Dernier chapitre.
Je marche comme une ivrogne dans les rues d'Almeria. Je suis probablement saoule en fait, saoule de soleil et d'épuisement, j'ai marché toute la nuit et toute la matinée pour retrouver mon chemin dans le désert andaloux. J'ai soif. Je suis fatiguée, j'ai mal aux pieds et à la tête, rien de tout ça n'a d'importance le tatouage a disparu.
J'arrive chez moi. Est-ce que c'est seulement chez moi? Est-ce que quoi que ce soit est réel? Je grimpe par la gouttière dans ma chambre, et j'ouvre la fenêtre. Et je me déshabille. La lumière bleue est là, sur ma peau, embrassant les lignes de mon aile cassée et je soupire de soulagement. La robe blanche, aussi, est là. Quand j'ai fini de respirer, quand je suis gorgée de l'éclat incandescent qui transperce mes stores, je l'enfile et je redeviens le fantôme, la poupée blanche que j'ai toujours été. J'entrouvre la porte; elle grince sur le couloir sombre. Et puis j'appelle:
"E-Eléanore?"
Pas de réponse.
Un peu plus fort, un peu moins sûr:
"Eléanore?"
Une femme ouvre une porte, et apparait devant moi. Elle est brune, avec de longues boucles sombres et des yeux presques noirs, la parfaite andalouse. Je ne l'ai jamais vue.
"Qui est Eléanore? Et qui êtes-vous?"
Elle a une voix grave et profonde, un peu rauque, avec un accent marqué. Je m'enfuis en courant.
La plage. Là où je reviens, encore, toujours. C'est ça le moyen, la solution depuis le début, c'est le Voyage d'Hiver. C'est là que je reviens parce que c'est le seul moyen d'échapper à l'été, au soleil dévorant d'Almeria qui m'éblouit et qui m'aveugle. Et c'est trop tard de toute façon, le tatouage a disparu. Je me suis faite bouffer par le soleil d'été. Alors je garde ma robe blanche, je n'ai plus peur de l'eau aujourd'hui, et j'entre dans l'écume. Elle est glacée, le choc me pétrifie. Je suis la statue d'ivoire de la Rambla. Je regarde mon tatouage, lavé par l'eau salée, et je ne pleure pas. Je suis nue, je suis toute nue dans ma robe blanche et je ne parviens plus à respirer. C'est le voyage d'hiver. Je fuis, je fuis enfin l'été d'Almeria.
Mais je lève la tête hors de l'eau, et j'inspire une bouffée d'air. Le soleil est là, immense, juste au dessus de ma tête.
Et comme ça,
Entre l'hiver et l'été déchiquettés,
Je ne meurs pas, je disparais.
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