📚 Le Mur

LyannaStark02

Avancement de lecture : Terminée

Spoilers : Oui. Entre balises.

Trigger Warning : Suicide, drogues, troubles alimentaires, agressions sexuelles

Genre : Drame

Résumé : Au sein de l'école très aisée de Memphis, il existe un mur, source de bien des drames. Lorsque deux personnes voient leurs noms écrits sur ce mur, elles doivent finir en couple avant la fin de l'année ou subir la malédiction : la mort de l'un des deux impliqués. C'est le sort que le mur a réservé à Leila. Avant de se suicider, elle laisse une lettre à charge qui fera exploser leur groupe d'amis. Il revient alors aux deux nouveaux nominés d'élucider les circonstances de sa mort.


Présentation générale

Ça me fait très plaisir de vous parler de ce livre, car j'ai adoré ! Et pourtant, ce n'était pas gagné. J'ai tiré la grimace au début : « ohlala, du teen drama avec des problèmes de gosses de riches et une intro sur une lettre de suicide façon 13 reasons why, ça va pas être pour moi. » Que nenni ! Je me suis laissé happé par lesdits problèmes et embarqué dans la tempête d'émotions.

PS : J'appelle ça du « teen drama », mais les personnages sont adultes (20 ans). Puisque maintenant le terme « young adult » est clairement attribué aux 13-18 ans, je ne sais pas dans quelle case ranger une histoire contemporaine, avec peu de romance (on se focalise essentiellement sur le groupe d'amis). Bon, on n'est pas obligé de donner des étiquettes à tout.


La plume

Premier indice : le style est complètement ma came. Les phrases sont incisives, efficaces. On ne nous prend pas par la main : les choses sont dites une seule fois et ça suffit à marquer l'esprit au fer rouge. Ce qui m'a le plus impressionné, c'est la justesse des mots. L'autrice a un fusil sniper et elle sait s'en servir.

Particulièrement quand il s'agit d'exprimer ce que vivent les personnages, leurs états d'âme, leurs qualités, leurs travers (surtout leurs travers), leurs ressentis. Je n'ai pas vraiment d'exemples à vous donner, on ne va pas nous dire « Machin est triste que Bidule l'ait trahi », on va nous le faire comprendre, on va le montrer dans les actes et les conséquences. C'est extrêmement réussi.

Il y avait une façon à la fois très belle et très rude de parler des blessures psychologiques. Surtout à un âge où l'on découvre le monde adulte et que la vie n'est pas tendre.

🔆

D'autres fois, l'autrice se faisait plaisir avec quelques longs paragraphes pleins de poésie pour nous parler d'amour de façon indirecte. Gros coup de cœur pour les passages où Alexandre jouait du piano :

Les descriptions étaient rares. Cela peut faire partie des défauts de l'écriture, mais de façon générale, j'ai trouvé que cette avarie se justifiait par la place nécessaire qu'occupaient les émotions. Et quand il y avait quelques descriptions, elles étaient qualitatives :

Les mouvements, actions, situations des personnages étaient à peine estompés, juste assez pour qu'on comprenne l'essentiel sans jamais étouffer le récit. Et, fait rare : on évite les fameux clichés des « sourires », des « soupirs » et autres regards divers et variés, en choisissant de parler des petits gestes.


La structure

Le choix d'une alternance de point de vue à la troisième personne était une bonne idée, car cela permet de s'intéresser à tous les personnages qui composent le groupe. Ça renforce aussi l'aspect « puzzle », avec des pièces à rassembler petit à petit en fonction de ce que savent les personnages, ce qu'ils apprennent de nouveau.

La focalisation était un peu floue : interne (on suit vraiment les réflexions et les émotions d'un personnage), mais avec quelques libertés par endroits, où on se permet une sortie du cadre pour imposer des réflexions plus généralistes. Ce mélange fonctionnait bizarrement bien. Si on avait gardé la première personne, je me dis que ça aurait été limitant, ou que les « leçons de morale » auraient sonné étrange dans la bouche de ces adultes pas tout à fait adultes.


Cependant...

L'écrit n'est pas parfait. (Qui peut prétendre à la perfection de toute façon ?) Je me permets de lister quelques points possibles d'amélioration (sans que cela soit indispensable) :

• Pas mal de petites coquilles à droite à gauche. Ce qui est franchement mineur : l'orthographe, ça se corrige facilement. Dans les fautes récurrentes : la conjugaison des verbes du 3ème groupe au présent (pas de s à la fin), des virgules manquantes avant ou après les interpellations/ interjections, des cadratins qui sautent ou des tournures « pas françaises ». Je n'ai pas tout annoté, mais je suppose que le jour où tu te replongeras dedans, ce souci se règlera sans problème.

• Je parlais des descriptions minimalistes et si ce n'était pas gênant en tant que tel, cela nuisait cependant parfois à ma compréhension : où sont les personnages, là ? Et avec qui ils sont ? Ils sont comment l'un par rapport à l'autre ? 90% du temps, on s'en fiche, mais ça pouvait devenir difficile à suivre dans les chapitres où il y avait beaucoup de personnages ensemble : le 4, le 9, le 19, le 21...

• Mais cette gêne provenait surtout du manque d'incise dans les dialogues (je n'en reviens pas de dire ça alors que je déteste les incises) qui rendait dur de savoir qui parlait. Si ce n'est pas un problème avec 2 personnages, cela devient acrobatique quand ils sont plusieurs. On part aussi du principe, qu'en l'absence incise, c'est le dernier personnage mentionné dans la narration qui dit la réplique. Ce qui n'était pas toujours le cas dans ce roman.

• Même souci avec les pronoms : la troisième personne implique beaucoup de « elle/il » et avec une farandole de personnages, dur de savoir de qui on parle. Là encore, la convention veut qu'un pronom réfère au dernier personnage cité... Lorsque ce n'est pas le cas, mieux vaut redonner le nom du perso (ça fait partie des rares répétitions tolérées).

• Des transitions un peu brusques : je vois souvent les auteurs marquer un changement de lieu / de temps avec une délimitation dans la narration (un petit astérisque, un saut de ligne plus important...) Ça n'a rien d'obligatoire, c'est juste « cosmétique », mais j'avoue que ça aide quand même en tant que lecteur. Parfois, les transitions étaient sèches : on avait à peine l'impression d'avoir conclu une scène que le personnage filait ailleurs. Donc, encore une fois, c'est optionnel, mais n'hésite pas à prendre un peu plus de temps pour certaines transitions, qu'on ait moins la sensation de sauter du coq à l'âne.

• Des raccordements un peu étranges. Certes, c'est la structure du récit qui veut ça. On alterne les points de vue des personnages en gardant une trame linéaire. Par exemple, si A et B sont à une fête et que A part en sucette à la fin de la fête en se réveillant le lendemain dans la piscine du voisin, et bien, nous ne saurons pas ce qu'il s'est passé à la fête, du côté de B, après le départ de A. C'est un choix, je valide complètement, mais... Ça créait parfois des ellipses qui surprenaient. Je suis obligé de spoiler pour donner des exemples :

🚨 [SPOILER]

Alexandre et William sont en froid après ce qu'il s'est passé à une certaine fête à Avignon... Quand on les retrouve quelques chapitres plus tard, ils sont à deux doigts de se sauter dessus. Idem avec Madden et Erwin qui sont un coup fâchés, un coup réconciliés, un coup re-fâchés... Il y avait aussi (chapitre 8) une scène où Emma explose contre Madden. On comprend, certes, pourquoi dans la suite, mais sur le moment, ça m'aurait paru plus logique qu'on nous montre — par exemple — une scène où Madden se plaint d'Erwin à Emma, histoire de mettre le feu aux poudres. Pour vraiment chipoter, j'ai aussi trouvé que la mention des troubles alimentaires d'Emma survenait trop tard, et qu'on aurait dû avoir un peu plus d'indices dans le premier chapitre (peut-être les ai-je loupés, cela dit), mais en tout cas, ça m'a fait l'impression que c'était un élément que tu avais rajouté en cours de route.

[/SPOILER] 🚨


Les personnages

Le meilleur de l'histoire, bien sûr ! Pourtant, j'ai absolument zéro affect pour la jeunesse dorée, croyez-moi, mais que voulez-vous... J'aime bien les têtes à claques.

C'est ce que je préfère, ces personnages bourrés de défauts. Ça les rend tellement plus humains, plus crédibles ! Et là-dessus, j'ai été plus que servi.

Je les ai tous aimés d'amour (les principaux, en tout cas) parce qu'il y avait un équilibre tellement réussi entre les conneries qui les font plonger et l'empathie qu'on ressent malgré tout pour eux. Puis ils ont du cœur, chacun à leur manière.

Emma était (pour moi) la plus touchante : avec son côté papillon qui ferait n'importe quoi pour qu'on la regarde, qu'on fasse attention à elle. Et quand je dis « n'importe quoi », ça peut aller très loin dans le « n'importe quoi ». Elle est un tissu de paradoxe, à la fois extrême et désinhibée, à la fois fidèle et capable de trahison, à la fois peste et victime. Elle souffre, elle le mérite et ne le mérite pas à la fois. Une vraie héroïne de tragédie.

On a Madden pour incarner la figure de la perfection, mais qui, à force de tout investir dans son couple et ses études, s'est coupée des autres.

Erwin en amoureux transi et digne (ou pas toujours xD) dans l'attente d'un signe de sa dulcinée tel un héros romantique qui se languit (et avec une Lamborghini à la place de l'épée).

William en meilleur ami d'Emma, phare dans l'obscurité, mais phare un peu vacillant quand même. William se trimballe un lourd passé. Classique quand on est un personnage de roman tragique. C'était cependant traité avec beaucoup de finesse.

Alexandre est un peu à part. Il me faisait l'impression d'un soleil qui regardait au loin ses petites planètes, bien qu'elles ne gravitent pas autour de lui. En tout cas, il apportait sa touche de chaleur et de poésie à l'histoire, et dieu sait qu'on en avait besoin.

Enfin, Raven et Lucas sont peut-être les personnages les plus importants : au cœur du drame avec Leila. Il y avait un côté frustrant à savoir qu'ils en savaient beaucoup plus sur cette affaire que ce que la lettre nous en disait. Ça ne m'a néanmoins pas paru artificiel. Ils n'étaient pas sans arrêt en mode « si seulement ils savaient la vérité que nous ne pouvons pas leur dire » (bon, un peu quand même, mais pas tout le temps). La plupart du temps, ils cherchaient à s'éloigner de l'onde de choc qu'a provoqué le suicide de Leila, à reconstruire leurs vies. Une stratégie de fuite qui pourrait les faire passer pour lâches... J'ai adoré l'atmosphère de leurs chapitres, empreinte de tumultes et d'averses. Malgré cela, ils se rappelaient toujours qu'ils s'aimaient et qu'à eux deux, ils pouvaient surmonter toutes les tempêtes.

Bref, j'ai aimé avoir affaire à des personnages réalistes, complexes et diablement travaillés. L'aspect psychologique est au cœur du roman, et il fallait bien qu'il soit porté par ces protagonistes aux caractères si riches.


L'intrigue

Je ne vais pas mentir : j'ai eu peur pendant une bonne partie du livre. Peur qu'on s'égare trop loin dans le pathos autour de la drogue et autres saloperies dont est capable la noirceur humaine. Peur que les indices s'éparpillent, que les pistes nous mènent dans une impasse. Peur qu'on bricole un dénouement tarabiscoté pour justifier à rebours tout ce chaos.

Comme je suis heureux que l'autrice ait prouvé le contraire !

Il y avait peut-être quelques exagérations :

🚨 [SPOILER]

Les personnages de Liam et Simon en particulier. Surtout Liam à vrai dire qui forçait un peu le jeu d'acteur du bad guy, maintenant ça reste un perso secondaire, donc on pardonne. Par contre, j'ai du mal à imaginer comment Chloé a pu retirer 200k euros en moins d'une heure. Déjà, qui a une telle somme sur son compte ? (à part les gosses de riches dont elle ne fait pas partie). Idem pour Leila, les deux millions, je trouvais ça un peu too much, mais le montant faramineux est sans doute justifié...

Il y avait aussi les effets de la drogue qui étaient un peu exagérés (les amnésies *totales* avec le GHB restent rares, surtout sans mélange avec l'alcool, surtout avec un dosage qui lui laisse visiblement une vigueur suffisante / idem pour le cannabis qui donne des hallus, mais ça, à la rigueur, on peut le mettre sur le dos de la situation de fragilité psychologique). Bon après, ça passe parce qu'on est dans un livre et que les livres sont des concentrés de situations exceptionnelles.

J'étais surpris de découvrir qu'Emma n'était pas au courant pour le père de Leila, alors qu'elle rendait visite à sa mère à Arles...

Chap 19, je me suis demandé pourquoi « l'acte » d'un certain personnage ne s'était pas produit plus tôt, sachant qu'ils partageaient la même maison depuis un mois. Ce n'est pas improbable, mais juste étrange pour le timing...

À la fin, j'ai buggé sur le « il faut absolument faire une fête pour avoir des témoins et laver l'honneur de Machin. » Cela m'aurait peut-être paru plus logique (pour justifier la fête) que Madden et co pensent que ce soit le seul moyen d'attirer L&R ? (parce qu'en les convoquant en mode tribunal, elle pensait qu'ils se débineraient...)

[/SPOILER] 🚨


Évidemment, je pinaille. J'ai été bluffé que tout se tienne parfaitement, et même si j'avais deviné le dénouement avant la révélation, l'avant-dernier chapitre était bien mené (alors que ce n'était pas évident). Tout était logique, anticipé et impitoyablement glaçant.

La fin était pleinement satisfaisante (alors que ce n'est que le tome 1) et surtout, elle m'a vraiment ému.


Conclusion

Je ne veux pas en dire plus, car j'espère vraiment que ce retour donnera à quelques curieux l'envie de découvrir ce livre. Parce qu'il en vaut la peine, et ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur du teen drama bien écrit, bien ficelé et émouvant sur Wattpad.

À qui je le conseille ?

Bien sûr, ce n'est pas à mettre entre toutes les mains. Vérifiez les TW dans l'intro. Peut-être que vous ne serez pas du tout sensibles à ces personnages de tragédie grecque (version drogue et jet set), mais si vous vous sentez capables d'entrer en empathie avec eux, alors le voyage promet d'être inoubliable.

Merci LyannaStark pour le partage !🙏


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top