Chapitre 6
Bonne lecture, à mercredi~
~:~:~
Le lendemain, mercredi, ils avaient une visite de prévue le matin au musée maritime de la ville. L'établissement comptait la plus importante collection de navires historiques de tous les Etats-Unis. L'après-midi, ils se rendaient à l'USS Midway, porte-avions conçu durant la seconde guerre mondiale, mais lancé plus tard, qui pouvait alors compter un équipage de 4000 marins et désormais reconverti en musée flottant, où l'on trouvait une trentaine d'avions parfaitement restaurés.
Chuuya dut encore traîner son casse-pieds de correspondant, qui avait d'ailleurs eu le culot de rester dormir dans son lit -il s'était bien réveillé au milieu de la nuit mais avait préféré rester embêter le rouquin- jusque sous la douche pour le réveiller.
Le pire étant qu'il mit cinq bonnes minutes de plus à émerger que la veille sous le puissant jet d'eau glacée. Laps de temps qui n'était pas sans rappeler les microbes, qui finissaient par devenir immunisés aux antibiotiques. Mais là, c'était à vitesse grand V.
Enfin, cette fois-ci, Chuuya l'avait laissé seul pour éviter d'être à nouveau trempé et était parti petit-déjeuner avec ses frères, qui l'avaient tous fixé d'un regard interrogateur durant le repas. Ils se demandaient sûrement où était passé l'autre jeune homme qui était supposé l'accompagné.
Cependant, aucun n'osa formuler cette question muette, voyant que leur aîné était perturbé. En réalité, il était plutôt satisfait que l'autre ne se soit pas réveillé avant lui, car ils avaient littéralement été dans les bras l'un de l'autre. Et il n'arrivait pas à l'accepter.
Encore une fois il prit quelque chose à manger pour le brun, sachant qu'il ne descendrait jamais à temps, et remonta pour voir s'il était prêt. Il l'exhorta encore à se presser durant une bonne vingtaine de minutes, l'autre traînant des pieds, puis finalement ils purent partir, et furent même en avance -car le rouquin avait bien évidemment prévu de l'être, le musée n'ouvrant de toutes manières qu'à neuf heures.
La visite était différenciée : un guide classique accompagnait les européens tandis qu'un autre parlant le japonais accompagnait les correspondants, pour que la visite puisse être instructive et intéressante pour tous. Il en était de même pour la visite prévue l'après-midi, mais avec des guides audios, ce qui était à la fois plus simple et moins vivant.
Chuuya ne se passionnait pas particulièrement pour les musées, mais il savait pour en avoir déjà visité deux ou trois qu'un guide aimant vraiment ce qu'il faisait pouvait rendre une visite véritablement passionnante, même pour les plus sceptiques.
Ils attendirent facilement une bonne heure dans le hall, Poe et Ranpo encore en retard. Bien que, cette fois-ci, le deuxième semblait presque avoir couru. Peut-être qu'il s'intéressait enfin à quelque chose ?
Il s'avéra que ce n'était absolument pas le cas. En désespoir d'arriver un jour, le pauvre Poe avait affirmé qu'il y avait toujours un stock de bonbons conséquent à l'entrée de ce musée. Ce qui expliquait la course.
Chuuya soupira, se disant qu'il n'avait peut-être pas le pire correspondant du lot, tout bien réfléchis. Surtout lorsqu'il aperçut enfin Louisa, livide et en retrait du petit groupe.
Elle devait être aux toilettes jusqu'à présent, car tous les européens semblèrent la remarquer en même temps et convergèrent vers elle.
-Ohé, ça va ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette, demanda Margaret, inquiète, ce qui était plutôt rare.
-Oui oui, ne vous en faîtes pas, répondit d'une voix tremblante et faible la concernée en détournant le regard.
Tous la fixèrent, perplexes. Elle avait toujours l'air pâlotte et maladive, mais là, c'était pire que d'habitude. Enfin, si elle ne voulait pas parler. Chuuya intercepta tout de même le regard qu'elle lança furtivement à sa correspondante, devenant durant ce court instant encore plus livide, avant de détourner le regard et de s'éloigner ostensiblement. Alors que plusieurs mètres les séparaient déjà.
Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien se passer chez eux ? Les japonais qu'ils accueillaient cette année semblaient tous plus loufoques les uns que les autres, un comme s'ils s'étaient retrouvés dans une foire aux monstres. Et encore, le trilingue était capable de penser cela sans même avoir eu vent de l'incident de l'avion.
Les professeurs coupèrent finalement court à ses questionnements, accompagnés des deux guides. Les groupes se séparèrent alors pour qu'on leur explique les règles.
Le rouquin se rendit soudain compte qu'il allait devoir laisser son correspondant sans surveillance, et qu'il serait tout à fait capable d'aller faire une quelconque tentative de suicide, encore.
Il prit rapidement Rimbaud à part avant le départ des groupes et demanda si, à tout hasard, il n'y aurait pas moyen qu'il fasse la visite en japonais. Le professeur sembla réfléchir quelques secondes, se doutant des raisons de son élève, et finit par accepter. Heureusement que le trentenaire était quelqu'un de compréhensif et à l'écoute.
-Tu ne peux plus te passer de moi ma limace, hein, murmura Dazai, taquin, lorsque Chuuya arriva à sa hauteur.
-Ferme-la, et ne m'appelle pas comme ça, crétin de maquereau, dit-il avec un regard meurtrier à l'autre.
Il commença à entendre de nouveau des rumeurs murmurées dans son dos, mais préféra les ignorer bien qu'il se doutait de quoi il s'agissait. Malheureusement, il sentait que ses joues avaient commencé à rosir et ne ferait que confirmer ces débuts de ragots s'il intervenait dans cet état.
La visite commença enfin, et, peu désireux d'entendre son correspondant le rabaisser tout le long, il décida d'aller faire la connaissance des autres japonais, tout en le surveillant d'un œil. Il fallait aussi dire que l'état de Louisa l'intriguait. Sa correspondante pouvait-elle lui faire pire que chercher à mettre fin à ses jours tout en rabaissant en permanence son entourage et en le faisant tourner en bourrique?
Il se dirigea donc vers Kaiji et Yosano, en pleine discussion sur... La météo ? Il les écouta quelques minutes, eux l'ayant bien vu mais pensant qu'il n'interpèterait pas la moitié de ce qu'ils disaient. Chuuya compris également que cette visite ne les intéressait pas, néanmoins celle prévue dans l'après-midi, beaucoup plus. Quelle en était donc la raison ?
Peut-être que, tout comme Mark, un de ses camarades, ils s'intéressaient à l'aviation. Bien que dans le cas de l'européen, c'en était parfois presque maladif,. Son rêve était de devenir pilote, et il ne faisait plus que de parler de cela, depuis qu'il avait appris qu'ils iraient justement au musée qui y était dédié.
La conversation commença à dériver sur tous les paramètres permettant de manipuler un avion et la manière dont fonctionnaient ses compteurs, dans le cadre d'une sorte de projet vraisemblablement. Le rouquin y aurait compris tout autant de choses s'il n'avait pas parlé japonais, aussi se décida-t-il finalement à les interrompre.
-Dis-moi, hmm... Yosano ?
Il attendit un hochement de tête avant de continuer, mais désormais les deux compagnons le regardaient bizarrement. Ils craignaient, à sa manière parfaite de s'exprimer, qu'il n'ait compris le plan tordu qu'ils montaient et avaient peur qu'il les dénonce. Ils se demandèrent enfin pourquoi il les accompagnaient, ce à quoi ils n'avaient pas réfléchis précédemment, trop absorbés par leurs réflexions.
-Je suis à moitié japonais, donc oui je vous comprends, si c'est ce que vous vous demandez, dit-il en soupirant. Est-ce que tu sais ce qu'il se passe avec Louisa ?
Les yeux de la jeune fille passèrent de la méfiance à l'intérêt soudain, tandis que son visage se fendait d'un petit sourire qui ressemblait presque à du... sadisme ?
-Je pense qu'elle couve une maladie grave et comme je veux devenir médecin je cherche un moyen de la soigner, répondit-elle d'une seule traite sans se départir de son sourire.
On aurait dit Dazai parlant de suicide, pour peu, pensa le rouquin. C'en était inquiétant, il ne voulait pas savoir ce qu'elle tramait, son aura était réellement inquiétante. Il adressa tout de même une petite prière pour le salut de Louisa, puis décida de laisser les deux amis parler entre eux de leur « projet ». Peut-être en toucherait-il deux mots à Rimbaud plus tard.
-Je vois, désolé de vous avoir interrompus.
Il recula un peu, tout en jetant un regard au suicidaire, non loin de là, qui n'écoutait que d'une oreille les explications du guide et qui semblait d'ailleurs plus intéressé par les mats des bateaux que par les engins en général.
Chuuya soupira encore, se retenant d'aller lui faire la remarque. Il nierait probablement tout en bloc s'il lui posait vraiment la question, de toutes façons. Ou confirmerait en enchaînant sur une conversation portant sur le suicide. Dans les deux cas, cela n'intéressait absolument pas le rouquin.
Il entendit alors, un peu plus derrière lui, Atsushi et Oda parler chacun de l'ambiance morbide qui régnait chez les correspondants de l'un comme comme de l'autre. Il se posta à leur niveau pour écouter distraitement, se rappelant vaguement d'avec qui ils étaient -enfin, ce n'était pas bien compliqué non plus, vu ce qu'ils décrivaient.
-J'ai beau essayé de lancer la conversation, je m'embrouille dans ce que je dis et ils me regardent tous fixement comme si j'avais sorti une énormité, alors je bafouille encore plus et au final j'arrête d'essayer, murmura Atsushi, désemparé.
-Moi, il m'écoute, mais il ne parle que très peu. J'ai l'impression qu'il est timide, mais en même temps c'est oppressant. Enfin, peut-être que tu devrais essayer plus longuement sans abandonner, c'est la clé pour se faire comprendre au départ ! tenta de le rassurer Oda.
-Oui, mais j'ai l'impression de m'adresser à des pierres. Ils n'ont aucune expression faciale, comme des fantômes...
-Si c'est des Akutagawa que tu parles, alors c'est tout à fait normal, dit soudainement Chuuya, faisant sursauter le gris qui ne l'avait pas encore remarqué. L'américain n'avait pourtant pas l'impression d'être si discret que cela.
-Oh, depuis quand êtes-vous là, monsieur...
L'autre interrompit sa formule de politesse d'un revers de main, peu désireux d'être traité de la sorte à son âge. Il n'y avait bien que les japonais pour être autant à cheval là-dessus. C'était une des raisons pour lesquelles il appréciait la vie en Amérique.
-Tu sais, je les connais depuis tout petit. Ne force pas avec eux. Ce n'est pas à toi de faire le premier pas. Tant qu'ils ne l'auront pas décidé, ils ne diront rien.
-Mais ils m'adressent à peine des regards, protesta Atsushi.
-Ils sont très vite agacés, plus tu essaieras et plus ils se braqueront. Je t'assure.
-Hmm... J'essaierai, murmura le gris en baissant la tête.
-Oh, et ils ne parlent pas vraiment le japonais, néanmoins ils le comprennent parfaitement, donc si jamais tu as vraiment besoin de quelque chose, n'hésite pas à leur demander, ajouta encore le rouquin, avant de se diriger vers Dazai, qui avait filé en douce par le petit escalier dérobé jusqu'au bateau le plus proche sans se faire remarquer par le guide.
-Merci, monsieur Nakahara ! lança Atsushi dans son dos, ce qui lui valu un regard glacial pour la formulation trop polie. Au moins, le gris il était un peu rassuré maintenant. Seulement un peu. Mais il allait essayer. Il ne se laisserait pas décourager pour si peu, après tout.
Malheureusement pour Chuuya, il n'était pas aussi discret que son correspondant. Le guide l'interrompit avant qu'il ne soit à l'intérieur du navire où son crétin de partenaire s'était engouffré. Il pesta intérieurement tout en comptant sur les japonais pour informer l'adulte qu'il était européen et qu'il n'avait, peut-être, pas compris.
Il ramena le brun par le col dix minutes plus tard, sous le regard excédé du guide et sous les flashs du téléphone de Naomi, qui, bien que collée à son frère, ne ratait pas une miette de la scène.
En effet, les deux se fichaient bien du guide, se criant à qui mieux mieux l'un sur l'autre. Dazai car il était sur le point d'"enfin réussir sa noyade", dans le pire des cas l'eau étant suffisamment froide pour qu'il fasse une hydrocution, et Chuuya parce qu'il avait dû lui courir après.
Les insultes fusaient tandis que la tension était palpable et qu'ils semblaient sur le point de se sauter dessus. Puis, excédé, le plus âgé finit par s'éloigner, non sans faire un doigt à son compagnon, qui tira la langue dans son dos.
Le guide, qui avait un peu blêmi, décida d'ignorer l'altercatio. Tant qu'elle ne se reproduisait pas, il n'était pas responsable, après tout. Il continua donc comme si de rien n'était. Tout se passa à peu près calmement. Les deux énergumènes étaient chacun vexés et à moitié boudeurs, donc pas forcément d'humeur à se crêper à nouveau le chignon sans bonne raison. Par conséquent, les seules choses que l'on entendait étaient les murmures que s'échangeaient les deux scientifiques. Ah, et les deux Tanizaki également, mais chacun préférait les ignorer.
Ils déjeunèrent ensuite dans une paix relative le pique-nique emporté à l'avance ou pris sur place, avec une heure de libre pour aller acheter des souvenirs s'ils le souhaitaient. Oda promit de raisonner son meilleur ami à Chuuya, lui permettant de profiter lui aussi un peu de cette heure de libre. Ce suicidaire allait vraiment le rendre chèvre, à force.
Il mangea en compagnie des deux Akutagawa et de Kyoka, en se demandant d'ailleurs si cette dernière s'entendait vraiment avec ses compagnons ou avec une quelconque personne. Elle avait l'air tout le temps renfermée sur elle-même, un peu comme Lovecraft. Quoi qu'un peu moins effrayante.
Il en profita pour parler un peu avec Ryunosuke de son correspondant, qui à force d'insistance finit par promettre qu'il « essaierait » de faire un petit effort. Il savait surtout que le rouquin était borné et qu'il ne céderait pas.
Entre ce correspondant ennuyant et son ami d'enfance, l'aîné Akutagawa était vraiment mal tombé, en y réfléchissant. On ne pouvait pas le laisser en paix? Il ne demandait pourtant pas grand chose...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top