La marque étoilée... C'était comme celle qu'elle même avait. Mais en quoi étais ce une malédiction ? Tsinna se sentit gagnée par une étrange sensation. C'était bien la première fois qu'elle avait à ce point envie de lire un livre. Elle s'en étonnait mais seulement à moitié. Elle n'était pas seulement grisée par l'histoire du capitaine mais également par le fait qu'elle ait eu à la fois tort et raison.

Elle reprit la lecture sans plus attendre. Elle ne comprenait pas comment le pouvoir de l'étoile pouvait devenir une malédiction. Pour elle, ce don du ciel était son salut, sa seconde vie, son départ vers la joie et la liberté. Comment cela pouvait-il devenir un fardeau, un châtiment ? Elle avait l'impression que le caractère du capitaine n'était pas étranger à la suite des événements. 

"J'ai alors manifesté d'étranges facultés télépathiques. J'ai pu lire dans les esprits des hommes. Petit à petit, j'ai su lire les pensées et voir le destin de certaine personne. Je me sentais étrange à moi-même mais tellement forte et puissante ! C'était comme les rêves de toute une vie accomplis, enfin. Ce pouvoir avait quelque chose de grisant qui détruisait toute forme de jugement rationnel. 

La suite de mon aventure montrera ce qu'il advient des hommes qui poussent l'audace trop loin.

Un soir, alors que je tentais de m'affranchir des limites terrestres pour découvrir le ciel, une voix est venue à moi. Tu es la clef vers la Montagne d'Argent qui mènera vers le Monde Inconnu, a-t-elle dit. Mon assurance et mon envie de gloire montèrent encore d'un cran. C'était dangereux, mais je ne m'en rendais pas compte. J'ai alors ouvert les yeux, voyant le monde différemment. Je voyais un monde de gloire où je pouvais être en maître et punir ceux qui avaient ôté la vie à mon père et ma mère. Je voyais un monde où mon pouvoir serai roi et moi reine. Je voyais mon monde et celui de personne d'autre. 

Galvanisée par la perspective de mener la vie dont je rêvais, j'ai usé de mes pouvoirs pour en connaître la moindre spécialité. Petit à petit, j'ai réussit à déplacer des objets, à leur faire faire ce que je voulais.

Mais je n'étais pas satisfaite. Avec beaucoup de patience, je suis parvenue à manifester des sorts, comme dans les légendes. Ils étaient puissants, capables de tirer des laser de feu, d'avoir un bouclier devant moi et bien d'autre chose encore. J'en ai enfermé une infime partie dans le joyaux du monde Inconnu pour m'en servir une fois là-bas (car j'étais certaine d'y parvenir).

Tsinna était sidérée par la puissance que Kariane avait acquise lors de son exil. Elle qui avait mal à la tête rien qu'en se projetant dans la tête des autres. Mais ce qu'elle lut ne lui donna plus envie d'exploiter son pouvoir.

En tout cas, elle ne s'était pas trompée sur un point : le capitaine était un être ambitieux et cela pouvait la pousser à devenir mauvaise. Elle en avait cependant déjà payé le prix, Tsinna le comprenait maintenant. 

"Aussitôt avoir fait ceci, j'ai mis sur pieds ma propre équipe de pirate. Des hommes et des femmes loyaux et cherchant la gloire que les pirates des Hautes Mers leur avaient enlevée. Avec mes pouvoirs, j'ai créé le navire pirate le plus performant de son temps. J'en suis fière aujourd'hui encore. Son nom entrera dans les mémoires car seul le temps pourra le couler. Souvenez-vous en en lisant ces pages : Le Spectre Oublié.

J'ai promis à mon équipage la gloire et la richesse car elles étaient mes seules préoccupations à ce moment là. Comprenez-vous ? Quand on vit loin du monde, on veut se prouver à soit-même qu'on vaut encore autre chose.

Une fois avoir repris la mer, je me suis liée d'amitié avec Kreg, un marin fort sensible et sans pitié à la fois. Lui aussi n'avait plus de famille et c'est principalement cela qui nous a rapproché. Kreg est un formidable compagnon d'arme et un exellent pirate.

J'ai dix-huit ans en ce jour et ma soif de pouvoir me fit exploiter mes pouvoirs encore plus profondément. Je voulais contrôler le vent et la mer. Être le seigneur des océans et régner sans partage. Pour toujours. Etre la seule et l'unique. Régner sans partage. 

Grave erreur de ma part.

L'écriture se faisait chevrotante et mal assurée, comme si Kariane avait perdu l'usage de ses mains.

Ils sont alors descendus, les guerriers du ciel, pour m'en châtier. Aucun mortel ne devait avoir autant de pouvoir que ceux que j'avais acquis. Aucun mortel ne devait désirer le ciel car le ciel appartient à une autre dimension. Aucun mortel ne devait tenter de maîtriser les vents et océans car ils avaient toujours été libres de toute emprise. Ce que j'avais fait était impardonnable. Il fallait un châtiment.

Mettre cet événement par écrit est extrêmement difficile. Je viens à peine de retrouver une partie ma vue mais la douleur de se sentir à nouveau faible est bien là. 

L'un des guerriers a posé son doigts sur mon étoile et à enfoncé son ongle dedans, de sorte à la couper en deux. j'ai sentit le sang s'échapper de la plaie en même temps que l'essence puissante de la marque étoilée s'échapper pour retourner aux cieux.

Mon corps était comme vide. Ce fut la première étape. Puis mon corps m'a brûlée pendant que toute ma puissance s'en allait. Mais j'en ai retenu une partie dans mes mains. Puis un rayon de lumière a frappé mes yeux, me faisant perdre ma vue, pourtant si précieuse à un être humain. Je n'ai pas vu la lumière du jour ni le velours de la nuit pendant un an entier.

Maintenant, ma seule magie réside dans mes mains. Cette magie là aucun Guerrier du ciel ne pourra me la voler ou dans le cas contraire je mourais avant de souffrir encore. Elle est mienne et je suis sienne. 

Mais je dois bien l'admettre, ma magie n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était.

Il y eut une page blanche laissée, sans doute pour indiquer les jours que Kariane avait passés dans le noir sans voir et sans écrire. Tsinna ne parvint pas à décrire ce qu'elle ressentait. Elle décida de ne pas chercher plus loin pour le moment et de continuer de lire sans se poser de question. Le journal reprit.

"Mais le pire, je pense, s'est de sentir le vide de l'espace et de la mort près de soit à chaque seconde et, quand j'ose toucher mon joyau, des griffes s'enfoncent dans mon cœur.

Je ne supporte plus la lumière du jour, même aujourd'hui, alors je porte un bandeau sur la tête mais les mailles sont fines si bien que je peux voir certaine chose.

C'était donc pour cela que la pirate donnait par moment l'impression de savoir où tout se passait comme si elle voyait.

Mais ce bandeau me sert aussi à cacher ma marque étoilée détruite car si elle venait à être en contact avec la lumière du soleil, les conséquences en seraient imprévisibles.

Lorsque j'écris, c'est la nuit, sous la douceur des étoiles et de la lune avec les souvenirs de mon père et de ma mère à mes côtés. Je les ai déçus et je ne me suis pas montrée digne d'eux.

Dorénavant je ne suis plus Kariane, fille d'Opalin Tricey, non.

Je suis le pirate abandonné des guerriers, la créature rejetée par le ciel, donnez-moi le nom que vous voudrez quand vous conterez ma légende, mais s'il vous plaît contez-la pour que personne ne face les même erreurs. 

Mais je veux tout de même atteindre la Montagne d'Argent pour honorer cette promesse. Quand je l'aurait atteinte, alors je me retirerai pour laisser place à de nouvelle légendes. Mais jamais on a le droit d'abandonner. Même étant maudit.

C'est ceci ma plus grande leçon, je l'ai apprise en ce jour de mes dix-neuf ans.

J'ai aujourd'hui vingts ans. Ce passage de ma vie est bien loin derrière moi, maintenant. Jamais plus n'en parlerai. Je remercie Kreg pour m'aider dans les moments difficiles.

Il y a une fille maintenant à bord de ce navire. La cinquième créature marquée de l'étoile qui foule ce navire après moi. Tsinna elle s'appelle. Une étrange fille sans qualité apparente.

« Ah ben merci, soupira Tsinna . »

Elle se rie de moi et de mon équipage, l'insolente. Elle use de son pouvoir mais pour parvenir à ses fins, comme moi jadis. Je ne sais pas si je me dois de la laisser poursuivre sa route pour lui faire payer son insolence, ou l'empêcher de suivre la même voie que moi.

Mais maintenant elle me demande de lui avouer mon secret. Cela n'arrivera jamais car il n'y a pas qu'un moyen de se rendre à la Montagne d'Argent, je le sais.

Mais une question hante mon esprit : pourquoi avoir à nouveau choisit une humaine ne possédant rien pour trouver la Montagne, Guerriers du Ciel ? Pourquoi hein ?

Mais je sais que jamais vous ne me donnerez la réponse, maintenant que vous vous êtes tournés de moi.

Le journal s'arrêtait là.

Tsinna le reposa, l'esprit si embrouillé qu'elle ne remarqua pas Kariane adossée au mur, immobile.