{PDV BLAKE}

Blake tenta de se concentrer sur le discours du professeur Archibald, mais son esprit continuait de vagabonder. Le regard rivé sur le carnet de Lexa, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un mélange troublant d'embarras et de confusion. Pourquoi cela la touchait-il autant de se voir ainsi dessinée ? Si c'était l'un de ses amis, elle aurait peut-être trouvé ça amusant, mais avec Lexa, c'était différent. Il y avait une sorte de tension électrique entre elles, une ligne invisible que Blake ne pouvait ni comprendre ni ignorer.

Le professeur parlait de la Terreur, de Robespierre et des exécutions publiques. Blake essayait de fixer son attention sur les mots qui défilaient, mais ses pensées revenaient toujours à ces dessins. Le crayon de Lexa glissait doucement sur le papier, traçant des contours, ajoutant des ombres, chaque trait renforçant la silhouette sombre qui prenait vie sous ses doigts habiles. Les griffes acérées, les crocs menaçants, tout rappelait à Blake ce qu'elle était devenue.

Elle sentit son cœur s'emballer, ses joues se teinter de rouge. Elle luttait pour contrôler ce rougissement qui trahissait sa nervosité. Lexa, assise à ses côtés, semblait parfaitement à l'aise, l'air absent, absorbée par son art. Pour Blake, cependant, c'était comme si ce carnet n'était rien d'autre qu'un miroir, reflétant une image qu'elle n'osait pas encore affronter.

« Pourquoi ça me fait cet effet de voir qu'elle me dessine ? » pensa Blake, les mains tremblantes sur sa table. C'était plus que le simple fait de voir une représentation d'elle-même. C'était la conscience aiguë que Lexa, sans même le savoir, capturait une partie d'elle qui lui échappait encore. Si seulement elle savait que la créature de ses croquis était en réalité celle qui l'avait sauvée cette nuit-là.

Blake se perdit dans le rythme monotone des paroles du professeur, tout en laissant son regard dériver vers les fenêtres de la salle de classe. Les arbres au-dehors étaient agités par le vent, leurs feuilles jaunes et orangées virevoltant en une danse automnale. Mais même cette vue, d'ordinaire apaisante, n'arrivait pas à chasser le tourbillon d'émotions qui l'habitait.

Lexa interrompit soudain son dessin pour tourner la tête vers Blake, son regard perçant brisant la fragile tranquillité de son esprit. « Tu veux ma photo ou quoi ? Arrête de fixer mon carnet comme ça, c'est chelou... », dit-elle avec un sourire en coin, ses yeux brillant d'une lueur malicieuse.

Blake sentit une bouffée de honte la submerger, comme si elle avait été prise en flagrant délit. Elle baissa immédiatement les yeux, fixant la surface de son bureau comme si elle pouvait y trouver une échappatoire. « Désolée... », murmura-t-elle, la voix tremblante, le rouge aux joues, avant de tenter de se reconcentrer sur le cours, espérant que la conversation s'arrêterait là.

La sonnerie retentit enfin, mettant fin à l'angoisse de Blake. Les élèves commencèrent à se lever, rangeant leurs affaires dans une vague de discussions et de rires. Blake prit une grande inspiration, tentant de calmer les battements affolés de son cœur. Alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la classe, elle entendit Lexa murmurer, à peine audible, « T'as vraiment un souci, toi... » avant de s'éclipser.

Blake resta figée un instant, ses pensées se bousculant dans sa tête. Elle se dirigea ensuite vers la cafétéria, où Danaé et Lee l'attendaient déjà. Danaé, blonde, avec ses cheveux soigneusement brossés en de jolies boucles, ajusta ses lunettes sur son nez en voyant Blake approcher.

« Tiens, t'as réussi à survivre à la matinée », dit-elle en lui tendant une gourde avec un sourire moqueur.

Blake saisit la gourde et hocha la tête
reconnaissante.

« Merci, Danaé. »

« J'espère que ça suffira... je veux pas que ma mère découvre que... » Danaé lui répondit mais s'interrompit, jetant un coup d'œil autour d'elle, se sentant soudain exposée. « ...que je pique du sang », termina-t-elle à voix basse.

Lee éclata de rire, mais d'un rire doux, sans méchanceté. « Eh bien, on fait ce qu'on peut pour éviter la catastrophe, pas vrai ? »

Blake leur adressa un sourire sincère. « Vous êtes vraiment les meilleurs. »

Ils prirent place à une table près de la fenêtre, profitant de la lumière naturelle qui baignait la pièce. Blake dévissa le bouchon de la gourde, prenant une gorgée du liquide épais et métallique qu'elle contenait. Elle sentit immédiatement une vague de soulagement la traverser, son corps se détendant tandis que le sang apaisait la soif qui la tourmentait.

« J'espère juste... ne plus jamais me retransformer en cette chose... », murmura Blake, plus pour elle-même que pour ses amis.

Danaé leva un sourcil. « T'es une Leechwolf, Blake. Toutes les pleines lunes, tu te transformeras, et il faudra te nourrir. Sinon, tu risques de rester coincée dans cette forme hideuse... »

Blake laissa échapper un ricanement. « Sympa... »

Mais au fond, les paroles de Danaé la troublaient. Blake savait que ses transformations n'étaient pas limitées aux nuits de pleine lune. Elle se souvenait parfaitement de la fois où elle avait secouru Lexa du dealer. Ce n'était pas la pleine lune ce soir-là, et pourtant, elle avait senti les griffes et les crocs émerger, son corps se transformer en quelque chose d'à moitié humain, à moitié bête. Et il y avait eu cette autre fois, en pleine journée, dans les toilettes avec Danaé... Le mystère de ses transformations restait entier, une énigme qu'elle devait résoudre avant qu'il ne soit trop tard.

Les heures de l'après-midi passèrent dans une torpeur. Blake tentait de suivre les cours, mais son esprit était ailleurs, hanté par des pensées sombres et tourmentées. Le visage de Lexa revenait sans cesse dans son esprit, tout comme les dessins qui semblaient capturer son âme.

Quand la journée scolaire toucha à sa fin, Danaé proposa à Blake et Lee de passer la soirée chez elle. « Ça nous changera les idées », dit-elle avec un sourire encourageant. Les trois amis montèrent dans la jeep de Danaé, roulant vers les maisons de Blake et de Lee pour qu'ils récupèrent quelques affaires pour la soirée. La route se fit dans un silence presque confortable, chacun perdu dans ses pensées, les paysages défilant sous un ciel de fin d'après-midi teinté de rose et d'orange.

Chez la blonde, l'ambiance était toujours chaleureuse. Sa mère, une femme petite et énergique, les accueillit avec un sourire rayonnant. Après un dîner simple mais délicieux, ils s'installèrent dans le salon, un thé chaud et des biscuits maison devant eux. Lee avait choisi un film d'horreur classique, un de ceux qui vous font sursauter à chaque instant.

Blake s'enfonça dans le canapé, une couverture sur les genoux, regardant l'écran d'un air absent. Les images du film défilaient, mais elle n'arrivait pas à s'y plonger. Son esprit revenait toujours à cette forêt sombre, à ce hurlement inhumain qui résonnait dans la nuit, et aux visages de ses amis figés dans la terreur.

Elle se força à sourire en se tournant vers Lee et Danaé. « J'aurais pu être le monstre de ce film, il y a peu... »

Ses deux amis éclatèrent de rire, hochant négativement la tête.

« Bah quoi ? » demanda Blake, feignant l'innocence.

Lee la taquina. « On te donne du sang et le méchant loup devient un bon chien ! »

Blake pouffa de rire, attrapant un oreiller qu'elle lança sur lui. « Fermez-la, bande de traîtres ! »

Ce fut le signal pour une bataille d'oreillers qui éclata dans le salon, les rires éclatant dans l'air, chassant pour un temps les ombres qui hantaient Blake.