📚 Yggdrasil : La Bataille des Arches
Contient quelques petits spoils, go à la conclusion si vous voulez vous en prémunir.
Avancement de lecture : Livre XII
Yggdrasil : La Bataille des Arches. La première chose que ça m'évoque, c'est une saga scandinave, une épopée où les dieux se mêlent aux hommes pour sang et gloire. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant le chapitre 1 !
Résumé : Tim et Mac sont deux gars visiblement très poisseux, puisqu'après avoir été condamnés pour de misérables larcins, les voilà envoyés aux Svalbard, au front d'une guerre mondiale qui ne les concerne pas. En visitant le grenier du monde sur l'île de glace (qui a un peu fondu avec le réchauffement climatique), Tim découvre une arche qui le propulse dans un nouveau monde : Yggdrasil.
Nous avons donc affaire à un isekai.
...
Malheureusement, je suis allergique à 3 choses dans ce monde : le pollen, Noël et les isekai. Vous pouvez avoir la plume d'un Apollinaire, la capacité de conteur d'un Tolkein ou la maîtrise du suspens d'un Stephen King, si le pitch de l'histoire c'est « un héros lambda découvre un monde magique en péril et, étant l'élu de Truc Muche, devra le sauver », il y a peu de chance pour que j'accroche. Donc je suis désolé, Yiigdrasil, mais ton roman ne partait pas avantagé. Cependant, intrigué par le début original (notre monde mais différent de notre monde), j'ai eu envie de pousser. Peut-être que cette histoire parviendrait à pourfendre mes préjugés injustes ?
Pari réussi ?
Ehhhhhhh.... Je vais commencer par dire que si, vous, vous appréciez la fantasy classique avec ce genre d'intrigue : foncez. Le roman a de très bons atouts dont je vais m'efforcer de parler de mon point de vue de profane.
Une écriture prenante :
J'ai vraiment pris plaisir à me plonger dans les passages descriptifs de qualité. Ils regorgent de petites merveilles de vocabulaire et autres belles trouvailles. Ça donnait au texte une profondeur et surtout une ambiance incroyable. Les scènes étaient parfaitement graphiques et j'avais l'impression de voyager dans des décors de fou avec des tambours puissants en fond sonore.
Je dirais quand même que ça reste assez inégal : certains paragraphes étaient une dinguerie, un sans-faute ; d'autres étaient un peu plus bancals (phrases inutilement longues ou tortueuses, verbes faibles ou vocabulaire moins recherché). L'histoire est encore un premier jet, non ? D'ailleurs il y avait quelques fautes d'orthographe / coquilles / mots à la place d'autres / des termes pas toujours écrits de la même manière (Valandil, Giallarhorn, Vaïo'ra, Itô...) ou des majuscules à des noms communs (Heidrun) et oubliés à certains noms propres... Petit « rechercher, remplacer » pour tout homogénéiser serait pas mal. Mais bon, ce n'est pas très grave, ça va disparaître à la relecture.
> Je relève un passage que j'aime bien. J'ai trouvé très astucieuse la comparaison avec le tambour qui est assez récurrent pour parler des remembrances des Arcanes, entre autres.
Globalement, c'est très plaisant à lire. Je me suis senti immergé dans l'ambiance que tu voulais dépeindre et je pense que c'est le plus important : réussir à dépayser le lecteur et à lui faire ressentir l'atmosphère de tes différents tableaux.
Un univers (trop ?) riche :
L'histoire m'a pris au dépourvu dès le prologue. Celui-ci nous raconte l'arrivée d'une sonde sur une planète très lointaine. Wow ! Qu'est-ce que ça fout là ? Je m'attendais à lire de la fantasy et me voilà transporté en plein conflit mondial sur une Terre ravagée, dystopique as fuck, qui utilise des prisonniers comme chair à canon... Je me suis dit « ok, ça peut me plaire ! »
C'est vraiment ce que j'ai trouvé d'original à cet isekai : le monde de départ, celui qui est censé nous être familier ne l'est pas tout. Ça permet aussi de marquer un contraste fort entre notre monde : vil, crasseux, mauvais ; et le monde d'Yggdrasil : lumineux, beau, en paix. On part avec l'idée que le fiel qui contamine notre monde (ou Mannheim, Milfheim, comme vous voulez) va se déverser dans le monde trop propret d'Yggdrasil et qu'il faut absolument l'empêcher (ouais, gardez vos merdes chez vous, s'il vous plaît, humains).
Sauf que tout n'est pas tout rose non plus à Yggdrasil. Le racisme gangrène la société grossièrement divisée entre les alfes (les elfes tout blancs tout mignons), les drakalfes (les elfes noirs bastonneurs et fiers) et les Créatures (des genres de fées). Vous me direz, dans la fantasy, un elfe raciste, ça réinvente pas l'eau chaude, mais je trouvais intéressant de le montrer. Une manière de donner du relief à ce monde lisse. D'ailleurs, on s'aperçoit vite que l'aspect reluisant cache des blessures et des traumatismes profonds, liés à la Grande Guerre.
Mais ce n'est pas tout ! Parce qu'en plus des États Libres, du grand Califat, du monde des Ases et de l'arbre, des alfes, qui ont une culture évidemment inspirée de la mythologie nordique, on a aussi les Arcanes et la culture des darkalfes qui s'inspire de la Polynésie. Bref, c'est un joyeux bordel !
Et un joyeux bordel à double tranchant. On a en apparence une histoire d'une grande diversité qui mélange plein d'influences. Tu t'es plutôt bien débrouillé pour que cela forme un tout cohérent, fourni de détails qu'on apprécie de découvrir. Malheureusement, j'ai aussi eu la sensation d'être régulièrement noyé sous la pluie d'informations.
Je trouve que l'histoire souffre hélas du syndrome du lore trop complexe par rapport à l'intrigue.
Exposition versus intrigue :
Du coup, parlons de l'intrigue. L'histoire (ce qui en est publié sur Wattpad à l'heure actuelle) repose beaucoup sur le teasing : les personnages sont constamment en train d'annoncer le cataclysme à venir, à ressasser le cataclysme passé... Ça peut être cool comme procédé pour faire grimper la tension. Mais je l'ai trouvé surexploité. Tous ces effets d'annonce finissaient par me lasser : je voulais pu entendre parler du passé ou du futur, je voulais qu'il se passe quelque chose dans le présent.
Alors il s'est passé quelque chose. Au livre X. Mais même après cet évènement, on est reparti pour un tour des personnages qui font du feedback sur ce qu'il vient de se passer. On visite les différents protagonistes, on en profite pour saupoudrer du lore, puis on passe à un autre tableau.
Ça m'a laissé une impression de longueur, où l'exposition étouffait l'intrigue. D'autant que certaines informations se répètent à plusieurs reprises.
Par exemple, Livre VIII-4, tu nous reparles de la pluie de mana du solstice alors que le solstice est déjà passé, qu'on l'a expliqué, qu'on en a vu les effets. C'est un exemple que j'ai noté, mais j'ai eu ce sentiment pour beaucoup d'autres éléments, surtout des éléments d'intrigue qui concernent les arches. Une stratégie pourrait être d'écrire l'histoire uniquement sous la forme d'informations : tel bout = quelle info en ressort. Ainsi, ça te permettrait d'éliminer les doublons, de voir ce qui sert vraiment ou pas, ce qui peut être exposé plus tard... Là j'avais l'impression que tu voulais parler de ton univers et que l'intrigue est venue après pour essayer de soutenir le tout. Or, je considère qu'il vaut mieux d'abord poser la charpente avant la déco x)
D'autres stratégies pour parer à la surexposition : rajouter des péripéties, des intrigues secondaires. Je vois surtout la quête principale de « le monde est menacé par Hel, les humains vont devoir découvrir leur rôle pour sauver ce monde. », à voir s'il n'y aurait pas moyen de rajouter des quêtes personnelles, des objectifs secondaires aux personnages pour qu'ils n'aient pas juste à attendre le cataclysme...
Je vais comparer avec le livre précédent (désolé), celui de Lynkha : le lore est aussi très dense, mais l'intrigue se divise en plein de sous-quêtes, segments... ce qui fait que les personnages ne sont pas tous focus sur un truc (et que le lecteur sera toujours en haleine). Autre comparaison : la saga du Sorceleur de Sapkowski. Le lore est aussi épais qu'un kouign-amann et l'exposition est bien gérée grâce à une stratégie de Sioux : le tome 1 est littéralement un recueil de nouvelles et l'intrigue principale ne commence réellement qu'au tome 2. Ça permet d'exposer les différentes composantes de l'univers et le lecteur vit des aventures qui lui permettent de l'assimiler, de le digérer. J'ai vu Maxence Sardane (le Vaisseau Noir) faire à peu près ça dans sa saga : les inter-chapitres fonctionnaient comme des mini-nouvelles en dehors de l'histoire principale et permettaient d'exposer du lore.
Évidemment, je ne dis pas que c'est ce qu'il faut que tu fasses avec la Bataille des Arches, j'essaye de comprendre (pour moi-même) ce qui fait qu'un gros lore passe bien.
Après, peut-être qu'il y a des lecteurs qui aiment lire pour le lore, pour la découverte d'un monde inconnu et riche. Pour ma part, je préfère quand il y a un peu plus d'action.
Par exemple, tes personnages voyagent beaucoup (Toth, Fabiola et Tim / Grita et Mac / Mac et Gwendall), mais je trouve qu'il ne se passe pas grand-chose pendant leurs trajets. Je me dis qu'il pourrait leur arriver quelques bricoles...
Des personnages intenses et surprenants :
Pour aller avec un univers riche, quoi de mieux qu'une belle brochette de personnages divers et variés. J'ai vraiment trouvé cool que chacun ait une personnalité propre et distincte. Certains sont très intenses (Mac, Grita, Tempo...), d'autres plus effacés (Tim), mais ça donne un tout assez équilibré. Je n'ai pas eu la sensation de voir des copiés collés, ce qui tient de l'exploit, étant donné le nombre.
Certains fonctionnaient bien sur le long terme, et d'autres...
Je pense par exemple à Mac : il était parfaitement à sa place dans son monde d'origine avec son côté grande-gueule révolté. Dès qu'il passe l'arche... je trouve que ce caractère ne fonctionne plus. Il en fait des caisses (j'avais l'impression de voir le nain de Naheulbeuk lorsqu'il se fait réveiller dans la taverne et est tout content de descendre les pintes de Fehu xD).
On a aussi la relation Toth / Fabiola qui, je trouve, gagnerait à être un poil mieux développée. Ils passent deux trajets ensemble à se chamailler, à montrer combien ils se détestent réciproquement à cause de leur race, puis finalement Toth fait un geste en faveur de Fabiola qui sort de nulle part. Le récit nous explique plus tard que c'est parce que la fée le fascine, etc.... (oui, tu tombes amoureux, quoi)
Peut-être que ça manquait de subtilité. J'aurais plutôt vu des indices ou de la nuance entre eux, avant, quand ils se chamaillent. Le fameux « show don't tell ».
Un ton tout en contraste :
Le récit regorge d'humour. Des petits passages légers pour mieux faire passer le côté très dark de l'intrigue. J'ai relevé pas mal de scènes amusantes, comme ici, lorsque Fabiola va prévenir les alfes de l'activation de l'arche :
Ou quand on parle de l'immobilisme des Arcanes qui ne peuvent s'empêcher de se réunir pour discuter des choses importantes d'Yggdrasil, tant et si bien que le problème est souvent déjà résolu lorsqu'ils se décident enfin à agir.
Gros fou rire aussi quand Abid demande à Grita de ne pas faire de mal à son chat alors qu'elle vient de dézinguer un tigre au prétexte qu'elle n'aime pas les chats. xD
Après, ce contraste m'a fait bizarre quelques fois, notamment pour les Arcanes : on nous les vend comme un conseil super effrayant de mages trop badass avec d'énormes pouvoirs. On a finalement affaire à une bande de vieux croulants. (NB : je n'ai rien contre les vieux, promis !)
Donc de l'humour, oui, volontiers, mais quand l'histoire est globalement très sérieuse à côté, ça risque de jurer.
En conclusion :
Vous aimez la fantasy ? N'hésitez pas à aller découvrir la Bataille des Arches. L'univers vaste et très bien documenté nous plonge dans une multitude d'ambiances que la plume d'Yiigdrasil dépeint à merveille. Les personnages sont nombreux et suffisamment différents pour que vous puissiez en tirer quelques chouchous.
J'ai eu personnellement du mal à accrocher, car je trouve malheureusement l'intrigue insuffisante pour porter un univers aussi imposant. L'agencement des informations gagnerait à être retravaillé pour améliorer la clarté, s'alléger un poil. Et surtout, ça manque un peu d'action.
Malgré ça, c'est un livre qui recèle un potentiel certain grâce à son mélange d'influences et le travail de remaniement des légendes dont il s'inspire. Merci Yiigdrasil de l'avoir partagé et j'espère que mon pavé ne t'aura pas démotivée (rappelle-toi que je suis un vieux crouton aigri qui n'aime pas la fantasy xD)
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