📚 UMBRA Soleil Perdu
Une pellicule de poussière recouvre un amoncellement de cadavres de bouteilles. Une vibration profonde, étouffée fait trembler la pile. Le ronflement s'intensifie. Une cannette vacille et chute dans un tintement tintamardesque. Le ronflement s'arrête. Une voix pâteuse braille.
— Touche pas à mes échasses, ventrebleu !
— Ça y est, vous êtes enfin réveillé, Monsieur Loyal ?
Sous une paupière mi-calfeutrée, le gérant du club dévisage Jean-Réveil d'un œil morne.
— Oui, quoi, qu'est-ce que c'est que ce bazar...
— Ma foi, vous savez qu'il reste des participants qui doivent encore monter sur scène ?
Monsieur Loyal demeure inerte de longues secondes — un poisson mort aurait plus de vitalité — jusqu'à ce qu'un éclair de lucidité le traverse. Il bondit sur ses échasses.
— Bon sang de bois, le concours ! Pourquoi vous ne m'avez pas réveillé plus tôt, Jean-Foutriquet ?
Je m'excuse pour l'auteure parce que j'ai lu cette histoire il y a un petit moment déjà et ai rédigé cet avis à partir de mes notes datées. Si tu as fait des MAJ récemment, il se peut que certains points ne soient plus valables. N'hésite pas si tu as des questions !
Avancement de lecture : Chapitre 27 (dernier posté à l'heure de cet avis)
Avertissement : Quelques scènes possiblement gores ou dérangeantes (pour moi ça reste très soft, mais mieux vaut prévenir)
Présence de spoilers. Ne lisez que la conclusion si vous voulez les éviter.
Aujourd'hui, je vous invite à voyager du côté de l'ésotérisme et de la magie. Oh, il ne s'agit pas de basculer dans un autre monde. Umbra se déroule à notre époque et dans notre société où les sorcières vivent à la barbe et au nez des moldus.
Résumé : Umbra est l'ado de 15 ans que vous ne voudriez surtout pas avoir ! Dissipée, incontrôlable, farceuse, trop intelligente pour le bien des adultes qui l'entourent, elle dispense en plus sa mauvaise influence aux autres enfants. Pas étonnant, donc, que sa communauté de sorcières la choisisse pour le prochain sacrifice humain (la loi du moindre mal, que voulez-vous). Bien sûr, comme assassiner des enfants, ce n'est pas très urbain, Umbra s'enfuit accompagnée de ses amis Solis et Miles. Cinq plus tard, Umbra est seule, probablement plus très nette dans sa tête après tant d'épreuves. Que s'est-il passé pendant ces cinq années ? Et surtout, que va-t-elle faire de cet étrange pendentif en forme de soleil qu'elle transporte ?
Au cas où, le résumé ne vous aurait pas mis la puce à l'oreille, on va le dire clairement : Umbra est une histoire qui ne prend pas de pincettes. Vraiment pas. L'auteure ne craint visiblement pas de molester des enfants et j'approuve à 100% cette façon de faire pas très catholique (après tout, on parle de sorcières, on est plus du côté de Satan que du gentil barbu céleste).
L'univers
J'ai adoré le concept et les idées. Entre cultes obscurs, magie complexe et covens pas très nets, on nous dépeint un monde de sorcellerie dépourvu de tout manichéisme. D'ailleurs, Umbra le présente parfaitement ainsi :
« Les sorcières, c'est comme les Hommes. Il y a des méchantes et des gentilles. »
Nous avons affaire à une société parallèle secrète qui dispose de ses propres us et coutumes ; une culture différente, en somme. L'auteure évite bien le piège de l'exposition abusive du lore. On en a un peu au début, mais on découvre en grande majorité les éléments au fur et à mesure.
Autre truc génial : l'histoire prend en considération le monde dans son entièreté ! Vous n'avez jamais trouvé bizarre, vous, les histoires d'urban fantasy où on a l'impression que la magie n'existe qu'aux États-Unis ou dans le pays de l'action ? Dans Umbra, il est clairement dit, dès le début, que des communautés s'éparpillent à travers le monde et qu'elles opèrent régulièrement des transferts entre elles. On découvre ainsi l'Italie, puis l'Irlande et on nous laisse présager l'Égypte ! Les spécialités magiques varient aussi d'un pays à l'autre.
Niveau décors, on se balade dans des endroits très chouettes : l'île de la communauté irlandaise au sein d'une tempête perpétuelle, avec son lac souterrain et sa bibliothèque anarchique.
C'est surtout la créativité et les idées dont regorge l'histoire qui m'ont fasciné ! Que ce soit pour la spécificité des langues, les différents sorts, les coutumes comme lors du Sabbath... L'auteure n'a pas son pareil pour surprendre le lecteur avec des situations toujours incroyables et inédites.
Quitte à partir parfois trop loin dans le loufoque. On n'est pas au niveau de Terry Pratchett avec le Disque Monde, mais presque. Personnellement, j'ai apprécié de ne jamais savoir ce qu'allait me réserver chaque chapitre. Je laisse l'histoire me surprendre et me guider là où elle veut m'emmener. Mais sait-elle vraiment où elle va ? Par moments, j'ai l'impression d'avoir au volant un conducteur fou dont le GPS se serait emballé. Bien sûr, c'est difficile d'en juger alors que l'œuvre n'est pas finie, mais je garde quand même une sensation d'improvisation au fil de l'histoire, comme si Umbra elle-même en avait pris possession au détriment de son auteure.
Un soleil qui éclipse tout le reste
C'est à peu près comme ça que je résumerais le personnage d'Umbra. Elle a une personnalité telle que les pages de ce roman peinent à la contenir. Ça fuse, ça explose de partout, elle nous submerge et n'est jamais là où on l'attend.
Umbra n'est ni bonne ni mauvaise. Bon, certes, elle n'a aucun scrupule à faire le mal, mais elle n'a pas la volonté de faire du mal. C'est plus en mode « j'agis et tant pis pour ceux qui sont dans le passage ». On le voit très bien chapitre 6 où notre héroïne n'éprouve aucune honte à transformer un gamin en voleur parce qu'elle a besoin d'un pull pour se protéger du froid, ou chapitre 21 lorsqu'elle transforme un escalier en toboggan pour « aller plus vite » et peu importe que d'autres soient en train de monter à ce moment-là x)
Ou ici quand ça parle de sacrifier des bébés :
Je ne dirais même pas que c'est de l'égoïsme, mais presque un genre d'inconscience d'autrui ou un manque d'empathie flagrant. Même dans ses relations amicales, elle ne réfléchit pas un instant à la place de l'autre (en voulant sauver Solis contre son gré, notamment).
Ça en fait un personnage inconstant, au seuil de la folie, mais pourtant diablement attachant. T'as juste envie de la prendre dans tes bras, de lui faire un câlin et de lui dire « ça ira » (mais tu le feras pas parce que ce serait un coup à finir par vomir des confiseries sur trois générations).
Elle ment aussi comme elle respire. Les gens autour le voient très bien, mais font semblant de la croire, car elle fait de la peine et qu'on sait bien que c'est sa façon de se protéger. C'était d'ailleurs très touchant de voir ses amis essayer de l'aider / la raisonner (Victoria, Solis...), alors qu'elle met la barre très haut quand il s'agit de faire sa tête de mule.
Exemple de « petit » mensonge :
Bref, j'aime les personnages qui ont des défauts et se trimballent un énorme sac de problèmes. (Même si ça signifie qu'ils sont généralement très seuls, les pauvres.)
Pour résumé : on a un lore qui dépote, un personnage principal qui nous en fait voir de toutes les couleurs et une intrigue riche en rebondissements. Mais qui part un peu dans tous les sens.
C'est malheureusement le point que j'ai trouvé dommage avec cette histoire : j'adore. Mais ça reste inégal. J'ai vraiment senti qu'on était sur du premier jet (désolé si c'est pas le cas) et qu'il y aura probablement un travail à faire sur l'homogénéisation.
Dans un premier temps, au niveau de l'écriture : il y a un style et une maîtrise évidents, mais ça mériterait un coup de pinceau. Pas seulement pour éliminer les coquilles (ça, de toute façon, on en fait tous même après correction), mais plus pour gommer certaines lourdeurs, certaines syntaxes un peu maladroites (il y en a sûrement qui sont des belgicismes, celles-là peuvent rester, parce qu'après tout, il n'y a pas un français qui est plus juste que l'autre, mais dans le lot, toutes n'ont probablement pas l'excuse du régionalisme).
J'ai surtout lu des passages qui étaient – pour moi – assez confus. Souvent des scènes d'action, mais aussi de la narration qui va parfois un peu vite et passe du coq à l'âne, ou des liens logiques qui n'étaient logiques que dans la tête d'Umbra... Après, c'est à prendre avec des pincettes, parce que je n'ai pas toujours un esprit très affuté et que je mets parfois 10 000 ans à comprendre certains jeux de mots ou références xD (genre le « — Mais... — On est au mois de novembre. » )
Exemple ici avec le « bouc incapable de parler » :
Pour illustrer mon propos, je vais plutôt lister mes notes de lectures. Je m'excuse, car ça risque d'être un peu long et chaotique, donc accrochez-vous à vos balais !
Notes de lecture
Chapitre 3 : Il y aurait sans doute moyen de retravailler ce chapitre pour mieux coller à l'urgence de la situation. Umbra passe du temps à choisir ses vêtements, sa brosse à dents, à rassembler son argent de poche, elle nous explique les différentes langues pour l'usage de la magie... ce n'est peut-être pas le moment d'être dans la lenteur quand des sorciers s'apprêtent à la tuer.
Chapitre 4 : Le « Carré » m'a semblé être une référence perso, de même que l'aparté qui ressemble à une note de l'auteure elle-même. Ce serait normalement à éviter si tu vises l'édition avec ton roman.
/ Attention aussi à éviter d'enchaîner deux fois de suite des pensées d'Umbra (en italique) sans revenir à la narration. Enfin, ce n'est pas impossible, mais comme ces pensées ont valeur « d'incise », ça fait qu'on a incise sur incise...
Chapitre 5 : Celui-là fait (pour moi) partie des chapitres qui mériteraient quelques retouches, j'ai trouvé qu'on glissait un peu trop sur l'action et qu'il y aurait moyen d'approfondir ce combat dans les toilettes. Oui, ça n'a pas l'air épique, dit comme ça, mais ça reste un moment clé de l'histoire. Là, on avait affaire à une bagarre chaotique où tout s'enchaînait trop vite.
/ S'il y a un sort pour empêcher de regarder à travers la porte, pourquoi avoir besoin de monter sur la cuvette ?
/ Détailler comment Hubertus ouvre la porte ? (parce qu'on a l'impression qu'il tire simplement dessus alors qu'elle est verrouillée, s'il emploie de la magie, peut-être qu'énoncer le sort serait pas mal pour nous le montrer)
/ Hubertus est présenté comme un prof pas si méchant, qui semble même peiné d'obéir à Lega. Pourtant, il n'hésite pas à balancer des bouts de carrelage sur des ados, ce qui m'a semblé plutôt violent pour un prof « sympa ». (Encore une fois, je n'ai rien contre la maltraitance des enfants, c'est plus pour la cohérence vis-à-vis du personnage.)
/ La réplique de Promisse « ce ne sera pas un peu suspect ? » ne m'a pas semblé coller à la situation. Si un prof explique qu'ils doivent tuer une camarade, je doute que je m'inquiète en premier que le crime soit repéré (je commencerais plutôt par m'insurger).
Chapitre 6 : Quand le gamin demande à Umbra, cette dernière lui répond : « parce que je viens d'un autre pays. Un pays loin d'ici où il fait chaud... » > Ça m'a fait bizarre qu'elle parle de l'Italie comme si c'était une contrée lointaine et hyper exotique, même s'il le gamin est jeune, il en a peut-être déjà entendu parler, non ?
Chapitre 8 : Mon cerveau lent a eu du mal à comprendre l'histoire du farfadet et de la pièce d'or. Je pense que c'est parce que lorsqu'elle le voit « en vrai », tu ne réutilises pas exactement la même description que dans le souvenir. Par exemple, le « un petit homme vêtu de vert cherchait à la happer », ça a beau être évident maintenant que je le relis, mais sur le moment, je n'avais pas capté qu'on parlait d'un farfadet et donc d'une scène identique à son souvenir.
/ Toujours dans ce chapitre, on voit que tu as fait le choix d'inventer une langue pour énoncer oralement les sorts. Je trouve ça très bien comme choix, ça rend les scènes de magie plus vivantes. Mais du coup, faudrait uniformiser et garder ce procédé dans les autres chapitres. Surtout qu'on croule (un peu trop) sous les sorts dans ce chapitre, alors qu'on en voit presque plus dans les autres.
Chapitre 10 : J'ai eu l'impression d'une répétition d'idée sur l'impossibilité d'utiliser la magie en dehors des refuges de sorcières (vu qu'Umbra l'explique déjà dans le présent).
Chapitre 12 : Petit passage que j'ai bien aimé lorsqu'Umbra tombe sur un ennemi en étant complètement ivre : elle l'assimile d'abord à un lampadaire, puis à un pilier, avant de comprendre qu'il s'agit d'un homme. Le pdv interne marche très bien ici pour nous faire ressentir sa confusion.
Chapitre 14 : Dois-je voir une référence à La Mouche de Cronenberg avec cette scène de téléportation ? x) Si c'est volontaire, c'est bien joué, et si c'est pas volontaire... va voir ce film.
Chapitre 17 : J'ai été très confus à propos des retrouvailles avec Victoria (pour la simple et bonne raison que je ne me souvenais plus d'elle, je l'avais rangé dans la case « perso secondaire » dans les premiers chapitres). Peut-être intensifier leur relation, en faire un trio plus marquant avec Miles ? Parce que j'avais surtout retenu la complicité entre Umbra et Miles. Après, ce n'est peut-être pas un problème si on lit l'histoire d'une traite...
Là, par exemple, pendant toute cette pensée, j'étais en mode : « Mais de qui parle-t-elle ? » xD Peut-être qu'un rappel à « qui est Victoria » à ce moment-là aiderait le lecteur un peu distrait.
/ Toujours chapitre 17, j'ai bien aimé le passage avec l'observation du plafond qui était très révélateur du caractère fuyant d'Umbra.
Chapitre 18 : J'ai trouvé l'excuse des ados qui comptait fomenter une révolution un peu too much. D'autant que de base, Hubertus disait qu'ils allaient inventer une histoire de blague qui a mal tourné. En soi, ça peut être une bonne idée de pousser à fond la « métaphore du fascisme », mais dans ce cas, faut le traiter avec plus de gravité et amener ça un peu plus habilement dans l'histoire ? (je sais pas trop comment, mais là, ça me semblait un peu tomber du plafond...)
Chapitre 20 : Bran apparaissait initialement comme un garçon taiseux et taciturne. J'ai trouvé qu'il faisait ensuite preuve de beaucoup trop d'entrain (notamment avec le « Piupu, j'arrive ! »)
Chapitre 22 : J'ai trouvé la scène de poursuite par Victoria assez confuse :
Dans cet extrait, la réplique d'Umbra et son laïus sur dieu m'ont paru un peu sortis de nulle part. Il manquerait peut-être d'une transition :
Chapitre 23 : J'ai bien aimé la cérémonie du Sabbath avec le chant. L'ambiance était pesante et bien immersive :
/ Victoria donne la référence de la citation d'Umbra « Jacob Cats, poète, juriste et homme politique néerlandais du XVIIe... », ce n'était pas du tout naturel x) À la limite, juste Jacob Cats avec « tu connais ça, toi ? » derrière... Pourquoi pas.
/ L'explication sur le fonctionnement des bagues pourrait être retravaillée et allégée : on a déjà vu comment elles fonctionnaient dans la scène de poursuite. Ma suggestion serait simplement de rendre la scène d'action plus claire de façon à pouvoir se passer de cette explication.
/ Dans le passage ci-dessous, le premier paragraphe comporte une seule phrase beaucoup trop longue. On est dans l'action, privilégie la clarté aux blagues. Deuxième paragraphe le « s'enflammer au cœur des flammes » est un peu bof :
Chapitre 24 : La blague de « FIN », c'est quasiment du sabotage à ce niveau-là. Il y a faire de l'humour et ne pas prendre son écrit au sérieux, et là je crois que c'est franchir la limite. ;)
/ Au lieu de « rétine meurtrie », mieux vaudrait parler de « cornée », non ? Parce que la rétine, c'est en dessous, et qu'on est ici dans un contexte de blessure physique.
Chapitre 26 : Le début m'a semblé répéter la fin du chapitre 25.
Je vais arrêter la séance de torture ici x)
Conclusion
J'ai passé un très bon moment à lire cette histoire plus qu'originale. Elle m'emmenait toujours là où je ne l'attendais pas. Le personnage d'Umbra est incroyable avec sa personnalité complexe et en dehors de toute notion de bien ou de mal. L'auteure a une patte marquée et sans filtre. Ne vous attendez pas à une histoire morale. Sarcasme et humour noir sont au rendez-vous. Attention à ne pas tomber dans le sabotage en poussant certaines blagues trop loin (maintenant à toi de voir si tu veux écrire une histoire ou un défouloir).
À ce stade, le texte me semble encore un peu brouillon et certains concepts du lore mériteraient d'être homogénéisés. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas la lire en l'état, au contraire : le potentiel est là et, si l'on fait abstraction des coquilles, cela reste très bien écrit.
Je recommande à tous les lecteurs qui cherchent de l'urban-fantasy qui sort des clous et du politiquement correct.
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