15 minutes en Enfer.

Ma chambre, ta chambre. Mon univers, le tien. Un secret, le notre. Cette pièce est un peu devenu notre QG et là où les murs dissimulent l'anonymat de nos deux êtres en harmonie complète. Ton corps, le mien. On se partage entre nous, sans prendre de quelconques pincettes, on se tease et le teaser a duré bien trop longtemps lorsqu'il est temps pour nos bouches de s'embraser entre elles, on est comme deux tarés en rut et coincés dans une cage de non contrôle, nos esprits se délibérant et envoyant foutre toute cette tension qui a rongé des heures en public, au lycée, en cours, quand on était à côté. Au QG, on devient nous. 

Ses lèvres me dégustent sans aucune pudeur, on ne sait même plus ce que c'est. Au diable les définitions. Au diable la signification de tous ces mots. Je parle ma langue et Maël kiffe quand c'est comme ça, pas autrement. J'vais lui en faire voir de toutes les couleurs, même s'il a une préférence pour le rouge et bleu. Il a bien raison. On est devenus cinglés, en 4 mois. On est allumés, éméchés et à la fin totalement éreintés. Nos muscles rosés et fiévreux s'engagent dans une valse sans fin, nos baves respectives se mélangeant involontairement créant à deux cette texture hétérogène qui dégoulinent de chaque côté de nos bouches perverses. C'est une dinguerie. Putain. Maël me rend tout particulier, ça n'a pas changé. 

Au contraire, c'est devenu même pire. C'est devenu mauvais. Il le ressent et je le ressens encore plus. On se comprend sans se dire un traître mot. Je connais sa bouche par cœur. J'l'ai marqué. Ses lèvres, je les ai tatouées. LEO figure sur sa langue. En 4 mois, on s'est fait mille fois pire que des French Kiss, comme il aime si bien dire. Maël dégage tous les tissus que je porte et je fais de même, on se retrouve en caleçon, à moitié nus, arborant fièrement la tenue d'Adam. La pièce est animée de nos gémissements suggestifs et surtout des siens, parce que j'ai le don de le rendre affreusement sensible du bout des doigts, du bout de la langue, je suis doué, c'est un fait.

— Au lit, je lance sans me rendre compte du ton évocateur que j'emploie.

Ma tenue préféré sur lui, le retour. J'ai déjà dit que je kiffais quand il ne portait rien et sûrement plusieurs fois. En l'occurrence, il ne lui reste plus que son sous vêtement Hermes, il pousse le luxe jusqu'au bout ce mec. Bling bling rien que pour ma gueule et bien que je me fais un kiff en le matant ouvertement, il va devoir dire adieu à son tissu noir et doré. Il se perd, dans un état second, mes gestes entreprenant lui faisant sans doute tourner de la tête et bien sûr que cet idiot sait que ça m'excite atrocement. 

— Au lit, pour me raconter une histoire...? chuchote-t-il avec un brin d'innocence bien dosé avant de laisser couler un long gémissement perverti, contrastant entre ces deux stades.

Mon pied a glissé sur son sous vêtement. Ça te fait languir, hein. Depuis que j'ai capté comment marche Maël, je sais comment le gérer, lui et ses folies impures. Je sais appuyer là où il le faut. Je connais mieux ses formules de dosage que les formules scientifiques qu'on nous balancent en cours. Avant, je n'aurai jamais osé des trucs comme ça. Toutes ces fois où l'on s'est cloîtré entre quatre murs ont été très bénéfiques pour ma part. En parlant de bénéfice... J'en tiens un bien fort.

— T'as quel âge pour qu'on te lise des histoires, Maël... je réponds, continuant d'exercer mes mouvements de connard.

Il ne fait plus le malin. Il s'adoucit quand je suis celui qui contrôle. Le pire dans tout ça, c'est qu'il vénère la scène, sa scène. Son torse monte et redescend et son rythme cardiaque s'accélère. Tu m'fais de la tachycardie ? Il sait à quel point ça me fout en transe ce comportement. Même moi, j'commence à sentir mes jambes faiblir, elles vont flancher si ses cordes vocales ne prennent plus le temps de s'apaiser. Les sentiments sont trop forts et le corps trop faible, tout prend le dessus quand on fait n'importe quoi, Maël et moi. Un tsunami se déchaîne, prédit au bulletin météo de mon cœur, comparant ses puissantes vagues aux frissons qui prennent possession de ma peau, de mes poils qui s'hérissent, s'abattant odieusement contre, les sentant alors périr, cette eau si puissante, précipitée et en colère, dégommant absolument tout lors de son passage au tapis rouge.

C'est un mal, c'est un bien. Je ne distingue plus les deux termes. On est tous les deux en pleine éruption, deux catastrophes de la nature. Et son livre, il veut tant que ça que je le lui lise ? Tout commence par un Maël allongé, flottant sur un petit nuage au dessus d'un caractère déchaîné. Un Maël guidé, manipulé, un Maël sous la forme d'une poupée que j'articule aigrement du bout des doigts.

— C'est pas du jeu... Tu as dit que je devais être celui qui...
— J't'ai dit de parler ?

Il secoue négativement de la tête. J'en ai marre de laisser simplement mon pied s'amuser. Je me fous au dessus de lui, je l'enjambe, l'encercle, le possède, le surplombe, je le monopolise, je l'envahis et je le colonise. Mon corps créant cette ombre qui le noircit sous la lumière tamisée de ma chambre. Les volets sont fermés, je refuse de laisser la faible lumière grisâtre pénétrer son grain de peau, je suis jaloux. À l'heure actuelle, il est simplement voué à se perdre dans l'obscurité, il mérite de replonger dans les ténèbres avec moi. Ses doigts de pianiste s'accrochent à ma peau bronzée, il désire presque m'arracher le dos, comme s'il voulait me faire basculer pour me ressentir, à un point si fort, le point culminant, sentir tous les muscles de mon torse contre son jumeau. 13 minutes.

Sa langue parcoure ses lèvres que j'veux dévorer, je traduis ça comme une invitation. Il sait ce qu'il fait, il veut que je le comble de l'intérieur. J'parle de sa bouche et de sa cavité sombre et attirante. Comblée. Touchée. Arrivée à bon port. Deux doigts. Perdus, au fond du bateau. Il se noie. T'aime ça ? Il coule, tout s'inonde. Ce sont les conséquences de nos actes. Il n'a pas l'air de s'en soucier, des pertes. T'en fous partout. Rien que ça ? Je finis ma main d'oeuvre, d'une agilité sans nom et j'l'étouffe une dernière avant de lui rouler une pelle du cosmos. Je lui fais n'importe quoi, ça n'a aucun sens. Pourquoi il me rend comme ça ? Fou. Trois mots. Trois milliards de sentiments. Ce n'est plus de l'assurance à ce stade, c'est limite si ce n'est plutôt pas de la pure et nette possession. Je lui fais tout ce qui dérive sur l'illégal, la limite, je ne la connais pas ou alors je refuse de la connaître. C'est si bon, le mal que l'on se fait. Le mal que l'on se met. Maël, il prend, il suce, mes doigts comme des friandises, il avale comme si c'était de la sucette, un truc sucré, c'est un sucre. Du sucre, tiens, j't'en rajoute avec ma bouche salée. Sucré salé, le mélange parfait. 

Le respect pourrait se foutre à genoux un instant en implorant le fait que sa propre définition est inférieure à mon reste, le reste du monde, c'est toi Maël. Mon Monde. M comme Monde et comme Maël. Monde Parfait, Parfait Maël, tout s'accorde et se relie à la Perfection. Le respect, je l'ai couché et toi, même couché, t'es relevé. Putain d'ambiance. C'est quoi les bails, les tropiques ? C'est comme si une force frénétique poussait le haut de mon crâne jusqu'à me faire submerger dans une flopée de flammes, victime d'un incendie.

Je délire et je débite, dé-bite, séparer ce putain de mot fait furieusement bouillir en moi une certaine lave qui finit par découler de manière invisible sur toutes les parties de mon corps. Je n'ai pas un ticket mais deux, direction les Enfers et puisque j'ai des mauvaises fréquentions, mon meilleur ami c'est devenu le feu.

Tu m'accompagnes ?

Maël c'est l'ingrédient mystère de ma recette sorti du four à 210°. Dans la recette, la mienne, la recette du démon, je l'ai écrite au stylo rouge, son corps que je cuisine avec ardeur, avec horreur, avec amour et que je sors mijoté à une température brûlée, flambée, carbonisée. Brûlante, 1000°c. Quoi, c'est trop fort pour toi ? Tu fais genre. Pourquoi tu fais genre. Ma langue n'est qu'à 210° sur ton torse, là. Je te mens et je t'ai menti. Tu te perds. Soumis à moi, j'suis toujours là, tu restes à moi et j'te replace sous les 1000°c. Il fait trop chaud pour toi. Ma langue sur ses deux boutons de chairs, sa viande, je la mets sous mes dents, canines pointues et acérées. Les flammes dans lesquelles on succombe sont terribles. Il gémit et je le répète, t'aime ça. Pour moi, t'es à moi. C'est à moi. Trois mots. J'aime les trois mots. Trois billions de sentiments. Mon entrée, mon plat, mon dessert, mon petit déjeuner, mon goûter, mon... Ingrédient secret. J'te bouffe à tous les repas, à toutes les heures, à toutes les sauces, j'deviens ouf et j'ai des délires vampiriques qui bousculent mon âme enragée, malade, sous grippe, j'suis infesté de ton virus et tu me fatigues, mes yeux relevés sur ton visage humide, bouffi, faussement angélique, bien sous fièvre à l'état grippal, rongé par la broche enflammée qu'est mon muscle rose, prêtée par le Diable, sur tes pectoraux dessinés au crayon bien taillé.

— C'est à moi, Maël, je répète plusieurs fois. C'est à moi. 

Mon cœur explose, implose, tambourine et cogne toutes les parties de mon corps. Toutes. Zéro exception. Un ring sans règle. Pas de limite. La limitation, c'est pour les faibles. Je le lui répète, qu'il est à moi et il n'en a jamais marre de l'entendre. Ça me rend dingue. J'en perds les racines de mes cheveux. Je perds tout, mes doigts dans sa peau qui se crispent contre sans rancune. Pâle. Rouge. Pâle. Bleue ? J'fais quoi, un arc en ciel ? Violet. Orange. J'lui peins du violet et je n'y vais pas de main morte. Rien n'est jamais mort, tout prend vie, le cycle s'accélère et je suis essoufflé, d'autant le travailler. T'en veux trop... Et je t'en donne tellement trop. Il va finir comme un tableau de Picasso. Un tableau où rien ne va. Un tableau peint par un être exécrable. Je suis dans sa peau. Le pinceau faisant office de remplaçant de mes dents aiguisées et de ma langue fourchue qui pourrissent sa peau de mes suçons impétueux. C'est vital. Mon cœur. C'est un signe, où je le désigne ? Merde, qu'est ce qu'il m'arrive. Qu'est ce qui lui arrive. On dirait qu'il s'est détaché pour taper de partout, comme un demeuré, ce putain de cœur bon à me tuer. Et il retourne sa veste, fais moi vivre organe de malheur, que j't'oublie le peu de temps qu'il me reste à grandir.

Comme un con j'remonte manger sa langue affolée, rose et au goût assuré, Maël, accro, addict, t'es pire que le shit. Inexplicable, il est inexplicablement bon et relevé. J'en veux plus, encore, comme la dernière fois, les autres fois. J'te touche, j'le touche, il s'affole, affoler est le maître mot de ce paragraphe, ne t'affole pas comme ça. J'vais pas pouvoir te retenir si tu continues de naviguer comme ça. Je rame sur lui. Mon bassin, il se défoule et s'entrechoque au sien, je me casse contre lui. Il gémis. Il couine. C'est quoi ce délire... Tu me fais me relever encore plus. Tu me fais alors grandir. Prendre en taille aux mesures disproportionnées. Tu me fais mouiller, on est dans l'océan. La mousse des vagues, tu captes ? Tu me fais des choses très compliquées et c'est dur de tout suivre. Tes doigts ressentent et ça t'amuse.

Et tu peux faire ton show, ton spectacle car c'est toi la vedette, l'acteur, le roi, t'es préparé et bourré de talent effréné. C'est à toi. Peins moi de tes mains nues, artistiquement, avec tes paumes, peins moi de blanc. Rends moi taré, tue moi, déchaîne moi, enchaîne moi, j'veux que tu m'étouffes sans pour autant que je ressente tes mains mijotées aux 1000°c sur ma gorge. Ça commence à serrer. Tout ce que Maël me fait... Je suis si proche de lui que j'ai l'impression qu'il pourrait retranscrire toutes mes pensées dans les siennes. Je suis dédié à lui, et il me comprend. À trop vouloir jouer, la lave m'a brûlé les ailes et je me retrouve sans rien, au bord du précipice mais c'est pas grave, il va me les prêter les siennes. Donne moi tout ce que tu as. Des vas et viens. Tout vient et va, ça s'enchaîne beaucoup parfaitement. Je bande, comme un gros malade. J'ai l'impression d'être un pervers en manque constamment de cette dose, de cette toxine qui coule dans mes veines quand il me touche de cette manière si grotesque.

— Léo...

Arrête de parler, arrête de me parler. Il ne s'en pas compte, que je ne peux plus aligner les mots. Je déteste les mots. J'en ai trop fait et c'est trop bien fait. Je suis si essoufflé que je n'arrive plus à rien. C'est si bon. C'est si... Maël. Pourquoi tu déformes mon prénom alors que t'es en train de me travailler ? C'est moi qui devrait t'implorer, à mon tour. Tes deux mains jointes entre elles, tes doigts vierges de bijoux, tu es au naturel, le naturel en train de procurer du plaisir naturel. Ma langue sur la sienne. La sienne sur la mienne. J'sais même plus ce que je fous. Je le touche, à deux, on se frotte ensemble. Mes hanches s'activent, la rame reprend et Dieu, que j'aime ça. Je suis tombé si bas alors tu ne risques pas de faire attention à moi de là-haut. Le nom que tu portes ne devrait être prononcé dans des moments pareils et même si les flammes du monde inverse m'emportent de nouveau lorsque je ressens l'arrivée de Maël, ayant une petite pensée pour le Paradis à cet instant précis est qualifié comme de la pure folie.

Je mélange tout. Aine et Amour. Je ne sais plus écrire. Parce que tout semble plus beau avec un A.

— Mon Amour...

Qui l'a dit. Qui vient de le dire... Je n'sais même plus, putain. Je ne sais plus rien. Je suis perdu, perdu dans une tempête détruisant mon chemin, m'emportant au loin, Maël, est que c'est toi cette tempête ? Il finit par neiger. Et il pleut aussi. Deuxième bulletin. Nos deux corps souillés, exposés, qui ont explosés dans un délire qui ne porte pas de nom. 7 minutes. Pourquoi tout passe si vite, le temps s'affole, les bonnes choses étant les racines de la finalité. Qu'est ce qu'on fout ? J'ai pas envie de me purifier et lui non plus. C'est sale, ignoble, sordide, sacré et on kiffe tout simplement ça. On s'est découvert des choses, on se choque, on s'ouvre, on s'expose et je lui choque ce cou à découvert. Encore. De nouveau. Il ne devrait pas autant m'en montrer, m'en donner autant... Voilà comment ça se finit quand il n'en fait qu'à sa tête.

J'ai été beaucoup trop gentil avec les 15 minutes. Peut-être que je devrais remettre le jeu à zéro. Même si je me sens libéré, j'ai encore envie de continuer, à jouer. Mes batteries ne sont pas encore usées. Remettre Maël au tapis, au lit, est d'un niveau gérable. Je me mens à moi-même, puisque c'est plutôt lui qui se décide d'attraper la manette. En deux trois mouvements, je me retrouve hors du terrain, hors zone, hors jeu, guidé par ses mouvements, des points de contrôles qu'il traverse avec facilité, son emprise instable flottant tout autour de mon corps. Ses marques s'intensifient au fils des secondes, je ne peux m'empêcher de les trouver de plus en plus belles lorsqu'elles mûrissent sous mes yeux corrompus. 

L'animosité à l'état sanguinaire. Anthropophage. Tout devient singerie. Tout devient bestial, animal, on s'échappe, on fuit, nos émotions galopent, s'envolent, trépignent, sursautent, périssent et tout devient carnage, en sang, un zoo laissé entre les griffes d'un humain cruel. Maël serpentine tel un boa sur mon corps assoupi, le dos soumis au matelas, terrible piège de mon prédateur, je me retrouve immobile tel un caïman dans une eau vaseuse et tourmentée, ma conscience se connectant avec l'accalmie du jaguar tandis que ses pantomimes en vain, deviennent tout aussi fébriles et recopient les mouvements d'un daim assailli par la rapidité d'un loup sauvage avide, insatiable. Les crocs taillés d'un tigre, préhension, l'émoi du lièvre, agitations, le chant d'un ara, vocalises, la méchanceté du scorpion, poison, les picotements d'une abeille, pressions, les gémissements d'une cigogne, frissons, les ronronnements d'un lynx, chansons, Maël s'attaque à mon torse et lance ses canines à l'aventure sous le contrôle d'une mâchoire affamée, enragée, comme si ces dernières voulaient traverser ma cage thoracique, n'ayant pas dégusté depuis cinq jours, le ventre tordu, arrivant ainsi à mes poumons, arrachés, suffoqués, je me retrouve sous l'emprise la plus totale, je suis complètement emprisonné, derrière les barreaux, me comparant à la finalité d'un pauvre lion croupi au fin fond d'un cachot. 

Contrôle, sonné. Mangé, bousillé. Sa langue sur la queue du diable, elle en aura parcouru des kilomètres de chemins sinueux pour en arriver jusqu'à là, jusqu'en bas. Le chant des oiseaux, le retour. Mes cordes vocales ne connaissent que son prénom. Deux sons. Deux voix. Surtout la mienne. Je le lui répète jusqu'à pouvoir lui faire siffler ses oreilles, et qu'il décède. Mourir d'envie, c'est clairement ce qu'on vit. Ce qu'on veut. Ce qu'on désire. On ne fait que du bien, non, on ne fait que du mal. Dès qu'on a notre dose, on en redemande de façon désespérée, tellement désespérée que ça devient de la dinguerie. Du silence, après la chasse. Le carnage des armes, les balles traversant nos peaux et se stockant à l'intérieur de nos deux organes vitaux, nous assommant de plus en plus fort, la fin étant aperçue au loin cachée d'un pur voile blanc. Dans nos cerveaux, c'est le déluge mélangé à la tempête. Dans nos cerveaux, on assistent à l'envol des oiseaux s'échappant au fin fond d'un ciel lumineux suite aux tirs multiples qu'on se vise mutuellement, comme deux cons, nos doigts appuyant aveuglement sur ces gâchettes sans cachette.

Battue en cours. À table, déguste moi. Sans couvert, sans baguette, sans rien, à même la bouche, deux lèvres pulpées tout autour, Maël perd ce qui fait de moi un véritable homme dans l'abysse de sa gorge. C'est profond, c'est doux, chaud, sombre et bizarrement agréable, humide, mon intimité aqueuse s'éprouve soudainement une passion pour la spéléologie, s'hydratant entre les stalactites et les stalagmites, résultat de l'écume de sa salive, de sa bave cristalline, me travaillant en délicatesse, me noyant dans une sensation indescriptible, aucun mot de la langue française ne pouvant décrire d'un court terme le ressenti de mon propre être, jusqu'à la profondeur de mon âme dépravée. Tout est placé, déplacé, mise en place, désorienté, je me relève et je m'abaisse, je reprends un quelconque contrôle sur moi bien que totalement mitraillé, c'est reparti, en guerrier mes doigts s'agrippent entre les mèches de ses cheveux qui virevoltent dans tous les sens, je suis le cyclone qui le décoiffe et je le trouve encore plus beau, encore plus attirant, surtout lorsque ses pupilles se lèvent vers moi. Haut, bas. Haut, bas. Haut, bas, bas, bas, bas et bas... Asphyxie. Dyspnée. Paralysie. Tout devient symptôme, ce mec me fout en putain de maladie.

Du cru, une gorge profonde. 2 minutes. Termine moi sous 2 minutes. Tout se finit en noyade, une jolie façon de me crever pour lui. Je n'aperçois plus rien. Crépitation sous mes pieds. Désintégration de ma peau. Bouffée de chaleur. Débordement de liquide dangereux sur terrain accidenté. J'peux plus me voir parce que j'ai coupé court à la vision, en transe, tombé dans la frénésie totale, fou à lier ce soir j'oublie tout, déménageant dans une autre galaxie, m'échappant sur le dos d'une fusée, l'âme en pétard. Mains tremblantes du au choc dans ses mèches brillantes d'étoiles, il finit par relever son doux visage vers le mien et j'aperçois là une constellation.

Nos souffles se mélangent presque, on expire le même air, les mêmes soupirs et les mêmes mots. Les mêmes plaintes, les mêmes surnoms, c'est mon reflet dans un miroir, ma partie, la moitié restante et je l'ai trouvé cette part, que je cherchais tant.

Je me vois en lui, dans ses pupilles étoilées, et je n'ai plus aucune honte de venir l'embrasser dans le cou, nos émotions decrescendo au fur et à mesure des secondes qui filent, comme la fin d'une musique, la fin d'un film, le son s'anéantissant jusqu'à ce qu'on n'entende plus que le silence, le silence et la taciturnité de ma chambre tantôt un foutoir. Le bazar est entre ses lèvres et il est magnifique, quand il est chaotique. Lui qui est si carré dans sa façon de faire, c'est un pur plaisir de faire de lui mon petit bordel.

Je le couche sur mon matelas désordonné, encore et toujours dans cette pénombre rassurante et envoûtante, je ne peux m'empêcher de lui marquer cette peau gentiment, me découvrant une certaine tendresse quand je m'applique à l'œuvre. Après tout ce qu'on s'est infligé, la chute devient du coton. C'est agréable, et je refuse de m'en détacher. La soirée se finit par du Netflix, nos deux corps cachés sous une couette qu'on approprie comme pur refuge. On se sauve de mes parents et de ma sœur, l'humanité de la Terre tombant dans l'anonymat total, ces derniers ayant trouvé d'autres activités pour terminer cette soirée en beauté de leur côté. C'est comme si on m'avait écouté de là-haut et qu'on nous avait accordé le droit d'avoir la paix. L'harmonie d'une accalmie.

C'est pas plus mal parce que dès la nuit tombée, on remet les choses sur le tapis. Jusqu'à tard, des heures que je ne cite pas. Nos deux corps et cœurs se perdant dans le manque constant de l'un et de l'autre.

Tout ça. Inexplicablement inexplicable. Aucun mot sur ce qu'on fout. C'est juste Maël et moi. Deux idiots faisant des idioties ensemble. Des trucs ne portant aucun nom, aucune définition propre. Parce que ces choses là, on les inventent à deux. On ne fait rien de normal ni d'anormal, tout est contradiction. Rien de tout ce qu'on fait à deux, lorsqu'on se retrouve seuls, ne touche à la normalité. On invente notre propre jeu, on efface les règles, les « on fait ça comme ça et cela comme ceci » deviennent des légendes, on se laisse aller guider par des trajets invisibles qui se dressent sous nos yeux, sous nos pieds, on fonce tête baissée dans un amas de sensations sans penser aux conséquences, abrutis par des merveilles, on brave et on affronte des circonstances impures et luxueuses, laissant notre animosité se manifester naïvement, sans fard, sans contrainte, sans ordre, la simple réalité propre de nous deux. Sans lui, je ne fais rien. Et Maël, sans moi, perd le bout du chemin. Deux corps, une chambre, deux âmes, captifs d'un pur et unique sentiment.

Une bulle qui finit par éclater lorsqu'un téléphone décide de s'activer lorsque ses doigts caressent de façon aléatoire mon crâne rasé, apaisés, l'écran de cet objet de fléau s'étant illuminé sur une notification urgente, venant d'une personne que je connais que trop bien. En lisant les petits mots qui semblent m'appeler à l'aide, mes sourcils se froncent et c'est comme si mon cœur venait de rater un battement, et cette fois-ci pour une mauvaise raison.

Kévin, même quand tu n'es pas là, c'est comme si ton esprit malin ne pouvait s'empêcher de nous déséquilibrer et de nous hanter, peut-être involontairement. Maël râle en apprenant la nouvelle et je me sens mal, ses mots devenant des maux. La chute est méchante et terriblement injuste. Mais je suis humain. Il s'apprête à débarquer et à bouleverser cette nuitée qui n'avait pas finit de s'aboutir sous nos douces plaintes. Les ténèbres se gâtent, et j'appréhende les minutes que l'horloge décide de stimuler.

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