Nouvelles #1
Bonne lecture <3
Cours, Cynthia, cours. Ne regarde pas en arrière.
Mes pieds martèlent le sol, mon cœur tambourine contre ma cage thoracique, mes larmes se mélangent avec la pluie et mon souffle se mêle au vent qui emporte ma joie vers de nouveau environs. Mes vêtements trempés me collent à la peau et mes cheveux m'obstruent la vue. Une voiture passe devant moi et m'asperge d'une eau noire, sale, comme mon âme. Sur la branche du plus haut arbre, un corbeau me regarde passer et ses yeux perçants semblent lire à travers moi. Comme si j'étais blanche, pure, lisible, compréhensible.
Je continue à courir et du coin de l'œil je vois un rideau bouger. On m'observe, on m'observe toujours. Tout le temps. Je n'ai pas d'intimité, pas de secrets, pas de vie. En arrière de moi, à une centaine de mètres environ, j'entends les battements frénétiques des ailes du corbeau qui coupe l'air en millier de morceaux. En avant, une terre irrégulière qui m'empêche de courir à pleine vitesse, qui m'empêche de m'enfuir vers de nouveaux horizons.
La pluie s'accentue, les rafales de vent se déchainent davantage, les corbeaux croissent, les voitures défilent devant mes yeux sans jamais s'arrêter pour m'aider. Je vois les conducteurs tourner la tête et me dévisager des pieds à la tête. Je sais qu'ils me voient comme je suis présentement : perdue et au fond du gouffre. Nos regards se croisent à chaque fois, je souris pour les amadouer, ils tournent la tête comme je n'existais pas et ils partent en faisant crisser leurs pneus. Ils s'enfuient comme s'ils avaient peur de moi, comme si j'étais un monstre, une personne abominable. Ils sont libres de penser ce qu'ils veulent, mais ça me fait mal de savoir que je me fais juger à cause de mon apparence. Certes, mes vêtements sont remplis de boue, mes bras parsemés d'égratignures et mes cheveux coupés ras. Mais ce n'est pas ma faute tout ça, c'est la leur. C'est eux qui ont cru qu'ils avaient le droit de contrôler mon corps et mon esprit. Ils m'ont brisé sans aucune pitié et ils n'avaient eu aucun remords quand ils ont vu ce qu'ils m'avaient fait. À cause d'eux, j'ai peur d'être dans le noir, j'ai peur de la chaleur, j'ai peur des hommes, j'ai peur des animaux, j'ai peur d'être entourée d'inconnus en blouse blanche. J'ai peur d'être moi tout simplement.
Continue de courir Cynthia, ne t'arrête pas.
Mes gestes deviennent plus lents, mon souffle s'entrecoupe et mon cœur bat la chamade. Je ralentie l'allure avant de m'écrouler face la première dans la boue. Mes doigts s'enfoncent dans la terre molle et cherche un appui, n'importe quoi qui puisse m'aider à m'immerger de cet enfer.
Creuse, Cynthia, creuse. Creuse comme si ta vie en dépendait!
Oui, je dois creuser. Ma liberté est caché quelque part, enfouie six pieds sous terre. Je me redresse tant bien que mal et me met à genoux pour avoir une meilleur prise. J'enfonce mes deux mains dans la terre et commence à creuser sans m'arrêter. Un gros tas de terre prend forme à ma gauche et un trou apparait devant mes yeux. Un trou pouvant accueillir un corps.
LÈVE-TOI, CINTHIA! SAUVE-TOI!
C'est la voix de maman. Non, c'est impossible. Maman est morte, papa l'a tué quand j'avais quatre ans! Il a dit qu'il était libre de la tuer en soutenant que l'humain avait plusieurs droits et que la liberté de tuer sa femme en faisait partie.
« C'est pour son bien. » m'avait-il dit quand je suis arrivée dans le salon, en pyjama. J'avais trouvé le corps inerte de maman et papa était penché dessus, un énorme sourire au visage.
« Elle a quoi maman? » ai-je demandé en me réfugiant dans les bras de mon père.
« Elle est libre ma chérie et un jour, ça sera à ton tour. » m'a-t-il répondu en m'embrassant sur le front.
C'est à ton tour Cynthia, ta tombe a été creusée.
Je lève la tête dans l'espoir de voir le ciel une dernière fois mais je me fais brutalement poussé. Mes bras et mes jambes s'agitent inutilement et mon crie se perd dans ma chute. Tout ce que j'entends avant de fermer les yeux à tout jamais c'est cette discussion :
- Elle est morte, elle n'a pas survécu à l'expérience.
- Dommage, elle était très belle.
- Et bien, maintenant elle est libre. Elle rejoindra sa mère.
- Et oui, la mort c'est la liberté. On va se prendre un café? J'ai entendu parler d'un superbe restaurant...
Et ensuite, mon cœur cesse de battre, mon esprit cesse d'être tourmenté et je peux enfin être moi. Je peux enfin être la jeune fille de dix ans qui ne voulait qu'être libre, qui ne voulait qu'être elle-même.
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