📚 The Black Dog Motel et autres nouvelles horrifiques
Cette critique contient des spoils. Ne lisez que la conclusion si vous souhaitez les éviter.
Contenu Mature
NB : J'ai finalement choisi de parler de toutes les nouvelles du recueil, car il y en avait peu, elles étaient courtes et relativement proches dans les thèmes et la structure.
Je vais éviter de faire genre et de la jouer « ohlala, quelle surprise, quelle découverte ! ». Non, ça fait un moment que je suis Maxence Sardane et, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a un style et un univers que j'adore dévorer. Donc quelle joie de la voir me proposer son recueil de nouvelles horrifiques auquel je n'avais pas encore prêté l'attention qu'il mérite !
Moi qui suis habitué à la voir construire des lores dantesques en trilogie de 150 chapitres, j'étais curieux de découvrir ce que pourrait donner l'exercice sur un format court (ses nouvelles doivent faire 2000 mots environ...).
Sans surprise, on retrouve la facilité de cette auteure à brosser un contexte. J'apprécie la précision, les détails presque cliniques qui posent la situation initiale. Je suis constamment fasciné par ce mélange entre imagination et culture (parce que j'imagine que ces légendes sont basées sur une part de réel ? Mais je me trompe peut-être). Outre le fait d'avoir l'impression d'apprendre des trucs, ses écrits me font assurément voyager (États-Unis, Tanzanie et Japon en 5 nouvelles, ça fait un joli tour du monde !)
Quand je lis Maxence, j'ai un peu le souvenir de cette prof de Japonais qui nous racontait au lycée avec emphase mille et unes anecdotes du pays. La classe, suspendue à ses lèvres, finissait rêveuse ou hilare. Elle avait un tel don pour captiver ces jeunes (pourtant intenables – je peux vous dire que c'était le seul cours où ça bavardait pas !), tout comme Maxence a un don pour nous captiver avec histoires.
Heureusement, il ne s'agit pas *que* d'un style professoral, elle parvient à faire vivre avec crédibilité les émotions des personnages.
Dans The Black Dog Motel, il y a justement tout un jeu sur le fait de ne pas expliciter lesdites émotions, et pourtant l'angoisse transperce ! Par exemple le : « Remontez vos vitres. », un seul ordre, simple, mais la manière dont il est amené suffit à véhiculer avec brio toute la parano (plus ou moins fondée) qui envahit la voiture.
Le téléphone du vent est certainement la nouvelle qui m'a le plus touché. Je pense que ça passait au travers de cette atmosphère à la fois douce et dévastée : on ressent le vent léger sur une campagne désertée, au début, puis la fureur des vagues, sur la fin. Le flottement du deuil se transforme en tempête de culpabilité.
Je pense que c'est le plus important dans un récit d'horreur : installer une ambiance et la faire basculer. Là-dessus, le taf était assez bluffant !
Je pourrais quand même reprocher un point : la chute. À part peut-être dans la première, où elle est amenée progressivement, j'avais une impression de chute presque « bâclée ». On peut bien sûr m'opposer qu'il s'agit de nouvelles sur un format bref, et que, par conséquent, il est cohérent d'opter pour une chute brusque. Mon ressenti très personnel est que ça cassait l'atmosphère qu'elle avait pris grand soin d'installer.
Dans le Nurarihyon (merci d'avoir choisi un titre simple à écrire, hein), la colocataire suppute l'identité de « l'intrus » du premier coup, alors que je l'aurais plutôt vu s'étonner avec Carla de cette nourriture qui disparaît (ou alors je m'attendais à ce que les deux s'engueulent comme des poissonnières). Techniquement, tu n'étais même pas obligé de parler du nurarihyon, non ? Si tu tiens à ton format bref, garder juste le « Ça peut pas être moi ! Je suis à Hakone. Ça fait une semaine que je suis pas à la maison » suivi de « ... la porte de la salle de bain glissa sur ses gonds. » j'aurais trouvé ça ultra percutant.
Dans le cercle et Popobawa, j'ai trouvé les chutes un peu légères en termes d'horreur. En gros, les « monstres » finissent par violer sauvagement nos pauvres protagonistes (quoique celui de Popobawa, on ira difficile le plaindre). Je ne suis pas en train de suggérer de caser des descriptions en long et en large de ces viols (ce serait pas très Wattpad compatible), mais au moins d'accentuer, approfondir et étoffer ces fins.
Par exemple, dans le cercle, il y avait pour moi une occasion loupée sur la description des bêtes démoniaques. J'aurais bien vu du cauchemar et de l'indicible à la Lovecraft. Là, j'ai un peu eu la vision de gros toutous noirs qui viennent te faire un câlin en grimpant sur ton dos. Je ne suis sûr que c'était l'effet voulu.
Idem dans Popobawa, les petits détails de « enchaîné aux montants du lit, au ventilateur ou au cadre de la fenêtre », ce serait passé avec « Christine, 50 ans, femme au foyer, découvre les joies du BDSM », mais là dans le contexte, ça sonnait pas trop « créature maléfique ».
Je me permets de chipoter parce que je sais que tu as une plume très maîtrisée et que tu es une auteure expérimentée (je passe du « elle » au « tu », ma critique n'a aucune cohérence).
Cette transition me permet d'enchaîner sur le style.
Comme je l'ai dit, j'adore ton écriture. Il y a un côté assez simple dans la narration ; on ne va pas chercher les mots les plus rares ou les figures de style les plus tordues pour se la péter en mode « je gère de la fougère », mais ça suffit parce que cette simplicité est extrêmement maîtrisée : le vocabulaire est choisi avec justesse et précision, les phrases s'efforcent de rester claires et concises malgré la quantité astronomique d'infos qu'elles véhiculent, la plupart du temps. Cela n'empêche pas de toujours trouver des tournures percutantes comme il faut. Je vais donner la chute du téléphone du vent en exemple : « Michiko marche vers cette mer qu'elle déteste. » Voilà, c'est simple, ça en dit long et c'est parfait. Y'avait pas besoin de plus.
En conclusion :
Gros coup de cœur sur The Black Dog Motel et le téléphone du vent qui sont riches de subtilité et ont su instaurer une ambiance qui m'a fait frémir ! Les trois autres aussi valent le coup d'œil pour le lore qui rappellent les histoires de fantômes qu'on se raconte à la lueur de la lampe torche dans une cabane isolée dans la forêt (quoi ? Vous avez jamais fait ça ?)
Si votre tasse de thé, c'est les longues sagas plutôt que les nouvelles, Maxence a ce qu'il faut dans ses tiroirs ! Je vous recommande chaleureusement Le dit de Rika qui fait partie de mes favoris (et mérite clairement d'être édité).
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