► 07

"...

- ...

- Vous n'avez pas idée."

- C'est de la folie...
- Mais tu avais raison ! Il faut que quelqu'un trouve ces foutues lettres.

S'il est encore pâle, ses mains ne tremblent plus. La même chemise depuis des jours. Une maison abandonnée, en marnes noires, au bord du précipice. Ils ont volé des conserves dans les résidences secondaires désertées, un peu d'eau au fond de la vallée. Jungkook a béni souvent leur idée de prendre la trousse à pharmacie. Le sang sous la peau, sur la peau, au fusain.

Il n'y a pas que les tremblements qui ont cessé. Le regard de Taehyung est acéré. Il a recouvré toute la haine, toute la fureur. Celles qui lui ont permis de faire ce qu'il fallait. Et de survivre, aussi. Il a retrouvé une raison de se battre.

Une ampoule pend au plafond, vacille un peu, les volets sont cassés. Les pierres sont glacées.

Il a retrouvé une raison de sacrifier tout ce qui lui reste, sans un regret. C'est terrifiant. Il serait prêt à tuer. Jungkook l'a compris, un autre soir, autour d'une lumière faible, leurs mains jointes sur la table. Ce pouvoir immense de ceux qui n'ont pas besoin de voir leur gloire s'ils savent qu'elle existe, ou existera.

- Alors quoi ? On prend quelqu'un au hasard ?
- Non... on peut trouver un moyen de pression.
- Ah oui ?

Taehyung soutient le regard de Jungkook, puis baisse les yeux. La colère fait trembler sa voix.

- On n'a plus rien, pas vrai ?

Il se lève brusquement, la chaise grince sur la pierre polie. Les deux paumes sur le bois.

- On trouvera. On a pas le choix. Tu dis rien Jungkook, mais je sais que toi aussi tu l'as vue. La voiture, dans les virages, qui nous a suivis toute la nuit. Ils vont nous retrouver. Ils sont peut-être déjà là. C'est déjà fini. On a plus le choix.

Il lui tend une main sans faiblesse.

- On a plus le choix. Viens.

Ils claquent la porte de la masure, sautent dans la voiture. Il n'y a plus beaucoup d'essence, Taehyung ne passe pas les vitesses dans les descentes. Des phares, en embuscade. Ils ne savent plus si ce sont des reflets, si ce sont des assassins qui les tueraient à la moindre imprudence. Ils n'écoutent pas ces pensées-là. Ils écoutent la cassette. Toujours la face A, Min Yoongi écrit au stylo bic. Mais ils ne veulent pas le connaître. Ils ne veulent pas le savoir. Cette voiture n'est plus la sienne, ces chansons ne sont plus les chansons qu'il aime, lui.

Ce sont les chansons de leur fuite, de leur survie, de leur victoire sur lui. Dans le matin, les chênes verts et les pins disparaissent pour laisser place aux oliviers. Le soleil. Le monde est couvert de jaune. C'est presque obscène, comme il vient éclairer leurs visages de spectres et le sang sur leurs mains.

Il n'y a plus d'essence. Taehyung s'arrête au dernier village, perdu dans la plaine, sous une rivière qui saigne jusqu'aux lavandes.  Les cigales. Des chats dans l'ombre des murets.

Un regard, Jungkook lui offre un sourire. Un baiser maladroit, qui dure un peu. Ils retiennent quelques larmes quand vient les embrasser la douleur. Les regrets. Ils ont tout perdu comme d'autres ouvrent les yeux. Ils se laissent un instant en proie aux sentiments. Un instant, pas longtemps. Ils n'en ont pas le droit. Ils n'ont plus le choix.

Leurs pieds sur les graviers. Cette maison, au loin, bordée de haies. La seule dont les volets sont ouverts. Ils marchent d'un pas lent. Les assassins les ont laissés, si peu. Et ils frappent à la porte. Leur destin se signe à cet instant. C'est terrifiant. Il ne faut pas y penser.

Jimin ouvre avec un sourire. Et ils entrent sans hésiter.

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