MiraSanvini

Avancement de lecture : Chapitre 17

Spoilers : Non

Trigger Warning : Violence psychologique, maltraitance, discrimination, scène érotiques

Genre : Romance

Résumé : Eliott est gay. Et du point de vue de ses parents et de leur paroisse très conservatrice, c'est un péché. Lorsque sa mère le surprend en train d'embrasser un garçon, Eliott est amené de force en thérapie de conversion. Un traitement violent qui laissera évidemment des séquelles à l'adolescent. Mais Loïs, son petit ami, est bien décidé à ne pas laisser l'obscurantisme religieux s'immiscer entre l'amour.

Présentation générale

Je n'ai malheureusement pas réussi à finir cette histoire, le sujet étant trop éprouvant pour moi. Les premiers chapitres annoncent la couleur : il ne s'agira pas d'une romance douce qui met du baume au cœur, mais d'une lutte de longue haleine au cours de laquelle Eliott devra s'affirmer et se reconstruire.

En cela, le livre tient bien ses promesses. L'accent est mis sur le traumatisme et les blessures psychologiques. On souffre avec Eliott et on le regarde, impuissant, s'enfoncer. Même si, dans cette embarcation en proie aux flots, le phare des sentiments lui montre de temps à autre qu'une autre voie est possible.

La plume

D'un très bon niveau, je ne peux que saluer la maîtrise et la poésie de Mira quand il s'agit de parler d'émotions. J'ai juste pu être freiné à certains moments par le ton lancinant de la narration. Le narrateur à la première personne (Elliott) nous détaille exhaustivement ses pensées, ses ressentis, et on reste tout le temps sur un rythme lent, même quand ce dernier panique (ce qui arrive régulièrement).

De manière générale, beaucoup d'idées se répétaient. Enoncées différemment, certes, mais souvent, Elliott ressassait pendant plusieurs paragraphes quelque chose qu'on avait compris depuis longtemps.

Typiquement, on dit ici 5 fois qu'ils ne parlent pas. Et, autant je n'ai pas de souci avec l'effet de gradation jusqu'à « Nos corps parlaient pour nous » — c'est même très bien — par contre la suite de la phrase rajoute une couche qui n'est plus nécessaire à ce stade.

J'embraye aussi sur une technique narrative qui, si elle peut aider certains lecteurs, a tendance à personnellement m'agacer : la sur-explicitation.

Ensuite, il y avait quelques lourdeurs, notamment avec les adverbes (en grande quantité) ou des structures superflues. Je me suis permis de mettre un exemple ici :

Dernier petit détail (mais c'est complètement du pinaillage) : je ne trouve pas ça naturel quand un personnage narrant à la première personne associe une partie de son corps avec un adjectif.

Un récit qui prend aux tripes

Outre la romance, c'est surtout le drame qui importe. Les angoisses d'Elliott prennent toute la place, rongent tout le reste. J'ai parfaitement vécu son malaise par empathie. Les confrontations avec sa mère étaient absolument terrifiantes.

Il y a une tension qui s'installe et qui dure, et qui dure... Je ne peux pas dire que ce fut agréable pour moi, mais c'est néanmoins la grande réussite de cette histoire : montrer une réalité difficile et la peur qui avale l'insouciance de la jeunesse sans la moindre pitié.

De la romance, et... ?

La romance suit une structure atypique. Il ne s'agit pas de faire languir le lecteur jusqu'à ce que les personnages se rendent compte qu'ils s'aiment et se mettent ensemble. Ici, dès le début, Elliott et Loïs se mettent en couple. Tout l'enjeu sera de rester en couple malgré les difficultés.

Le concept est intéressant. Hélas, j'ai eu le sentiment que l'histoire ne reposait que sur cet enjeu.

Par exemple, dans Alter Ego, de la même autrice, l'histoire se déroulait sur la côte ouest des États-Unis, ce qui permettait de développer un cadre, d'introduire plus de personnages secondaires, de mieux les travailler... Dans Entre Nous, j'ai eu du mal à sentir une vie en dehors de la relation Elliott-Loïs. D'un autre côté, on ne peut pas dire que l'histoire porte mal son titre !

Peut-être est-ce dû au cadre à peine esquissé (lycée tout ce qu'il y a de plus classique) ou à l'absence de personnages secondaires accrocheurs (Arnaud ne m'a pas semblé exister indépendamment de son rôle de meilleur ami).

Cela dit, l'histoire bascule dans la seconde partie, donc peut-être que ce point devient caduque à ce moment-là. Mais en tout cas, dans cette première partie, j'avais l'impression d'explorer avec des œillères.

Des recherches très studieuses

L'histoire a cette originalité de suivre un personnage catholique et croyant. Cela se ressent dans son comportement forgé par une éducation stricte, ainsi que dans sa façon de parler. Il y a un bel effort de se glisser dans la peau d'Elliott.

Pour appuyer cette caractéristique, Mira a choisi de parsemer le récit de citations de la bible. Je trouve que les psaumes choisis en début de chapitres passent très bien pour nous immerger et rajouter une touche de poésie au texte. J'ai un peu plus de réserves quand Elliott les récite pour lui-même avec le numéro exact du verset (il était très assidu au catéchisme), néanmoins pour quelques moments clés, ça passe bien.

Par contre, je deviens vraiment plus sceptique quand Loïs et Elliott se les récitent en guise de déclaration d'amour. Si un jour, je rencontre quelqu'un capable de continuer par cœur une citation de la bible, je ne sais pas si je serais effrayé ou admiratif. Enfin bref, tout ça pour dire, que ça reste des ados. Croyants, certes, mais des ados. Et ils ne parlaient pas toujours comme des ados.

Il y avait aussi un moment où Elliott évoque l'association Le Refuge, mais il en parle comme s'il lisait le descriptif d'une brochure.

C'est très bien de vouloir ancrer le récit dans la réalité, mais attention à ce que cela ne devienne pas trop scolaire au détriment du naturel.

Conclusion :

Entre Nous n'est pas une histoire confortable. Elle traite d'une réalité cruelle et malheureusement encore d'actualité. J'ai trouvé que l'autrice avait accompli un travail impressionnant pour construire un personnage à la fois croyant, amoureux et traumatisé. Cela m'a permis d'éprouver l'angoisse et la tension avec une efficacité redoutable.

C'est hélas aussi ce qui m'a empêché de poursuivre (j'ai beau être sadique avec mes personnages, je n'aime pas voir ceux des autres souffrir xD), bien que la seconde partie semble un peu plus lumineuse.

J'ai pu regretter le cadre un peu trop resserré qui me donnait la sensation de rien voir d'autre que le mal-être d'Elliott, ainsi que certaines attitudes « robotiques » des autres personnages.

À qui je conseille ce livre ?

Si vous aimez les histoires qui mettent l'accent sur les émotions et le drame ; si malgré le sujet difficile, vous vous sentez capable de garder la tête, alors n'hésitez pas à vous pencher sur la plume délicate de Mira.