📚 Les Cinq Soldats de Bambou - Tome 1
Avancement de lecture : Tome 1 terminé
Attention légers spoilers ! (J'évite de mentionner des noms, mais quand même...)
Aujourd'hui sera la critique la moins rentable du Watt Club. Lecture entamée au mois d'août, terminée le 27 décembre et... j'ai pas grand-chose à en dire, en fait.
C'était bien. Achetez-le. Voilà.
Merci, c'est tout pour moi ! On se retrouve dans deux semaines pour la prochaine critique. Portez-vous bien et passez un bon réveillon. Que 2022 soit un peu moins pourrie que 2021 !
Quoi, vous êtes encore là ?
Non, mais c'est terminé, je vous assure.
Arrêtez de scroller ! Il n'y a rien en dessous !
Comment ça « arnaque » ? Beuh, beuh, beuh, je ne peux pas vous laisser dire ça, enfin !
Ok, ok, on va trouver quelque chose à dire...
La difficulté à laquelle je me confronte avec cette critique est que je considère Lynkha comme une vétérante sur Wattpad. Elle a déjà gagné moult concours, à raison, et j'ai déjà eu l'occasion de commenter son travail sur ses trois autres œuvres. Donc, on va faire comme si vous ne la connaissiez pas et comme si je ne radotais pas, d'accord ?
La première chose qui nous saute à la figure lorsqu'on ouvre les Cinq Soldats de Bambou, c'est le travail. L'autrice a probablement sa carte de fidélité à la bibliothèque municipale et je pense qu'elle pourrait écrire un mémoire sur l'administration des royaumes de Chine en -250 av JC. Je crois que c'est le premier livre sur Wattpad où je vois une bibliographie (enfin, le deuxième techniquement après l'Œil du Dieu Serpent de la même autrice).
Le résultat visible de cet effort est une immersion très efficace dans ce monde entre historique et fantasy.
Mais ce qui contribue surtout à cette plongée dans la Chine antique, c'est cet art si maîtrisé de la description. Dès le prologue, nous sommes submergés. Moi, ça me convient très bien. J'aime lire un livre autant pour l'intrigue que pour me régaler des belles phrases.
Le style se caractérise par une utilisation (presque abusive, hein, n'ayons pas peur des mots :p ) des comparaisons. Une figure de style clairement sous-estimée en raison de sa simplicité et décriée pour sa lourdeur. Je trouve que Lynkha réussit l'exploit de la réhabiliter. En effet, elle parvient à les accorder à son univers ou à la personnalité de ses personnages.
Ici, on retrouve le côté irrévérencieux de Mille Ruses. De plus, sans ce « rajout », la phrase aurait paru terne et déséquilibrée par rapport à sa première partie plutôt longue. De manière générale, ces comparaisons s'accordent bien avec le rythme.
Je ne parle que des comparaisons, mais le reste de l'écriture fourmille de figures de style plus discrètes, néanmoins savoureuses.
« La grandeur du royaume rejaillit sur chacun de ses citoyens. » > Allégorie (reprenez-moi si je me trompe)
« Tous les rêves mènent au mont Tai, au mont Tai s'achèvent les rêves. » > Chiasme
Cela dit, je comprendrais qu'un lecteur avide d'engloutir une histoire se trouve vite noyé sous ces effets de style en cascade. J'ai essayé de lire en étant malade, j'ai vite abandonné : obligé de revenir en arrière à chaque paragraphe, car mon cerveau fatigué ne savait plus de quoi parlait telle image. Bref, c'est un livre qu'il faut lire en étant pleinement concentré, qui ne se consomme pas, mais se savoure.
Côté écriture, nous sommes servis. Côté lore, on a l'estomac qui pète. Mais comme l'a dit un jour un sage sur Instagram, « le lore, ça sert à rien. » Ou plutôt, ça sert à rien si t'as pas une histoire solide derrière. « Hold my beer » répondra Lynkha ! Puisque non contente de préparer une thèse comparative entre les philosophies de Confucius et Sun Tzu, elle a aussi calibré son intrigue au poil de c... cheveux !
Les Cinq Soldats de Bambou fonctionnent en effet sur une alternance passé-présent très efficace où le présent nous tease suffisamment sans trop nous spoiler sur le passé. Cependant, je précise « sans trop », c'est-à-dire que j'ai quand même eu la sensation de « surprise gâchée » par moments ; rares, heureusement, et inévitables, malheureusement : la structure du récit fait qu'on connait déjà le dénouement. On sait que les personnages ont survécu, on ne peut donc guère s'inquiéter sur leur sort dans le passé.
Cela ne m'a pas empêché de savourer les passages avec Mille Ruses qui furent mes préférés : le fait d'opter pour une narration interne à la première personne était une très bonne idée. J'ai vraiment trouvé la caractérisation de ce personnage impeccable et le ton sarcastique, roublard et désinvolte, juste parfait. Et quand bien même, on connait le résultat de leur aventure, cela ne nous empêche pas de profiter du voyage et de savourer les petites surprises qui le jalonnent.
Les incursions dans le passé nous permettent aussi de découvrir qu'on ne connait pas du tout les personnages qu'on côtoie dans le présent. Le passé devient un facétieux sculpteur qui forge la personnalité. Ainsi les actions de nos protagonistes nous apparaissent sous un jour nouveau à la lumière de leurs actes d'antan. Ce n'est pas trop vrai pour le 1er, ça l'est plus pour le 2ème et ça l'est complètement pour le 3ème.
Le récit est mieux ficelé que le rôti de veau de ma grand-mère : on a un infopoudrage (= de l'infodumping de qualité) extrêmement bien dosé, et des évènements qui s'imbriquent avec la précision d'un tir de navette spatiale. Cela peut aussi devenir un écueil : la structure est peut-être trop rigide. On sait très rapidement que le schéma : nouer, dénouer, renouer des pactes va se répéter. Cinq fois. Ce côté « attendu » est contrebalancé par le fait que les gardiens ont chacun une personnalité distincte et que les modalités de chaque pacte diffèrent (même si ça revient grosso modo à « protéger les frontières »), mais on a quand même des éléments qui se répètent (volontairement, j'imagine). Je pense par exemple à ces randonnées pénibles : un coup dans la neige, un coup dans la cendre, un coup en mer...
On comprend aussi qu'il ne s'agit que du squelette du récit ; l'intérêt réside dans la chair, dans l'enrobage, dans les péripéties entre ces points de passage obligés avec les gardiens. Là, je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre. On passait presque dans le genre du « thriller » et c'était un plaisir de se forger ses hypothèses.
Après, si je peux m'autoriser la comparaison avec l'Œil du Dieu Serpent : il y avait quand même moins de surprises, moins de twists qui ébranlent toutes tes convictions. Dans les Cinq Soldats de Bambou, je pense avoir l'identité de l'héritier à 80%, j'ai mes thèses sur Mille Ruses, je n'ai pas trop d'indices sur le traitre au sein du palais (ou alors le traitre, c'est juste le dragon himself, mais dans ce cas-là, il y aurait encore moins de mystères), bref, pas de quoi faire un gros retournement de situation. Mais je serais ravi que tu me prouves le contraire dans le tome 2 !
D'ailleurs le tome 2, parlons-en ! Je suis personnellement assez frustré quand j'ai l'impression qu'un tome 1 se termine juste « parce qu'il fallait bien couper à un endroit ». Alors, en effet, je te l'accorde, on a un antagoniste vaincu à l'issue de ce tome, mais à part ça : très peu de résolutions ! On se pose toujours les mêmes questions à la fin du tome 1 qu'au début. Bon j'exagère, on a bien avancé, mais je garde quand même ce sentiment de coupure en plein milieu d'un truc. Mais sur ce point-là, il est difficile de faire autrement si tu veux pas que ton bouquin fasse plus de 1000 pages.
*Vérifie sur son calepin... L'écriture, check ; le lore, check ; la structure narrative, check... Reste les personnages !*
Sans transition, donc, les Cinq Soldats de Bambou suivent donc les aventures de... sept héros. Enfin, sept dans le passé, six dans le présent (je compte ce pauvre capitaine, à force). C'est un challenge de faire évoluer ensemble tant de personnages. On voit souvent des protagonistes vivre séparément leurs vies dans un récit qui alterne les points de vue. Là, l'autrice s'est donné le challenge de s'en tenir à deux points de vue : Ciqiao dans le présent, Mille Ruses dans le passé. Encore une fois, la rigueur de la structure est présente. Mais bon, moi, je préfère ce format carré plutôt qu'un récit qui part tous les sens et dévie des règles qu'il s'est forgé quand ça l'arrange.
Mais je m'égare ! Ce que je voulais dire, c'est que lorsque tu dois faire agir cinq/six personnages conjointement en conservant un seul point de vue : accroche-toi ! Lynkha a extrêmement bossé la caractérisation afin que chaque personnage puisse être identifiable dans ses répliques sans avoir recours à des incises moches (oui, une incise est moche par essence, c'est comme ça #avispasdutoutpéremptoire).
Ça peut donner un rendu parfois artificiel. Je pense par exemple à « Ciqiao qui resserre les pans de son changpao », Huning et sa bedaine, Meifeng et sa chaleur, Zhugang et sa coiffe bleue, Tao et ses coquillages... J'avais quand même du mal à m'investir émotionnellement auprès d'eux à cause de ce côté parfois un peu mécanique, je verrais mal un vrai être humain se cantonner à deux-trois caractéristiques. Maintenant, je conçois tout à fait qu'avec beaucoup de personnages et ce choix de narration : tu ne peux pas faire autrement. Tu t'es super bien débrouillée étant donné les impératifs, mais voilà, quand il leur arrivait malheur (coucou la scène de torture), mon cœur a moins saigné que pour Choco ou Sèwanou :')
En face, l'antagoniste ne leur rendait pas non plus justice. Appelons-le Pot de Colle pour ne rien spoiler (même si on le voit dès le prologue xD). Comme les Chinois de l'époque aimaient apparemment les surnoms (Roc Vigoureux, Gros Dard et Danse Torride se disputent le podium), ça lui ira à merveille. Pot de Colle, donc, bénéficiait d'une puissance relativement exagérée grâce à la magie de son dieu. Ça permettait de justifier la plupart des éléments perturbateurs. Hélas, j'ai trouvé que sa personnalité n'était pas à la hauteur de son fort pouvoir de nuisance. Mille Ruses est sûrement bien plus pété que Pot de Colle, mais son caractère exécrable transparaît et d'autres défauts tempèrent sa force. Tandis qu'on ne sait rien de Pot de Colle. La faute à la focalisation de la narration, tu me diras, mais tout de même dans les phases où il taille le bout de gras avec ses victimes, j'aurais peut-être espéré voir un peu de nuance en lui, un but, un objectif... on les balaye trop vite dans le prologue (alors que tu fais des rappels bienvenus et réguliers pour le reste). Il m'aurait sans doute fallu plus qu'un simple « regard haineux » pour le caractériser. Même sa fin m'a laissé quelque peu tiède. Ma réaction était littéralement : « Ah ? Déjà ? Ok. » Pas que j'aurais voulu le voir plus longtemps, je suis même plutôt content qu'on change de méchant pour la suite, mais je pense que c'est un peu dommage de marquer finalement assez peu le récit. Après, je me console en me disant que du coup ce n'est pas lui le « big » méchant des Cinq Soldats de Bambou.
En revanche, bravo pour les héros, dont on découvre des facettes cachées dans leur passé. Bravo pour Mille Ruses qui est définitivement LE meilleur perso (même s'il est beaucouuuup trop fort, le récit le justifie... puis bon, en tant que narrateur, il faut bien qu'il soit au centre de l'action. Par contre, ça t'oblige à utiliser quelques stratégies de Sioux quand tu as besoin qu'il « perde » un combat, genre l'affrontement avec les pirates : on l'a vue l'excuse de la barre, on l'a vue !)
Lumière Éternelle aussi était développé sous un angle intéressant. Il est difficile d'en parler sans spoiler, mais disons qu'il était à peu près aussi ambivalent que Pot de Colle était monolithique. Et j'ai bien aimé le fait qu'on ne sache pas à quoi s'attendre avec ce personnage à la fois révéré et craint. Sur lui, repose l'avenir du royaume et le fait qu'on ne puisse ni lui faire confiance ni le remettre en cause impose un sacré défi pour nos héros.
Petit point sur le rythme pour finir : le récit m'a fait penser à une croisière sur un long fleuve pas si tranquille. Le ton est assez contemplatif avec la masse de descriptions, mais les passages d'actions n'en ressortent que davantage, et avec beaucoup d'efficacité. J'ai trouvé qu'il y avait quand même une accélération sur la partie maritime, alors qu'on prenait le temps au début. Ça peut se justifier, car les enjeux, l'urgence n'est pas la même : au début, les personnages – que ce soit dans le présent ou le passé –avancent à tâtons, explorent, enquêtent, se découvrent ; à la fin, les dangers les talonnent, donc le coup de boost est compréhensible. Faut juste être certain que la démarche est volontaire et c'est pas juste du rush pour expédier la répétition du pattern des pactes.
Oserais-je donner un avis tout à fait personnel ? Allez, je me risque, après tout, on est là pour ça : j'ai adoré les Cinq Soldats de Bambou. Vraiment, je lirai le tome 2 avec grand plaisir parce que tes histoires sont totalement immersives, l'écriture, un nectar qu'on savoure, et l'intrigue, un puzzle dont on adore essayer de deviner le motif. Cependant ! s'il fallait choisir (pourquoi choisir, tu me diras ?) entre les Cinq Soldats et le Dieu Serpent, je choisirais le Dieu Serpent. Pour les personnages, que j'ai trouvés beaucoup plus humains, et pour l'intrigue, moins répétitive. Maintenant, les deux œuvres ne sont en rien comparables : les Cinq Soldats de Bambou mettent l'accent sur un aspect plus contemplatif avec davantage de philosophie. Je pense que l'œuvre se voulait aussi plus mature, avec cette évolution des personnages en 24 ans. D'ailleurs, je n'en ai pas parlé, mais j'ai vraiment apprécié le fait de voir, pour une fois, des héros âgés.
C'était même touchant de voir les évènements raviver (en forçant un peu, quand même, merci Pot de Colle) les exploits de leur jeunesse. Il en résultait des réflexions intéressantes sur les regrets, les occasions manquées, ce qu'on sacrifie, ce qu'on gagne au change et ce qu'on perd. J'ai beaucoup aimé cette profondeur ! Et c'est peut-être pour ça, que j'ai trouvé un poil dommage de voir les réflexes « romans d'aventures » de l'œil du Dieu Serpent resurgir au galop dans une œuvre qui partait d'une base plus « adulte ».
Conclusion :
Les Cinq Soldats de Bambou est un œuvre d'une richesse indéniable. Le travail de recherche sur la contextualisation, le temps passé à l'agencement de l'intrigue et la dévotion pour aboutir à une écriture de qualité se ressentent. Le résultat est là : ce roman est abouti et a trouvé un éditeur. Je trouve que c'est toujours un signal positif et encourageant pour les auteurs lorsqu'un travail visible est récompensé de la sorte. J'ai dévoré l'histoire avec plaisir, sans y trouver de défauts autres que mes goûts et mes attentes biaisés.
À qui l'offrir une fois qu'il sera disponible en librairie ?
- Aux fans de fantasy, évidemment, l'œuvre en reprend les codes bien que le contexte soit historique. Nous naviguons dans une Chine antique et romancée, empreinte de magie et de créatures mythiques : un savant mélange qui fait mouche.
- Aux lecteurs qui aiment les longues sagas, que l'aspect « répétition » d'une quête ne dérange pas tant qu'il y a des variations pour tenir en haleine. Sur ce point, les Cinq Soldats de Bambou réussit parfaitement.
Un grand merci à Lynkha pour le partage et on souhaite à ton œuvre de voler de ses propres ailes bientôt !
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