PROLOGUE
C'était une nuit comme toutes les autres, beaucoup trop sombre pour y voir clair. Il était l'heure où les lumières du centre-ville scintillaient dans le froid nocturne. De multiples petits brasillements piquaient l'horizon, en forme d'immeubles et de gratte-ciel, mais pas un seul dans le ciel d'encre de ce soir.
La musique à fond, le sol de l'établissement tambourinait sous les secousses rythmiques. La porte principale en verre s'ouvrit dans un tintement quasi inaudible, sur la silhouette avachie d'un jeune homme qui entra d'un pas lourd à l'intérieur.
L'endroit assourdissant avait l'air dépeuplé. Seulement, les néons aux murs diffusaient une lueur bleue qui éclipsait la plupart des recoins obscurs. En réalité, le lieu était bondé. Le nouvel arrivant le constata à peine entre deux coups d'œil paresseux, quand il rejoignit le bar dans le fond.
Flâneur, il tapota pourtant nerveusement sur le comptoir phosphorescent en scrutant les alentours, avant de commander un spiritueux qu'il avala cul sec. Une seconde après, il fit signe au serveur pour encore remplir son verre, et dans une grimace écœurée, le but d'une seule traite. Puis il se frotta une main sur le visage, mais rien ne semblait réveiller son esprit engourdit.
Avec la rasade qu'il continuait de se verser dans les veines, il tituba bientôt vers la piste de danse, où il repéra rapidement sa prochaine cible. Le regard noir, il se précipita, accosta un fêtard en casquette et lui balança sa boisson à la figure.
Dans un mélange de colère et de confusion, l'individu le poussa violemment en arrière, et il lâcha subitement son récipient qui explosa tout près du pied de celui-ci. Le fracas interrompit le groupe autour d'eux. L'attention se tourna aussitôt vers le responsable.
Ses fossettes se creusèrent peu à peu, tandis qu'il se moquait sans le moindre remord, derrière un rictus des plus narquois. Un sourcil relevé, il remua la tête sous le nez du client, et agita ses bras en signe de provocation.
Ainsi, le premier impact surgit, et les suivants se succédèrent les uns après les autres. Une giclée de sang éclaboussa de rouge l'épaule de sa veste en cuir, et le fit éclater de rire. D'emblée, l'inconnu l'empoigna par le col de son sweat à capuche, et une énième collision plus tard, il se retrouva par terre.
Ricanant de plus belle, il recevait les poings comme des compliments, pendant que les premiers vertiges se profilèrent. Il se redressa, puis glissa et fit une deuxième chute, les paumes appuyées contre certains débris de glace. Pour autant, le risque de se couper ne lui faisait pas peur. Il alla jusqu'à presser de tout son poids dessus en se relevant.
Néanmoins, son front heurta plus de phalanges qui l'obligèrent à rester allongé. Effondré au plancher, il observa un fragment de son reflet dans le miroir brisé qu'il découvrit sous l'une des banquettes. Sale gueule, pensa-t-il en voyant son teint pâle.
Malgré tout, la douleur des chocs effaçait le reste. Son sourire malicieux s'étira avec les coups qui s'enchainaient. Contre son abdomen. Dans ses côtes. Sur son crâne. Des points brillants flottèrent alors de plus en plus dans son champ de vision, et il l'atteignit enfin, cet espace rempli d'étoiles. Il la sentit, cette grande impression d'entrer dans la Galaxie.
Le grain du bitume râpa brusquement le tissu de son pantalon lorsqu'il se fit trainer dehors, sur le parking désert du club. Les faibles températures lui mordirent lentement les extrémités, au moment où un épais panache blafard et aussi âpre que de l'acide lui échappait de la bouche.
C'était toujours pareil. On le sortait de force, et il avait ce sentiment à nouveau d'être piégé dans du goudron visqueux. Le blanc de ses yeux rougit, puis ses pupilles dilatées devinrent douloureuses sous le halo fantomatique du lampadaire qui le contemplait d'en haut.
Soudain, le vibreur de son portable lui chatouilla le flanc. Il l'extirpa de sa poche, tapa quelque part sur l'écran pour répondre à l'appel, retenta plusieurs fois la manœuvre avant d'être sûr d'avoir décroché, dès qu'il entendit la voix irritée de sa manageuse scander son nom depuis le haut-parleur.
― Hey ! Salut Sophie ! dit-il en posant l'appareil sur son torse. Comment tu vas ?
― Bordel! Lenni ! On peut savoir ce que tu fabriques ?
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