Le daron de Maël.
— ... Divisé par 29. T'as pigé ou pas ?
15H27. À plat ventre allongé sur mon lit, mes yeux suivent le doigt de Maël qui se tue à m'expliquer une équation dont j'ai déjà oublié le nom. Mes dents viennent ronger le bout de la gomme de mon crayon, n'osant même pas lui répondre. Du coup, je pense qu'il a comprit que je n'ai absolument rien enregistré depuis le début, un grand soupir s'extirpant de ses lèvres.
— Ok... continue-t-il tout en venant balancer son critérium contre mon cahier. On en prend une plus facile. Je vais t'expliquer à nouveau.
Mais avant, le châtain décide de se lever de mon matelas, venant attraper un verre d'eau posé contre mon bureau en désordre. La joue appuyée contre la paume de ma main, je le regarde faire et mon envie d'étudier s'évapore complètement. En réalité, je pense qu'elle s'est envolée depuis que Maël a posé un pied dans ma maison. Non parce que, j'pensais pas que qu'il voulait venir chez moi pour me faire bosser un malade. On a passé une bonne heure sur des mathématiques et, sans espoir. Demain un examen nous attend à 8H00 et je suis le seul à ne pas en être affecté ou stressé.
— Je sais que je suis ton idole mais tu devrais plutôt regarder tes équations de cette manière. P't'être que t'arriveras à les résoudre comme ça, rigole-t-il en reprenant sa place, s'asseyant en tailleur.
— ... Non. Ça m'emmerde ce truc.
— Je sais, je sais. Mais allez, c'est pas possible que tu n'y arrives pas.
Je gonfle mes joues, un long soupir s'en suivant. Je dois avouer que je suis complètement largué, mon cerveau n'arrive plus — pas — à suivre. Maël reprend ses explications et ça me fait chier car je sais qu'il s'emmerde à essayer de m'expliquer les choses le plus simplement possible. Genre, au lieu qu'il révise pour lui, il perd son temps avec moi. Je sais très bien que je vais foirer les maths mais sa détermination me surprendra toujours quand même.
— Regarde, t'as qu'à suivre l'exemple que je t'ai fait ici. C'est exactement la même, juste les chiffres qui changent.
— Hmm. Lui, là ?
— Ouais. Après la deuxième, en bas. Pareil, même forme.
Bon. Je me redresse légèrement tout en attrapant le cahier entre mes doigts, l'avançant un peu plus vers moi. Le dos légèrement replié, je me penche un peu plus vers les feuilles gribouillées de l'écriture de Maël, venant y ajouter la mienne. Une fois la calculatrice en main, des lèvres viennent se déposer brusquement contre ma joue. Là, je me retourne et tombe sur son visage, visage qui affiche un air innocent avec son petit sourire qui accompagne le tout.
— Qu'est ce que... Mec, laisse moi me concentrer.
Un léger rire passe la barrière de ses lèvres, son dos venant s'appuyer sur les coussins posés contre la tête de mon lit. Je secoue rapidement ma tête et son regard que je sens parcourir mon corps me perturbe. Du coup, j'en profite pour lui balancer un manuel qu'il attrape en plein vol. Dommage, j'aurai voulu que ça atterrisse sur sa tête. La prochaine fois.
— T'es pas drôle... lâche-t-il d'une petite voix.
— Parce que tu me forces à bosser.
Sérieusement. J'arriverai jamais à comprendre ce type, il est trop pour moi. Mais d'un côté, je crois que je pourrais plus me passer de sa présence même si parfois... Elle est extrêmement envahissante. Faut se le dire.
— Tu peux pas arrêter de bouger deux minutes ? je reprends en sentant son souffle contre ma nuque.
Comment je suis censé bosser avec un merdeux qui me colle dans le dos, réclamant une soudaine demande d'affection ? Déjà que j'suis pas doué pour ça... Je ne sais pas trop comment faire. Ses bras entourent mon cou et je sens son menton se poser contre mon épaule. Je me retiens de lever les yeux au plafond, essayant de l'ignorer. Mes doigts rattrapent mon crayon rongé tandis que de mon autre main, je tape les calculs que je dois effectuer pour avancer dans le problème.
— Non. C'est 278, pas 218.
Sou souffle bute contre la peau de mon cou et je ferme les yeux un instant avant de continuer.
— Tes putain de 1 ressemblent à des 7.
Il ne rajoute rien après ma phrase, se contentant de rester dans la même position. Les résultats affichés contre l'écran de ma calculatrice gribouillée de blanco s'affiche, la mine de mon crayon venant écrire les nombres qui je pense, sont corrects. Maël se fait silencieux mais je sais qu'il est en train de regarder tout ce que je suis en train de faire. J'arrive à sentir son regard sur mes gestes mais j'essaye au mieux de l'ignorer. C'est compliqué.
— Ah bah voilà. C'est bon, conclut-il tout en se séparant de mon épaule.
— C'est bon ? J'me suis pas trompé ?
— Non, c'est juste.
Un petit sourire fier s'affiche sur le coin de mes lèvres tandis que je tourne ma tête pour laisser nos yeux se croiser. Sans qu'il puisse dire quoi que ce soit, la paume de ma main se glisse contre sa joue. Le garçon me laisse faire tandis que je tire son visage vers le mien, mon regard se perdant sur sa bouche légèrement entrouverte. Bouche que je viens embrasser doucement, ses doigts se perdant contre les miens. Je sens Maël se pencher un peu plus vers moi, je le laisse faire même si ça me surprend un peu. Rapidement, son autre main vient fermer mon cahier d'exercice, poussant par la même occasion mes affaires. Il accentue notre baiser, sentant ses lèvres se mouvoir au rythme des miennes. Toujours plus.
— Et l'examen...? j'arrive à sortir entre deux soupirs, le faisant reculer pour me fixer.
Le gris de ses yeux se plantent dans le bleu des miens, la façon dont il me regarde m'arrache à chaque fois quelques frissons. La pulpe de ses doigts vient atteindre mon épaule dénudée de mon t-shirt trop large, s'amusant à s'y glisser sous mon col. Il ne me répond pas, sa réponse n'étant qu'une simple étreinte. Je la lui rends, avec un peu plus d'énergie. Je n'aurai jamais pensé que le fait de m'abstenir une journée entière me rendrait aussi frustré, je n'aurai jamais pensé que je tomberai aussi facilement accro. Est-ce qu'il l'est tout autant que moi ? Lorsque je le regarde, j'ai envie que sa peau brûle un peu, tout comme la mienne quand il me reluque. Sa tête vient tomber sur un de mes coussins, ayant bien fait attention de les relever juste avant. Il ne m'a pas entraîné avec lui, sa main étant descendue contre mon avant-bras qu'il a entouré de ses doigts. Toujours assis en tailleur, je le fixe. Je n'arrive pas à décrypter l'expression de son visage, il n'y a que ce geste répétitif de sa part qui me m'incite à venir un peu plus près de lui, ses doigts qui tirent sur la partie de mon bras qu'il accroche. Je lui fait un signe de tête vers ces derniers, et il soupire.
— Viens.
Maël ne cesse d'insister, il sait que je veux. Mais je décide de ne plus le faire trop patienter, mon corps se rapprochant du sien. Appuyé sur un de mes coudes, mon torse surplombe le sien.
— T'es content comme ça ?
— Mieux. Maintenant, tais toi.
— Tu donnes des ordres comme ça en plus, je lui fait remarquer, ses yeux se perdant sur mon visage qu'il semble analyser.
J'essaye de ne rien faire paraître, le sentir me regarder d'aussi près — bien que ce ne soit pas la première fois — me provoque toujours une petite gêne, je sais pas pourquoi, j'ai peut-être peur qu'il découvre quelque chose qu'il n'aime pas sur moi et qu'il le dise, je connais bien Maël pour savoir qu'il ne tient jamais sa langue dans sa bouche. Genre, comme là maintenant. Son muscle percute mes lèvres et je les laisse s'ouvrir un peu, son geste me rend un peu fou. La main que je n'utilise pas vient se faufiler sur sa taille que j'empoigne, mes doigts venant attraper sa peau, j'arrive à sentir les os de ses côtes sous son t-shirt. Nos lèvres ne se séparent pas, seuls nos soupirs, seuls nos mouvements qui froissent les draps de mon lit, seuls les sons de nos baisers retentissent entre les quatre murs de ma chambre. La simple étreinte que Maël m'a offert dans mon Audi tout à l'heure n'a pas été suffisante et je sais qu'au fond, il se dit exactement la même chose. Nos mains se perdent rapidement contre nos corps et nos visages, comme si elles voulaient tout explorer à nouveau. Les siennes finissent sur mon dos, les ayant directement passés sous mon haut. Mes paupières papillotent légèrement lorsque nos bouches se séparent après quelques minutes de liaison. Je ne manque pas de passer mon pouce sur ses joues rosée, sur ses lèvres humides et un petit peu gonflées, sur son nez affiné, sur son front lisse et dénué d'imperfections, sûrement grâce aux produits qu'il s'étale sur la face chaque soir et chaque matin.
Lorsque Maël sourit, je souris aussi. Il me contamine un peu. Quand il affiche cette mine heureuse, je peux pas ne pas l'être également. Quand il est neutre, moi c'est pareil. Et quand il se fâche ou qu'il réfléchit à quelque chose dont je n'ai pas la moindre idée, je peux pas m'empêcher de me demander ce qu'il a, quitte à me torturer le cerveau en m'imaginant une multitude de choses, quelles soient stupides ou non. Il a une influence sur moi, et je ne pensais pas que ça m'affecterait autant.
— Il y a quelqu'un ?!
Au rez-de-chaussée, une voix nous fait sursauter. Je reconnais directement celle de ma sœur, faisant claquer la porte d'entrée derrière elle. Ses gestes sont lourds et brusques, on entend d'ici ses pas qui courent contre le carrelage de la maison. Elle doit penser être seule, Gabriella se mettant à chanter des musiques dont elle seule connaît le rythme. Maël pouffe de rire sous moi et, dans une grimace, je me laisse tomber à côté de lui. Je ne dis rien sur le fait que ma parfaite sœur a gâché l'ambiance mais bon, ça semble avoir amusé le garçon à mes côtés. Après quelques secondes, — ayant passé son temps à fixer le profil de son visage — c'est à son tour de venir se mettre dans la même position que j'avais il y a quelques minutes, sa main se glissant le long de mon cou. Il me fait un signe de tête en gardant son sourire sur ses lèvres, tandis que mes sourcils se froncent légèrement.
— Qu'est ce que tu fais ?
— Rien, réplique Maël. Je n'ai plus le droit de te regarder ?
— Mais j'ai plus envie, là. Allez, bouge.
Un de ses sourcils se hausse un peu plus, me demandant silencieusement si je suis sûr de ça. Intérieurement, non. Mais j'avoue qu'en sachant que ma sœur fait sa vie autour de nous me stresse un petit peu, à tout moment elle pourrait débarquer dans ma chambre et s'évanouir en voyant ce qu'on est en train de foutre. Et je n'ai vraiment pas envie de ça.
— T'as entendu ou quoi ? je relance, ne le voyant même pas se déplacer.
Mes paroles n'ont aucun effet alors mes deux mains se placent sur ses épaules, prêtes à les pousser. Son regard ne quitte pas le mien, Maël continuant à me défier silencieusement. Qu'est ce qu'il est chiant quand il s'y met. C'est une chance qu'il ne force pas sur ses muscles et que j'arrive à le relever, l'incitant ainsi à se rasseoir convenablement sur mon lit. Ses genoux viennent se plier contre le matelas, le châtain se laissant appuyé contre ces derniers. J'en profite pour me rasseoir normalement, mes jambes restant tout de même allongées sur mes draps. Notre jeu de regard ne semble pas vouloir se finir, si seulement il pourrait se décider à les baisser afin qu'on n'en finisse et qu'on passe à autre chose.
— Maël... Tu cesses.
— On peut s'embrasser ?
Je viens taper la peau de ma nuque en fermant les yeux, sachant pertinemment qu'il allait me sortir une phrase comme ça. J'écrase les frémissements qui ne peuvent s'empêcher de titiller cette partie de mon corps, c'est vraiment chiant. Lorsque je le regarde à nouveau, c'est une baffe — gentille — que j'ai envie de lui coller, voulant effacer cet air angélique qu'il porte à merveille sur son visage. Les chants de Gab s'approchent de plus en plus de l'étage, j'entends le bruit de ses pantoufles dans les escaliers, signe qu'elle est en train de monter. De là, j'entends qu'elle est en appel avec une copine sûrement, déballant des paroles qui ont un rapport avec ses chanteurs préférés.
— Mais oui... J'ai vu, j'ai trop envie d'y aller ! Après tu sais, ma mère me laissera jamais aller jusqu'à Paris pour les voir ! ... Oui. Ce serait vraiment trop bien ! J'ai trop envie de voir mon Taehyung d'amour, je vais faire un malaise Marie, je te jure... Tu m'étonnes ! Ah oui ? Tu penses que les tiens accepteront ?
Ma main, presque automatiquement, vient se coller contre la bouche du châtain. Je sais même pas pourquoi je fais ça, sûrement parce que j'ai pas envie que ma sœur vienne nous emmerder. Parce qu'en plus de ça, si elle voit Maël... Je sais très bien comment ça va se passer. Elle va plus vouloir quitter ma chambre et Gabriella va commencer son numéro de charme tandis que cet idiot va juste lui sourire bêtement, signe qu'elle prendra comme une réponse positive, une réponse qui voudra dire qu'il s'intéresse à elle. Bref, rien que de me monter le scénario dans ma tête m'énerve. Quelque chose d'humide contre la paume de ma main me fait sortir de mes pensées. Quand on se regarde, je remarque que je cache encore sa bouche maudite. Je l'enlève brusquement après avoir capté que Maël était en train de lécher ma peau. Je me demande parfois si quelque chose va bien avec lui, vraiment.
La pièce de ma sœur se trouve juste à côté de la mienne. Lorsque j'entends sa porte en bois se fermer et sa voix devenir de plus en plus basse, mes épaules s'affaissent légèrement. Sans accorder un regard de plus à Maël, je viens m'essuyer la main contre le tissu de mon jogging.
— Pourquoi tu stresses ? reprend-t-il après un moment, le temps que j'ouvre à nouveau le manuel de cours.
— J'stresse pas. J'avais juste pas envie de voir ma folle de sœur. Et d'ailleurs... Parles moins fort.
— Ok... D'accord !!
Sans qu'il puisse le prévoir, Maël se prend le livre de mathématiques en pleine gueule.
— J'espère que t'as eu mal.
Mes dents se serrent légèrement et je retiens un juron, je me demande s'il existe sur Terre une personne plus énervante que ce mec. Non parce que là, j'ai jamais connu pire. Enfin... Si, mais bon. Je l'entends râler un petit peu avant de passer un léger rire, même sous cette situation, il arrive à trouver quelque chose de drôle. J'essaye de contenir le mien, je réussis avec fierté. Tandis qu'il passe ses doigts dans ses cheveux pour les arranger, je continue à ne rien laisser paraître. Le crayon que j'avais abandonné quelques minutes plus tôt se retrouve de nouveau le long de mon index, m'amusant à le faire tourner tandis que j'ouvre ma cahier d'exercice de mon autre main. Je tombe sur l'équation qui m'a été proposée par Maël, une deuxième, cette dernière attendant d'être résolue.
Fort heureusement, il ne me dérange plus. Enfin... Si on peut compter le rapide bisou qu'il vient de déposer contre mon oreille, c'est tout ce qu'il fait. Le châtain s'allonge à plat ventre sur mon matelas, cherchant quelque chose dans la petite pile de livres posés au coin de mon lit. Il en sort donc son porte-vue, là où sont rangées plusieurs feuilles concernant la matière qu'on est en train de réviser. Avec le manuel à la bonne page, il choisit au hasard un problème concernant le chapitre en question. Ainsi, ce n'est plus que le bruit des touches de nos calculatrices ainsi que nos crayons qui comblent le silence de cette pièce.
⁂
— Allez, nique. J'ai fini.
Cherchant mon téléphone entre mes draps et sous mes cahiers, je finis par l'attraper avant de regarder l'heure. Je n'en reviens pas. On vient de passer toute notre fin d'après-midi sur des maths. Non vraiment, c'est un tout nouveau exploit pour moi. Je n'ai jamais autant révisé, à vrai dire, Maël ne m'a pas vraiment laissé le choix. Ni le temps de prendre une pause. Lorsque je finissais un exercice, il en revenait toujours avec un autre. Ainsi de suite, jusqu'à que les heures passent. Quel enfer, mais bon. Je suis bien soulagé que tout ça soit bouclé, maintenant... Faudrait que j'assure un minimum à l'examen de demain.
Je regarde Maël ranger ses affaires dans son Eastpak. Je peux pas dire le contraire, il m'a vraiment aidé sur le coup. Sans lui, je sais pas si j'aurai foutu quelque chose. Je crois que j'aurai même pas daigné à ouvrir ne serait-ce qu'une fois mon manuel, histoire de relire rapidement mes cours. Rien.
— Tu t'en vas ? je lui lance tandis qu'il se retourne doucement vers moi.
Dans un silence, il hoche de la tête. J'avoue que j'pensais qu'il allait rester un peu plus ici, ce n'est pas comme s'il me dérangeait après tout. Sauf que rapidement, il reprend, d'une voix lasse.
— J'dois aller voir mon père. Il m'a dit qu'il a de l'argent à me donner. Tous les mois, il m'en laisse un peu. J'crois que c'est une façon à lui de prouver qu'il pense encore à moi, lâche-t-il dans un rire amer.
C'est à mon tour de bouger silencieusement de la tête. C'est vrai que Maël vit séparément de son père et de sa mère, le garçon habitant quand même exclusivement chez Adèle, sa génitrice. Il m'avait expliqué le peu d'affinité qu'il possédait avec son daron, ce dernier se préoccupant désormais de sa nouvelle femme originaire de Russie. Même si le garçon ne dit rien, je vois très bien que même le fait d'aller chez lui juste pour récupérer du pognon n'est pas une idée qui l'enchante des masses. Dans un soupir, je me lève du lit et vient m'avancer vers lui. Je contourne mon matelas, me mettant en face de son corps encore assis. Mes mains viennent se loger le long de sa mâchoire et je la lui attrape, le forçant à me regarder.
— Tu veux que je t'accompagne ?
Je ne sais pas si je suis prêt à débarquer chez son père, rien que le fait de l'avoir juste conduit là-bas la dernière fois m'a fait assez flipper. Je ne l'ai jamais vu mais je me doute déjà de l'aura que dégage ce type. En ayant vu les appartements qu'il habite, je ne peux m'empêcher de penser à une personne extrêmement matérialiste et gorgé de fric. Enfin, peut-être que son père est un peu moins pire que je me l'imaginais. Mais j'arrive pas à me faire une idée. Il faudrait que je me fasse un avis de moi même, même si à coup sûr je vais le trouver casse-couille.
Les doigts de Maël se resserrent contre les miens. Son sourire fait fondre mon cœur. Littéralement. Comment il fait, je sais toujours pas. Lui seul à le secret, j'crois bien.
— Ouais. Accompagnes-moi.
— Hmm, je rajoute. Pourquoi je ne me doutais pas de ta réponse ?
— Parce que tu commences à me connaître. Et tu commences à savoir que j'veux passer du temps avec toi.
Mon toucher ne quitte sa peau, mes pouces se promenant contre l'os de sa mâchoire. Ils viennent finir leur chemin sur le bas de ses oreilles. Ses mots ont un certain effet sur moi, je dois l'avouer. Je suis content quand il dit ce genre de truc, ses paroles qui sortent de sa bouche au moment où je m'y attends le moins.
— Beaucoup ?
— Beaucoup de temps ?
— Ouais, je souffle.
— Ouais. Beaucoup, beaucoup de temps.
Je le lâche après sa dernière phrase. Maël se relève alors de mon matelas et empoigne son sac, le tenant entre ses doigts. Je me retourne dos à lui, faisant sembler d'assembler quelques trucs sur mon bureau, sentant mes joues chauffer. J'ai besoin de clopes, heureusement qu'un paquet de Marlboro traine, caché entre mon Macbook et un t-shirt de rechange que j'ai oublié de ranger dans mon armoire. Le châtain est le premier à se diriger vers ma porte qu'il ouvre doucement, me lançant un regard comme pour vérifier si je suis bien en train le suivre. Une cigarette aux lèvres, je lui fait un signe de tête afin qu'il avance dans le couloir.
Une fois au rez-de-chaussée, aucun de nous deux ne s'attendait à tomber sur Gabriella. J'avoue que je n'ai pas plus porté d'attention à sa présence depuis ces deux dernières heures. La gamine est assise sur le canapé, le son de la télé étant sur muet. Elle a démarré une série sur Netflix qu'elle a laissé sur pause, ses yeux étant concentrés sur l'écran de son portable. Lorsqu'elle lève le regard vers nous — surtout vers Maël — la brunette se lève d'un coup de l'assise confortable du sofa. Elle balance son portable sur la table basse et accourt doucement vers nos deux personnes. Son sourire montré son appareil dentaire rose fluo, ses yeux pétillent un peu plus. D'un mouvement de main, elle arrange ses longs cheveux.
— Maël ! Tu... Mais, comment ça se fait que tu es ici ? Léo, vous êtes là depuis combien de temps ? me questionne-t-elle, curieuse.
— Depuis 15H.
— Hein ?! Et je vous ai pas entendu ? Je suis venue à 16H, moi.
— Oui, s'incruste le châtain à mes côtés. On t'a entendu mais on était en pleine révision, trop concentré.
Gab vient passer ses doigts sur sa joue, son sourire étirant le coin de ses lèvres.
— Je vois... Hmm... Oh, Maël ! Je suis contente que tu sois ici, tu sais. Ça fait tellement longtemps. Tu vas rester avec nous, diiiis ?
Ignorant totalement ma présence, ma sœur se décide à se coller contre le châtain, attrapant son bras entre ces deux mains. Maël ne se débattant même pas, il accompagne sa réponse d'un sourire. Sauf que je le coupe bien avant qu'un son ne traverse sa gorge, dégageant brusquement l'emprise de ma sœur sur lui. Gabriella râle ouvertement, me demandant si je suis fou. Le grand regarde la scène tout content d'être devenu notre centre d'attention.
— Bon allez, bye. On doit y aller, il a pas le temps de rester ici.
— De quoi ? Mais Maël, tu viens juste d'arriver. Attends, j'ai une copine à moi qui a fait des gâteaux maison ! Il m'en reste un peu, je veux te les donner ! s'exclame-t-elle, essayant de trouver une raison pour le faire rester.
— On s'en fout de tes gâteaux. Il aime pas le sucre.
— Mais je t'en pose des questions à toi ? Je parle à Maël !! Oh mon dieu, mais comment tu fais pour le supporter mon frère ?
Je lève les yeux au plafond avant de me diriger vers l'entrée de notre maison. Je choppe la paire de baskets qui m'ont accompagnées ce matin en cours et l'enfile, mes oreilles ne pouvant s'empêcher d'écouter la conversation à côté de moi.
— C'est des gâteaux à quoi ? demande l'idiot, m'imaginant parfaitement l'expression de son visage.
— Au chocolat avec de la noix de coco par dessus. C'est vraiment trop bon ! Attends suis-moi, il en reste dans la cuisine.
— ... Ouais, allez. J'ai faim en plus.
— Super ! rigole Gabriella.
Bref. Je me relève en soupirant après avoir fait mes lacets, mon regard se perdant sur ma sœur ainsi que sur Maël. La brunette semble lui raconter des choses, ses mains bougeant devant elle. Je viens mordre l'intérieur de ma joue, de toute façon, j'ai rien d'autre à faire mit à part de les suivre. C'est ce que je fais, m'avançant vers la cuisine ouverte qui donne sur notre salon. Maël prend place sur la table à manger, devant le bar. Bar où je pose mes coudes dessus, m'asseyant rapidement sur un des grands tabourets.
— Léo, viens.
— Oh, laisse le. Il est trop chiant de toute façon, il ne t'a même pas proposé quelque chose à manger alors que tu avais faim ! Cretino.
J'ignore l'insulte de ma sœur, préférant ne faire comme si je n'ai rien entendu. Je chope une mandarine posée dans le bol de fruits à côté, l'épluchant sous les yeux de Maël. Ce dernier me regarde de là où il est, attendant que Gabriella lui mette proprement une part dans la plus belle assiette qu'elle va trouver. On l'écoute tous les deux chantonner, cette dernière rajoutant même un verre de jus d'orange devant le garçon.
— Bon, je rajoute. Dépêches-toi par contre, on a pas tout notre temps.
La brunette ne manque pas de s'affoler, empoignant fermement la petite assiette, là où se trouve une généreuse part de gâteau.
— Non mais tu vas la fermer oui ? Vous avez quoi, un rendez-vous ou bien ? Oh... Désolé Maël. Je ne voulais pas t'inclure dans le lot. Tiens, j'espère que ça va te plaire.
— Merci, Gab. Ah... Ça t'dérange pas si je t'appelle comme ça ?
— Oh mon Dieu... Non, bien sûr que non... Appelle-moi comme tu veux !
Mais enfermez la s'il vous plait. Enfermez cette gosse. La voilà qu'elle se cache le visage avec ses deux mains, tournant sur elle même en répétant des mots qu'aucun de nous deux n'arrivent à comprendre. J'avale un morceau de mandarine en regardant froidement l'idiot qui semble apprécier son goûter, appréciant également la réaction exagérée de ma sœur. Je crois que ça le fait marrer de voir qu'il la kiffe, mais moi ça m'emmerde.
— Tu diras à ta copine que son gâteau est très bon, continue-t-il d'un ton bienveillant.
— Oh, euh... J'y manquerai pas ! Mais attends, je vais te l'emballer et tu pourras partager avec ta famille.
Sans dire un mot de plus, ma sœur se précipite de tout mettre proprement dans un tupperware, cette fois-ci encore, le plus beau qu'elle puisse trouver. Pendant ce temps, Maël la remercie mais lui dit qu'elle n'est pas obligée de faire ceci pour lui. Mais, ne connaissant pas Gabriella, cette dernière ne veut rien entendre et insiste, lui donnant donc le récipient en main.
— C'est dommage que tu partes déjà... J'espère que tu vas repasser à la maison. Tu sais, mes parents t'apprécient vachement bien !
— Aaah... Bah tu sais, moi aussi. Ils sont très gentils. Et, encore merci pour le gâteau, Gab. C'est vraiment cool.
— Bon, je soupire. Vous avez fini ? Maël, viens.
L'interpellé tourne enfin le visage vers moi et me sourit, s'avançant désormais vers ma personne. Je louche sur les parts de gâteau que ma sœur lui a proprement coupé puis, je lance vers cette dernière.
— Tu diras aux darons que je suis chez un ami. Je rentre pas tard, normalement.
— Hmm, réfléchit-elle. Oui, essayes de rentrer avant le repas quand même. J'ai pas envie de manger en retard à cause de toi.
— T'inquiète, ne peut s'empêcher de rajouter Maël. J'te le pique une petite heure, c'est tout.
Je me retourne directement suite à ça, prêt à ouvrir la porte d'entrée. Gab ne peut s'empêcher de dire à cet idiot qu'il est le garçon le plus gentil qu'elle connaisse, ce dernier se penchant pour enfiler ses bottes. Clé de la voiture en main, je m'empresse de sortir dans ce froid. Vêtu que d'un gilet, je sens l'air gelé commencer à me peler le cul. Bon, qu'il bouge.
J'attends Maël dans la voiture, il a fait vite. Une fois qu'il s'y installe, le chauffage est déjà allumé, moteur également. J'essuie les petites gouttelettes d'eau sur mon pare-brise avec les essuie-glaces, j'avais totalement oublié qu'il y a eu de la pluie. La radio passe un son plutôt populaire en ce moment et c'est sur cette musique que je passe la première vitesse, sortant calmement de mon lotissement.
— Elle est gentille ta sœur quand même.
Je ne peux m'empêcher de pouffer doucement. Il sait pertinemment pourquoi elle est aussi sympa avec lui, qu'il ne me prenne pas pour un idiot.
— Ouais, ouais... Grave gentille.
Mes doigts se resserrent un peu plus contre le volant, mes yeux ne regardant que dans les rétroviseurs. Il continue, son crâne venant s'appuyer contre l'appuie-tête.
— Mais je préfère quand même son frère. Même s'il n'assume pas vraiment sa jalousie... Je le préfère.
— ... Je suis là, hein.
— Je sais, je sais.
— Puis quelle jalousie ? Elle me saoule, c'est tout.
La clope que je tenais en bouche dans la maison se retrouve à nouveau entre mes lèvres. Je baisse un petit peu la vitre tout en enflammant cette dernière, la fumée dégageant directement dans l'air extérieur de la ville.
— Ça me fait plaisir que tu le sois un peu...
Je lui lance un regard rapide, tirant doucement une taffe. Je veux m'étrangler en entendant sa réponse.
— ... Beaucoup.
— Hum. Ouais. Si tu le dis...
En y pensant, je sais très bien que je n'ai pas besoin d'éprouver ce genre de sentiment envers ma sœur. Je sais pertinemment qu'elle ne pourra rien y gagner, mit à part le fait de me faire extrêmement chier. Je sais aussi que Maël s'en amuse, mais on ne sait jamais quand il est sérieux ou pas ce type. Peut-être que j'ai envie qu'on parle des choses sérieusement quand il le faut et quand vient le moment. Parce que j'ai pas envie de faire n'importe quoi avec cette personne. J'ai vraiment envie de faire les choses bien, comme elles doivent être faites. Enfin bref. J'augmente le son de la voiture.
Je me rappelle un peu du chemin que je dois prendre afin d'arriver chez son daron. Au bout de quelques minutes, je me retrouve garé sur l'une des places de son père. Entre un 4x4 et une BMW, noires. Maël a complètement changé d'expression, il a l'air tellement saoulé de se trouver ici. Je lui jette un regard avant de le laisser descendre en premier de la voiture. C'est lorsqu'il claque la porte que je décide de le rejoindre, fermant l'Audi une fois dans le parking.
— C'est bon ? me lance-t-il, réajustant son sac contre son épaule.
Je hoche doucement de la tête et le suit. Rapidement, on arrive vers les ascenseurs. Quand je vois le nombre d'étage, j'ai presque envie de m'évanouir. C'est super grand, sérieusement. Maël vient appuyer sur le bouton 19 et les portes se ferment après nous. Je le regarde tandis qu'il se tourne vers le miroir derrière lui, ses doigts venant arranger ses cheveux en bordel. Il soupire en se regardant et inconsciemment, un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Il me fatigue.
— Tu l'es.
— De quoi ? lâche-t-il après s'être retourné vers moi.
Je lève les yeux au plafond et ça l'impatiente.
— Je suis ? Ça m'intéresse.
— Beau, j'échappe rapidement.
Cette fois-ci, c'est lui qui sourit. Je crois qu'il ne s'attendait pas à ce que je lui sorte ce compliment d'un seul coup. Ça lui fait plaisir, il se colle un peu plus à moi.
— Tu sais... Mon père, il peut paraitre froid et tout. Mais il n'est pas méchant donc, t'inquiète.
Je hoche doucement de la tête, pensif. Les portes de l'ascenseur s'ouvre en même temps et c'est là qu'on tombe dans un couloir assez gigantesque, quelques portes nous faisant face. C'est vaste, quelques plantes sont disposées un peu partout afin de rajouter de la verdure, les couleurs des sols — en carrelage — ainsi que des murs étant neutres, colorés d'un simple gris terne.
— C'est ici.
Lorsque Maël toque à l'appartement de son père, un aboiement d'un chien surgit derrière le bois. Bon Dieu. Je fronce directement les sourcils, je ne m'attendais pas à ça. Je n'ai pas vraiment peur des chiens donc ça devrait le faire. Je sens le châtain chatouiller mes doigts et mon visage se tourne vers lui.
— T'inquiète, elle est gentille. Juste elle aboie devant les inconnus. T'as pas peur, hein ? m'embête-t-il tandis que je relève ma main.
— J'ai pas peur... Arrête de me regarder comme ça.
Le chien ne cesse son cinéma jusqu'à qu'une voix forte lui ordonne de se taire. Par contre, je flippe un peu pour ça moi. Je me demande vraiment à quoi il ressemble, j'en suis trop impatient en fait. Quand la porte s'ouvre enfin, le père de Maël pousse l'animal enfin qu'il ne se rue pas sur nous. C'est à ce moment que je le vois.
— Tu bouges pas. Pas bouger.
L'homme présent doit avoir à peu près le même âge que mon père, dans la cinquantaine. Son visage, bien que légèrement ridé, possède les mêmes caractéristiques que celui de Maël. Même couleur de yeux, même forme de bouche, même nez. Ses cheveux sont d'un noir profond ce qui accentue le regard clair de ce Monsieur. Il est très bien habillé d'ailleurs, d'une petite chemise et d'un pantalon noir assez sophistiqué, ses pieds étant recouverts de pantoufles noires. Bien évidemment, le père de Maël m'analyse en premier. Ses yeux semblent me passer au scanner mais fort heureusement, cette scène ne dure pas trop longtemps. Son fils s'interpose entre nous deux et nous fait faire les présentations, d'un geste de main.
— Voici Léo, mon ami qui est venu m'accompagner. Léo, voici Sylvain. Mon père.
— Bonjour, enchanté... je lance sans trop savoir comment me comporter.
Le brun en face de nous fait un léger signe de tête, un maigre sourire au coin de ses lèvres se formant. Je me demande à quoi il pense, est ce que je fais bonne impression ? Putain, en réalité je suis resté fringué comme une merde avec mon survêtement Adidas. Mais bref. C'est pas grave.
— Restez pas planté là. Gipsy ! Pas bouger. Elle fera rien.
Maël me fait un signe de tête pour que j'avance en premier. À vue d'œil, ce chien ne m'a pas l'air méchant mais ses aboiements peuvent être stressant pour les gens qui ne sont pas à l'aise avec les gros animaux. C'est alors qu'un berger allemand tourne autour de moi, Gipsy, je pense que c'est une femelle. Je la regarde droit dans les yeux, ne lâchant pas son regard marron. Après m'avoir reniflé et cesser de faire son bruit, elle vient couiner puis s'allonge un peu plus loin, au pied d'un fauteuil, dans le salon. Ça, c'est fait. Mes baskets me quittent, les ayant rapidement enlevées par respect.
— Bien. Hm.. Venez, allons nous installer dans la cuisine. Qu'est ce que je vous sers ? demande l'habitant des lieux tandis qu'on le suit gentiment.
Je lance un regard à Maël qui lui, a dérivé vers la droite pour aller caresser le clébard, cette dernière étant bien contente de recevoir un peu d'attention. Je souris face à cette scène, je ne sais même pas pourquoi. Mes yeux se mettent à scruter l'endroit où je me trouve. Tout est très moderne, aucune faute de goût, les meubles semblent être accordés l'un à l'autre. Les couleurs principales sont le noir ainsi que le blanc, malgré quelques petites touches de décoration en rouge. De la végétation au coin des murs, comme dans le couloir. L'appartement respire le neuf, vraiment. Directement depuis l'entrée, nous tombons sur le salon qui donne sur une immense fenêtre qui fait la taille du mur. De là, on peut voir le paysage, s'étendant au loin. Nous sommes en plein centre ville et en hauteur, nous voyons tout ce qu'il se passe en bas. C'est un peu impressionnant, je dois l'avouer. Puis dans cette grande pièce se trouve également la cuisine, une cuisine ouverte, américaine, un peu comme chez moi. Sauf que là, tout est beaucoup plus beau et plus rangé, genre, je vois aucune trace de poussière, de taches au sol, on dirait qu'on est en train de visiter des lieux à vendre et que personne n'y habite vraiment. Un coin pour le chien est présent, avec un bureau qui se trouve juste à côté. Un Mac est posé dessus avec une pile de feuilles rangées à la perfection.
Je ne me sens vraiment pas à l'aise dans cet environnement. C'est beaucoup trop pour moi, je dois l'avouer.
— J'ai du... Coca. Ça vous va ?
— C'est bon. De toute façon on ne va pas rester longtemps.
Maël s'approche de moi, m'étant avancé vers la table à manger. L'homme le plus âgé ne répond pas tout de suite, étant concentré à servir nos boissons. Une fois fait, il nous les apporte, nous tendant un verre chacun. Les glaçons percutent mes lèvres et, je bois enfin une gorgée. Sylvain semble déçu de la dernière phrase du garçon.
— Tu... D'accord. Je reviens.
L'ambiance est vraiment bizarre, je me sens un peu de trop. Le châtain tire une chaise et vient s'asseoir dessus, m'invitant à faire de même. Ce que je fais, le regard rivé sur lui. Vraiment, mais qu'est ce que je fous là quoi. J'aurai dû rester dans la voiture et l'attendre mais bon, vu qu'il a insisté... Je bois une autre gorgée, mon verre se finissant peu à peu. C'est long. Le garçon ne touche même pas à sa boisson, les yeux dans le vide. J'ai peur de briser ce silence mais c'est plus fort que moi.
— Maël.
Il semble sortir de ses pensées. Il me fixe avant de tourner les yeux sur la pièce qui nous entoure.
— Hmm. T'inquiète, on va pas rester longtemps.
Je ne dis plus rien, glissant un glaçon dans ma bouche. Le retour du père a tardé, il a mit au moins cinq bonnes minutes avant de revenir. L'homme s'approche donc de lui, une petite enveloppe entre les doigts. Lorsqu'il la tend vers Maël, ce dernier la chope rapidement et se grouille de l'ouvrir. Quand il semble calculer le nombre de billets qui s'y trouvent à l'intérieur, il soupire.
— Non mais, c'est trop. Je peux pas. Tu crois quoi, là ?
— Je n'ai pas eu le temps d'aller déposer ça sur ton compte, reprend le propriétaire des lieux. Désolé de te donner ça ainsi.
— Ouais mais... Enlève la moitié. Je peux pas prendre tout ça de toute façon. Non, c'est trop.
Je regarde en silence la scène qui défile mes yeux. Je me demande combien de fric se trouve dans ce papier pour qu'il ne veuille pas l'accepter. Sylvain insiste, attrapant la main de son fils en le forçant à garder cet argent.
— T'es au courant que c'est pas comme ça que tu vas régler quelque chose, hein. Parce que tu vois, ce qui se trouve là-dedans... Ça ne pourra jamais te faire pardonner.
Le regard du propriétaire croise le mien, il a les sourcils légèrement froncés, je crois qu'il est en train de s'énerver. Maël l'est déjà et je ne sais vraiment pas où me mettre. J'ai qu'une seule envie actuellement, c'est de prendre la porte et de les laisser arranger cette affaire entre eux. Mais je sais que si je fais ça, le châtain va m'en vouloir.
— On va faire comme ça, lâche le garçon tout en glissant ses doigts dans l'enveloppe.
Il en sort plusieurs billets, de 100 et de 50. Il les jette sur la table, près de son verre, comme s'il en avait rien à foutre. Je ne peux m'empêcher de fixer tout ce fric qui est en train de s'accumuler devant moi. Mais... Combien il lui a donné ?
— Voilà. Ce qui me reste ici nous suffit largement.
Un silence. Le vieux regarde un petit moment son fils, excédé de son comportement. Il prend une grande inspiration, ayant légèrement tourné sur lui même, tenant son menton entre ses doigts.
— Non, répond le père du garçon. C'est ton argent Maël, je te le donne pour toi, je te le donne car je suis ton père et que tu en auras forcément besoin dans ton futur. Tu comprends ce que je veux te dire ou pas ? Pour tes études, pour ton logement, pour tes loisirs, pour ton permis, ta voiture, et toutes ces choses de la vie ! Tu crois que tu vas faire comment avec ta mè... Tu crois que tu vas faire comment sans rien ? Tu vas rien faire, je te le dis. Je sais ce dont tu as besoin et je te rappelle que tu es encore mon fils. On ne vit plus ensemble, nous ne partageons plus la même maison, plus les mêmes vies mais sache que tu as encore mon sang. Et en tant que père, je t'ordonne de ramasser tout ce que tu viens de mettre en bordel et d'accepter ce que je te donne. C'est pas plus simple que ça. Putain.
Je retiens un soupir, venant gratter l'arrière de ma nuque. La grande pièce est marqué d'un silence suite à ce monologue, Sylvain ayant croisé les bras sur son torse avec une expression sérieuse collé au visage. Il ne semble plus du tout serein comme tout à l'heure, son attitude pourrait presque être stressante. Son pied tape dans de gestes répétitifs le carrelage de la maison, on entend les pas du chien se rapprocher vers les deux.
— Maël. Écoute moi.
Me sentant soudainement de trop, je finis par me lever brusquement. Je bouge un petit peu la table, les regards des deux hommes se posant sur moi suite à ce geste. Quand je croise celui du châtain, mon cœur semble se tordre. Je lui fait un signe de tête rapide, signe qu'on doit s'en aller. Je peux pas le laisser avec ce gars, attend mais qui force quelqu'un à prendre de l'argent ? Maël n'en veut pas, pourquoi il s'énerve autant ? Ses propos sont déplacés, ce n'est pas parce que notre compte en banque n'est pas autant fourni que le sien qu'on ne peut rien foutre dans la vie. C'est le genre de discours qui me tape sur les nerfs, c'est pour ça que j'ai jamais apprécié ce type de bourgeois. On peut jamais les distinguer, ils sont tous comme ça, ce Sylvain me fait vraiment développer une haine envers eux. C'est fou.
Mes pas me guident vers la porte d'entrée. Gipsy est retenue par son maître, cette dernière voulant me suivre suite à ma démarche précipitée. Je remets mes chaussures tandis que j'arrive à entendre encore leur conversation. Le père ne cesse d'insister ce qui fait exploser Maël, d'un coup.
— Maël, tu... Oh !!
Le châtain me rejoint rapidement et n'ayant même pas prit la peine d'enlever ses bottes à l'entrée, il se contente de s'enfuir sans rien de plus. Il me chuchote de me dépêcher et c'est ce que je fais, lançant un dernier regard à son daron qui me fixe, de là où il est. Se sentant impuissant face au départ de son fils, il me jette une dernière phrase avant que je ne quitte les lieux une bonne fois pour toute.
— C'est la première fois que je rencontre un ami de mon fils. Tu dois être important pour lui, je l'ai directement senti. Prends soin de lui.
Et c'est sous cette dernière note que je claque la porte derrière moi. Cependant, je n'arrive pas à partir. Comme bloqué, je reste quelques secondes, là, comme un débile. Les paroles de Sylvain ne cessent de se répéter dans ma tête, ses phrases ont réussit à me marquer. Prendre soin de Maël. Mais sérieusement, qu'est ce qu'il lui a prit de dire une chose comme ça ? Il ne me connait même pas, il ne sait même pas qui je suis, c'est comme si j'étais vraiment le dernier espoir quoi. Enfin, bref. J'essaye d'effacer cette dernière phrase de mon esprit, me dirigeant vers l'ascenseur vide de Maël.
Au parking, c'est là que je le retrouve. Appuyé contre la portière de mon Audi, il ne semble attendre plus que moi. Lorsque j'allume ma voiture, il relève la tête et me lance un léger sourire. On s'engouffre dans l'habitacle dans un silence roi, vraiment, aucun de nous deux ne savons quoi dire. Je n'ose même pas démarrer le moteur, attendant un quelconque geste de sa part avant de faire quoi que ce soit. Je suppose qu'il n'a pas envie d'en parler pour le moment. Ce qui est compréhensible, vu comment nous nous sommes enfuit et vu ce qu'il vient de se passer.
— Pourquoi tu ne démarres pas ? lâche-t-il doucement, sentant son regard se promener sur le profil de mon visage.
Je le reluque rapidement avant m'exécuter, je ne sais vraiment pas comment réagir. Je remarque bien que l'ambiance est pesante et c'est la première fois que ça arrive. Son sourire finit par détente l'atmosphère, il a senti que je suis un peu tendu suite à cette petite visite. L'enveloppe donnée par son daron finit dans son sac et, nous partons enfin.
Le trajet du retour se réalise calmement, ayant décidé de rouler moins vite que d'habitude. Perdu dans mes pensées, je manque même de renverser quelqu'un à un passage piéton. Je ne cesse de penser à son père, je sais pas pourquoi. Je savais qu'il ne le portait pas vraiment dans son cœur mais à ce point là... C'était une expérience assez préoccupante, je n'ai plus envie de vivre une nouvelle fois ça.
Je finis par le déposer chez lui. C'est ainsi que notre journée s'achève. En me réveillant ce matin, je n'aurai pas pensé la finir ainsi. Il attrape son sac et le gâteau offert par ma sœur dans de gestes lents.
— Et, Maël. Ça va aller, hein ?
La portière encore ouverte, il se retourne et se baisse légèrement pour me regarder. Je suis rassuré lorsque ses lèvres s'étirent encore une fois.
— Ça va, t'en fais pas. Rentre bien, évite d'écraser quelqu'un cette fois-ci.
— Idiot. Ouais. J'vais essayer.
C'est ainsi que je le regarde partir, restant garé devant son portail jusqu'à que je le vois disparaitre dans sa maison. J'espère que ça va aller, de toute façon, ça doit.
— Sérieusement... Ce mec.
Je lâche un soupir, mes yeux venant lire le tableau de bord. L'heure affiche 19H50 et un juron passe la barrière de mes lèvres. Et merde. J'en connais une qui va me faire chier en rentrant.
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