toutes ces voix qui crient.
— Moi, non.

Je regarde rapidement Romain qui passe un haut par dessus sa tête, ses cheveux s'ébouriffant légèrement. 

— Et toi, Léo ?
— Euh, j'sais pas. Rien non plus, j'crois.

Je baisse mes yeux vers mon sac, ouvrant la poche du devant pour en sortir mes clés de voiture. Car ouais, j'me casse moi. Une légèrement ombre se forme devant moi, puis une voix d'un ton que je connais parfaitement s'élève doucement. Qu'est ce qu'il veut, maintenant ?

— Tu n'as pas oublié, hein ?

Je fronce les sourcils, me demandant de quoi il veut parler exactement. Je sens les regards des gars sur moi, s'interrogeant silencieusement sur nous. Je fixe Maël qui me reluque aussi.

— De quoi ?
— Tu as dit que tu m'accompagnais au truc, me dit-il comme si je savais parfaitement de quoi il voulait parler.
— Ouais, au truc... ?
— Au truc.

D'accord, je pensais pas qu'il allait être aussi insistant. Je fais genre de comprendre et hoche rapidement de la tête, me relevant de ce banc. Ok. Je lui fais signe d'avancer vers la sortie en faisant un signe de main aux gars.

— Je... Ouais. Bon, on se voit demain. À plus.

Je compte vraiment sur Romain pour qu'il trouve quelque chose à dire à Kévin, ce dernier me regarde vraiment bizarrement. Je pense qu'il voulait qu'on traine ensemble après les cours mais là, je crois que j'ai une urgence. Enfin, j'veux pas laisser passer cette occasion alors que je n'ai pas eu ma dose — de lui — aujourd'hui. 

L'air extérieur me fait du bien, le renfermé du gymnase me rendait mal à l'aise. Maintenant que tout ça est fini, je revis enfin. Une envie commune nous vient avec Maël, sortant en même temps notre paquet de cigarette. Ce geste le fait légèrement sourire et, il finit par ranger le sien. À la place, il prend le mien. J'ai pas le temps de réagir car il me vole déjà une clope, la coinçant entre ses lèvres sucrées. Un mot qui leur correspond bien, j'trouve. 

— Tu viens ?

J'allais le suivre, de toute façon. Je glisse une Marlbolo entre les miennes, l'enflammant doucement. Nos chaussures se frottent contre le bitume du trottoir, c'est le seul bruit qui parvient jusqu'à mes oreilles avant que sa voix, de nouveau, le remplace.

— Tu devais rester avec Kévin et Romain ? me demande avant de tapoter contre sa cigarette, en faisant tomber les cendres au sol.
— Hm... Non. Enfin, j'sais pas vu que t'es venu.
— Oui. Je suis venu te voler.

Je secoue légèrement ma tête fasse à sa phrase, n'importe quoi. Il n'a pas besoin de me voler car... Ouais, non. J'allais dire un truc qui était bizarre. 

— D'accord. Et pourquoi ?
— Parce que j'avais envie d'passer du temps avec toi. Et puis parce qu'on a pas beaucoup parlé aujourd'hui... Voilà, quoi.

Il dit ça comme s'il s'en voulait ou un truc du genre. Je lui lance un regard rapide, j'sais même pas comment je fais pour encore lui « en vouloir ». C'est déjà passé. C'est bien plus fort que moi, j'crois. Ça, lui, tout. Je tire sur ma cigarette, réfléchissant à un endroit où j'pourrais l'embrasser comme un dingue. Dommage, y en a pas.

Mon épaule finit par rencontre la sienne. Tout en marchant, je le pousse légèrement sur le côté. Je le vois sourire et je ne peux m'empêcher de le recopier. D'un coup, je sens cette tension bizarre entre nous disparaître, s'envoler très loin. Nos pas arrivent jusqu'au parking, là où est garée ma voiture, sa moto n'était pas présente à sa place aujourd'hui. Alors, je présume qu'il est venu en bus.

— Tu vas rentrer ? me demande-t-il, sa main libre jouant avec la lanière de son sac.
— Bah, j'sais pas. Tu veux venir ?
— Ouais, allons quelque part.
— ... J'disais ça, genre, pour te ramener chez toi.

J'allume mon Audi, regardant son visage prendre une mine blasé. Je le fixe avec un sourire avant de le voir disparaître en premier dans la voiture. Il prend place sur la le siège avant passager et moi, devant le volant. 

— Tu veux aller où ? je pose, plus sérieusement.

Maël regarde rapidement quelque chose sur son iPhone avant de lever le regard sur moi. Cependant, j'le vois froncer les sourcils comme s'il avait vu un sale truc sur ma gueule. Quoi ? Du coup, j'me demande ce qui le prend avant de sursauter en entendant un bruit sourd contre la vitre de ma voiture. Putain, c'est qui qui touche ma bagnole comme ça ? Je me retourne alors et mes yeux croisent le visage de cette... meuf. Elle nous a suivi ou quoi ? Léa, je me rappelle bien de son prénom à elle par contre. La brunette nous fait un signe de main, son sourire s'adressant plus à Maël qu'à moi. J'veux donc baisser la vitre mais mon gars m'en empêche.

— Euh, ouais non. J'ai pas envie de lui parler à cette folle. Démarre.
— Léo, aller ouvre la porte ! Je dois te dire un truc ! s'écrit cette dernière, se permettant une nouvelle fois de taper contre mon Audi.

Ah, sérieusement. Je le fais quand même. Si elle commence à me faire chier, je me casse. Ma vitre se baisse alors, mon index pressant le bouton sur le côté de ma porte. Léa arrange rapidement ses cheveux lisses avant de se munir de son plus beau sourire. Ça me blase. Qu'elle dise ce qu'elle veut. Je vois deux de ses amies qui sont dans notre classe, un peu plus loin, près d'une Alfa Romeo de couleur rouge. 

— Tu veux quoi ? je lance alors en sa direction.
— Hum... Je voulais juste vous demander où est-ce que vous allez... Avec les filles, on voudrait sortir quelque part, alors on s'disait si on pouvait venir avec nous, genre ?

C'est vraiment la pire technique pour s'incruster que j'ai pu connaître.

— Non vous pouvez pas, sourit Maël et répondant à ma place. Désolé.

Le châtain tire sa dernière latte tout en enlevant sa veste avant d'ouvrir sa fenêtre afin de jeter le mégot au sol. J'admire la mine de Léa qui devient presque boudeuse. Elle croyait vraiment qu'on allait dire oui ? Mais on ne se connaît même pas. Si elle croit qu'en une soirée, elle peut se permettre de trainer ensuite avec nous... Elle se trompe carrément. Folle, va. 

— T'as entendu ? Bon, tu peux te décaler, j'ai envie de faire ma marche arrière sans t'écraser.
— Mais... Attendez !
— Quoi, encore... ?

Léa replace une meuf de ses cheveux derrière son oreille, sortant son iPhone de sa poche.

— Hum... J'pourrais avoir votre numéro ? J'aimerais vous inviter à notre prochaine soirée, avec les filles. 'Fin, vous pourrez ramener les autres si vous voulez. Ça sera super cool.

C'est vraiment la pire technique pour choper un numéro que j'ai pu connaître. Mais bon. J'attends d'entendre l'avis du mec à côté. Alors, je le regarde avant de venir démarrer mon Audi, cette dernière poussant un léger bruit. Léa continue d'insister.

— Ce serait vraiment super, j'essaye d'inviter un max de gens ! Puis on est dans la même classe, ça pourrait tous nous rapprocher ! Alors ?
— Euh... Vas-y donnes le tien, je soupire en ayant un peu marre.

Je m'attendais à ce qu'elle m'énumère les chiffres de ce dernier mais non, à la place, elle me sort un bout de papier de sa poche ou tout est déjà marqué. Je sens bien qu'elle est dégoûtée de me le donner à moi, j'pense que c'était déjà tout fait pour Maël. Idiote. Je lui souris faussement. Elle, sourit à Maël qui à le coude appuyé contre le rebord de la vitre, les yeux rivés sur l'écran de son portable. Il ne calcule même pas et attend que je démarre. 

— À plus, les garçons !

On ne répond pas, mon doigt venant fermer la vitre. Les bruits extérieurs se taisent un peu plus, nous plaçant dans une ambiance plus calme, avec ce léger fond de radio à faible son. Je tends le petit bout de papier à Maël qui met du temps à l'attraper. Tandis qu'il le regarde vaguement, je décide de sortir de ce parking. Une fois sur la route, j'entends des bruits de déchirement et je comprends directement ce qu'il est en train de faire. J'enclenche mon clignotant, dépassant une voiture bloquée à 30 et la dépasse tandis que le châtain ouvre sa fenêtre. Puis de sa main remplie des morceaux illisibles du numéro de Léa, il finit par les lâcher à l'air libre, les faisant voler, laissant le courant les emporter loin de nous. Je secoue légèrement ma tête suite à ce geste et je le regarde piquer une paire de lunette de soleil posées sur le tableau de bord, ce sont les miennes et... Elles lui vont bien. Qu'il les gardent. 

— Non mais quelle chieuse celle là. Je devrais vraiment le remballer mais je suis trop sensible pour faire ça.
— Trop sensible... C'est ça, ouais. Fais le, je lâche tout en appuyant un peu plus fort sur la pédale d'accélération.
— Ça te ferait plaisir ? Que je le fasse.

Bien sûr qu'il connaît la réponse. J'en ai marre de voir sa gueule, à celle là. Je n'aime pas quand elle tourne autour de mon Maël.

— Je le ferai, devant tout le monde.
— Tu le feras à sa soirée ? je continue, les yeux concentrés sur la circulation se présentant en face de moi.
— Ouais. Ce serait vraiment méchant ça.

Je rigole un peu car je sais qu'il ne le fera pas. Je décide d'augmenter le son de la radio, la laissant nous ambiancer silencieusement dans un volume raisonnable pour nous entendre quand même.

— Dis... Tu vas faire quoi pendant les vacances ? me demande-t-il, changeant complètement de sujet.
— En vrai... Je sais pas du tout. J'sais pas si mes parents ont prévu un truc, ou quoi. J'aurai peut-être de la famille qui va squatter, genre quelques jours. Et toi ?
— Moi, mes parents se déchirent entre eux pour m'avoir le jour de Noël et pour le réveillon. Mais j'crois que j'vais rester avec ma mère. Je n'ai pas envie de voir mon père.

Je peux comprendre. Si j'étais lui, je n'aurai pas envie de le voir non plus. 

— Du coup, je verrais bien. Mais honnêtement, ça me saoule déjà...
— Ouais, ouais. Normal. Après moi j'pense que Kévin va faire un truc pour le nouvel an. Donc p't'être que si tu veux, tu seras sauvé d'au moins une fête, quoi.

Puis sans mentir, j'aimerai bien qu'il soit présent. La maison de Kévin est géniale, il pourra rester et genre, ce serait un putain de nouvel an. Cette année, j'le sens bien. J'sais pas pourquoi. J'ai trop hâte, la vie de moi.

— Ah ouais... C'est vrai que ce serait cool. Mais j'vais devoir convaincre ma mère...
— Ça va, elle n'est pas chiante. Tu pourras le faire facilement j'pense.
— Tu penses ?
— Ouais, j'pense. Tu lui demanderas, je réponds tout en m'arrêtant à un feu rouge.

J'entends Maël émettre un léger « mh » avant de regarder par la fenêtre. Tout devient calme et le silence est maître, enfin, si on ignore la voix de l'animateur qui passe à la radio. Le coucher du soleil est là, il est présent alors je baisse mon pare-soleil pour voir quelque chose. Ça fait plaisir, il ne fait plus nuageux. Les embouteillages du soir me font chier mais c'est le prix à payer de venir en voiture.

Finalement, je l'ai ramené chez lui. Il a bien évidemment insisté pour que je descende, il a dit que toute façon, je n'ai pas d'heure fixe pour rentrer chez moi. Et puis, il a bien raison après tout. Sa mère, Adèle, n'est même plus surprise de me voir. Je la salue en vitesse, vraiment par pure politesse car j'sais pas pourquoi, j'ai pas envie de me faire passer pour un malpoli auprès d'elle. Elle est grave gentille, quoi. On monte dans la chambre de Maël, chambre dans laquelle j'ai dormi il n'y a pas si longtemps que ça. Il ferme la porte et je ferme les yeux quand je sens qu'il m'entoure de ses bras, m'emprisonnant contre son torse. Direct, comme ça. Mon Eastpak tombe au sol, le sien aussi. Je frémis sans même pouvoir le contrôler lorsque sa bouche soupire contre la peau bronzée de ma nuque. Ses lèvres taquines, celles que j'aime tant, se posent, se frôlent sur moi, sur le dessus du col de mon haut. C'est léger, je me sens bien à cet instant précis. Il ne me fait presque rien mais pourtant, à l'intérieur c'est déjà beaucoup. J'entends sa voix, semblable à un murmure.

— Je t'ai manqué, alors ?

J'ai envie de lui répondre que oui mais je me contente de me taire. Pour l'instant. À la place, je me retourne et immédiatement, la pression de sa bouche sur ma nuque s'évapore. Parce que moi j'veux mieux encore. Alors mes lèvres se bloquent sur les siennes, l'embrassant comme j'aime si bien le faire, l'embrassant comme il se doit, l'embrassant comme il le mérite. Ses baisers, mes baisers se mélangent ensemble. Maël s'essouffle doucement contre ma bouche mais je continue, accélérant les choses, intensifiant ces choses en le ramenant un peu plus contre moi. J'ignore et je m'en fiche littéralement de là où nous sommes, ce que je veux à l'instant présent, ce que je veux... ? C'est lui que je veux. Il n'a pas le droit de m'ignorer, il n'a pas le droit de me faire attendre comme il l'a si bien fait aujourd'hui. C'est vrai que je n'aime pas ça, je déteste même. J'ai détesté ressentir ce genre de sentiment, j'aurai jamais voulu qu'il se montre. Sa langue titille la mienne, nos deux muscles se rencontrent pour la énième fois et je me lasserais jamais de cette sensation quand elles se découvrent comme si c'était une première fois, j'aime quand nos baisers prennent un temps avant que nos deux esprits y mettent un terme. Un terme qui brise sa définition car en fait, nos lèvres, une fois décollées les unes des autres ne peuvent résister à ces maigres millimètres qui les séparent, ces millimètres qui sont une véritable torture pour elles. Elles, elles préfèrent, encore une fois et pour toujours, se fondre ensemble, céder à cette douce faiblesse, elles préfèrent se perdre à jamais entre elles et Maël, me rappelle que c'est lui qui contrôle ce qu'il est en train de faire, ses doigts me rappelant cette sensation, ces frissons qui se propagent le long de mon cou lorsqu'il le touche. Son prénom s'échappe de ma bouche d'un soupir, mon prénom s'échappe de la sienne et j'étouffe ce son qui continue de résonner un peu dans mes oreilles. Je sens mes jambes se lâcher un peu, je sens qu'elles ne veulent plus me faire tenir. Je pourrais encore rester debout s'il arrive à me retenir mais j'crois que j'préfére qu'on se pose.

Il le comprend bien. Pas besoin de dire les choses pour qu'il sache ce qu'il doit faire. C'est normal. On se lâche genre, deux secondes à tout casser. Et pendant ces deux secondes, j'ai encore ressenti ce sentiment de manque, je ne l'aime pas. Je m'assois sur son matelas et lui, se pose à côté. Le corps de Maël se tourne vers le mien, ses mains, les deux, se posant à nouveau contre mon cou, ses pouces traçant ma mâchoire, mes yeux se plantant alors dans les siens, admirant les tons grisâtres, un peu bleus qu'ils me renvoient. J'aime sa couleur, et n'importe quelle couleur moi, j'sais que j'aimerais. N'importe quoi sur lui me conviendrait, tout, je sais pas pourquoi mais c'est comme ça. Parfois, je me demande ce qui lui plaît chez moi. Je n'ai pas à me plaindre de mon physique, loin de là. Mais par moment, c'est pas trop ça. Personnellement, je ne pourrais choisir tous les trucs qui me plaisent chez lui car il y aurait beaucoup trop de choses à énumérer. Et j'ai la flemme. Mais déjà, ses lèvres, elles sont sur le grand podium. J'sais pas ce qu'elles ont, mais elles ne sont pas comme toutes les autres. Car ce sont les siennes. Et elles sont à moi. Je le lui fais comprendre en les mordant doucement, finissant par tendrement les suçoter, son inférieure devenant délicieusement et un peu gonflée. Il sourit face à mon geste et ça, ça pourrait prendre la place également sur le podium des choses que j'aime chez ce mec. Un sourire, son sourire, ça fait tout. Malheureusement, ça, je suis contraint de devoir le partager. J'aimerais bien qu'il me le réserve mais je sais que c'est impossible de l'avoir entièrement. Je pourrais jamais l'avoir entièrement et lui non plus. Il ne pourra jamais savoir, avoir mes pensées les plus profondes, je ne pourrais jamais savoir les siennes. Et on ne peut pas tout se confier. Mais déjà, tout ce que Maël me montre et me prouve, c'est largement suffisant.

J'attrape sa taille. Sa chambre n'est pas dans l'obscurité totale mais bientôt, quand la nuit sera tombée et si on est toujours comme ça, on ne se verra bientôt plus. Mes doigts serrent les tissus qui cachent ce corps que moi, j'ai envie de voir. Mais je sens que c'est pour bientôt. Il va devoir enlever tout ça. Devant moi, pour que je puisse le regarder. Mon dos finit par rencontrer son matelas. Je sais pas vraiment pourquoi je m'allonge mais je le fais. Lui, en profite pour grimper sur moi. Mes mains ne le quittent pas et plus encore, je le retiens un peu plus fortement. Je sais pas comment on en est arrivé là mais lorsque j'ai passé la porte de sa chambre, c'était évidement. Comme deux aimants attirés par une force invisible, mon dos préfère se relever plutôt que le confort. Puis là, c'est comme s'il était sur mes cuisses. Mon toucher se lasse de ressentir ses vêtements... Je préfère aller plus loin moi. Après tout ce qu'on a fait. Après ce qu'il m'a fait la dernière fois. Forcément, j'me demande pourquoi ce qu'il a dans la bouche, cette bouche toute entière qui fait genre d'être pure, moi je sais ce qu'elle vaut en réalité. Sa peau frisonne sous mes doigts, sous mes ongles qui arrivent à lui faire de l'effet malgré qu'ils soient un peu rongés. Je frôle les lignes de la musculature de son ventre, trace le creux de ses légers abdominaux, formés, tracés par la nature et par le sport comme il le faut. J'aurai jamais pensé kiffer autant toucher cet endroit mais putain, sur lui c'est vraiment que du plaisir. Et du plaisir avec lui, j'en vois partout. Maël kidnappe ma bouche, je la laisse se faire emprisonner. Je ne peux résister à mon kidnappeur, comment je suis censé y résister ? Je le laisse m'emporter, je le laisse encore une fois gérer et essayer de m'offrir comme à chaque fois, le meilleur de lui, le meilleur baiser de ma vie. Ils sont tous incomparables, tous. Je les aime tous. J'aime tout. Je remonte mes doigts doucement sur le haut de son corps, me rappelant son piercing encore tout jeune. Je me languis de pouvoir le frôler celui là, sur lui c'est bizarrement attirant ce genre de truc. Vraiment.

Je ne sais pas vraiment comment vont se finir les choses mais en tout cas, je veux en profiter, de toutes ces secondes, de toutes ces minutes que je perds et que je n'arrive plus à correctement calculer. Il y a plus que ce mec, mon mec qui compte maintenant. Il est toujours là, mon regard se plante sur son corps qui se dénude au fil de ses gestes, ses doigts, un peu forcés par les miens, venant retirer son haut. J'aime toujours autant ce que je vois. Mes lèvres se posent sur ses clavicules, ressorties mais pas à cause d'une maigreur ici inexistante, ses clavicules ressorties qui donnent une certaine beauté à son corps. Putain de merde. Sa peau pâle que j'aimerai mordre, attraper et m'approprier, je la caresse comme si c'était la dernière fois que j'allais le faire. Mes lèvres embrassent un peu partout. Comme un enfant qui veut toucher à tout, voilà comment je suis. Ma langue poursuit et dessine les formes de son torse, parfaitement conçu, comme dessiné par le meilleur dessinateur, comme peint par le meilleur peintre, et dire que tout ça c'est à moi. Je me surprends à être ainsi, à avoir en permanence cette envie de lui, ça devrait être interdit. Comment m'en priver. Ça m'est impossible et puis lui non plus, dans sa tête se cache des envies qu'il n'a pas encore envie de chuchoter contre mon oreille, des envies que les curieux ne devraient pas entendre, des envies qu'on est les seuls à savoir, qu'on est les seuls à réussir à étouffer, un jour. Je remonte et embrasse ses bijoux. Un léger goût amer me parvient mais je continue, appuyant mes lèvres humides contre la peau de son cou, ses légères et fines chaînettes se coinçant entre ses dernières. De mes doigts, j'essaye de les dégager mais en vain. J'ai envie de le marquer et je le fais. En plein milieu, là où on peut voir s'il décide encore de porter des choses un peu trop larges. Et je sais qu'il ne s'en privera pas, c'est comme une façon silencieuse pour lui de montrer qu'il est déjà à quelqu'un, c'est sa façon de le dire et je dois l'accepter. Si le monde n'était pas comme ça, p't'être qu'il y aurait pas eu que ça. Il y aurait plus et j'aurai pu en choquer plus d'un, j'aurai pu ne pas respecter notre intimité, de la briser et de l'embrasser en plein milieu d'une rue peuplée de gens tous dotés de mentalités différentes, toutes aussi merdiques les unes que les autres.

Ses soupirs parviennent jusqu'à mes oreilles et je ne sais plus qui remercier pour m'avoir donné tout ça. Maël est vraiment tout ce qu'il me faut. D'une manière, on se complète. On ne dirait vraiment pas mais nos différences, nous comblent et nous attirent, nous font tout un tas de truc. Ouais, c'est moi et Maël. Et ça restera toujours comme ça. Quand mes lèvres sont sur sa peau, je ne vois pas comment tout ça pourrait s'arrêter. Je ne vois pas comment tout pourrait m'échapper. Si je dois m'échapper, pour une ou un tas de raisons ce serait rien qu'avec lui. Personne ne parle. Les seuls sons qui sortent de nos bouches respectives ne sont que soupirs et légers gémissements. Une porte claque. À cet instant précis, le châtain passe sans plus aucune gêne ses doigts sous mon haut. Ça s'accélère.Comme ça, directement. J'suis prit d'un tas de frisson, ça m'fait toujours le même effet. Sérieux. Je crois qu'on est seul. Et franchement, j'en sais plus trop rien. Mais le fait qu'il réagisse ainsi me le fait penser. Je n'en peux plus. Qu'il me l'enlève. Ou non, j'vais le faire. En moins d'une seconde, je me retrouve sans haut. Appuyé sur mes cuisses, les paumes de ses mains se posent sur mes pectoraux, les explorent, le bout de ses doigts, le bout de ses ongles dessinent des choses dont je n'ai pas la force de deviner. Des cercles, des spirales, des boucles et pendant qu'il manie ses doigts comme le crayon d'un quelconque artiste, j'attrape sa peau. Moi aussi, je peux dessiner à ma manière. Je lui peins une marque, un peu rosée, virant au violet ou au rouge, encore une fois. Je la lui peins doucement, du moins, je l'essaye. Je ne peux rester sage et gentil sous de telles conditions. Il n'a pas le droit de me faire des choses comme ça. Comment d'un simple effleurage, de simples petites lèvres sur la nuque ont pu nous faire arriver jusqu'ici. Maël sur moi, à moitié et encore loin d'être nu. Je ne sais pas ce qu'il a encore derrière la tête mais pas une de ses idées folles, j'espère. Je ne risque pas vraiment de tenir s'il fait encore quelque chose. J'vais pas mentir, ça pourrait me suffire. Ouais, ça pourrait. C'est vrai qu'il me plaît, mais comme ça encore plus. Peut-être que c'est une bonne chose, peut-être une mauvaise. Je ne pense plus correctement, je commence vraiment à devenir fou. Il commence vraiment à me rendre fou. Mes doigts, dérapent sur sa taille, sur ses hanches cachées de son jean bleu un peu large. Ce jean qui, assit comme ça, laisse un creux au niveau vers le bas de son dos. J'en profite pour passer mes doigts. Je touche l'os de la colonne vertébrale. Je frôle le tissu de son caleçon. Pas plus. J'aime bien le faire languir, comme il aime bien me faire languir. Nos respirations s'accélèrent à forcer de toucher comme ça mais c'est plus fort que nous. C'est attractif, c'est l'effet qu'on s'met, c'est impossible à contrôler. C'est dans cette bulle de désir, d'attirance et d'un tas d'autres trucs qu'on s'est créé que je lui sors les mots qu'il avait envie d'entendre depuis le début. Ces mots lancent le départ, ces mots ouvrent le bal sur ce que j'ai envie de lui faire et il le sait très bien. C'est contre ses lèvres, pour qu'il le ressente plus et pour qu'il l'entende moins que je lui dis qu'il m'a manqué.

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