📚 Xash
On ne va pas le cacher, Monsieur Loyal aime la hard sf. Quand ses échasses ne font pas office de pilier de bar, notre tenancier alcoolique rêve d'étoiles et de vaisseaux spatiaux.
Il s'est donc rué sur Xash comme Jean-Kévin sur la bouteille de pastis. Il va s'efforcer de vous en parler en toute neutralité, mais si quelques pointes de subjectivité se glissent dans cette critique, n'y prêtez pas attention.
Avancement de lecture : Terminée (c'est court, vous n'avez aucune excuse pour ne pas aller le lire, mais j'dis ça, j'dis rien)
Spoilers : Comme on n'arrête pas les innovations au Watt Club (au bout de 15 critiques, il serait temps), les spoilers seront désormais rangés à part et signalés par des balises en caps lock, afin d'attirer votre regard sur ce que vous ne devez pas lire.
Résumé : Xash est la meilleure pilote des Trois Galaxies. C'est forcément vrai puisque c'est elle qui le dit. Bon, il s'avère que c'est réellement le cas. C'est pour cela que la Triprincipauté la désigne pour piloter l'Ampoule. À bord de ce fleuron de technologie spatiale, Xash devra mener un conseiller transparent, un bio-ingénieur louche et une co-pilote incompétente, pour une mission d'étude d'une exoplanète à la retraite. Avec une telle équipe, qu'est-ce qui pourrait mal tourner ?
En préambule, je tiens à préciser que durant toute ma lecture, j'ai été confus quant au genre de Koro Minskel. Parfois désignée comme une Constrax et d'autres fois comme un Conseiller, l'autrice m'a finalement appris que Koro était genderfluid. Par souci de simplicité, je la genrerai au féminin (majoritaire dans le roman), mais sachez que ce n'est pas exact.
Du coup, ça pose un petit souci d'homogénéisation :
- à partir du moment où tu choisis d'alterner il ou elle pour Koro, il ne me semble pas pertinent d'utiliser l'écriture neutre dans le résumé : « un.e diplomate ».
- les pronoms de Bex Adeson (personnage non binaire) sont spécifiés en note, pas ceux de Koro.
Pour moi, il faudrait soit donner l'info en note dans les deux cas, soit l'inclure directement dans la narration. Ça n'a pas besoin d'être une définition lourde de genderfluid ou non binaire (si les lecteurs ne savent, ils sont assez grands pour aller chercher), une simple périphrase suffit. Ce serait étrange de le spécifier en focalisation interne, mais là t'as une narration omnisciente : autant en tirer profit !
Cette introduction est beaucoup trop longue, rentrons enfin dans le vif du sujet :
Le lore
Ceci illustre parfaitement l'état de mon cerveau en plongée dans l'univers incroyable de Xash. Le roman ne fait que 30 000 mots, cela n'empêche pas Rubissambre de nous poser un décor original, riche et crédible. Xash évolue dans un cosmos où trois galaxies ont été ralliées sous la bannière un peu trop gourmande de la Triprincipauté : un genre d'empire autoritaire qui érige l'ordre et l'homogénéité en maîtres. L'histoire nous décline la ribambelle de lois absurdes qui régissent ce monde au travers de détails comme : l'attribution des noms, les tenues, le protocole...
Le roman n'oublie pas non plus de prendre en compte certains principes physiques (certes, très arrangés pour les besoins de l'univers, mais qui ont le mérite d'être présents) comme le temps relatif versus temps absolu pour les pilotes long-courriers.
Ce sont vraiment ces petits détails disséminés au travers de l'histoire qui colorent cette aventure. Qu'il s'agisse d'un distributeur de sous-vêtements menstruels hyper absorbants, du jus de fushfush anti mal de l'espace ou d'une station de voyage vouée à disparaître dans un trou noir, tout est pensé de manière fine et judicieuse pour nous embarquer dans ce monde improbable.
Parlant de détails, je pense que l'élément qui m'aura le plus surpris dans ce lore, c'est cette fascination pour les vêtements.
Pourquoi ?
Que ce soit pour décrire la combinaison réglementaire à bord de l'ampoule, la veste de Xash ou les tenues transparentes improbables de Koro, les descriptions étaient extrêmement détaillées. J'avais initialement marqué dans mes notes de lecture « alléger les descriptions des tenues vestimentaires », avant de réaliser que c'était si récurrent et exagéré que cela pouvait qu'être fait exprès. Sorte de private joke ? Manière de montrer le décalage des priorités de cette société rigide qui attache tant d'importance aux tenues ? Je n'ai pas la réponse, mais quand les usages vestimentaires de Kurikvn sont décrits à l'occasion du bal de la Prédix, ça en devenait assurément un gimmick humoristique qui frisait l'absurde.
En dehors des tenues, j'ai tout de même relevé de nombreux passages où l'explicatif supplante le descriptif, et devient lourd. Petit exemple ci-dessous :
Certes, j'ai lu des bouquins de hard sf où c'était bien pire que ça. Là, mon souci, c'est qu'on pourrait simplifier certaines explications qui n'ont pas lieu d'être aussi complexes (surtout dans un roman court).
A contrario, d'autres explications passent à la trappe. Par exemple, là, d'un coup, Xash pouvait matérialiser des fauteuils :
Donc je me dis qu'il y a peut-être un équilibre à trouver, un dosage à peaufiner, mais ça reste du pinaillage parce que le récit coulait tout seul. Je ne me suis ni senti noyé ni démuni.
Au global, je retiens un univers riche et une écriture qui s'y adapte : avec des expressions savoureusement détournées : « l'énergie noire ayant coulé entre les étoiles » ; des comparaisons / métaphores qui tirent profit du lore : « aussi transparent qu'un Constrax » ; et des parlers spécifiques :
Les personnages
Le roman a l'insigne avantage de déployer une palette de personnages distincts et bien campés dans leur personnalité. Leurs qualités, mais surtout leurs défauts, sont marqués, presque exagérés, mais s'harmonisent avec le ton du livre.
Koro et Xash étaient bien travaillées, surtout Koro avec ses manières un peu précieuses.
C'était moins le cas pour Shestzi et Elaïn Jun. Il faut dire que la brièveté du récit n'aide pas à incorporer suffisamment ces deux personnages secondaires, pourtant importants puisque faisant partie de l'équipage. L'incompétence de Shestzi est actée après une bourde et les activités un peu louches de Elaïn Jun sont casées en début de chapitre 5, parce qu'il fallait bien en parler quelque part. Ce n'est pas problématique — on l'a dit, l'histoire est courte — mais je pense qu'il aurait été possible de renforcer les liens au sein de l'équipage.
> L'histoire essaye de nous montrer leur rapprochement, chapitre 6, avec la partie de cartons holographiques. C'est écrit, mais je ne l'ai pas ressenti en tant que lecteur. Le fameux « show don't tell » mériterait d'être exploité sur ce point.
Ces mêmes deux personnages sont présentés de façon éclair au chapitre 2 (ce qui n'aidait pas à construire un lien avec le lecteur) :
Puisque tu optes pour un point de vue omniscient, tu peux te permettre de développer : le ressenti de Xash, éventuellement celui de Koro, brosser les descriptions (là on se limite à « il avait le sourire pétillant et un bras robotique » > on ne se dit pas que ça va être un perso important), nous faire une vraie présentation de cet ingénieur et de la plongeuse par la toute-puissance de la narration omnipotente.
La forme
L'écriture est très solide, bien travaillée, peu de coquilles.
Je vais plus chipoter sur des problèmes de typographie (certains mots étaient en italique, puis ne l'étaient plus par la suite. Peut-être que c'est volontaire de n'avoir que la première occurrence d'un mot spécifique en italique et pas les suivantes ? J'ignorais que ça se faisait...).
Les tirets des dialogues mériteraient d'être remplacés par des tirets cadratin (surtout si tu envoies ton manuscrit à des éditeurs).
Vu que le récit intègre beaucoup de petites explications digressives, n'hésite pas à utiliser les tirets cadratin (encore eux) pour caser ces incises narratives, et ainsi alléger la structure des phrases (qui étaient parfois longues).
L'intrigue
J'ai balayé la plupart des points, on va pouvoir parler de l'histoire en tant que telle.
***ATTENTION SPOILERS***
J'ai vraiment apprécié l'habilité avec laquelle Rubissambre a ficelé son intrigue : les nombreux détails, anecdotes ont vocation à servir : l'explication des capacités de combat de l'Ampoule, la fourchette d'Elaï Jun, le passé de Shestzi dans l'enclave ou les débuts de Xash en tant que pilote de course. C'était un réel plaisir de voir l'histoire recoller les morceaux avec ingéniosité. Je me suis régalé !
Le dénouement est très bon et j'étais presque frustré qu'il soit aussi rapide.
- Sur la relation Koro x Xash, je pense qu'il y aurait moyen de la développer un peu plus pendant le bal. On sent qu'il y a un truc, mais ça ressemble à des prémices, à quelque chose de si léger qu'on peut que s'étonner de voir Xash s'acharner pour réveiller Koro à la fin.
- J'aurais aimé (mais ça c'est moi) qu'on retrouve l'Ampoule à la fin. Après tout, il s'agissait presque d'un personnage à part entière : les retrouvailles de Xash avec son vaisseau auraient pu être aussi (voir plus) émouvantes que celles avec Koro. Ça aurait été l'occasion de retrouver un Elaï Jun aux portes de la folie et puni pour sa cupidité. Ça aurait été l'occasion de consolider les liens entre Koro, Xash et Shestzi en les montrant à l'orée du combat.
- J'ai regretté qu'on ne développe pas davantage les motivations de Koro. Qu'est-ce qui l'a poussé exactement à vouloir aider l'Enclave ? Sa problématique initiale, c'était la maladie de g et sa frustration de ne pas pouvoir reprendre le flambeau familial. Les deux sujets étaient mis bout à bout, alors qu'il n'y avait pas vraiment de lien.
***FIN DES SPOILERS***
En conclusion
J'ai passé un excellent moment aux côtés de Xash. L'histoire donne la pêche et fait voyager aux confins des Trois Galaxies. Rubissambre réussit l'exploit de développer un univers à la fois drôle et riche en peu de mots. Les détails protocolaires de la Triprincipauté sont savoureux. Les personnages témoignent d'une diversité de genres et de caractères, même si j'ai regretté le manque de développement de leurs relations.
Le point de vue omniscient est très efficace pour présenter l'univers, mais je pense que le récit pourrait s'enrichir de descriptions pour planter le décor (nous faire visualiser l'Ampoule, a minima) et pour contrebalancer la masse d'explications.
L'intrigue est admirablement bien pensée et ficelée : simple et efficace. Même si, personnellement, j'ai trouvé la fin quelque peu précipitée.
J'ai tout de même eu un coup de cœur pour Xash, et je vous recommande chaudement ce roman, surtout si vous appréciez la hard-sf.
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