Kévin rime presque avec débile.

Je fais glisser mon plateau pour l'instant vide sur les barres en métal. Pourquoi j'ai l'impression que les lundi, la bouffe est juste dégueulasse ? Des salades qui me paraissent sans goût, fades, me font face. Une vielle cantinière me reluque froidement en mode j'suis obligé de lui prendre sa foutue entrée. Elle fait flipper celle-là, je baisse presque les yeux pour ne pas affronter son regard.

— Putain... Y'avait pas écrit steak-frites sur le menu ? se plaint Kévin qui regarde d'un air dégoûté les haricots verts et les cuisses de poulet derrière la vitre.

Suite à sa remarque, les personnels lui jettent un regard noir. Bah quoi, il a raison. Arrêtez de nous vendre du rêve alors que c'est tout juste ignoble. Je veux de la vraie bouffe. En plus, j'ai le ventre qui gargouille tellement j'ai faim. À mes côtés, le plus sage, Romain décide de prendre une salade et une assiette de ce qu'il y a. Je sens que je vais rien manger, mais tranquille. Je sais, je suis pire qu'un gosse au niveau nourriture mais j'assume jusqu'à l'os.

Une fois nos plateaux — peu — remplit, on se dirige vers une grande table. Je traverse la salle de la cantine, le tenant tranquillement d'une main.

— Hé, venez on va rejoindre Maël et ses potes. Y a pile de la place pour nous.

Mais bien sûr, quelle idée de génie. Notez mon ironie.

Alors que je m'apprête à m'installer à une place au hasard, Kévin tourne littéralement vers le milieu pour se diriger vers une table quasiment remplie. Je soupire et suit Romain. D'où il a des potes lui ? Depuis quand ? Je suis le dernier à m'installer et je me retrouve en face de Maël, Romain m'a poussé pour que je sois à cette place. Wesh, il a quoi ? Il me lance un clin d'œil que je ne comprends pas puis il s'installe en face de Kévin, les deux dernières places qui restent. Un léger silence s'impose le temps qu'on s'installe mais les discussions reprennent rapidement, Maël se décide de nous faire les présentations ce que j'aurai bien voulu éviter. Comment je déteste. C'est dingue.

On nous oblige à faire les hypocrites, j'avoue que c'est pas mon fort.

— Bon alors à mes côtés, dit-il en ébouriffant les boucles d'un mec que j'ai vu plusieurs fois. C'est Matt. Lui, c'est Bastien...
— Salut les mecs, nous lance ce dernier, nous souriant. Il a une tête de nerd puis j'crois qu'il est dans notre classe.
— Ok, cool, ravi de vous connaître les gars ! Alors moi j'suis Kévin, en face de moi c'est Romain et puis, fit-il en penchant sa main vers moi, lui c'est...
— Léo. Salut.

Je sens le regard des trois sur moi et surtout celui de Maël. Mais ça ne dure pas longtemps car les fourchettes grincent maintenant contre les assiettes. Une cruche d'eau est à moitié remplie en face de moi et j'en profite pour me servir. Maintenant que je le fais, Kévin et Romain me tendent leur verre, mendiant ma politesse.

— Alors... tente Kévin. Vous aussi vous êtes en terminale ?

Les deux concernés, Matt et Bastien je crois, répondent positivement. Pendant ce temps, je ne peux m'empêcher de fixer le mec à côté de mon voisin de classe, en maths. Ses boucles retombent toujours sur ses yeux et il possède cette légère barbe naissante. Son piercing au nez me donne envie de le lui arracher et, sentant sûrement que je le fixe, il plante finalement ses yeux marrons dans les miens. Je dérive mon regard vers mon assiette et trie ce qu'il reste de ma cuisse de poulet. Ils sont proches, lui et Maël. Ça se voit parce qu'ils font que de se lancer des regards tandis que les discussions fusent entre Kévin, Romain et l'autre aux lunettes. J'essaye d'écouter ce qu'ils disent mais j'suis trop concentré à essayer de savoir ce qu'ils se chuchotent. Quoi ? J'fais rien de mal. J'm'emmerde avec ces gens moi.

— Vous êtes bien proche tout les deux, souligne Romain, regardant Matt et Maël devant moi.

Les deux concernés se lancent un sourire en coin et se regardent longuement. Ils m'énervent. Je veux leur donner des claques avec leurs têtes de niais. Le grand aux cheveux bouclés prend finalement la parole :

— Ouais... On est... On est ensemble, hésite-t-il à dire, scrutant la réaction de chacun à table.

Ma fourchette que je voulais glisser dans ma bouche tombe contre la porcelaine de mon assiette et par conséquent, un bruit sourd fait écho dans les oreilles des gars à proximité. Kévin, suite à cette révélation soudaine, a les yeux grands ouverts et les sourcils relevés. Romain, lui, il s'en fout complètement on dirait. Je m'en doutais et c'était obligé. J'sais pas pourquoi, là. L'ambiance devient encore plus lourde que tout à l'heure et je n'ai qu'une envie : sortir d'ici. Il réalise ce qui vient de dire ou quoi ? G-é-n-i-a-l.

— Oh, je rigolais ! C'était une blague ! Haha ! finit par rire Matt, faisant sourire Maël qui recommence à manger.
— Oula, ouf ! souffle Kévin, la main sur la cœur. J'ai vraiment cru que vous étiez gays !

Je lève les yeux vers Maël qui, du sourire passe à la froideur. J'entends Romain foutre un coup de pied assez fort dans le tibia de notre ami Kévin ce qui le fait bien évidemment jurer.

— Putain, pourquoi tu fais ça ? Arrête !

Romain lui fait les gros yeux signe qu'il doit fermer sa gueule tandis que le gars aux lunettes, Bastien, reprend la parole, essayant de détendre l'atmosphère. Ça se voit bien qu'ils sont ensemble, faut arrêter de nous prendre pour des cons. Enfin, moi je le sais. Mais en soit, j'en ai plutôt rien à foutre.

J'ai l'impression que cette merde a duré une éternité. On se lève tous puis on donne nos plateaux sales aux cantiniers. Je m'échappe vite de cette immense pièce infernale et, une fois à l'extérieur, je respire l'air de dehors. C'est mieux. Je rejoins Romain. On est devant et les autres sont derrière nous. Je veux les ignorer, ces clampins.

— T'as trouvé ça normal la réaction de Kévin, tout à l'heure ?

Bah, c'est Kévin quoi.

Je ne tourne pas mon visage vers mon ami, continuant de marcher près de lui. Je ne sais pas quoi lui répondre alors il reprend bien vite :

— Il m'énerve parfois à réagir comme ça, m'avoue-t-il.

Finalement, je le fixe. Il regarde devant, le regard lointain et les mains dans les poches de son sweat. Je le sens pensif et légèrement saoulé. Mais pourquoi ? Après tout, on sait tous les deux très bien que Kévin détestent les gays et tout ce qui touchent aux orientations sexuelles autres que l'hétérosexualité, bien plus que moi mais encore j'trouve j'suis soft encore. Lui, il irait jusqu'à les insulter tandis que moi ce serait dans ma tête, en silence.

— C'est Kévin, on peut pas le changer. Mais... Pourquoi tu me dis ça que maintenant ?
— J'ai bien vu qu'il a blessé Maël, continue-t-il, toujours d'un ton froid.
— Ouais mais... Tu veux y faire quoi ? J'suis sûr il ne s'en rend même pas compte.
— Bah, c'est bien ça le pire. Mais ouais, bref.

Qu'est ce qui lui prend ? Je le sens chelou, mais je préfère ne pas trop m'en mêler.

C'est la première fois de ma vie que ça m'arrive cette situation. Où je vois Romain déçu de Kévin, notre meilleur pote quoi. Je ne sais pas trop comment régler tout ça. Je pense que ça va passer rapidement, on n'est jamais en froid trop longtemps. Puis le grand n'est pas du genre à faire la gueule trop longtemps.

— Ah bordel, y'a ta Clarisse qui fonce tout droit vers nous avec ses sbires et j't'avoue que ça me fait flipper, lance rapidement Romain avant de s'éloigner tel un lâche de moi.

Il est sérieux là !

Fait chier, quoi. J'ai pas le temps de me retourner et je n'ai pas non plus le temps de répondre que Clarisse saute déjà sur mes lèvres, là, devant tout le monde, au beau milieu de la cour ! Ses mains manucurées et ornées de bagues dorées se collent à mes joues et sa langue glisse contre mes lèvres. Bordel de merde. J'ai tellement dû mal à y croire que j'ai même pas la force de la repousser. C'est lorsqu'elle s'éloigne de moi que je sens Kévin sauter sur mon dos en mode hyper heureux pour moi. Je n'arrive pas à décrocher mon regard du sien et pourtant c'est une voix de sale pétasse qui me sort de mes pensées. Bonjour, d'abord.

— Alors toi... Si tu continues de faire ça à ma copine, j'te jure que tu vas souffrir toute ta vie, t'as capté ?! Tu nous connais pas, nous ! s'écrit-t-elle tout en me pointant vulgairement du doigt, sa bouche mâchant son chewing-gum telle une grosse vache.

Je l'ignore et laisse couler un regard sur Clarisse qui se tient là, les bras croisés, un sourire victorieux aux lèvres. C'est à ce moment là que je me dis que j'aurai dû la dégager de toute mes forces quand c'était le moment. Non parce que là, cette petite scène devant tout le monde... C'est beaucoup trop gênant. Je sens des regards rieurs sur nous.

C'est la honte du jour, pourquoi elle nous ficha comme ça ? 

— On n'est plus ensemble, Clarisse. Alors dégages bien vite de là.

Suite à ma remarque, les gens retiennent leur souffle et je sens tous les yeux sur ma personne. Celui de Clarisse, de ses amies les sales pétasses, de Romain, de Kévin, de Maël, de ses potes.

— Attends attends, s'élance Kévin, posant ses deux bras sur moi. Vous êtes plus ensembles ? Mais depuis quand ?

Je ne quitte pas le regard larmoyant de Clarisse. Ah ! Tout de suite elle fait moins la maligne. Elle fait la dure devant les autres mais je sais qu'elle a juste envie d'éclater en larmes. Elle se retient mais lorsqu'une de ses copines lui pose une main sur son épaule, elle se lâche complètement et voilà qu'elles se rassemblent toutes pour la réconforter. Seigneur... Je sais pas si je dois éclater de rire ou justement, rester de marbre.

— Alors toi... Va bien te faire voir ! Ne t'approches même plus d'elle, tu m'entends ! Connard... Clarisse, ma belle...

Et c'est comme ça qu'elles partent toutes. C'est le silence complet dans notre petit groupe mais — heureusement — une personne décide d'y stopper : Maël. Son rire éclate brusquement, il ne l'a visiblement pas contrôlé. Je me retourne vivement vers lui, les sourcils froncés et remarque que son mec sourit aussi. Même Bastien, même s'il veut se cacher derrière son bouquin de français. Quel bande de cons. J'vois pas où c'est drôle alors je soupire brusquement, m'éloignant de ces gens. Romain me suit, criant mon prénom pour que je m'arrête.

C'est vraiment un lundi de merde. Faîtes qu'un truc de cool se passe parce que là, j'vais craquer.

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