📚 Tueur de Mondes
Cette critique contient des spoils. Ne lisez que la conclusion si vous souhaitez les éviter.
Avancement de lecture : fin du livre II, soit 65 parties Wattpad :emoticone_avec_yeux_exploses:
Avertissement : Globalement pour tous publics, sauf quelques chapitres assez violents.
C'est parti pour un sacré morceau ! Tueur de Mondes, qu'est-ce que c'est ?
Une étrange météorite façonnée par d'anciennes civilisations avancées mais éteintes décide de s'en prendre à la Terre sur laquelle le dirigeant d'une start-up qui a un peu trop pris de l'ampleur décide sur la base d'un complexe mégalomaniaque à faire rougir Emmanuel Macron de fonder un nouvel empire romain parce que why not il devait kiffer les cours de latin en 5ème sauf que le Tueur de Mondes aussi appelé Voyageur provoque une panne démesurée ramenant la population à l'époque tant convoitée par notre César mais par chance dans ce bordel des adolescents développent des pouvoirs magiques et qui de mieux pour sauver le monde que des adolescents ? – bordel, j'ai oublié de respirer en faisant ce résumé.
Je crois que ça vous donne une idée de l'ampleur du bousin. On est sur une base que je qualifierais d'ambitieuse. Est-ce que l'histoire est à la hauteur de ses ambitions ? *Roulements de tambour*
Et c'est un oui !
...
Non, mais je vais développer, partez pas comme ça.
Tueur de Mondes se caractérise par un choix structurel assumé : le jonglage de points de vue. Au cours de cette épopée, nous suivrons non pas deux, ni trois, ni quatre, mais bien six personnages ! Bon, ok, y'en a deux qui trichent, ils sont collés ensemble, mais même en fusionnant Sam et Jo, ça fait quand même 5 histoires différentes à suivre ! Faut s'accrocher, mais on se rend vite compte que ça en vaut la peine.
En effet, c'est LE point qui vaut son étiquette de grand cru au récit : les personnages. Laissez-moi vous les présenter (à ma façon, j'espère que tu me pardonneras, Ourale)...
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« Parce qu'ici c'est moi qui commande, qu'il va falloir vous y faire et qu'on n'est pas dans un jeu ! » – Thibaut
Commençons par l'intello (auto-proclamé) de service. Tu vois cet adolescent à qui tu collais des chewing-gums dans les cheveux en cours parce qu'il soulait à répondre à toutes les questions de la prof ? Ben, c'est à peu près Thibaut. Sauf que Thibaut, c'est pas que de la gueule ! Non, il est vraiment intelligent, promis à grand destin, car la météorite l'a choisi, LUI ! Pas cette andouille de Manon qui sait que remuer des seins, mais lui, parce que son papounet est un grand homme et qu'il SAVAIT.
Voilà, donc si vous le détestez déjà, c'est normal ! Cependant, il reste touchant dans son air de petit chéfaillon arrogant. Le poids des circonstances pèse sur ses épaules. Forcé à devenir adulte trop vite, à endosser des responsabilités qui le dépassent, Thibaut se blinde. Mais sous ce garçon qui joue les durs, se cache un être sensible qui a peur pour sa famille.
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« La poisse me colle à la peau. » – Liam
Au début, Liam m'insupportait pas mal dans le rôle de la drama-queen gay (peut-être que j'me reconnaissais un peu trop xD). Puis, on réalise au fil des tuiles qui lui tombe sur la figure que « ah non, en fait, c'est peut-être pas pour rien qu'il chouine... ah oui, non, mais en fait, il a vraiment la poisse ! » Donc voilà, préparez-vous à serrer des fesses avec Liam, parce qu'il douille... mais qu'est-ce qu'il douille !
Et j'ai fini par m'y attacher, à son côté théâtral, à sa santé mentale qui se détériore (le mec arrive à te développer un TDI en plein apocalypse et à incarner ses personnalités dans ses tatouages). Les emmerdes, il les cherche, alors on ne peut que crier vainement « nooon, ne fais pas ça ! » Il le fait quand même. Alors on attend qu'un miracle vienne le sortir de sa mouise, et un miracle se pointe toujours à point nommé... Hum, mais il a de la chance, en fait !
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« Je vole et je cabriole. Je vole et je danse. Je vole et je pleure. » – Chloé
Ah Chloé... Chloé ! C'est la touche « choupinette » de l'histoire. Il en fallait bien une. Personnage un peu à part, puisqu'elle est la plus jeune (7 ans, me semble ?). Par conséquent, elle bénéficie du bonus « enfant dans une œuvre de fiction », soit une jauge de mignonitude infinie et intouchable. C'est un peu la gamine que tout parent rêverait d'avoir... et qu'on ramènerait très vite au SAV parce que : Chloé est loin d'être un bout de chou ordinaire !
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« Mais je ne peux quitter l'armurerie. Non ! Pas encore. C'est le seul endroit où je me sens bien, où je me sens moi. Seule, avec mes semblables. » – Galilée
Comme Chloé, Galilée n'est pas tout à fait normale, mais d'une anormalité différente ! Galilée, à mi-chemin entre l'arme fatale et l'adolescente en pleine révolte, est un pur produit de BMI (la start-up de César). Une humaine génétiquement modifiée. Sauf qu'il y a eu visiblement une couille dans le potage au moment de la création. Sûrement un employé négligent qui a un trop forcé la dose « insubordination » et « sarcasme ».
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« Je savoure tellement mon succès que mes chevilles commencent à se sentir à l'étroit dans mes Rangers ! » – Samuel
Vous l'aurez sans doute compris en une seule réplique : Sam a un melon qui ne tient plus sur sa tête. Mais qui a besoin d'une tête quand il y a des muscles ? Sam est prêt, Sam s'est entrainé toute sa vie pour l'apocalypse. Sam n'a pas peur de revenir à l'âge de Pierre, il est déjà un homme des cavernes ! Il me fait penser à Jean-Donald, ce voisin givré qui construit son bunker en prévision du prochain hiver nucléaire : c'est le seul à sauter de joie en voyant le champignon exploser, parce que sa vie trouve enfin un sens.
Sauf que Sam pourrait bien être contrarié dans son rôle de sauveur de l'humanité... par une fille.
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« Mais pourquoi chaque fois que je le vois, mes hormones sont-elles aux quatre cents coups ? » – Joséphine
Pas grand-chose à dire sur Jo. Elle remplit le rôle de la fille normale, de l'ado qui rêve d'histoires d'amour (même lors de la fin du monde... surtout lors de la fin du monde, quand t'as plus Instagram pour poster tes selfies !). Pour autant, Jo est loin d'être la cruche écervelée de service. Elle a la tête qui manque à Sam. Une tête froide et solidement vissée sur les épaules.
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Si j'ai passé autant de temps à parler des personnages, c'est bien parce qu'ils sont le corps du récit. Sa saveur. Ourale manie avec brio ce qui devrait être primordial dans tout récit : la caractérisation. La personnalité de ses personnages déborde de ses chapitres ! Et je ne parle pas uniquement de leurs traits, mais aussi de leur manière de s'exprimer.
Je salue là un travail colossal. Les phases avec Chloé m'en ont bouché un coin. Réussir à rendre crédible une gamine de 7 ans qui s'exprime à la première personne, c'est un sacré challenge ! Cela passe, évidemment, par le choix du vocabulaire. Ainsi Liam et Thibaut useront d'un français plus soutenu, tandis que Samuel sera monolithique dans le choix de ses mots. Ça occasionne aussi quelques partis pris que je soutiens moins, notamment la non-inversion sujet-verbe dans les incises (ça m'a perturbé) de Sam et Chloé. Mais je peux comprendre ce choix.
Outre le registre, certains personnages développent des manies : Liam adore caser des citations littéraires ou écrire les dialogues rapportés sous forme théâtrale (je suis fan). Galilée en bonne binge watcheuse de séries ne peut s'empêcher de nous bombarder de références cinématographiques.
Sur la forme, on est donc au top ! Et sur le fond ?
Ce que j'apprécie énormément avec ces personnages : c'est qu'ils ne cherchent pas à se faire apprécier du lecteur !
Dans beaucoup trop de romans avec des ados qui doivent sauver le monde, je trouve la personnalité des héros lisse et finalement assez décalquée. Ce n'est pas qu'ils sont trop parfaits, mais plutôt que leurs défauts n'en sont pas vraiment (le genre déboussolé face à l'élément perturbateur du récit, le héros reprend vite pied et se confronte à son destin avec une bravoure invraisemblable). Dans le récit d'Ourale, les personnages sont crédibles ! Ils sont blindés de défauts et ils font avec, c'est comme ça.
Alors bien sûr, on retrouve le cliché du protagoniste qui va puiser des traits de sarcasme pour aller provoquer le grand méchant, mais c'est pas fait pour valoriser le héros. Plus pour nous montrer qu'on a affaire à un ado encore immature.
Côté des méchants, j'ai bien aimé qu'on se rende compte progressivement que César, l'empereur présenté avec emphase au début, ressemble davantage à un pantin manipulé par son entourage. Il tombe rapidement de son piédestal et est ridiculisé. Ce qui donne un contraste assez amusant avec l'image de leader tout puissant qu'il aimerait se payer.
Assez parlé des personnages, j'ai globalement rien à dire sur la forme : c'est super clean, très bien écrit. Un régal.
Dans les pinaillages que je pourrais faire : peut-être un manque de liant, d'enchaînement logique, entre les différentes idées. J'avais parfois une impression de décousue entre les réflexions du personnage et les actions qui suivaient. Mais je voyais surtout ça dans les premiers chapitres. Donc soit tu t'améliorais au fur à mesure, soit je m'habituais.
Autre détail : la spatialisation. Vu que tes personnages développent quasiment tous des sens améliorés, ils parvenaient à capter des conversations lointaines. Parfois, ce n'est pas précisé que leur super-ouïe prend le relais. Du coup, je ne savais plus trop où se situait le personnage par rapport à ceux qui parlaient. J'avais aussi du mal à les positionner lors des scènes d'action. Un peu comme dans une partie de JDR où le MJ a oublié de dessiner une map. Des figurants semblaient se téléporter tout prêt ou au loin. Peut-être qu'en plaçant mieux les lieux, ça aiderait ? Dans mes notes, j'ai relevé les chapitres de Galilée : 1.4 ou 5.2 (genre elle monte un escalier pour rejoindre la Magistra et sa fille, mais les trois semblent discuter comme si elle était déjà en haut des marches, d'ailleurs pourquoi cette montée de marches semblait-elle prendre une demi-heure ? Il était si haut cet escalier ?). Dans le chapitre de Chloé 6.2, elle semble voir les prétoriens de très loin au moment où elle distingue une grange qui crame. Elle fuit (donc je l'imagine partir en sens inverse), puis elle se retrouve devant les prétoriens. J'ai pas trop compris comment.
Dernier point : il ne s'agit pas d'un défaut, mais... l'histoire est longue.
Très longue.
Et je ne dis pas ça parce que tu en es à 90 chapitres (j'ai vu pire sur Wattpad). Non, je dis ça parce que j'en ai lu 65 et que j'ai l'impression de n'effleurer que le début !
J'ai parlé du fait qu'on suivait 6 personnages. La logique voudrait que leurs histoires finissent par converger. Ce n'est toujours pas le cas à la fin du livre II. Tant que ça converge pas, j'ai juste l'impression d'en être encore à l'introduction. Que tout ce que je lis n'est qu'une digression d'une digression.
Alors, attention, on ne s'ennuie pas ! Il se passe plein de choses, il y a de l'action, mais j'ai l'impression qu'il ne s'agit que de péripéties secondaires. On manque d'un cap, d'une quête principale (oui, y'a le Voyageur, la fin du monde, mais ça paraît tellement lointain...) Le tour de Liam dans le camp de concentration, par exemple, m'a fait l'effet d'un « rêve ». Alors, certes, je veux bien que ça serve à le traumatiser, mais pour moi, il l'était déjà avant rien qu'avec les péripéties précédentes. De plus, pendant qu'il se passe pleins de choses côté Liam, ça tourne en rond à Tuc-le-Haut où on les sent en position d'attente. Ainsi les passages avec Sam et Jo me faisaient penser à ces épisodes « filler » que t'as dans les très longs animes jap.
Cette impression de sur-place est malheureusement exacerbée par ce devoir d'alternance que tu t'imposes. Au début, notamment, chaque personnage nous montre son point de vue sur le même évènement. Ça donne inévitablement lieu à quelques redites (sur la présentation de César par ex). D'autre fois, ils parviennent chacun de leur côté aux mêmes conclusions. Je comprends que ce soit important que chacun identifie dans son référentiel LE méchant, mais du coup ça nous laisse quelques impressions de déjà-vu.
Bien sûr, je le redis, ce n'est pas un défaut. L'histoire est conçue ainsi et semble extrêmement bien ficelée. À la fin du livre II, on a quand même un point de convergence qui se dessine dans leur château fort du Sud.
Je pense qu'il faut surtout savoir être patient. Et réceptif. Je sais qu'il y a des gens que ça dérange pas de suivre une série pendant 43 saisons. Bon, ben moi, je décroche à la deuxième. Et ton histoire, malgré tout, arrive quand même à m'accrocher ! J'ai envie de continuer, j'ai envie de savoir et je reviendrai sûrement poursuivre ma lecture après ce concours. Hélas, je crains un peu de ne pas vivre assez vieux pour voir la fin xD
En conclusion :
Je ne peux que recommander Tueur de Mondes aux amateurs de romans d'ados. Les personnages sont incroyables, et l'écriture, à la hauteur des ambitions de cette histoire à tiroirs. La structure en alternance vaut le coup d'œil, rien que pour le jeu sur les différents registres.
En revanche, armez-vous de patience. Le lecteur doit mériter les réponses aux questions qu'il se pose, et lire. Beaucoup ! C'est une histoire qui se savoure et se déguste sur le long terme.
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