📚 Les Chroniques d'un lézard
Avancement de lecture : Terminée.
Genre : Parodie, fantasy, fable
Avec Spoilers : Légers, entre balises.
Résumé : Krrkippaal a un rêve : écrire une épopée qui fera de lui un Maître-Conteur. Ainsi le lézard quitte ses îles sèches à la découverte du monde des humains où il trouvera, sans nul doute, l'inspiration ! Et peut-être aussi un peu de sagesse ? Ça reste à voir.
Franchement, j'ai adoré. Ce fut une super découverte que ces chroniques qui commencent en parodie nalhalbeukienne pour finir en conte philosophique, façon Zadig ou Candide (je ne m'avancerai pas plus dans la comparaison, je n'ai qu'un souvenir trop vague et lointain de ces œuvres). Et pour une fois un texte court ! J'ai dû le lire en 3, 4 heures et je ne regrette rien.*
*sauf peut-être le nom impossible à écrire de ce protagoniste, que je renommerai donc « Krikri » — façon Hélène et les Garçons — parce que le respect s'arrête là où ma dyslexie commence.
Style et lézard
J'adore les narrations avec une vraie voix. Et pour le coup, je suis comblé avec ce lézard. On a donc affaire à un narrateur complètement biaisé, à côté de la plaque et pourtant pétri des certitudes que lui confère sa suffisance. On savoure ce mélange de prétention, de bêtise maquillée en sagesse, de drôlerie et de touchante naïveté.
Je voulais parler du style (volontairement) trop léché de l'auteur, qui sait faire cohabiter les traits d'esprit avec du vomi, ou des moments de poésie bercés par des vents de flatulence... (oui, si vous n'aimez pas les fluides, vous allez être gâté). Quand ce n'est pas simplement des métaphores scrupuleusement choisies :
Mais comment discerner le style du personnage ?
Le récit a complètement investi Krikri (ou l'inverse) et j'admire ce ton très marqué qui nous brosse un portrait à contrepoil (à contre-écaille, du coup ?) du plus anti-héros des héros.
Parce que oui, vous n'allez pas aimer Krikri. Ou plutôt vous allez adorer qu'il vous désespère, surpasse à chaque occasion la plus misérable de vos attentes. Il réussit l'exploit d'être lâche, stupide et extrêmement égoïste tout en se figurant en noble et brave héros, à l'image de ceux de ses sagas favorites. Alors on rit de lui, plutôt qu'avec lui. Pourtant, on ne peut aussi s'empêcher de compatir. J'ai ressenti une empathie très troublante pour cet insupportable fat.
Il évolue au fil du récit. Parfois dans une direction qui ne fait que nous exaspérer davantage, mais in fine, vers quelque chose de quand même un peu positif.
De la parodie au conte philosophique
J'avoue qu'au début, je n'attendais pas grand-chose de cette fable. Je ne savais pas forcément où on allait (et l'auteur non plus, il me semble xD). L'histoire est simple : un lézard explore le monde des humains et court de désillusions en désillusions à mesure qu'il se rend compte que les humains sont loin d'être à la hauteur de ses attentes (basées sur des sagas de fiction qui ne manqueront pas de rappeler Tolkien ;) )
La noblesse des héros de roman se heurte à la terne réalité, à la bassesse ou à la lâcheté des hommes. Mais loin de prendre de la hauteur, notre Krikri se vautre dans la même fange et se ridiculise. Tel le corbeau lâchant son fromage, il gobe la moindre flatterie et conspue les hommes insensibles à son « intelligence ».
J'ai adoré ce « gimmick » de la joute de proverbes : chaque personnage y va de son dicton pour appuyer son propos. La science de comptoir devient alors une science valable et on ne manquera pas de sourire ou soupirer devant cette tendance à l'auto-validation.
On apprécie aussi les moments où la parodie prend à rebours les clichés de la fantasy, comme lorsque Krikri rencontre un « Gandalf », ermite bien installé dans ses marais qui n'a guère d'autre savoir que la culture de courges à partager. Ou lorsque le barbare Ankrolm se révèle plus cultivé que le veut la tradition barbarique en fantasy :
La parodie pourrait s'arrêter là. On aurait un récit drôle et ce serait déjà bien. Mais petit à petit, une intrigue se dessine, des twists remodèlent le schéma narratif, donne plus de profondeur au caractère vain de Krikri et on termine en apothéose avec la dernière partie « Transcendance ».
Pour moi, ce sont vraiment les passages, où le Hobereau apparaît à Krikri, qui injectent de la substance dans le récit. Progressivement, ils gagnent en importance et constituent la pierre de voûte de l'évolution (espérée) du lézard.
Je n'en dirai pas plus, car il vaut mieux que vous alliez découvrir les surprises que réserve l'histoire par vous-même. J'ai en tout cas beaucoup aimé la tournure que prenait l'histoire à Sevihcra. En revanche, j'ai pu trouver la fin un poil décevante, parce que j'attendais probablement quelque chose de moins « simple », moins « terre à terre » après les derniers évènements. Malgré tout, l'aspect en demi-teinte était sans doute nécessaire : le lézard n'allait pas non plus se transformer en saint !
Un arrière-plan flou
Aurais-je trouvé la perle rare ? Le récit parfait ? Il pourrait le devenir, mais en l'état, j'ai quand même relevé quelques passages flous. Les commentaires ont déjà parlé de la scène du « largage » par-dessus bord ou du « délicieux » repas offert par Ankrolm, donc je ne reviendrai pas dessus.
Je veux plutôt m'étendre sur une tendance générale : si on connait très bien le lézard, j'ai souvent eu du mal à me figurer les intentions des autres personnages. Bien sûr, c'est délicat : Krikri est tellement obnubilé par sa propre personne qu'il n'a pas le temps de s'intéresser aux autres, mais je trouve que ça pourrait quand même être plus « logique » pour le lecteur.
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Typiquement pour la scène du bateau, on pourrait rajouter quelques détails qui montrent qu'il y a une épidémie (si c'est bien ce qu'il fallait comprendre), et que Krikri ne capterait pas, mais nous, si. Idem pour le repas : on pourrait apercevoir des lézards sauvages galoper dans les parages, que cette fameuse viande ne sorte pas de nulle part...
Ce qui m'a surtout interpellé, c'est : pourquoi Ankrolm a-t-il fait ça ? Certes, il n'a jamais témoigné d'une grande affection pour le lézard, et son geste pourrait s'expliquer : volonté de faire fuir Krikri pour l'éloigner de Mirette. Néanmoins, le suggérer plus clairement me ferait accepter que ça ne tombe pas du ciel.
Parlant de Mirette, on ne saura pas vraiment pourquoi elle a pris la poudre d'escampette alors qu'elle tenait autant à son « chaton ». Peut-être parce qu'elle ne se sentait pas à la hauteur de sa destinée ? On ne peut que supposer dans le vague.
J'ai aussi trouvé un peu providentielle l'aide de Waffel, ou encore étrange que Fissure amène d'emblée Krikri dans le Sevihcra malgré les risques, sans jamais donner de mises en garde, si ce n'est qu'un vague « tu n'as rien sorti, j'espère ? » Du coup, je ne peux m'empêcher de considérer que c'est un peu de sa faute de s'être montrée aussi inconséquente x)
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Bref : le récit est court > tu peux te permettre de développer davantage le background, le lore autour de Mirette, l'épée, la bibliothèque, donner des indices sur les intentions des personnages, même si le lézard ne les comprend pas... La subtilité, c'est bien, mais pas trop quand même xD
Conclusion
On est sur un petit coup de cœur (et vu comme je suis difficile, c'est déjà beau). Je pense que le récit peut monter en grade et s'affiner encore avec un peu de développement sur l'intrigue et les personnages, ainsi qu'une direction plus claire dès le départ (le jardinage, ça va bien un temps... :p )
En tout cas, j'ai vraiment adoré l'idée, le personnage complètement anti-héros de Krikri et le step-up de l'histoire qui apporte de la réflexion et de l'intelligence au-délà des blagues. C'est un récit qui offre plusieurs degrés de lecture. Il y a sûrement plein de subtilités qui m'ont échappées, mais ça fonctionne quand même au global. Malgré une fin une chouia frustrante, j'ai passé un super moment de lecture.
À qui je le conseille ?
À tout le monde ? Non, peut-être pas tout le monde. Certains ne seront sans doute pas sensibles à ce héros lâche et vaniteux qu'on apprécie difficilement, peut-être que les amateurs d'héroic-fantasy traditionnelle n'apprécieront pas pleinement les piques contre le genre (même si je pense qu'au contraire, ça fait du bien de rire des clichés ^^). La dernière partie est sûrement un de ces passages « ça passe ou ça casse ». Chez moi, c'est passé, mais je ne promets rien pour vous.
Le mieux, c'est d'essayer !
Merci pour le partage 🙏
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