► 04

"Je peux vous dire une chose. Ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient. 

- C'est-à-dire ? 

- Une chose, commissaire, pas deux. 

- Vous les avez tués, pas vrai ? 

- Vous ne pourrez rien prouver. Rien. Nous ne jouons pas dans la même cour, commissaire."

Hoseok a une cicatrice sur le front, il a escaladé tous les arbres du jardin. Ils n'ont rien trouvé. Évidemment. Le salon est silencieux et c'est un peu lugubre. C'est comme s'il ne s'était rien passé. Il prend le livre, sur la table du salon, en faisant attention à garder la page. Il ne sait pas pourquoi. C'est un beau livre, un vieux livre à la couverture jaune. Le meurtre de Roger Ackroyd. Il vaut mieux croire aux coïncidences. 

Hoseok n'a pas peur, il ne fait que son métier. Mais tout de même. Et Namjoon a disparu depuis un peu plus d'une heure. Il repose le livre avec douceur, exactement comme il l'a trouvé. Comme s'il ne s'était rien passé.

Un téléphone sonne, Hoseok sursaute. Il a besoin de vacances.

- Namjoon ?
- J'ai trouvé quelque chose, dans la grange au bout de la rue.

Le commissaire a l'air essoufflé, sa voix n'est pas aussi posée qu'à l'ordinaire. Hoseok n'ose se demander si c'est une bonne nouvelle.

- J'arrive.

Une route étroite, sur le flanc de la montagne. La voiture rouge longe quelques belvédères, fenêtres ouvertes. Les ombres des chênes verts en alternance sur le goudron. Le fleuve au fond de la vallée recouverte de lumière. Les gorges du Verdon.  Taehyung freine dans les virages mais quelques volutes de poussière s'échappent. Un autre jour, ils ne seraient que des touristes dans ces paysages de carte postale. Jungkook s'efforce de ne pas trop y réfléchir. D'autres pensées viennent prendre la place vacante. D'autres pensées pas beaucoup plus réjouissantes. Il rompt le silence.

- Tu crois qu'ils ont déjà compris ?

Taehyung répond sans hésiter comme s'il attendait qu'il pose cette question.

- Comment ils pourraient comprendre ?
- Les lettres... Ils vont chercher les lettres.

Taehyung freine un peu brusquement. Le virage est encore plus serré. Ils sont presque au sommet du col.

- Ils n'iront pas les chercher là où on les a cachées.
- Mais si personne ne les trouve...
- Si personne ne les trouve, on n'aura pas fait tout ça pour rien. Si quelqu'un les trouve, tu peux être sûr que ce sera eux. Alors on ne sera jamais assez loin pour qu'ils ne nous retrouvent pas.

Jungkook repose son crâne contre la vitre, les yeux sur les vallées, les rochers, les apics qui défilent. La voix plus basse, il laisse s'échapper la vérité qu'ils refusent d'énoncer depuis deux jours.

- Yoongi n'y a pas cru.

Taehyung ne répond pas. Ses yeux humides le trahissent. Puis ses sourcils se froncent, les commissures de ses lèvres se lèvent sous l'effet d'un effort extrême. Il offre à Jungkook tout l'espoir qu'il lui reste.

- Alors, mon amour, on n'a plus qu'à profiter autant qu'on le peut.

Le moteur rugit. Les jointures de ses doigts blanchissent autour du volant encore recouvert de tâches brunes. Au sommet du col, au sommet du monde, Taehyung sort de la voiture en laissant la portière ouverte. Il s'élance jusqu'au rocher taillé sur lequel est gravé l'altitude. Il court sur les pierres, sur la poussière. Il court jusqu'au rocher sur lequel il saute avec agilité, ignorant tout ce qui fait de lui un fantôme. Ignorant la faiblesse de ses jambes, de ses mains. Il lance un cri à l'univers. 

Jungkook le regarde en souriant depuis le siège passager. Un sourire teinté de regrets, sans doute. Les yeux brillants. Rien ne sera plus jamais comme avant. 

Quand Taehyung tangue, Jungkook le retient. Il lui tend la main pour le rejoindre sur la pierre. Sa main où le sang court un peu. Jungkook a l'impression de ne plus être le même que cinq minutes plus tôt. Un nouveau sentiment a pris possession de lui.

On ne peut le croire avant de le vivre. On n'est jamais plus libre que lorsque l'on a tout perdu.

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