Epilogue
Lorsque Carmen se réveilla ce matin-là, sa fiancée était encore profondément endormie. La jeune femme sourit en regardant le beau visage pâle qui émergeait des draps, autour duquel ses cheveux bruns étaient répandus comme une formidable cascade. Sous les draps, sa poitrine se soulevait et s'abaissait lentement, au rythme de sa respiration régulière. Le soleil du matin, à travers les rideaux turquoise et translucides, projetait des reflets aquatique sur ce teint clair, aux lèvres rosées encore des baisers échangés la veille.
La jeune femme étouffa un baîllement et s'habilla sans bruit, enfilant la robe noire qu'elle s'était offerte, la veille, dans un petit magasin de la place que bordait la rue Trajan. Puis, elle ceint d'un bandeau également sombre ses boucles de chocolat, saisit son sac et ss ballerines, et partit en fermant la porte à clef.
"Oyé Carmen! Comme d'habitude?" demanda le patron de la Dulce Alianza de son accent madrilène marqué, et la jeune fille hocha la tête avec un sourire. Il lui tendit, dans un petit sac de papier rosé, les viennoiseries andalouses habituelles, et elle paya rapidement, rendue joyeuse par l'air frais des matins d'automne qui éclairent Almeria. En quittant la boutique, elle se promena un instant dans la Grande Avenue, à l'ombre de l'immense ficus centenaire, qui débouchait sur la Rambla. Là, elle rit de bon coeur lorsqu'un mime qui l'abordait disserta avec elle, dix minutes durant, d'un sujet auquel elle ne comprenait rien puisqu'elle ne connaissait pas lenguage des signes. Cependant, elle croisa le regard de la statue d'ivoire, et des frissons lui parcoururent l'échine. C'était une sculpture, taillée dans une pierre blanche et couverte d'ivoire, qui avait été offerte à la commune pendant les années franquistes pour une raison inconnue. Elle représentait une jolie jeune fille, pétrifiée dans un élan où le drapé de sa robe de pierre voletait, tournée vers le soleil. Erin avait toujours vécu dans cette ville, et ses connaissances appréciaient toutes la statue, pourtant ce visage mystérieux, figé dans la pierre aveuglée de soleil, l'effrayait toujours autant.
Lorsque la jeune femme entra dans leur appartement, sa fiancée était déjà habillée, se préparant un café au lait comme à son habitude. Elle sourit en reconnaissant l'habituel parfum de vanille qui flottait dans la pièce.
"Salut, je suis rentrée! sourit-elle en effleurant ses lèvres d'un baiser.
-Comment ça va mon amour? Bien dormi?
-Absolument. J'apporte le petit déjeuner. Dulce Alianza, comme d'habitude.
-Oh, tu me donnes faim! Au fait, Harry a appelé pendant que tu étais partie. Tu es libre pour sortir ce soir? Ils veulent retourner à leur bar suédois, tu sais, celui avec le yaourt grec écoeurant.
-Avec plaisir, ça faisait longtemps que je ne les avais pas vus. Et puis j'aime bien ce yaourt grec, moi...
-Merveilleux, oh et, c'est l'anniversaire de Sarah samedi, tu peux te libérer?
-Bien sûr mon ange. J'adore ta cousine, elle est vraiment adorable."
Alors, elle remarqua le poste de radio qui émettait de la musique classique, choix surprenant de la part de sa promise.
"Tu écoutes quoi?
-Ça? Oh, je suis tombée dessus en allumant la radio, et j'ai pas eu envie de changer c'est tout. C'est joli...
-Euh, si tu veux. Eh, amour, ça va? Tu as l'air triste.
-Moi? Ah non ça va, tout va bien. Tout va bien."
Lucie ferma les yeux et se laissait envelopper par le chant de la radio. Cette mélodie était étrangement familière, comme si elle l'avait déjà entendue très, très longtemps auparavant. Elle avait l'impression que cela lui évoquait quelque chose, comme un beau souvenir enfoui au fond de sa mémoire, mais impossible de se rappeler quoi.
C'était Le Voyage d'Hiver, de Schubert.
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