L' Autre
Mars 2013, An Nasräm, Sud de l'Irak.
La tranquillité du désert avait repris ses droits dans le plateau d'An Nasräm alors que la nuit tombait telle une chape de torpeur sur la place-forte désormais conquise. Les bâtisses luisantes de blanc sous le soleil de plomb étaient devenues bleues à la lueur de la Lune dans ce ciel sans nuages. L'air auparavant suffocant fut désormais apaisé par le départ de l'astre solaire sous la ligne de l'horizon, et devint enfin plus frais. Malgré cela, l'immensité stérile de sable n'abritait pas le moindre signe de vie qui profiterait de la température de la nuit pour émerger. Le vent demeurait la seule chose qui osait déranger la forme des dunes. Cet océan était et restait vide, mort.
Le seul son perceptible venait du village lui-même. Le régiment de renforts était finalement arrivé au crépuscule et avait investi les lieux après la victoire de Jeffrey, Lucius et Raquel. Les soldats étaient en liesse après la prise de la forteresse qui leur résistait depuis des mois. Ils avaient découvert, avec la plus grande surprise, les restes des androïdes de classe Syenemer qui avaient affronté les armures de combat américaines quelques heures plus tôt à peine. Aucun parmi les hommes présents ne pouvait se vanter d'en avoir rencontré un et d'en être sorti vivant. Avec l'approbation mûrement réfléchie de leurs supérieurs, les soldats avaient presque tous pris quartier libre pour une soirée de fête et d'amusement général.
Enfin, après des années interminables de conflit dans la région la plus hostile du monde connu, ils avaient vu des guerriers capable de faire bouger les choses, de réussir là où ils étaient impuissants, pour qu'ils puissent rentrer chez eux. Les trois parangons leur avaient redonné ce que ces longs mois dans l'aridité irakienne avait érodé peu à peu : l'espoir.
Des feux de camps furent dressés sur les places du village où les soldats s'adonnaient à diverses réjouissances, jeux de carte, certains ayant même sorti des ballons ovales et de la bière. Pendant un temps, on aurait pu oublier que l'on était en guerre. Les braises orangées voletaient telles des abeilles de lumières butinant le ciel.
Au milieu de cette euphorie générale, Lucius Gartner achevait de se joindre au gros de la soldatesque et se retira auprès de la chaleur d'un brasier plus excentré. Le lieutenant, bien qu'ayant profité de moments de joie collective avec grand plaisir, avait finalement laissé sa nature humble l'emporter. Ne pouvant plus supporter que d'autres le portent en triomphe pour n'avoir fait que son devoir aux commandes d'une des plus efficaces machines de guerre du monde, le soldat de Harlem à la carrure imposante s'installa à l'écart, non sans avoir récupéré une boisson désaltérante. Il fut bientôt rejoint par Raquel, en débardeur et pantalon militaire. La jeune femme était en nage, ses cheveux noirs pour certains collés à son front luisant.
- Où étiez-vous ? demanda Lucius avec un sourire, je ne me souviens pas vous avoir vue dans le gros des festivités. C'est également votre moment de gloire, profitez-en !
- Je vérifiais mon armure, répondit Raquel, et vous savez très bien qu'à part cette unité et en haut lieu, personne ne saura et, dans la mesure du possible, ne devra savoir ce que nous avons accompli ici.
La jeune femme s'assit lourdement et se laisser rouler sur le flanc en attrapant une bière.
- Nous n'avons fait que briller dans l'obscurité, reprit-elle, ce genre de festivités, c'est pas mon truc.
Lucius haussa un sourcil devant un tel pragmatisme. Il aurait pensé que la jeune lieutenante se serait ruée à corps perdu dans le triomphe collectif, elle qui avait toujours fait preuve d'une extraversion sans bornes.
- Vous recherchez donc la lumière, peut-être même la célébrité. Vous voulez que l'on se souvienne de votre nom ?
Raquel Demanza porta le liquide désaltérant à sa bouche et avala une pleine gorgée avant de soupirer et d'acquiescer.
- Mon père est parti de rien pour arriver là où il en est. Moi, j'ai son nom dans ma besace, mais il me faut plus. Je veux prouver que j'ai du talent. Que j'en ai dans le ventre, parce que je suis une hispano et que personne ne veut me voir faire mes preuves. Quand on m'a proposé ce poste, j'ai su que c'était l'opportunité qu'il me fallait. Dans le plus meurtrier conflit de l'époque, si je tire mon épingle du jeu, alors je mériterais que l'on se souvienne de moi. Mais pour cela, mon oiseau doit pouvoir me porter, fit-elle avec un clin d'œil.
- Quels sont les dégats ? questionna Lucius.
- J'ai les deux ailes percées, les fusées pour certaines grillées et quelques rayures. Rien de trop grave mais je peux pas bidouiller ça moi-même. Et toi, pas trop de casse ?
Lucius haussa les épaules en riant.
- Haha, il faudra refaire un peu de peinture pour ma part aussi. Rien à signaler autrement, grâce à Dieu. La résistance de cet instrument est extraordinaire.
Raquel esquissa un rictus en continuant de vider sa bouteille de verre.
- Je t'admire vraiment Lucius, tu sais ça ? Accepter un tel poste alors que tu as une famille qui t'attend chez toi. Je sais pas si je l'aurais fait. Et tu prends ça avec un tel aplomb que cela force le respect.
Le soldat de Harlem prit à son tour une mixture de houblon et en fit sauter le bouchon avec un cliquetis sonore.
- C'est mon devoir. Moi, je me moque de la gloire. Plus que cette mission et mon pays me récompensera pour services rendus à la nation et me renverra chez moi, le sourire aux lèvres. D'ici là, je me dois de sauver vos fesses ! On peut dire que la mission commence bien ! Si on excepte la température et l'absence de palmier ou d'oasis bien sûr.
Lucius se replongea de plus belle dans son hilarité.
- Je ne suis pas totalement de cet avis, rétorqua Raquel, comment se fait-il que Carls ne nous ait même pas informé de l'existence de ces androïdes ? Manifestement, l'infanterie qui nous a rejoint était au fait de leur présence. Alors quoi, on compte pour du beurre ? C'était un test ?
Le lieutenant vit son rire se couper net alors qu'il se redressa et par sa seule stature fit même de l'ombre au brasier lui-même.
- Le général Carls a donné des ordres clairs. Sécuriser la zone d'An-Nasräm à tout prix. Peu m'importe contre qui nous devrons nous battre, fut-ce le diable en personne, si Dieu le veut, nous triompherons et apporterons la victoire à notre pays, ici. Ça devrait être votre seule préoccupation.
- Et alors, que faire de plus maintenant ? s'indigna la jeune femme.
- Ce qui est prévu. On attend jusqu'à demain matin que le second régiment vienne prendre place pour renforcer la garnison, puis nous rentrons au QG pour faire le point, réparer les armures et être redéployés ailleurs sur le territoire irakien. Cela vous convient-il ? appuya le colosse d'un ton mesuré.
Raquel lança sa bouteille désormais vidée de son contenu dans les flammes, qui crépitèrent de colère sous l'affront. Maugréant des jurons espagnols et sans autre forme de procès, la jeune femme attrapa deux bières supplémentaires et prit congé du lieutenant atterré. Peut-être Jeffrey se montrerait de meilleure compagnie que ce vétéran sans ambition qui se bornerait à sauter d'une falaise si on lui en intimait l'ordre. Sans être lèche-bottes ni trop désagréable, le quadragénaire incarnait une facette qu'elle détestait plus que tout, le conformisme, poussé à l'extrême par des décennies de service militaire en partant du bas de l'échelle. Elle n'allait pas se gêner pour faire part à Carls de ce qu'elle pensait, son père n'était pas devenu un héros de guerre en jouant le parfait soldat.
Et d'où sortaient ces robots de combat on-ne-peut plus sophistiqués? Il lui semblait impossible de pouvoir fabriquer ces guerriers de métal meurtriers avec l'avancée technologique actuelle et encore moins de les déployer sur le champ de bataille de manière coordonnée. Non, indubitablement, certaines questions méritaient une réponse, et elle ne tarderait pas à les exiger aussitôt qu'elle aurait posé le pied sur le tarmac. Mais pour l'heure, Raquel ne cherchait qu'à se changer les idées.
Comme elle le supposait, Jeffrey Slart n'avait aucunement pris part aux festivités. Le jeune homme de Lakeland City s'était retiré en bordure du village, là où les halos orangés produits par les flammes acérées des brasiers de joie ne parvenaient plus qu'à nimber son dos d'une auréole ténue et diffuse.
Le guerrier examinait sa cheville qui fut transpercée dans l'âpre bataille de l'après-midi. Sa blessure, désormais totalement évaporée, ne le gênerait plus outre-mesure pour la suite de sa mission. Il sourit en constatant que sa capacité de guérison se surpassait de mois en mois. Jeffrey avait passé le reste de la journée à rechercher dans le sable du désert le projectile qui l'avait touchée et arrêté net dans ca course folle qu'il pensait inébranlable, et qu'il admirait à présent dans le creux de sa paume. Plus que son corps mutilé de manière éphémère, c'est son orgueil démesuré qui avait été blessé. Il fit rouler la douille vide et légère sur les lignes de sa peau bien que la sensation de caresse et d'effleurement que cela aurait du lui procurer ne viendraient jamais, conséquence de son anesthésie permanente.
Cette balle serait une autre occasion de rappeler à Lucius son échec dans son propre rôle. Mais ce n'était pas la raison première qui poussait Jeffrey à rechercher ardemment les armes qui étaient parvenues à l'atteindre. Chacune lui rappelait sa propre mortalité sans cela oubliée. Chacune lui rappelait ce que lui avait couté son choix cette nuit-là. Pourquoi l'amour de sa vie, Léa Vermont, avait succombé et pas lui. Le jeune homme leva les yeux face à la nuit noire qui s'étendait au-dessus de lui. La blancheur des étoiles lui remémorait sa peau, tout comme l'abysse sombre du ciel était tel ses cheveux de jais. Peut-être attendait-il le projectile plus chanceux que les autres qui lui permettrait de se retrouver réuni avec elle pour l'éternité?
- Ah te voilà, retentit le voix de Raquel, ça fait un petit moment que je te cherche, je peux m'asseoir?
Jeffrey serra les dents en braquant un regard empli de rancœur sur l'importune qui osait le tirer de ses réflexions lancinantes.
- Non, lâcha-t-il sèchement.
La lieutenant s'assit de manière décontractée en ne tenant même pas compte de cette réponse. Son visage arborait une mimique de joie exagérée que l'on pourrait même considérer comme hypocrite alors qu'elle tendit une de ses bières à l'ancien héros qui la saisit brusquement.
- Tout le monde dit oui au houblon, fanfaronna-t-elle, qu'est-ce que tu fais tout seul?
- J'évite la compagnie trop bavarde, renvoya Jeffrey, ouvrant la bière d'une simple pression du pouce.
- Bonne répartie, pour ça au moins tu devais t'entraîner plus souvent qu'au tir.
- Le flingue c'est quand j'ai la flemme, ou de la pitié.
Raquel perdit son sourire en repensant aux corps démembrés que le surhomme avait clairsemés sur son passage et eut un frisson devant la mise à mort horrible dont avaient été victimes les défenseurs confédérés. Ceux qui eurent droit à l'exécution par arme à feu étaient sans aucun doute des privilégiés.
- Tu ne te poses aucune question quant aux androïdes? demanda-t-elle.
Jeffrey arrêta d'engloutir sa boisson et se tourna vers son interlocutrice.
- Si, bien sûr.
Il plaqua ensuite la bouteille glacée sur son oreille droite et prit une expression volontairement sarcastique.
- Allo, mon général, mima-t-il avec un air niais, oui, tout se passe bien ici, mais dites-moi, il y a de gros robots très méchants qui nous ont tiré dessus! Oui oui, il est fort probable que vous étiez au courant! Et il parait aussi que tous les régiments du coin étaient au jus... Vous voulez pas m'en parler un peu?
Le jeune homme stoppa ensuite sa comédie et ancra sa bouteille dans le sable.
- Merci pour la bière, dit-il d'un ton plus sombre, maintenant va-t'en.
- Je te remercie de m'avoir sauvé la vie.
Jeffrey braqua à nouveau son regard artificiel sur son équipière. Malgré qu'il faisait tout son possible pour l'envoyer valser, celle-ci s'accrochait à lui comme un naufragé à son radeau. Envers et contre tout, il ne put que constater dans ses yeux qu'elle n'était on-ne-peut plus sincère.
-... Je t'en prie. finit-il par répondre avant de détourner le regard.
- Jeff... Pourquoi tu fais ça? Pourquoi as-tu choisi de venir dans ce trou paumé? Pourquoi...
- J'ai pas choisi, coupa-t-il.
- Arrête, tu sais très bien ce dont je veux parler. Tu n'es pas un militaire ça se voit de suite, tu n'es pas non plus pro-gouvernement, pas besoin d'être très futé pour le comprendre non plus. Tu passes ton temps à te conduire comme le pire des enfoirés, et ça c'est pas que par ego. Alors pourquoi t'es-tu embarqué dans cette galère?
La jeune femme avait presque hurlé cette dernière phrase. Ces mots frappèrent Jeffrey avec plus d'aplomb que n'importe quelle lame. Au point de se sentir obligé de reprendre sa bouteille et d'achever de la vider de la boisson qu'elle renfermait.
- Je vois que tu as pas lu mon dossier, contrairement à Lucius, ça m'aurait évité toutes ces questions à la con...
- Pour l'homme le plus fort du monde, je trouve que tu esquives beaucoup, railla Raquel.
S'en fut trop. D'une simple pression, Jeffrey fit voler en éclats le récipient en verre sans tenir aucun compte des poignards tranchants qui se plantèrent dans sa main et du sang orangé qui commença à les teinter. Tandis qu'il se levait pour s'éloigner et enfin avoir la paix, il entendit une dernière question de son équipière.
- Tu as perdu quelqu'un, c'est ça?
Jeffrey s'arrêta.
- Elle était belle, j'espère?
De cette tournure teintée à la fois d'irrespect et de tristesse, l'ancien héros qui avait jadis arpenté les rues et les toits de cette ville grandissante qu'était Lakeland City ne sut quoi en dire. Il se passa la main sur la figure, réprimant et cachant à la vue de la jeune militaire un des seuls signes qui aurait pu laisser penser qu'il exprimait encore des sentiments. Pour une fois, afin de lui donner tort, il ne se défila pas.
- Belle à en mourir.
***
Le matin suivant, Raquel fut réveillée non pas par le clairon habituel mais par un branle-bas-de-combat tonitruant qui secoua soudainement toute l'installation militaire. Les soldats s'habillaient, s'équipaient en courant dans tous les sens comme un vol d'oiseau éparpillé par un rapace. La lieutenant arrêta un des troufions qui achevaient de mettre son arme sur son épaule.
- Qu'est-ce qui se passe? s'enquit-elle.
- La seconde compagnie qui devait nous rejoindre est attaquée et subit de lourdes pertes! Elle est à une dizaine de kilomètres d'ici, on va lui prêter assistance lieutenant! répondit le soldat paniqué.
Raquel Demanza jura en sortant du dortoir improvisé pour se précipiter vers son armure Condor.
- Puis-je savoir où vous allez? l'interrompit une voix sonore.
- Lucius, fit Raquel en se retournant, la compagnie est attaquée, je vais les aider d'un coup d'aile!
L'imposant lieutenant de Harlem croisa les bras d'un air décidé.
- Ce ne sont pas nos ordres, je suis désolé. Nous n'appartenons pas à ce régiment. Les armures resteront ici! Et vous semblez oublier que la vôtre n'est pas en pleine possession de ses capacités!
Raquel baissa les mains en signe d'impuissance et d'indignation.
- Bordel Lucius! On va pas laisser crever ces hommes comme ça! Ils appartiennent à l'armée américaine, comme toi et moi!
Lucius afficha un visage certes attristé, mais résolu.
- Nous ne pouvons nous permettre de mettre notre propre mission en danger. Nous nous exposerons trop si nous y allons. Notre rôle est d'attendre ici le transport.
- Espèce de... J'y vais quand même! fit la lieutenant en serrant les dents.
Elle déchanta vite en constatant que le vétéran avait raison: son armure endommagée mettrait un certain à s'initialiser et à la porter sur le lieu de l'affrontement.
- Vous faites quoi? s'éleva une voix grave.
- Jeff'! La deuxième compagnie est attaquée par l'ennemi! cria Raquel, fonce-là bas, je te rejoint! Tu y seras plus rapidement que moi!
Jeffrey ne sembla pas vouloir bouger outre mesure.
- Non... Pas toi aussi... Pas après ce qu'on s'est dit hier soir... Si tu veux au moins être un héros encore une fois, arrête de te défiler!
- Me manquer de respect n'est pas une incitation suffisante, répondit-il.
- Je t'en prie... Fais-le pour ta disparue si tu ne le fais pas pour moi, encore moins pour eux.
Jeffrey détourna son regard de feu, gêné par tant de détails personnels utilisés contre lui. Il se mordit la lèvre inférieure, n'écoutant même pas les protestations de Lucius se confrontant aux attaques de Raquel.
- Il me reste trente cartouches, finit-il par déclarer, c'est plus que suffisant.
A la vitesse de l'éclair, Jeffrey enfila l'exosquelette Apogée et partit comme une fusée vers le coordonnées des combats.
Arrivé sur place, il découvrit une véritable scène de carnage. Des véhicules blindés aux couleurs beiges gisaient éventrés et fumants, et autour d'eux, des corps découpés et déchiquetés des pauvres soldats qui escortaient le convoi. Mais ce qui frappa Jeffrey, c'est absence totale de bruit mis à part le kérosène flambant, il ne voyait aucun hostile. La compagnie semblait s'être faite décimer par une menace invisible en à peine dix minutes.
D'un bond de géant, Jeffrey se rendit auprès d'un des véhicules, ouvert sur tout son blindage latéral. Toujours rien.
Ils ne se sont pas entretués quand même?
Le surhumain fut tiré de ses réflexions par un gémissement étouffé provenant de l'intérieur du véhicule. Un des opérateurs du blindé était toujours vivant. Ses blessures était mineures, mais il semblait en proie à la folie, et complètement sous le choc.
- Qu'est ce qui c'est passé? Qui vous a attaqué, des androïdes? questionna-t-il.
C'était stupide, Jeffrey le savait. Il les aurait forcément aperçus depuis le sommet de son saut.
- N...Non, bafouilla le rescapé, autre chose.
- Quoi?
- Un autre! Autre... Autre... J'aurais pas du venir ici! Tous mourir, on va tous mourir...
- Un autre quoi?! insista le guerrier.
Cet homme était tétanisé par la peur. Il serait impossible d'en tirer quoi que ce soit pour le moment.
- Ecoute, dit Jeffrey, la compagnie établie à An Nasräm vient à votre secours, ils vont arriver de cette direction, fit-il en pointant du doigt l'horizon, dans peu de temps. Tu peux partir à leur rencontre? Tu comprends ce que je dis?
Le soldat acquiesça de la tête, et partit vers son salut. Tant mieux. Jeffrey n'avait nul envie de jouer les ambulances, il allait pouvoir s'occuper de déterminer l'origine de cette embuscade.
Soudain, le surhomme perçut un mouvement très fin mais incisif, fonçant sur eux. On aurait dit un sifflement très léger, qui faisait presque souffrir les dunes sur lesquelles il se mouvait. A peine le rescapé avait-il fait quelques pas qu'une ombre noire fondit sur lui à une allure prodigieuse, et le sectionna en deux comme un élastique qui se rompt. La carcasse du malheureux tomba à terre avec un bruit sourd dans une volée de sang écarlate.
L'obscure silhouette s'immobilisa et fit face à l'homme de Lakeland City, qui ne put qu'écarquiller les yeux. Semblable à un Syenemer, enveloppé des mêmes haillons ténébreux, l'adversaire se démarquait néanmoins par une absence totale des nombreuses armes de gros calibres portés par ceux-ci.
Moins grand qu'eux, son visage camouflé ne laissait transparaître qu'une longue mèche de cheveux tout aussi noirs que le tissu recouvrant son corps.
- Je savais que tu viendrais. Ton arrivée était hautement probable, s'élevèrent les paroles d'une musique froide et monocorde.
Le timbre employé était celui d'une voix sans âme, dotée d'une pointe de féminité et d'un léger accent du Moyen-Orient.
Le surhumain eut un sursaut de surprise devant le discours que son ennemi venait de formuler. Pour le peu qu'il en savait, les androïdes de classe Syenemer étaient incapables de parler, ils n'avaient même émis aucun son alors qu'ils se faisaient anéantir. Le jeune homme secoua la tête en pensant avoir peut-être rêvé.
Une femme. Mais plus que cela, la conclusion tombait d'elle même.
Une surhumaine. Une surhumaine irakienne.
Oui, c'est la chaleur, sans doute. Peu importe, terminons ça vite fait.
Jeffrey Slart, sûr de sa force et de sa supériorité, s'élança vers ce nouvel obstacle d'une course rapide, armant un direct mortel.
Tout alla très vite.
D'une réaction à la vitesse incalculable, l'autre l'accueillit d'un uppercut monumental. Jeffrey s'éleva dans les airs d'une quinzaine de mètres avant de retomber lourdement dans une gerbe de sable. Le choc fut tel qu'il perdit connaissance et ne bougea plus.
- Vélocité négligeable, homme des grands lacs.
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