Nouvelles têtes.
— Les gars on va s'poser ? Tant qu'à faire, propose Kévin, son bras toujours sur les épaules de sa voisine de bus.
— Là ? lance Romain en indiquant d'un signe de tête un café tranquille qui vient d'ouvrir.
Gilet remonté jusqu'au menton, je laisse tomber mes poings dans les poches ce dernier. Depuis tout à l'heure, on marche dans le centre-ville qui est déjà bien réveillé. La nana de Kév nous a suivie, n'ayant personne d'autre avec qui traîner. Bon j'avoue, c'est un peu lui qui a insisté pour qu'elle vienne avec nous. Pour l'instant, elle ne dit rien et elle n'est pas trop chiante alors elle est acceptée. Du coup on s'installe à l'intérieur, Romain et moi sur la banquette en face d'eux. Un mec habillé d'un tablier et d'une casquette, un étudiant vu sa face de boutonneux vient prendre les commandes.
— Euh, vous prenez quoi les gars ?
— Ouais... Un café au lait pour moi, indique Romain en croisant ses mains pour les réchauffer.
— Un expresso, je lance.
— Et nous on va prendre idem, deux cafés au lait, c'est bon pour toi ? demande Kévin qui se retourne légèrement vers la petite blonde qui rougit.
— Hm, je vais prendre un chocolat chaud plutôt... Brûlant s'il vous plaît, répond-elle finalement, toussotant juste après.
Comment elle est grave mal à l'aise... Elle traîne vraiment avec personne ou quoi ? Je lui lance un regard et elle baisse les yeux, passant ses doigts sur sa nuque.
— D'accord, note le serveur. On vous fait ça tout de suite.
Un léger silence s'installe ensuite dans le groupe. Ça fait trop bizarre d'avoir une fille parmi nous, généralement aucune nana n'a l'honneur de s'incruster. Kévin remarquant le petit malaise, s'impose.
— Alors euh, c'est Romain et Léo. Mes meilleurs potes, dit-il en nous montrant de la main.
— Et du coup toi c'est comment ? rapplique Romain à mes côtés.
La fille joue avec une de ses mèches blonde et je prends le temps de l'admirer. Par rapport à toute les meufs que j'ai rencontré, elle possède une beauté naturelle. J'crois que rien n'est faux sur elle : ses cheveux colorés d'un véritable blond, coupé en carré, elle n'est pas maquillée et son style est plutôt simple, elle se fringue bien quand même. D'habitude, c'est pas sur ce type que craque Kévin mais j'avoue que là il peut avoir exception.
— Je... Je m'appelle Camille. Je suis enchantée de vous connaître les garçons.
Je quitte des yeux Camille pour les poser sur mon téléphone dont l'écran s'est allumé. Je l'attrape rapidement, sentant le regard de Romain dessus.
de maël : hier on n'a raté notre cours
Je soupire ce qui attire le regard de toutes les personnes installées à notre table. Fort heureusement le mec de tout à l'heure vient avec nos commandes et nous sert, les mains légèrement tremblantes. Tout le monde commence à boire sauf moi, mes doigts cherchant une réponse.
à maël : et ?
Ok, j'sais pas quoi dire. Pourquoi il m'envoie ça maintenant ? En y pensant il doit traîner avec le groupe de Clarisse ou son groupe de pote bizarre là.
— T'es dans la classe à Clarisse c'est ça ? je finis par dire en direction de la blonde, jetant mon tel sur la table.
Elle lève ses yeux verts sur moi et sourit tristement.
— Oui... Mais je n'aime pas du tout cette classe.
— Ah ouais ? Pourquoi ? reprend Kévin, faisant l'intéressé, rajoutant un sucre à son café.
— Hum... Je ne m'entends pas bien avec les gens je crois... Personne ne m'apprécie alors que je n'ai rien fait. Je suis nouvelle, c'est peut-être pour ça...
— Ah mais du coup c'est pour ça que j't'avais pas remarqué avant, une fille comme toi on les remarque de loin ! s'exclame mon pote et je lève les yeux au plafond.
Des fois il devrait vraiment se la fermer. J'apporte ma tasse aux lèvres tandis que mon écran s'allume encore une fois. Il m'énerve là, oh.
— C'est qui qui t'écrit ? se lance Romain, les bras croisés sur la table.
— Personne.
de maël : bah viens chez moi ce soir
à maël : ce soir j'peux pas dsl
Je mens sur le coup mais j'ai vraiment pas envie de retourner chez lui pour faire des maths. Je rappelle que c'est moi qui choisit les horaires. Qu'il me fasse pas chier.
— Et tu traînes avec qui depuis le début de l'année ?
— Oh... Personne à vrai dire... Je passe mon temps seule, je suis habituée. Les gens m'ignorent mit à part Clarisse et ses amies... Elles, elles passent leurs temps à m'embêter quand on est cours..., avoue-t-elle, le regard sur son chocolat chaud.
— Clarisse c'est vraiment une sale petite pétasse, je réponds en regardant dans le vide, un bras allongé sur la table.
— T'es quand même sorti avec elle.
— C'est bon Ro', t'façon cette fille c'était grave une erreur ! Léo c'est un type bien, il était juste un peu paumé à ce moment là, du coup il a accepté de traîner avec elle ! C'est tout, intervient Kévin qui veut tout justifier.
Pourquoi d'ailleurs, c'était le premier à être heureux que je sorte avec la blonde du bahut. Mais bon, faut croire qu'il veut bien se faire voir par sa meuf. Cette dernière rougit subitement quand il commence à lui toucher les doigts. Ouais, bon... On va se transformer en chandelle, Romain et moi.
— Oui... Je peux comprendre.
— Tu peux traîner avec nous en tout cas, pas vrai les mecs ?
Mais oui, vas-y. Je me retiens de lever les yeux au plafond.
Je jette un regard vers Kévin qui nous regarde moi et Romain, nous demandant silencieusement d'accepter. Celui à ma gauche, sous le regard timide de la fille, hoche la tête rapidement en amenant sa tasse aux lèvres. De toute façon, on n'a pas trop le choix. Faut dire qu'elle fait un peu de la peine. Au fond, j'suis pas hyper chaud d'accueillir une nana dans le groupe. Surtout elle, j'sais pas si elle va réussir à supporter les blagues lourdes des gars et les discussions qui parfois, partent en couille., faut se l'avouer.
— C'est vraiment gentil mais je ne vraiment pas vous déranger... ! De plus, on ne se connait pas assez et...
— C'est bon, t'inquiète ! Ça nous fait plais', lance subitement Kév en lui lançant un clin d'œil.
Je jette un coup d'œil à l'heure et j'ai l'impression que le temps passe hyper lentement. Vivement que cette journée se termine. Maël ne m'a pas répondu. Ça me fait soupirer, encore.
Après avoir payé, on se retrouve dehors, ne sachant où aller.
— On est venu par où déjà les gars ?
— Par là, je connais un peu le quartier... avoue Camille.
Ouf. On la laisse nous guider et on arrive après quelques minutes devant le centre historique. Les professeurs sont déjà là, un gobelet de café à emporter dans les mains. Il y'a quelques personnes qui attendent à quelques mètres d'eux, assit sur des bancs en pierre. Je regarde et ce sont des gens que je ne connais pas.
— Ah, vous là ! Savez vous où sont vos camarades ? s'écrit légèrement l'enseignante, s'approchant de nous. J'ai l'impression qu'il manque du monde !
— Non m'dame. On vient tout juste de sortir d'un café et on n'a croisé personne, répond Romain en regardant autour de lui.
— Bon, d'accord... Restez dans le coin, les enfants. Ça va bientôt ouvrir et on doit vous compter.
Puis cette dernière se retourne après soupiré, faisant maintenant face au prof d'histoire. J'en profite pour sortir mon paquet de clope et mon briquet. Camille me regarde bloquer une cigarette entre mes lèvres et je lui tends mes Marlboro. Elle fait des gestes de main signe qu'elle refuse. Pourquoi elle me téma alors ?
— Ah, non non... Je ne fume pas.
Je hausse les épaules et passe ma main sur le devant de ma clope et laisse la petite flamme du briquet l'allumer. Les gars font pareil et on décide de s'asseoir contre le rebord de la fontaine, tranquille. Je laisse tomber mon sac à mes pieds en regardant les alentours. Les gens commencent à arriver par petit groupe et je peux remarquer Maël, de loin. Mon regard s'accroche sur lui et je ne peux le détacher. Il est en train de passer ses mains dans ses cheveux, les envoyant légèrement vers l'arrière, rigolant sûrement à une blague de son pote aux lunettes. Puis il reprend bien vite en ajoutant un autre truc que je n'arrive pas à entendre d'ici mais ça fait marrer les autres. J'crois qu'au bout d'un moment, il a senti que je le fixe puisque il tourne finalement ses yeux sur moi, sa cigarette non allumée coincée ses lèvres. Je baisse automatiquement mes yeux sur mes Nike, la visière de ma casquette cachant ma face. Je tapote sur le bâton nocif que je tiens entre mes doigts, faisant tomber les cendres sur le goudron.
Pourquoi je baisse les yeux même ?
— Ça va mec ? j'entends la voix de Romain à mes côtés et je hoche instinctivement la tête.
Maintenant une petite horde de lycéens se retrouve devant le centre historique. Une petite vieille avec un chapeau rond passe devant tout le monde et semble échanger deux trois paroles avec nos profs avant d'ouvrir la porte du lieu. Ces derniers nous indique de rentrer calmement dans une espèce de grande pièce où se trouve un accueil avec un p'tit vieux lisant un livre. Le silence est roi ici mais on entend quand même quelques personnes qui chuchotent.
Je regarde un peu partout et remarque que tout est très vieillot. Rapidement, quelqu'un vient, sûrement une personne qui travaille ici et nous indique de le suivre. On nous amène alors dans une autre pièce, beaucoup plus grande, avec des chaises installées les unes à côté des autres. Avec Kévin, Romain ainsi que Camille, on s'installe sur la rangée du fond.
Les gens se dépêchent de s'asseoir, dans un grand brouhaha. J'enlève ma casquette quand j'vois le mec me faire un signe pour que je la ôte. Ils font déjà chier. Une fois tout le monde à sa place, la personne vient se mettre debout sur une petite estrade. Quelques petits rires font encore échos dans la salle mais ils se taisent quand la professeure lance un « chuuut » bruyant. L'homme qui doit avoir une trentaine d'année remercie d'un geste de main et d'un sourire. Il toussote légèrement et se lance :
— Hum, alors, bienvenue à nous ! Je suis content de vous rencontrer aujourd'hui ! Je me présente, je suis Benjamin Bertrand et je vais m'occuper de votre groupe ce matin et cet après-midi. Alors, ce matin va être la partie que les élèves trouvent... Comment dire ça...? La partie la plus ennuyante ? il rigole et continue. Alors non, je vais donc vous raconter un peu comment cette journée va se dérouler ainsi que le programme. Je vais vous distribuer la carte de la ville que nous allons visiter après la pause déjeuner et mon collègue, Monsieur Dupuit va prendre le relais avec la présentation d'un petit diaporama...
Je retiens un bâillement tandis que l'enseignante prend place sur la chaise juste à côté de moi. Super, pourquoi c'est moi qui me suit placé au bout ? Cette dernière parait totalement concentrée sur ce que le mec est en train de nous dire. Romain, lui, ne se gêne pas à mes côtés. Il passe sa main devant sa bouche grande ouverte. Kévin pareil.
Ce Benji quitte l'estrade pour s'avancer vers une table où se trouve des prospectus. Ils les distribuent avec le sourire et les gens recommencent à se chuchoter entre eux. Parmi eux on peut compter Maël qui rigole encore à je ne sais quoi, je regarde ses épaules de dos qui se soulèvent à chaque rire.
— Silence, là-bas...
Le châtain se retourne finalement vers l'enseignante qui fronce ses lèvres, légèrement embêté de son comportement. Ce dernier lui lance un sourire désolé puis glisse son regard vers moi. Il me regarde quelques secondes et me lance un clin d'œil avant de se retourner. Mais pourquoi bordel ? Je suis gêné car la prof la vu et maintenant, elle me regarde du coin de l'œil, les bras croisés. Je passe ma main sur mon front.
Sérieusement... Il va arrêter de m'en envoyer ouais, ça me saoule genre terriblement. Les fiches arrivent enfin à nous et je la déplie légèrement, regardant sans regarder. Mon téléphone vibre dans ma poche. Je ne me retiens pas pour le sortir, profitant que la vieille à mes côtés s'est retournée pour chuchoter un truc au prof d'histoire.
de maël : elle t'allait bien ta casquette
Je fronce les sourcils suite à ce message et range rapidement mon iPhone quand le gars reprend la parole, faisant retourner les regards sur lui.
— Voilà alors vous pouvez retrouver sur ce prospectus le plan du centre historique ainsi que les places et les lieux que nous visiterons. Vous pouvez trouver une description en bas, en italique. Le trait gras en rouge se sera le chemin que nous suivrons...
Je regarde vaguement cette fiche, les yeux dans le flou. Attends, pourquoi il m'parle de ma casquette ? J'en porte quasiment tous les jours alors pourquoi il me dit ça ? C'est un compliment ? Des frissons traversent la peau de ma nuque et je me la frappe, m'attirant le regard choqué de la prof sur moi.
Benji continue de nous raconter quelques trucs assez ennuyants avant que la porte s'ouvre brusquement sur une dame accompagnée d'une personne âgé, ce dernier en fauteuil roulant. Tous les regards se rivent sur lui et, certains ne peuvent pas s'empêcher de chuchoter à propos de cet homme.
— Ah ! Voilà... Je fais place à M. Dupuit...
Après l'avoir installé sur l'estrade, le vieil homme nous regarde en souriant, visiblement heureux de voir des jeunes. Il a l'air d'être en forme pour son âge et malgré sa situation. Benjamin descend bien vite et se dirige vers un ordinateur. Après avoir pianoté sur son ordinateur portable, une image avec un titre s'affiche au grand mur en face de nous. M. Dupuit bouge légèrement son fauteuil roulant et commence à parler.
Il se présente rapidement et nous explique alors l'histoire de la ville, ayant vécu ici depuis son enfance. Il anime son histoire et c'est plutôt cool à écouter. Il est amusant ce papy. Ce dernier ne peut s'empêcher de lancer quelques blagues à quelques fin de phrase ce qui fait rire la salle. Il nous a avoué qu'il était comédien. Pendant qu'on écoutait, la prof s'était levée pour nous indiquer silencieusement de prendre des notes. Les images défilent sur le mur et l'historien a toujours un truc à dire dessus. C'est dingue comment ça a changé. Dire que c'est le quartier historique qui est resté intact, car le reste de la ville est remplie de bâtiments modernes.
Tout ça dure une heure et demie, deux heures. On est tous bien content de se lever de ces chaises. Je m'étire et laisse mes potes passer devant moi, je sors juste après et Camille me sourit. Une fois à l'extérieur, Kévin la ramène contre lui, son bras sur ses épaules. La blonde se laisse faire et passe même sa main sur son avant bras. Je me dépêche d'allumer une clope tandis que Romain sort son tabac pour s'en rouler une.
— Eh m'dame, c'est la pause midi ? se retourne ce dernier en interrompant la prof dans sa discussion avec l'autre enseignant.
— Euh... Oui ! D'ailleurs tout le monde, on se rassemble !! crie-t-elle finalement en faisant des gestes de main vers le haut.
J'allume ma clope tandis que les classes s'avancent vers la p'tite vieille. Je sens un torse se frôler à mon épaule et suite à ça, je m'avance de quelques centimètres. Sauf que quoi que je fasse, il se rapproche de moi pour garder le contact. Je laisse la fumée s'échapper par les narines et me retourne, prêt à insulter celui qui me touche. Je me retiens quand je remarque que c'est Maël. Le châtain me lance un sourire et je me retourne finalement vers l'enseignante. Je le laisse faire, au final.
Quel gros relou.
— T'as pas répondu à mon message... chuchote le grand à mon oreille tandis que j'ignore, le regard rivé devant.
— ... Alors nous retrouvons tous ici à 13:30. Je ne veux aucun retard ! Vous pouvez y aller... Mais avant... N'oubliez pas vos paniers repas !
Et ça, elle ne nous le dira pas deux fois. Je m'éloigne de Maël, m'avançant vers le prof d'histoire qui distribue le repas. Une fois tous servis, j'le range dans mon sac et je vois déjà les gars parler avec le groupe de Maël. Grosse blague.
— J'me disais qu'on pouvait manger tous ensemble, commence le châtain en me regardant, j'connais un parc pas loin assez tranquille.
— Putain, t'es le meilleur toi ! lance Kévin qui tchek Maël de sa main libre.
Ce dernier rit d'un rire cristallin. Je salue vite fait ses potes, et mon salut ne rime rien qu'avec un signe de tête. On va vraiment manger tous ensemble ? Alors que le monde s'avance, je décide de marcher à l'arrière du groupe. Maël diminue alors sa vitesse et marche à reculons pour être à mon rythme. Toujours la clope au bec, j'ai pas envie de lui parler. Ce qui n'est pas son cas. Je le vois sourire de là et j'comprends pas.
— Non sérieux, elle te va trop bien cette casquette. J'aime trop le motif dessus.
Je hausse les sourcils en retournant mon visage vers lui. Mon expression le fait encore plus sourire. J'ai remarqué qu'il passe tout son temps à sourire. C'est un gars bien heureux dans sa vie. Je finis par faire un signe de tête, désignant les personnes qui parlent en face de nous.
— Pourquoi t'es pas avec eux ?
— Bah parce que j'avais envie de te parler ? répond-il bien rapidement, comme si c'était logique.
J'sais pas pourquoi mais au fond ça m'fait plaisir sa réponse. Il a envie de me parler, donc. Y'a personne qui veut m'parler comme ça, à part Romain et Kévin. Je crois que j'ai l'air d'un type tellement blasé que j'dois intéresser personne, sérieusement.
— Je peux ?
Son épaule frôle la mienne quand il passe sa main près de ma clope. Je reste bloqué quelques secondes avant de le lui tendre. Pas le choix, il l'attrape et ses doigts frôlent les miens. Je le regarde amener le bâton nocif à ses lèvres.
— Mhh, du coup... Pourquoi tu veux pas venir ce soir ? reprend-il, la fumée s'échappant dans l'air.
Il me retend la clope que j'attrape rapidement, regardant quelques secondes le bout qu'il a touché du bout des lèvres.
— Truc à faire, je mens.
— Genre quoi ?
Je veux amener de nouveau ma cigarette au bec mais il me la pique à nouveau, lâchant un rire avant de tirer encore une latte. Je me pince les lèvres, ne pouvant m'empêcher de sourire. Il m'fait chier ce mec.
— Bon, vous faîtes quoi ?! Maël, t'es censé être notre guide !
Kévin s'est retourné vers nous, les autres ne pouvant s'empêcher de faire de même. Je vois Romain hausser un sourcil.
— Ouais ouais c'est tout droit les gars, merde !
Maël fait un geste de main vers l'avant et on remarque déjà l'entrée du parc. Puis il soupire, me repassant ma clope.
— Tu sais, j'aimerai beaucoup que tu viennes ce soir.
J'me demande pourquoi d'ailleurs. Je me pose trop de question sur ce gars. Il veut vraiment être mon pote et j'ai remarqué que quand il veut un truc, il force grave pour l'avoir. C'est dans son caractère, j'imagine.
— Et pourquoi ? Tu t'fais tellement chier dans ta vie ou quoi ? je réponds, un brin moqueur, jetant ma clope par terre.
— Ouais. En vrai, c'est la vérité.
Ah. Bah merde. Je soupire en laissant tomber mes mains dans les poches de mon gilet. Je le savais, de toute façon. Je ne suis qu'une distraction. Il doit bien rigoler tout seul le soir en repensant à moi en train d'essayer de résoudre une équation. J'hésite.
— Ok ok, et si j'te dis que je prévois beuh, bières...? Tu viendrais ?
C'est à mon tour de sourire, légèrement. Il me prend par les sentiments ce connard. Je me pince les lèvres pour éviter à mes lèvres de s'élargir. Maël me donne un coup d'épaule énergique pour que j'accepte. Je tourne mon visage vers le sien et hoche la tête, un peu forcé. Mais je reprends bien vite en haussant le ton.
— Mais crois pas qu'on est potes, toi et moi. Je viens pour me défoncer.
Ma remarque ne gâche pas pour autant la joie du châtain.
— Ah ouais ? Mais pourquoi on parle encore alors ?
Je veux répondre un truc mais voilà qu'il accélère le pas, trottinant presque pour rejoindre les autres. Je laisse une main passer sur ma nuque en le regardant s'éloigner, c'est vraiment quelque chose ce mec...
On arrive enfin au parc et Maël nous indique un coin au calme, au bord d'une petite marre. On s'installe tous par terre, sur l'herbe. On a de la chance, un petit soleil s'installe sur nous et ça nous réchauffe. Je suis le dernier à prendre place, le châtain me tapote la place à côté et je m'assois en croisant mes jambes, en face de Romain. Faut qu'il arrête de me regarder en mode chelou, lui d'ailleurs. Putain mais il s'imagine quoi dans sa tête ? Je veux pas savoir, en fait.
Les gens qui ne se connaissent pas se présentent entre eux, enfin c'est surtout Maël qui fait les présentations. J'suis bien content que ce Matt soit parti avec le groupe de Clarisse, il m'aurait cassé les couilles. J'apprends finalement que la meuf gothique dans ma classe s'appelle Cassandre. Mon dieu mais ça lui va pas du tout ce prénom.
— Alors, vous êtes ensemble ? s'exclame le châtain, amenant son sandwich à sa bouche.
— Mh, non non non ! C'est une amie, répond Kévin avant de lancer un regard sur la blonde qui rougit.
Plus indiscret, y'a pas. La nana aux cheveux noirs et aux mèches violettes ne peut s'empêcher de laisser passer un rire. Bastien, le gars aux lunettes, la rejoint.
— T'façon vous allez pas du tout ensemble. Qu'on soit clair.
— Ah tu parles toi, j'croyais t'étais muette, se permet de dire Romain qui boit son Coca avec la paille.
Quelques rires suivent suite à ça.
Cette dernière lève les yeux aux ciel puis retourne à sa tête de blasée, croquant dans sa pomme. Non mais Cassandre, quoi. Ses parents se sont foutu de sa gueule, c'est pas possible. Elle m'fait presque peur avec son noir autour de ses yeux et avec ses bras minces, sa maigreur.
— Merde y'a la salope qui s'ramène, indique cette dernière regardant soudainement derrière moi.
Je ne peux m'empêcher de me retourner, jetant un regard à l'arrière. Je tombe sur des fines jambes recouvertes d'un jean slim bleu ciel ainsi que des baskets style converse Dior. Je fronce les sourcils et lève mon visage pour croiser celui de Clarisse. Un regard furieux.
— C'est qui la salope ? Mon pauvre Maël, tu as carrément changé tes fréquentations à ce que je vois... !
Le dénommé soupire avant de boire une gorgée de sa boisson, l'ignorant complètement. Pourquoi elle est venue faire chier celle-là ? Clarisse zieute rapidement les gens assis à ses pieds et rigole quand elle voit Camille qui s'est raidit. Mais c'est une blague. Je pince mes lèvres et me relève, lui faisant maintenant face. Je la dépasse d'une tête et je la vois me regarder de haut en bas, son regard changeant directement. Elle est presque triste.
— Pourquoi tu viens faire chier, sérieusement ? je soupire, lassé de son comportement de gamine.
— C'est bon, Léo... Arrête, chuchote Romain qui tire sur mon jogging pour me faire rasseoir.
Clarisse reste muette pendant quelques secondes mais elle reprend bien vite, comme si toute une rage en elle avait prit le contrôle. Elle me pousse légèrement, ses petites mains sur mes pecs. J'évite de me prendre l'arbre derrière moi.
— Toi... Toi, ne me parles même pas ! Tu ne sais pas combien de temps j'ai pleuré pour toi, crétin ! Je pensais vraiment qu'il pouvait se passer un truc entre nous mais tu as tout gâché ! T'es vraiment qu'un enfoiré !
— Wow, on s'calme non ? Kévin se réveille enfin, se levant d'un coup pour se mettre entre moi et Clarisse.
Cette dernière pleure silencieusement, de nerf. D'ailleurs c'est bizarre qu'elle ne soit pas venue avec ses potes. Qu'est ce qu'elle veut en final ? M'engueuler et faire sa crise devant tout le monde ? J'en ai presque honte. Comme à chaque fois.
— Vas-y casses toi, reprends froidement Kévin, l'éloignant de moi. Tu comprends pas que tu gênes tout l'monde la vie !
— M-mais... Lâches-moi, toi ! Me touches pas connard ! Je veux parler à Léo !
— Kévin...
Je soupire bruyamment en me laissant retomber sur le sol. Maël pose sa main sur mon épaule en me jetant un regard tandis que Cassandre et les autres rigolent en voyant l'autre chialer, essayant de griffer le visage du pauvre Kévin. Mais quelle scène elle nous fait là. T'as tous les gens du parc qui la regarde, elle se fout la honte toute seule. Kévin la pousse légèrement sur le côté et elle finit par abandonner, s'éloignant de nous. Son chignon est tout décoiffé et ses lèvres pincées.
— Mais wesh, elle est folle ton ex !
— Ah parce que c'est ton ex, la barbie ? s'étonne Cassandre.
Kévin reprend place à côté de Camille qui lui tend une bouteille d'eau, un air désolé collé au visage. Il la remercie et boit une gorgée. Entre temps, Maël a enlevé sa main sur mon épaule et on reprend notre repas.
Les discussions continuent dans nos groupes et on fait tous connaissance en se posant des questions entre nous. Bien évidemment, je ne réponds que vaguement et finalement j'trouve que Cassandre et Bastien sont des gens plutôt cool. Ils sont un peu chelous sur les bords mais ça passe. J'ai vu et connu pire.
— Vous parlez d'moi mais la petite blondie parle encore moins, lance la gothique en faisant un signe de tête vers la dénommée.
— C'est... C'est pas vrai.
— Tu l'as gênée maintenant, lui répond Kévin en l'amenant contre son torse.
Alors eux.
C'est quand même la première fois que j'vois mon pote dans cet état là pour une nana. Il est grave attentionné alors qu'il ne la connait que depuis ce matin, c'est chaud. Il va m'dire c'est le destin, en le connaissant. Je lance un regard vers Maël, ma main chopant une chips salé de mon paquet. Il est assis en tailleur, ses coudes appuyés sur ses cuisses. Il écoute ce que nous raconte Romain, lui lançant des sourires par moment.
L'heure de partir arrive enfin et bizarrement, j'en ai pas envie. Je dois avouer que c'était plutôt sympa de traîner avec des gens autre que Kévin et Romain. On rassemble bien vite nos affaires et nous jetons les déchets dans les poubelles du parc. On repart ensuite vers le lieu de départ.
L'après-midi passe plutôt rapidement, le guide Benjamin nous fait le tour du centre historique, nous présentant chaque monuments, racontant chaque histoire de chaque statue. J'avais l'air d'un petit touriste avec mon sac sur le dos, ma casquette et mes lunettes de soleil. Maël c'était pire, il avait carrément sorti un bob et des lunettes de soleil rondes. On aurait dit je sais pas quoi. Nos discussions avaient continuées et j'crois qu'on était le groupe de cons qui rigolaient le plus.
Camille s'était un peu plus détendue, j'ai découvert que Bastien avait un côté drôle au final derrière sa tête de geek, que Cassandre a adopté ce style juste pour faire chier ses parents qui la détestent et elle a avoué qu'elle a fait partie d'une secte satanique. J'avoue que quand elle a avoué ça, j'étais à deux doigts d'éclater de rire mais ça s'est avéré vrai. Du coup ça m'a calmé.
Le trajet du retour se fait dans le calme, j'crois que cette sortie a fatigué tout le monde. Même les profs dorment sérieusement. On a gardé les mêmes places dans l'bus.
Une fois devant le lycée, je me retourne vers les autres et leur fait un signe de main avant de partir. Alors que je me dirige vers l'Audi, Maël me rattrape rapidement et il m'accompagne jusqu'au parking. Personne ne parle et avant qu'il ne mette son casque qu'il a rangé dans son coffre, il me fait un signe de main. Moi je ne lui réponds que d'un signe de tête.
— À ce soir ?
— ... J'viens à quelle heure ?
Maël, son casque sur la tête, hausse les épaules et j'entends :
— Quand tu veux. Y'a personne chez moi.
Et puis j'attends qu'il parte en premier avant de faire marche arrière. Ça me tue de dire ça mais au final, j'crois que j'ai passé une bonne journée et j'ne regrette pas d'être venu. Les mains sur le volant, la fenêtre ouverte, je ne peux m'empêcher à ce soir. Je vais encore le revoir. Encore alors qu'on s'est assez vu, je suppose, aujourd'hui. Pourquoi j'ai accepté déjà ? Ah ouais, pour la beuh... Mais j'crois qu'au fond, c'est pas l'unique et seule raison qui me pousse à vingt heure tapante, à taper contre la porte de chez lui.
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