Le treizième régiment
« La Chine a, lors du huitième siècle de notre ère, été la première puissance à employer au sein de ses armées des régiments composés de criminels;voleurs, brigands, violeurs et assassins. Ces prisonniers de droit commun, le plus souvent condamnés à la peine capitale, n'avaient ici pas le moindre espoir de pardon. En effet, la discipline de fer, ainsi que les croyances religieuses de l'époque, profondément ancrées dans les mœurs de chaque habitant de l'Empire du Milieu, stipulaient qu'un homme serait à jamais marqué, entaché par les mauvaises actions commises durant sa vie. Un meurtrier resterait un meurtrier. En conséquence, l'on a pensé que cette incorporation forcée de tueurs nés mettrait à contribution leur appétit cruel envers les ennemis de l'Empire.
À condition de les garder sous contrôle, bien entendu... »
Extrait de l'essai « Appui de l'Histoire dans l'utilisation de conscrits condamnés au sein de l'Armée » par Joshua Pieter, présenté au Congrès le 14 avril 2011.
***
Aux alentours de la ville de Nassiriyah, Irak, août 2013.
Une chaleur torride continuait de régner en ce mois d'été au cœur du désert irakien, les rares roches asséchées brillaient sous un soleil de plomb. L'air lui-même n'osait prononcer un murmure, apeuré de courroucer le maître des lieux. En Irak, l'astre du jour chante plus que le vent.
Les pales de l'hélicoptère soufflèrent le sable comme les vagues d'une mer d'huile alors que l'appareil atterit. Pour Jeffrey, le vol semblait avoir duré l'éternité. Comme toujours. Aussitôt que l'engin s'immobilisa, il sauta hors de l'appareil. Devant lui s'étendait le poste avancé de ce qui devait être le treizième régiment d'infanterie de l'armée américaine, un assemblage rudimentaire mais néanmoins étendu de tentes kaki, sarrasin, et grises. Une ville de toile, dont les habitants qui en sortirent ne ressemblaient que trop peu à des soldats. Mal rasés, vêtus de tenues qui pouvaient au mieux être décrites comme indignes d'un corps d'armée, les fantassins qui dévisageaient le guerrier aux yeux orange ne lui inspiraient que peu confiance. À vrai dire, ils l'interloquaient. Ces hommes –il ne voyait aucune femme– n'étaient manifestement pas des soldats de métier, et il n'imaginait même pas qu'un pays comme les États-Unis puisse faire appel à des conscrits, ni faire régner l'ordre d'une main de fer au sein de ces régiments de têtes brûlées.
Jeffrey s'approcha à grands pas de cette faune sauvage. Tous le scrutaient d'un regard amusé, reflet d'un jugement à peine dissimulé. Que penser de cet étrange visiteur, vêtu de ce qui semblait être une armure aux allures d'une simple combinaison tactique, non pas de camouflage mais d'un gris clair étincelant sous la lumière du soleil, et dont les yeux orangés braquaient sur eux un faisceau interrogateur ? Il ne ressemblait pas plus à un soldat qu'eux.
L'air dubitatif de Jeffrey Slart laissa rapidement la place à l'agacement.
— Qu'est ce qui vous fait marrer ? questionna-t-il.
Les ricanements se muèrent bientôt en rires sonores.
— Ta tronche ! fusa une réplique anonyme.
— On dirait qu'on a un beau chevalier en armure pour nous sauver les gars !
Fut un temps, le guerrier en aurait envoyé un à l'hôpital juste pour l'exemple. Après tout, un combattant de plus ou de moins parmi cette pléthore n'aurait sans doute pas fait de différence. Pourtant, Jeffrey se contenta de souffler et de lever les yeux au ciel avant de se tourner vers ses deux partenaires.
— Non mais je rêve ou ici ils sont encore plus cons qu'aille...
Il s'interrompit lorsqu'il réalisa que l'immense ombre de l'armure Guardian et la silhouette ailée de Raquel venait tout juste de descendre de l'hélicoptère.
Depuis qu'on leur avait annoncé leur mission, il semblait à Jeffrey que ses compagnons progressaient à reculons. Leur élan altruiste avait fondu comme neige au soleil, et cela ne leur ressemblait pas. L'arrivée tardive des deux lieutenants ne calmèrent en rien l'hilarité générale. Pourtant, leurs heaumes sous le bras, les vétérans inspiraient le respect. Du moins, chez ceux assez nobles pour leur en accorder. Engoncé dans son imposante protection, Lucius Gartner dépassait de beaucoup les hommes du treizième régiment, quant à Raquel Demanza, les ailes d'acier repliées dans son dos, elle dégageait une certaine prestance accompagnée d'une rigueur rarement aussi flagrante. Mais dans cette masse hétéroclite, ils avaient droit aux seuls quolibets. Ils passèrent devant Jeffrey sans accorder à la foule une seconde d'arrêt, ni même un coup d'œil, tant et si bien que le guerrier fut contraint de les suivre. Des trois arrivants, Raquel était celle qui attirait le plus de remarques déplacées. Ses traits se crispèrent alors qu'elle força le pas en direction de la tente du major qui commandait cette force.
— Raquel, tu pourrais m'expliquer à la fin ? dit Jeffrey en la rattrapant.
— C'est le treizième régiment. Les fumiers que tu vois là ne sont pas des soldats.
— Comment ça ?
— Ce sont des criminels, reprit Lucius, des détenus enrôlés de force pour pourvoir aux besoins de l'armée. À la fin de la campagne, ceux qui ne sont pas morts auront une remise de peine variable.
Jeffrey comprit mieux un tel ressenti de ses deux camarades. Il ne devait pas être facile pour des vétérans ayant servi honorablement des années durant se battre aux côtés d'hommes qui ne partageaient en rien leurs idéaux ni ceux de leur pays. Leur attitude à contre-courant de toute rigueur entretenue par l'armée américaine s'expliquait elle aussi. À force de mourir, les hommes étaient venus à manquer, les volontaires furent de moins en moins nombreux pour les remplacer.
— Comment ça se fait que tu ne saches pas ça ? asséna Raquel avec nervosité, avec tous les remous que ça a soulevés au Congrès ? Tu vivais dans une grotte ou quoi ?
La jeune femme comprit son erreur au moment où elle eut achevé sa phrase.
— Heu... Désolée...
— C'est pas grave.
Le grande toile centrale émergeait de la multitude d'autres abris pourtant similaires au centre du camp. Soutenue par d'épais piquets en acier reliés par des cordages, la structure se composait de plusieurs pièces séparées par de simples tissus. L'ameublement, si l'on pouvait appeler cela ainsi, était réduit au minimum, contrairement à la base des forces spéciales, signe d'une troupe souvent en mouvement. Une fois les deux lieutenants en armure parvenus au seuil de la tente, il attendirent à la permission d'usage avant d'y pénétrer, Jeffrey sur leurs talons. À l'intérieur, ils trouvèrent un homme agité, qui fouillait frénétiquement ses papiers.
— Commandant Nohold, lieutenants Demanza et Gartner au rapport !
Le gradé n'y prêta d'abord pas attention, attaché à remettre de l'ordre sur son bureau surchargé. La table précaire supportait des piles de directives manuscrites, des plans de batailles, et ce qui devait être les données précises du terrain où le régiment allait livrer son ultime combat, engrangées par l'expérience d'années de conflit. Suspendu derrière le commandant Nohold se présentait une carte de la ville de Nassiriyah vue du ciel, superposée à une autre, topographique. Malgré la simplicité de tout cet étalage, le commandement n'avait rien laissé au hasard. Tout était prêt.
Sauf peut-être celui qui les dirigeait.
— Mon commandant ? insista Raquel, faute de réponse.
— Oui oui je vous ai entendu ! répondit précipitamment Nohold.
Le vétéran, pourtant d'un haut grade militaire, se trouvait dans un état assez négligé. Les galons qui signifiaient son rang n'étaient pas parfaitement alignés comme l'exigeait la rigueur militaire. Son visage fatigué arborait une barbe naissante et l'absence d'uniforme avait laissé la place à un treillis militaire vieilli.
En dépit de l'intense préparation dans laquelle il était plongé, l'apparente lassitude du commandant fit qu'il ne s'étonna nullement de la présence de deux gigantesques prototypes de combat dans la même pièce que lui.
Malgré ses capacités, Jeffrey était devenu le moins impressionnant de ce trio. Lucius Gartner et son béhémoth d'acier. Raquel l'ange de métal. Et lui, Jeffrey Slart, le surhomme de Lakeland City. Lui non plus ne ressemblait pas à un soldat, pas plus que Nohold, pas plus qu'aucun des hommes de ce camp. Cette pensée le fit sourire.
— Repos, repos, émergea le commandant. On m'a prévenu que vous alliez venir, même si je ne me suis pas habitué à ce que l'on m'envoie une quelconque assistance...
— Le général Carls nous a briffé quant à la situation commandant, dit Lucius.
— Je vois, elle vous a donc dit que mon régiment encaissera le gros de la puissance de feu irakienne pour que d'autres puissent rentrer chez eux ? Ou bien a-t-elle omis de vous dire dans quoi elle vous affectait, que c'était pour punir les combattants qu'on les envoyait ici ?
Il détailla brièvement Raquel du regard.
— Qu'avez-vous fait pour finir ici ? acheva-t-il.
Les deux lieutenants s'échangèrent un bref regard.
— Ils n'y sont pour rien.
Les deux armures se tournèrent vers Jeffrey, qui semblait si insignifiant. Pourtant, le guerrier aux iris orangés vit dans les yeux du commandant Nohold qu'il avait compris qui il était.
— C'est moi qui suis responsable. J'ai échoué en mettant en danger notre mission. J'ai été battu.
— Ainsi, c'est donc vous dont on m'a tant parlé, dit Nohold. C'est étrange, de ce qu'on m'en avait raconté, vous n'étiez pas le genre d'homme à reconnaître vos torts. Mais peu importe. Je respecte le général Carls, elle a la réputation d'accorder plus d'importance que d'autres à la vie humaine, même celles des loques que je me traîne.
Il marqua à nouveau un temps d'arrêt devant Raquel.
— Le fait que je sois une femme pose problème commandant ? lâcha-t-elle, agacée.
— Lieutenant Demanza...maugréa Lucius entre ses dents.
— Quoi ? Je m'en voudrais d'importuner la bonne marche du treizième régiment...
Le commandant Nohold frappa sa table du plat de la main. Une pile de papiers en équilibre précaire s'effondra sur le fin sol en toile, les feuilles s'éparpillèrent dans une rage aveugle.
— Lieutenant Demanza, je n'ai aucunement envie de me passer d'un soldat avec vos états de service, éructa le vétéran, néanmoins vous devez comprendre une chose. J'ai sous mes ordres, non pas des hommes de valeur, mais des meurtriers. Des assassins, des voleurs, des pervers sexuels, toute la racaille américaine ! Si tout se passe aussi bien, c'est que nous avons le droit d'appliquer des règles répressives extrêmement strictes, et que j'essaie de respecter un minimum certaines dispositions. Cela inclut ne pas leur balancer de quoi exciter leurs instincts dévoyés. Je ne veux pas de rides à la surface de l'eau, comprenez-vous cela !
Lucius et Raquel ne comprirent que trop ce que signifiait ces allusions. Sans leur laisser le temps de poursuivre le débat, Nohold désigna de l'index la carte dans son dos.
— La ville de Nassiriyah. Ou ce qu'il en reste. C'est ici que, dans quelques jours, nous allons affronter les forces du général Saham. Cet environnement urbain est le mieux approprié au combat que nous allons livrer, d'une part parce qu'il conviendra le mieux à nos effectifs en sous-nombre, et d'autre part parce qu'il nous protégera du climat aride du désert. Notre efficacité en sera accrue au maximum, et si Dieu le veut, nous sortirons vainqueur de ce conflit et marcherons sur Bagdad.
Nohold se retourna à nouveau vers ses combattants dont il nota l'absence de réactions.
— Y-a-t-il des questions ? planta-t-il.
Le silence sonna comme une approbation. Jeffrey avait comprit ce qu'ils avaient à faire. Protéger le gros des forces tout en faisant ce qu'ils savaient faire le mieux, infliger le plus de pertes possibles à l'ennemi, même à celui qui semblait invincible, leurs véritables opposants, Blackout et ses Syenemers.
— Bien, reprit-il. Sergent Kimmler !
Un homme plutôt bien bâti répondit à l'appel et pénétra dans la tente. Les cheveux bruns taillés au carré, une barbe brillante par son absence sur un visage parfaitement rasé, son aspect tranchait de celui des autres soldats du régiment.
— Oui mon commandant ? déclara-t-il d'un ton martial.
— Vous accompagnerez les lieutenants Gartner et Demanza, ainsi que monsieur Slart dans leurs quartiers. Nous partirons pour Nassiriyah dès que nous en recevrons l'ordre. Oh, une dernière chose, évitez de vous mélanger avec la soldatesque, quel qu'elle soit.
Cette dernière allusion à peine voilée ne fit même pas creuser des sillons sur la face de Kimmler. Précédés du sergent, les trois compagnons quittèrent la tente de commandement, avec, pour certains, de la rancœur au ventre, pour un autre, le cœur baigné d'incertitudes.
La nuit glacée du désert ne tarda pas à fredonner son air une fois que le soleil fut parti. Des feux s'élevèrent en divers endroits du campements, autour desquels les incorporés forcés prenaient plaisir à déguster boissons et rations, ou à s'adonner à toutes sortes de jeux et défis immatures. Assis en haut d'une colline, devant les tentes qui leurs avaient été réservées, Lucius et Raquel observaient la scène avec réprobation. Une bière à la main, Jeffrey les regardaient suinter d'un mépris qui ne leur ressemblait que trop peu.
— Dites, vous comptez faire la gueule encore longtemps ? finit-il par asséner.
— Peut-être que toi tu t'en fous d'être affilié à ces rebuts, mais ce n'est pas notre cas ! rétorqua Raquel. Ce sont les mêmes fouilles merde qui ont fait que mon frère a sombré dans la drogue, chez moi. Tu ne le savais pas ? Normal, mon père a tout fait pour que ça ne s'ébruite pas dans l'opinion, car sinon, qu'en serait-il des promotions ? Et maintenant, nous voilà déployés sur la plus féroce ligne de front, pour des ordures qui ne valent même pas la balle qui va les tuer ! Et on va peut-être même y passer, c'est ça le pire ! Me retrouver gisant parmi les cadavres de ces fumiers !
Lucius se renfrogna.
— Ça ne m'enchante pas plus que vous, dit-il, néanmoins, je pense que le général Carls a ses raisons pour nous envoyer ici. Nous suivrons les ordres, et nous protégerons ses hommes. En tout cas, c'est que je compte faire.
— Elle nous a envoyé là parce qu'on a échoué ! Enfin « nous »... Je me comprends.
— Ouais, je sais ce que tu vas dire, dit Jeffrey, mais si tu avais lu mon dossier, comme l'a fait Lucius, tu saurais qu'en fait je suis un criminel moi aussi. Qu'y-a-t-il de différent entre moi et ces mecs ? Mon nom ? Le fait qu'il y a une substance orange qui coule dans mes veines ? Sinon je serai avec eux, là, en bas, et vous cracheriez sur moi tout autant. Peut-être vais-je mourir moi aussi à Nassiriyah !
Ce soudain aplomb d'un Jeffrey jusqu'alors resté en retrait coupa court aux vociférations de Raquel Demanza. Celle-ci maugréa en reprenant une gorgée de boisson alors que Lucius ne put s'empêcher un sourire en coin malgré la situation. Une ombre voilée de la lumière des flammes gravit la colline et vint à leur rencontre. Jeffrey reconnut dans la pénombre la tenue impeccable du sergent qui les avait menés à leurs tentes.
Alors toi, tu es mal barré...
— Bonsoir mes lieutenants, dit-il avec un sourire, excusez-moi de vous déranger, mais je me suis dit qu'un remontant vous ferait du bien avant le couvre-feu.
Raquel envoya sa bouteille se fracasser contre une pierre.
— C'est une réunion d'officiers...sergent, lâcha-t-elle entre ses dents.
La bonne humeur de Kimmler s'évanouit aussitôt.
— Il n'y a plus d'officiers ici lieutenant dit-il, mis à part le commandant Nohold. Tous morts. Qui plus est, selon son dossier, il ne me semble pas que monsieur Slart soit officier lui non plus.
— Pourrais-je savoir combien de personnes avez-vous tué pour être incorporé ici, sergent ? asséna Raquel.
— Pas une, mon lieutenant, répondit Kimmler d'un ton neutre.
— Peu importe, je vais laisser les gradés militaires entre eux, fit Jeffrey, visiblement on ne se comprend pas.
Le guerrier se leva, saisit une bière que lui tendit le sergent puis descendit en direction des festivités.
— Et peu importe ce qui se passera à Nassiriyah. Je ne pense pas en revenir de toute façon.
Jeffrey s'éloigna perdu dans ses pensées, laissant les trois militaires seuls.
— Sergent, puis-je vous demander la raison de votre tenue si irréprochable, questionna Lucius, parfois même moi je ne parviens pas à l'entretenir avec autant de résultats.
— C'est la rigueur militaire qui l'exige mon lieutenant.
— Elle ne l'exige que de vous apparemment.
— Pour tout vous dire, j'étais véritablement sergent par le passé. J'ai fait la première guerre du Golfe, et y fut blessé. Une fois rapatrié, à la fin du conflit, on m'a fait comprendre que le fond de pension alloué aux anciens combattants n'était pas suffisamment important pour couvrir mon opération. Les plus gradés avait la priorité. J'ai dit rallonger de ma poche pour récupérer l'usage de ma main gauche, mais j'ai fini à la rue. On m'a maintes fois proposé de rejoindre un gang, de dealer de la drogue et j'ai à chaque fois refusé. Par contre, j'ai dû vivre de petits boulots, parfois voler ma nourriture je l'avoue. Puis un beau jour, un flic m'a pris en grippe, il me traquait, partout où j'allais. C'était l'hiver, il faisait froid, j'avais faim, et alors que je ressortais d'une épicerie avec de mon repas, acheté cette fois, il m'attendait avec un de ses collègues, prétextant que je l'avais volé. Les choses ont dégénérées, je l'ai envoyé à l'hôpital dans l'altercation qui a suivi. Le juge a voulu faire un exemple. La suite, vous pouvez l'imaginer. Voilà ce qu'il s'est passé lieutenant, pas de meurtres, seulement la force des choses, ainsi qu'une rigueur militaire qui ne m'a jamais quitté.
Le visage de Lucius s'adoucit quelque peu. Sa religion si chère à lui apprendre les valeurs de tolérance et de pardon ne pouvait que le forcer à comprendre.
— Je ne vous dis pas que tous les gars d'ici sont fréquentables, loin de là, reprit Kimmler, mais derrière chaque homme se cache une histoire.
Il désigna tour à tour différent soldat avec lequel Jeffrey s'attachait à discuter.
— Reth, un ancien toubib condamné parce que son patient a jugé qu'il avait fait une erreur médicale ; Clinton, victime d'une erreur judiciaire concernant l'assassinat de son ex-femme ; Joël, enfermé pour meurtre commis sous le coup d'une défense légitime, l'agresseur avait pris en otage son gamin.
— Mais aussi Terence, tueur en série barbare, et pourquoi pas Stephen, condamné pour des crimes extrêmement violents sur des fillettes ?
Le sergent Kimmler sursauta en attendant dans son dos la voix de Nohold.
— Mon commandant, excusez-moi, je ne vous avais pas entendu arriver.
— Je le vois bien bougre d'imbécile ! À l'avenir, veuillez brosser un portrait un peu plus exhaustif de la situation ! Allez donc dire à ces hommes que la fête est finie, tout le monde au lit, debout six heures demain matin !
Kimmler répondit par l'affirmative selon l'usage et descendit en avertir ses soldats en contrebas. Nohold grinça des dents lorsqu'il s'aperçut que Jeffrey était parmi eux.
— Je vous avais avertis de ne pas vous mêler au régiment, sermonna-t-il. Même au sergent Kimmler. Il chargera à vous attendrir par des paroles biaisées pour obtenir votre sympathie.
— Et bien c'est raté... marmonna Raquel.
— A-t-il menti mon commandant ? demanda Lucius.
— Cela ne changerait rien, éluda celui-ci, ils peuvent faire croire autant qu'ils veulent que ce sont de vrais soldats, moi, je sais ce qu'il en est. Ils ne seront jamais nos égaux. Pourtant, cela ne les a pas empêchés de se battre toutes ces années.
Le commandant marqua une courte pause pour remettre son couvre-chef en place.
— Parce qu'ici, lieutenants, la seule égalité qui prime, c'est celle de la mort qui fauche.
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