📚 Les Enlunés
Avancement de lecture : Terminé
Avec Spoilers : Juste un petit peu, entre balises
Résumé : Nicholas ne passe pas la meilleure journée de sa vie. (Comment ça j'ai repris le résumé de la chronique précédente en changeant le nom ? Chut !) Une attaque d'origine inconnue s'abat sur le prieuré où il a vécu toute sa vie, fauchant par la même occasion les moines qui l'ont élevé. Il sera heureusement sauvé par Thaïssanell, mais Thaïssanell est une Enlunée, une sorcière aux pouvoirs dits maléfiques. Nicholas peut-il lui faire confiance ?
Présentation générale :
Je suis content parce que je ne vais pas avoir grand-chose à dire sur ce livre. C'est une bonne histoire, une très bonne histoire. Solide, riche d'émotions et entraînante. Je me suis laissé emporter dans les aventures de Thaïs et Nicholas avec beaucoup de plaisir.
Il s'agit de fantasy YA (peut-être même jeunesse ?). Le lectorat est en tout cas très ciblé, on y retrouve les thèmes propres au genre : la quête d'identité, le sentiment d'exclusion dans un monde « adulte » hostile et bien sûr, l'amitié. Pour cela, je pense que ce roman n'aura aucun problème à trouver un éditeur (déjà que le YA a le vent en poupe, si en plus c'est bien ficelé ^^ )
La plume
Le livre se lit tout seul. C'est le fruit d'un style qui, sans être recherché à l'extrême, sait trouver les mots justes, les mots les plus pertinents. Il fait preuve d'un bon équilibre entre le ressenti des personnages et les descriptions d'environnement. Ces dernières ne font jamais dans la lourdeur et parviennent à dépeindre un cadre et une ambiance. J'ai éprouvé le froid avec nos héros parcourant les landes enneigées de Valglacé.
J'ai particulièrement admiré la fluidité et les enchaînements d'idées. Jamais je n'ai eu cette impression de « bouts de scotch » que je pourrais parfois avoir sur des premiers jets (quand l'auteur rajoute une idée parce qu'il fallait, mais que le paragraphe ne s'emboîte pas super bien avec ses confrères). Dans les Enlunés, aucun problème : les transitions sont toujours impeccables et la narration réussit à balayer tous les aspects, tous les questionnements des personnages sans laisser de vide.
Il en manquait peut-être, parfois, justement, des vides. Ça, c'est un point que je peux difficilement critiquer parce que c'est propre à la littérature jeunesse, mais je me suis quelques fois senti frustré qu'on me serve tout sur un plateau. Du style : « il réagit comme-ci, parce que cela. » On était aussi un peu pris par la main avec des raisonnements didactiques ou des passages cousus de fils blancs.
Bien sûr, dans l'ensemble, ça fonctionne (d'autant plus pour un livre jeunesse).
J'aurais dû le préciser plus tôt : le récit se base sur une alternance de points de vue à la première personne entre Nicholas et Thaïs. Les segments sont entrecoupés par un « interlude », sous forme de missive rédigée par des auteurs chaque fois différents. J'ai trouvé cette mécanique super intelligente pour apporter des compléments de lore. En effet, Nicholas et Thaïs sont poussés à la marginalité par les évènements. Or, difficile d'exposer un univers quand on ne suit pas un personnage qui évoluerait au cœur d'intrigues de pouvoir. Outre que le fait que le style de l'autrice s'est admirablement adapté à ces changements de ton, ces interludes ont répondu à nombre de mes questionnements et apporté davantage de points de vue sur les « Enlunés » et leur rejet par la société.
Parlant du choix narratif, je me souviens qu'au début du récit, je me suis demandé si la première personne était vraiment pertinente. Parce qu'on se positionne dans la tête de Nicholas, un garçon de treize ans, profondément choqué par l'attaque de son lieu de vie et une fuite dans la neige vers l'inconnu ; qui plus est en compagnie d'une sorcière ! Or, j'ai trouvé la narration assez « neutre ». Nicholas me semblait presque stoïque ou détaché face aux évènements (ça, c'est parce que sa narration devait aussi décrire l'environnement, les péripéties... sauf que ça me faisait bizarre à travers les yeux d'un prota sensément traumatisé).
Il y a eu ce passage, en particulier :
Où je me suis : quelle lucidité sur son endoctrinement ! Pour un garçon de treize ans qui n'a connu QUE l'éducation religieuse.
En vrai, tout ceci s'explique aussi par le fait que Nicholas a appris la méditation. Sa foi en l'Ethernel lui permet d'affronter ces épreuves. C'est d'ailleurs la magie de ce livre : TOUS les points que je pourrais critiquer se justifient parfaitement dans la diégèse. Pour ça : bravo l'autrice ! (Mais je vais quand même les soulever parce qu'on est là pour ça, mouhaha)
Bref : Si la narration à la troisième personne m'avait paru plus pertinente au début, je me suis vite habitué à la première personne, une fois immergé dans l'histoire.
Les noms
Je sais, c'est de l'ordre du détail purement anecdotique, mais je les ai trouvés tellement appropriés. Rien que les « Enlunés », c'est simple, mais il fallait y penser ! Outre le lien évident avec la source de magie de ces mages (la lune), ça me rappelle aussi le côté marginal et à part de ces personnages (l'expression « la tête dans la lune » qui pourrait se contracter par « Enluné ». Même si tes personnages n'ont pas « la tête dans la lune », ça m'évoque la rêverie, le fantastique et le voyage. Comme les « Astriaux », d'ailleurs).
Les choix de noms pour le clergé sont aussi très bien trouvés, car imaginaires, mais évocateurs : l'Éthernel, l'Archivel...
L'univers
Ça a été pour moi LE gros coup de cœur de cette histoire. L'univers est tellement bien pensé. Les Enlunés tirant leur magie de la Lune, l'autrice extrapole en attribuant des pouvoirs liés à la lumière et aux capacités d'attraction du corps céleste.
Les Enlunés sont relativement puissants, mais cela est contrebalancé par le fait que leur magie est fonction des phases de la lune et qu'elle disparait la journée. On a donc un système équilibré, avec des habilités et des limitations avec lesquelles il était intéressant de composer.
Face à cela, on a un clergé dans le rôle classique de l'institution obscurantiste qui incarne la crainte de la population « normale » envers la magie.
On a aussi la touche « d'adorabilité » avec les Astriaux, ces compagnons des Enlunés sous la forme de petits animaux chimériques, invisibles aux yeux des gens normaux.
C'est un classique, mais ça fonctionne toujours. Moi, ça m'a rappelé la saga de mon enfance : À la Croisée des Mondes.
Une identification forte
Un autre atout de ce roman, c'est son potentiel pour susciter une identification forte avec un public adolescent. J'ai retrouvé tous les ingrédients indispensables du YA, que ce soit dans les thèmes, la forme ou la personnalité des personnages.
Il y a par exemple une dichotomie claire entre Nicholas, plus jeune et tête brûlée, et Thaïs, plus âgée et plus sage. Donc deux voies d'identification possibles (qui brassent assez large) pour le lectorat. D'ailleurs, les deux protagonistes sont attachants chacun à leur manière et la plongée dans leur point de vue renforce le lien émotionnel.
Le fait que les Enlunés soient rejetés de la société peut faire écho à une période de l'adolescence où l'on se sent seul contre le reste du monde, ou inadapté à un monde d'adulte auquel on est forcé de se conformer. Un autre sous texte : les thérapies de conversion de l'église de catholique (et de manière générale, l'hostilité des intégrismes religieux face aux personnes lgbt / différentes). On a vraiment les personnages qui luttent contre l'injustice et, par empathie, on ne peut qu'être à fond derrière eux !
Je pense que c'est un roman qui résonnera chez beaucoup de lecteurices, car il fait preuve d'une certaine universalité.
L'intrigue
Je ne vais pas en dire grand-chose. Globalement : l'intrigue fonctionne. Les éléments s'emboîtent tous sans accrocs, tout est pensé pour ne pas laisser de trous dans l'histoire. Même si je me suis posé des questions sur certaines bizarreries, elles trouvent une explication plus tard. Les interludes apportent des éclaircissements bienvenus.
J'ai pu trouver certaines résolutions un peu faciles.
🚨 ATTENTION, C'EST L'HEURE DES SPOILERS 🚨
Chapitre 11 : Alors que Thaïs et Nicholas ne savent pas où se réfugier, Thaïs se souvient d'une famille qu'elle aidé il y a quelques semaines, pile sur leur chemin. C'est pratique.
Chapitre 20-22 : L'arc des révélations. C'était un peu dommage que Nicholas découvre la vérité en allant visiter l'Archivel pile-poil au bon moment.
C'était encore plus dommage qu'il se fasse repérer en tombant sur la porte xD
Quant au sauvetage, j'ai eu une impression de « finger in the nose » avec Thaïs et son allié qui ne rencontrent aucune difficulté pour s'infiltrer et défaire les prêtres.
Un peu pareil avec l'apparition providentielle des Enlunés Déchus à la fin et le sauvetage qui, à nouveau, souffre de très peu d'accrocs.
Néanmoins, je suis conscient qu'il est compliqué de rajouter des obstacles ou de la friction sans rallonger drastiquement l'histoire ou sans causer des dommages collatéraux aux personnages.
Autre point qui m'a fait tiquer, mais que j'ai compris en lisant ta note de fin : la partie enquête. Je trouvais ça assez naïf de la part des protas (enfin Nicholas a 13 ans, c'est normal, mais Thaïs...) d'enquêter dans l'espoir d'amener les méchants devant la justice. Surtout que, finalement, cette enquête n'a pas abouti. J'aurais trouvé plus pertinent que leur motivation soit liée au désir de dénicher d'autres Enlunés ou d'autres enfants Enlunés kidnappés par l'église pour les prévenir de la menace ou de la manipulation. La quête identitaire de Nicholas, c'était bien ça ! Faut la garder. Juste transformer les autres buts de l'enquête ? En plus, invoquer la recherche d'autres Enlunés me semblerait une raison beaucoup plus solide de demander à Boris de trouver les espions. Et ça permettrait un lien moins brusque avec l'apparition du groupe d'Enlunés (dont on avait attendu parler que dans un interlude).
D'ailleurs, tout ce passage de l'enquête souffrait peut-être d'un manque de rythme à cause de la répétition du processus de fouille. Mais bon, à part en faisant des ellipses, je ne sais pas si ce serait possible ou souhaitable de condenser cette partie...
Bien sûr, je pinaille. Je n'oublie pas que je suis dans un roman jeunesse, en ce sens, on pardonne aisément ces quelques facilités.
🚨 FIN DES SPOILERS, C'EST BON, TU PEUX ROUVRIR LES YEUX 🚨
Mon avis (en toute honnêteté)
J'ai passé un bon moment de lecture. Un peu comme quand tu regardes un Disney avec tes petits cousins. C'est mignon. C'est mignon, mais tu prends aussi conscience que tu as passé l'âge, que les personnages manquent quand même un peu de nuance (dans le sens où ils sont soit très gentils, soit très méchants...) Sauf Boris ! Boris a failli être gris, mais aaaah. Petit regret quand même qu'on n'ait pas poussé son potentiel plus loin x)
Évidemment, ça fait aussi que j'ai été moins touché par les thématiques ou les morales de l'histoire. Typiquement, certains discours qui semblent davantage émaner que l'autrice que des personnages :
Encore une fois, c'est super pour un public ado (ou même des adultes que la magie Disney touche encore !) Moi, j'ai eu cette impression qu'on me ressassait des trucs un peu évidents.
Conclusion :
Foncez ! Que dire de plus ? C'est un roman initiatique, qui traite d'exclusion et de lutte pour la justice. Les personnages sont diablement attachants et comment ne pas fondre devant leurs petits compagnons astraux. L'histoire fonctionne super bien, la narration est accrocheuse et maîtrisée pour ne laisser aucun élément de côté. On a aussi la satisfaction d'un tome 1 qui se suffit à lui-même, car les questions qu'on se pose trouvent une réponse. Néanmoins, la fin donne envie d'élargir notre champ de vision sur un univers super bien pensé.
À qui je conseille ce livre ?
À tous les fans de YA, évidemment. À un public jeune ou même des adultes qui ont conservé leur âme d'enfant.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top